Le Pôle Meurtrier (Illustré) - Robert Falcon Scott - E-Book

Le Pôle Meurtrier (Illustré) E-Book

Robert Falcon Scott

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Beschreibung

La traversée de la Nouvelle-Zélande à la Terre Victoria fut féconde en péripéties. La tempête, l’ouragan assaillirent presque sans trêve la Terra-Nova qui finalement se trouva, durant vingt et un jours, emprisonnée dans la banquise. Le 2 janvier 1911, le vaillant petit navire abordait dans la baie de Mac Murdo, entre le volcan Érébus et la Terre Victoria. Et aussitôt commençaient l’édification et l’aménagement de la maison qui devait devenir le quartier général de l’expédition et qui avait été amenée démontée. Après quoi on travailla au débarquement des provisions. Ce fut une besogne laborieuse. Il y avait tant de choses à transporter de la Terra Nova jusqu’aux quartiers : vivres, charbon, pétrole, approvisionnements, automobiles, instruments scientifiques, livres, matériel de campement et de cuisine, etc., etc… Durant huit jours les attelages de poneys et de chiens firent la navette entre le bord et la station. Le 11 janvier, l’installation des quartiers d’hiver était achevée.

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LE PÔLE MEURTRIER

JOURNAL DE ROUTE DU CAPITAINE SCOTT

Adaptation Charles Rabot

1914

© 2022 Librorium Editions

ISBN : 9782383834700

 

 

 

I. — EXPÉDITION PRÉPARATOIRE

Départ de la Terra-Nova. — Arrivée et séjour en Nouvelle-Zélande. — Départ pour l’Antarctique. — Installation des quartiers d’hiver. — Débuts de la caravane sur la Grande Barrière. — Chiens et poneys. — One Ton camp, terminus de l’expédition préliminaire. — Un accident. — Amundsen est là ! — Perte de trois poneys. — La caravane surprise par la débâcle. — Dramatique sauvetage. — Retour à la pointe de la Hutte. — Aménagement de la cabane. — Emprisonnés par la mer libre. — Retour au cap Evans des escouades d’exploration. — Arrivée aux quartiers d’hiver.

 

II. — L’HIVERNAGE

Aux quartiers d’hiver. — Travaux et conférences scientifiques. — Excursion à la station du cap Roys. — La fête du solstice d’hiver. — Blizzard terrifiant. — L’expédition au cap Crozier. — Son retour aux quartiers d’hiver. — Exposé du programme de la marche vers le Pôle. — Excursion à la Terre Victoria. — Inquiétudes causées par certains poneys. — Départ des autos pour la Grande Barrière.

 

III. — SUR LA GRANDE BARRIÈRE

Étapes pénibles. — Abandon des automobiles. — Arrivée à l’One Ton Camp. — Les « roses » résistent. — Mauvais temps constant et marches épuisantes. — La terre en vue dans le Sud. — La neige molle cause de terribles difficultés. — Effroyable blizzard. — La caravane bloquée pendant quatre jours par la neige et la tempête. — Fin de la Grande Barrière. — Les derniers poneys sont abattus.

 

IV. — L’ASCENSION DU GLACIER BEARDMORE

Pénible ascension. — Cinq jours dans des fondrières de neige. — Premier dépôt établi sur le glacier. — Retour des attelages de chiens. — Lenteur de la marche. — L’escouade d’Atkinson bat en retraites.

 

V. — SUR LE PLATEAU POLAIRE

Marche plus facile. — Une étape de 28 kilomètres. — Chute dans une crevasse. — La Noël. — Plantureux dîner. — Difficultés avec les traîneaux. — Le dépôt des Trois degrés. — Le 1er janvier 1912, la caravane est à 272 kilomètres du Pôle. — Retour en arrière de l’escouade du lieutenant Evans. — L’escouade de Scott seule sur la route du Pôle.

 

VI. — AU PÔLE

L’arrivée au Pôle. — Cruelle déception à la vue du drapeau planté par les Norvégiens conduits par Amundsen. — Le retour. — Étapes affreusement pénibles. — Froids excessifs. — Le sous-officier Evans devient fou. — Il meurt. — Situation de plus en plus critique.

 

VII. — LE DÉSASTRE

Froids terribles. — Piste de plus en plus mauvaise. — Oates a les pieds gelés et ne peut plus marcher. — Sa grandeur d’âme. — Sa mort héroïque. — La fin n’est plus loin pour les autres. — Les adieux de Scott aux siens, à ses amis. — Son noble message au public.

 

 

 

 

LA « TERRA-NOVA » DANS LE DÉTROIT DE MAC MURDO.

 

LE PÔLE MEURTRIER

JOURNAL DE ROUTE DU CAPITAINE SCOTT

Adapté par M. Charles Rabot

 

I. — EXPÉDITION PRÉPARATOIRE

 

Départ de la Terra-Nora. — Arrivée et séjour en Nouvelle-Zélande. — Départ pour l’Antarctique. — Installation des quartiers d’hiver. — Débuts de la caravane sur la Grande Barrière. — Chiens et poneys. — One Ton camp, terminus de l’expédition préliminaire. — Un accident. — Amundsen est là !

 

 

LE CAPITAINE OATES ET QUELQUES-UNS DES PONEYS SUR LA « TERRA NOVA ».

[La Terra-Nova, qui portait aux terres antarctiques la mission dirigée par le capitaine Scott, quitta Cardiff le 15 juin 1910 pour arriver à Lyttelton, en Nouvelle-Zélande, dans la seconde quinzaine d’octobre. Plusieurs semaines furent employées, dans ce port, par la mission, à terminer ses préparatifs et notamment à installer à bord les poneys expédiés directement de Mandchourie. Le 25 novembre, la mission faisait route vers le Sud. Elle comptait 33 personnes dont 19 formant l’état-major (officiers ou naturalistes). Elle était munie des moyens de transport les plus pratiques : 34 chiens, 19 poneys, 3 traîneaux automobiles et 45 traîneaux ordinaires de 3 m. 60, 3 m. 10 ou 2 m.70.

La traversée de la Nouvelle-Zélande à la Terre Victoria fut féconde en péripéties. La tempête, l’ouragan assaillirent presque sans trêve la Terra-Nova qui finalement se trouva, durant vingt et un jours, emprisonnée dans la banquise. Le 2 janvier 1911, le vaillant petit navire abordait dans la baie de Mac Murdo, entre le volcan Érébus et la Terre Victoria. Et aussitôt commençaient l’édification et l’aménagement de la maison qui devait devenir le quartier général de l’expédition et qui avait été amenée démontée. Après quoi on travailla au débarquement des provisions. Ce fut une besogne laborieuse. Il y avait tant de choses à transporter de la Terra Nova jusqu’aux quartiers : vivres, charbon, pétrole, approvisionnements, automobiles, instruments scientifiques, livres, matériel de campement et de cuisine, etc., etc… Durant huit jours les attelages de poneys et de chiens firent la navette entre le bord et la station. Le 11 janvier, l’installation des quartiers d’hiver était achevée.

 

LA « TERRA NOVA » PENDANT LA TEMPÊTE : LA MANŒUVRE DES POMPES.

 

Aussitôt Scott s’occupa de préparer la marche de la caravane vers le Pôle, qui aurait lieu après l’hivernage et, pour cela, il résolut d’aller organiser une série de dépôts de vivres échelonnés de distance en distance sur la route de l’Extrême-Sud et destinés à servir de points de ravitaillement au groupe qui marcherait plus tard à la conquête du Pôle.

Le détachement qui devait accomplir cette expédition, en quelque sorte préparatoire, se composait, outre Scott, de 11 hommes, 8 poneys et 26 chiens. Il s’agissait tout d’abord de parcourir, avant d’arriver à la Grande-Barrière, 39 kilomètres sur la banquise accolée à la côte orientale de la baie de Mac Murdo. La route était dangereuse à suivre, par suite d’un dégel rapide. Aussi Scott se décida-t-il à faire transporter par la Terra-Nova les poids lourds, véhicules et approvisionnements, jusqu’au delà d’un promontoire désigné sous le nom de Langue du Glacier, en un point où les poneys, conduits en main, viendraient rejoindre le détachement débarqué du navire.

C’est le 24 janvier que Scott s’embarqua sur la Terra-Nova pour faire cette petite traversée. Deux jours après, le 26, il quittait définitivement la Terra-Nova qui, de son côté, ne tardait pas à retourner en Nouvelle-Zélande où elle devait séjourner une année avant de revenir dans l’Antarctique pour retrouver les explorateurs et les ramener en Europe.

Nous publions, à partir de cette date, le journal de route du capitaine Scott.]

 

CARTE DES RÉGIONS ANTARCTIQUES.

Jeudi, 26 janvier 1911. — Avant de quitter le bord, j’ai fait assembler l’équipage pour le remercier du précieux concours qu’il m’a apporté. Tous se sont comportés comme des braves ; jamais navire n’a été monté par des hommes plus solides ni plus dévoués… Nous voici maintenant en route avec l’énorme chargement que nous avons à transporter. Quel sera le résultat final de cet effort ? Trois jours nous sont nécessaires pour arriver sur un terrain sûr. Pourvu que la banquise ne se brise pas avant que nous ayons pu atteindre la Barrière !

Vendredi, 27 janvier. — Nous bivouaquons à 1 600 mètres environ au sud du cap Armitage. Une fois les tentes dressées, je me suis avancé vers l’Est jusque par le travers de Pram Point. Au delà du cap, la glace est terriblement mince. Un grand détour est donc nécessaire pour éviter ce passage dangereux.

Le reste du détachement s’est rendu à la hutte de la Discovery[1] pour essayer de dégager les piles de boites de conserves enfouies dans la neige. Cette première tentative demeure infructueuse ; la masse glacée est très dure et des semaines de travail seront nécessaires pour arriver à un résultat. En tout cas, il y a là de nombreuses caisses de biscuits, de beurre et de cacao, etc. ; nous sommes donc assurés de ne pas manquer de vivres si, au retour de notre expédition, nous sommes bloqués par la mer libre.

Ce soir, les chiens sont très fatigués. Ces animaux ne peuvent tirer de lourdes charges ; ils sont épuisés pour avoir traîné 225 kilos à une allure de tortue, et l’attelage ne comptait pas moins de onze bêtes. Meares a fixé leur ration quotidienne à 300 grammes de biscuit. Évidemment c’est trop peu. Les poneys font d’excellente besogne ; ils tirent allégrement de 360 à 405 kilos, et aujourd’hui ils auraient pu fournir une étape un peu plus longue, assure Oates.

Samedi, 28 janvier. — Les poneys sont allés chercher les dernières charges à notre premier campement. Pendant ce temps, je pars reconnaître le terrain au Sud ; dans cette direction, nous devons contourner une grande chaîne de monticules engendrés par la pression de la glace. Ces monticules ont été créés tout récemment. Les entassements de glaçons brisés par la pression finissent à l’est du point où j’arrive : au delà, la dislocation se traduit simplement par une énorme vague en forme de dôme. Le creux de cette ondulation est occupé par une nappe d’eau dans laquelle grouille une troupe très nombreuse de phoques. Les uns dorment, tandis que d’autres s’ébattent dans le bassin.

Dans l’après-midi, la cavalerie parcourt d’abord 4 kilom. 4 dans le Sud pour traverser cette dislocation, puis 2 kilomètres dans l’Est jusqu’au front de la Barrière, et ensuite fait l’ascension de cet immense glacier.

Après une trotte d’environ 800 mètres, les bêtes sont déchargées : juste à ce moment elles commençaient à enfoncer profondément. Lorsque nous atteignons le glacier, à 400 mètres au Nord, quelque chose de noir apparaît à sa surface : ce sont les sommets de deux tentes presque entièrement enfouies ; elles proviennent de l’expédition Shackleton, supposons-nous. Tout le détachement est plein d’ardeur ; il eût été certes difficile de réunir un groupe d’hommes plus capables de mener à bien notre entreprise.

Dimanche, 29 janvier. — Après le déjeuner, j’ai lu l’office divin. Excellente journée. Les sept meilleurs poneys ont effectué deux voyages à la Barrière, en couvrant ainsi 23 kilom. 3, dont la moitié avec de lourdes charges. Aucun ne paraît fatigué de cette longue étape.

Les chiens font merveille ; de jour en jour ils paraissent plus en forme. Ils ont transporté un premier chargement à 3 kilom. 8 au delà du point de la Barrière où sont actuellement rassemblés les approvisionnements. À cette distance sera établi le Safety Camp (camp de la Sécurité), le principal dépôt destiné à servir de base d’opérations à l’expédition.

L’après-midi, les chiens exécutent un second voyage et apportent à Safety Camp un nouveau chargement. Ils ont ainsi couvert 44 kilom. 4 dans la journée : un joli résultat. Evans et moi avons transporté à pied une charge par delà la ligne de pression. Il ne reste plus à amener sur la Barrière que le matériel de campement. Une fois que nous aurons installé le Safety Camp, nous pourrons y demeurer aussi longtemps que nous le voudrons avant le départ pour le Sud, mais, une fois en route, nous devrons marcher vite. Le thermomètre varie de −12°,7 la nuit à −4°,4 le jour ; température très propice pour le traînage.

 

LA MAISON ET UNE VUE DU CAMP, UNE SEMAINE APRÈS L’ARRIVÉE AU CAP EVANS.

Lundi, 30 janvier. — Safety Camp. 77°55′ de latitude. Après l’étape du matin, nous déjeunons et tenons un véritable conseil, dans lequel j’expose mon plan de campagne. Je propose de partir avec cinq semaines de vivres et, au bout de douze ou treize étapes, d’établir un dépôt contenant des approvisionnements pour une quinzaine ; après quoi on battra en retraite. Pour cette expédition, les charges des poneys seront de 280 kilos et celles des attelages de chiens de 325 kilos, non compris le poids des traîneaux. Si la surface du glacier est bonne, ce qui est douteux, les poneys devront accomplir aisément ce trajet ; par contre peut-être faudra-t-il alléger les chiens ; en tout cas, nous ne pouvons faire mieux. Cet après-midi, monté sur mes skis, je suis parti en reconnaissance. Jusqu’à une distance de 3 200 à 4 800 mètres le terrain est toujours aussi mauvais. Bowers, Garrard et trois hommes sont allés dégager les tentes de Shackleton. Ils y trouvent un réchaud, des provisions et les vestiges d’un repas hâtivement abandonné. Une tente était pleine de glace produite par le gel des eaux de fusion. Si les tentes de l’expédition Shackleton ont tenu aussi longtemps, nous n’avons pas à craindre que notre matériel soit exposé en ne demeurant ici qu’un hiver. Demain, nous passerons la revue des provisions, construirons le dépôt et chargerons les traîneaux.

Mardi, 31 janvier. — Tout est paré pour le départ. Cet après-midi un poney essaie l’unique paire de raquettes que nous possédions pour les chevaux. L’expérience réussit admirablement. Munie de ces engins, la bête avançait aussi facilement que si elle se fût trouvée sur un terrain ferme, alors que, sans raquettes, elle enfonçait profondément. Oates n’avait auparavant aucune confiance dans ces disques et, pour ma part, je croyais qu’avant de pouvoir s’en servir il eût fallu soumettre à un long apprentissage les animaux même les plus paisibles. Une demi-heure après, Meares et Wilson partaient chercher un lot de ces raquettes à la station du cap Evans, distant de plus de 32 kilomètres. Peut-être la banquise n’est-elle pas encore complètement disloquée et leur sera-t-il possible de revenir, sans trop de difficultés, à nos quartiers d’hiver ?

Mercredi, 1er février. — Une journée d’inaction relative et de désappointement. Meares et Wilson sont rentrés à midi. Au delà des îles Razor Back, la mer était libre ; par suite, ils n’ont pu atteindre le cap Evans et rapporter les fameuses raquettes. Notre seul espoir maintenant, c’est que la surface de la Barrière devienne de plus en plus consistante à mesure que nous nous éloignerons de la mer. Mais combien précaire est cette espérance ! En tout cas, c’est déjà un résultat d’avoir découvert le moyen de triomphes de la neige molle. Demain nous repartirons : Atkinson, étant éclopé, demeurera ici avec Crean.

 

LES PINGOUINS À LA PROMENADE.

Mardi, 2 février. — Nous nous sommes ébranlés vers 10 h. 30. À mon grand étonnement, les poneys n’enfoncent guère, et pendant plus d’une heure la colonne avance assez rapidement. Plus loin, la piste est moins bonne. Cet état de la neige, si différent de celui que nous nous attendions à rencontrer, nous détermine à dormir le jour et à marcher désormais la nuit et le matin, c’est-à-dire pendant les heures où la température est basse. Les poneys se reposeront mieux durant la période chaude de la journée ; c’est là un avantage à considérer, même si la piste ne devient pas meilleure la nuit. Hier, une fois le vent tombé, la température s’est abaissée à 20°,1 sous zero. Aujourd’hui, temps chaud et calme.

Vendredi, 3 février. — Départ à minuit trente. Nous faisons 14 kilom. 4. À la fin de l’étape, la neige semblait s’affermir, lorsque, au moment de camper, le poney de Bowers, qui tient la tête de la colonne, enfonce. Plusieurs autres qui marchent sur ses talons commencent à barboter à leur tour, et bientôt trois chevaux se débattent dans une nappe de neige molle.

Nous munissons de raquettes le cheval de Bowers. Après avoir pendant quelques minutes marché un peu gauchement, il s’habitue à ces engins et peut être attelé aux traîneaux laissés en détresse. Sans broncher, la bête passe sur la même plaque où elle avait auparavant enfoncé. Que ne possédons-nous un grand nombre de ces raquettes ! Sept chevaux pourraient certainement en être munis, et même, après quelques essais, le huitième, celui d’Oates. Ainsi chaussés, les chevaux haleraient sans aucune difficulté leurs charges sur les champs de neige molle. Combien il est énervant de penser que nous avons négligé d’emporter ces engins, qui nous auraient rendu de si grands services !

Après avoir soufflé pendant tout le jour, le vent du Sud-Ouest tombe et le ciel est couvert. J’écris mon journal après un somme de neuf heures, tandis que mes camarades reposent encore. L’emploi des poneys sur la Barrière entraîne des arrêts prolongés. D’après l’ordre de marche adopté, les chiens partent une heure et même plus après la colonne, et arrivent au campement suivant peu de temps après que les poneys ont été mis au piquet. Ils tirent très bien, l’attelage de Meares surtout, mais ils sont tant soit peu difficiles. Sous le harnais, en général ils donnent l’impression que la concorde règne entre eux, ils vont paisiblement côte à côte, épaule contre épaule, et, quand ils font halte, ils ont l’attention d’enjamber ceux qui sont déjà couchés. Mais l’occasion d’une ripaille se présente-t-elle, aussitôt leurs passions s’éveillent, chacun regarde de travers son voisin, et, pour le plus futile prétexte, se jette sur lui. Si en marche leurs traits viennent à s’emmêler, leurs instincts batailleurs se manifestent non moins brutalement. Un attelage paisible, qui un instant auparavant cheminait nonchalamment en remuant la queue, devient soudain une bande de démons hurlants qui se déchirent à pleines dents les uns les autres. Ce sont les manifestations de sauvagerie qui déterminent l’homme à sacrifier délibérément ces animaux lorsqu’il le faut, malgré le concours précieux qu’ils apportent à des entreprises comme celle que nous nous proposons.

Samedi, 4 février. — Nous sommes arrivés au Corner Camp (campement du Coin), après une excellente marche de nuit de 16 kilomètres. Au début, mauvaise piste ; pendant 3 kilomètres, les poneys enfoncent beaucoup, tandis que, avec ses raquettes, le cheval de Bowers avance facilement. Ensuite, la surface devient meilleure et l’allure plus régulière. À 8 kilomètres du précédent bivouac, campé pour la grande halte. Pendant la seconde partie de l’étape, cela marche encore mieux, le seul incident est la traversée de plusieurs crevasses. Le poney d’Oates fourre ses jambes dans deux de ces trous et enfonce dans un troisième. Trois kilomètres environ avant la fin de l’étape, les fentes disparaissent. Pendant la dernière partie de la marche, terrain très résistant, par suite traînage facile. Je redoute un blizzard.

Dimanche, 5 février. — Hier, vers 4 heures du soir, le blizzard a fondu sur nous. D’abord, vingt-quatre heures durant, le vent souffle relativement modéré, puis, tournant un peu à l’Ouest, il devient beaucoup plus fort. Actuellement il est très violent et soumet notre frêle petite tente à une rude épreuve. Nous espérons la fin prochaine du mauvais temps sans y compter beaucoup cependant : nous ne sommes pas loin du cap Crozier, et dans cette région les blizzards sont longs. Boire, manger, dormir et causer de temps en temps, telles sont nos occupations pendant la tourmente.

Lundi, 6 février. — La nuit dernière le vent a encore augmenté et toute la journée il a soufflé avec une très grande force. Par un pareil temps les sorties manquent d’agrément, mais il n’y a pas de « carottiers » parmi nous. Aux heures habituelles, Oates, Meares et Wilson sont allés donner leur pitance aux animaux ; et les autres n’hésitent pas non plus à accomplir la besogne qui leur incombe.

Les chevaux supportent assez bien ce mauvais temps ; de grands perfectionnements devront cependant être apportés à leur vestiaire. Les chiens, eux, semblent jouir du bonheur parfait. Ils sont couchés en rond sous la neige et abandonnent seulement à l’heure des repas leurs trous chauds. Par bonheur, la température est élevée. À quelle épreuve de patience nous soumet ce blizzard : plus de cinquante heures perdues et aucun signe précurseur de la fin de la tourmente ! Les amas de neige chassée par le vent sont très hauts, plusieurs traîneaux sont presque enfouis.

 

FORMATION DE CRÊTES DE GLACE DEVANT LE CAP EVANS.

Mardi, 7 février. — Toute la nuit la tempête a continué ; ce n’est qu’aujourd’hui, à 8 heures du matin, qu’elle mollit. Deux heures plus tard, un pan de ciel bleu est visible entre le Sud-Ouest et l’Ouest, en même temps l’île Blanche, le Bluff et les montagnes occidentales[2] se découvrent très nets. Dès que la brise est tombée, nous nous livrons à divers travaux, nous dégageons les traîneaux, réparons l’abri des poneys. À 11 heures, un nuage noir apparaît dans le Sud ; pas de doute, la tempête va reprendre, et en effet, à 1 heure de l’après-midi, le chasse-neige recommence.

À 5 heures du soir, tandis que j’écris mon journal, de nouveau le vent a « calmi » et le soleil brille.

Mercredi, 8 février. — Nous venons de terminer l’étape de nuit 16 kilom. 2. Les poneys ont été éprouvés par le blizzard. Pendant la tempête ils n’ont probablement pas dormi ; tous semblent engourdis et deux ou trois ont fort maigri. La journée est claire et belle. Afin de redonner de la vigueur à la cavalerie, ses rations sont augmentées ; dans l’état où elle se trouve, elle ne pourra pas supporter beaucoup d’autres blizzards. Avant tout, il importe de ne pas nous exposer à perdre les poneys. Les chiens restent très vigoureux. Pour eux, la tourmente n’a été qu’un agréable temps de repos.

Jeudi, 9 février. — Bonne marche de nuit, surface excellente, mais, à l’exception d’un ou deux, les poneys n’ont que des charges très légères. Étape froide, avec un léger vent debout et une température d’une vingtaine de degrés au-dessous de zéro. Hier dans la journée, il a fait chaud au soleil ; aujourd’hui, il en sera de même, semble-t-il. Si ce temps continue, nous n’aurons aucune crainte pour les poneys. La principale cause de leurs souffrances provient de la minceur relative de leur toison.

Vendredi, 10 février. — À 11 h. 30 du soir, Oates annonce que les bêtes sont prêtes à être attelées. Aussitôt commence le branle-bas d’appareillage, un long travail rendu pénible par le froid. La brise vous glace les mains, tandis que les pieds ne sont guère plus chauds. On commence par débarrasser les poneys de leurs couvertures, et à les harnacher ; après quoi on charge les tentes et le matériel de campement, puis on remplit les musettes pour la prochaine halte ; on détache ensuite les chevaux un à un et on les attelle. En avant ! Les poneys ont froid, et au commandement ils partent sans qu’il soit besoin de leur rendre la main ; un ou deux prennent même immédiatement une allure rapide.

Sur les sastrugi glissants, les mocassins en peau de renne ne mordent pas. Aussi, au début, les conducteurs gardent-ils difficilement l’équilibre et le pas de marche. Dix minutes après le départ, tout le monde est réchauffé ; dès lors, la colonne prend un train régulier. Une lumière diffuse empêche de distinguer les inégalités de la piste, et à tout moment nous glissons et oscillons sur nous-mêmes ; parfois même des chutes se produisent. Ce sont les seuls incidents de la marche. Les poneys les plus faibles restent un peu en arrière, mais à la première halte, rejoignent le gros. Maintenant nous ne nous arrêtons plus qu’une seule fois, à moitié route. La nuit dernière, le froid était trop vis pour demeurer longtemps au repos et, après quelques minutes d’arrêt, de nouveau nous étions en route.

Lorsque la fin de l’étape approche, je donne un coup strident de sifflet. À ce signal, la caravane prend la formation de campement : Bowers converge vers la gauche ; ses compagnons de tente suivent le mouvement en gardant entre eux la distance suffisante pour tendre les cordes des piquets ; Oates et moi, nous nous arrêtons à droite de Bowers ; Evans et les deux autres traîneaux un peu plus loin. La ligne des piquets pour la cavalerie se trouve ainsi perpendiculaire à la direction de la route. Quelques minutes plus tard, les poneys sont attachés et couverts, les tentes montées et les réchauds allumés.

Pendant ce temps, les attelages des chiens, après une longue et froide attente au camp précédent, ont chargé les derniers bagages et ont emboîté nos traces. Presque toujours ils nous rejoignent au moment où nous dressons les tentes. La grande halte dure d’une heure à une heure et demie et l’étape se termine vers 8 heures du matin. En général, une heure et demie après l’arrivée au camp, la plupart d’entre nous se fourrent dans leurs sacs de couchage. Telle est notre existence. À chaque bivouac, toutes les précautions sont prises pour protéger les poneys du froid et du vent. À cet effet, autour de chaque cheval on élève de petits murs de neige.

 

CRAQUELURES DANS LA BANQUISE PRODUITES PAR DES PRESSIONS.

Samedi, 11 février. — Étape de 17 kilom. 6, à la fin de laquelle tous les poneys sont fatigués.

Dimanche, 12 février. — Décidément la piste devient mauvaise. Fréquemment, les poneys enfoncent très profondément. Ciel couvert, très sombre dans le Sud, la neige menace. Très difficile de tenir la route. Nous approchons du 79°. Je décide de renvoyer sur l’arrière le lieutenant Evans, Ford, Keohane et les trois poneys les plus faibles. Avec les cinq autres chevaux dont l’état s’est amélioré, nous poursuivrons pendant quelques jours encore notre marche en avant.