Le secret de l'alchimiste - Daniel Hourès - E-Book

Le secret de l'alchimiste E-Book

Daniel Hourès

0,0

Beschreibung

Le secret mythique de Nicolas Flamel traverse les siècles et continue aujourd'hui encore à bousculer la vie de multiples hommes et femmes...

1382 : Après mille péripéties, Nicolas Flamel, libraire-copiste, découvre le secret des transmutations des métaux vils en or. À la mort de l’alchimiste, en 1418, Roland, son fils spirituel, se fait assassiner par des malandrins qui le dépouillent de la formule magique. Le manuscrit se retrouve dans les caves du Vatican.

Les siècles passent …

De nos jours : Un hacker, commandité par une secte, parvient à percer les archives du Vatican pour dérober le manuscrit.
L’archiviste du Vatican mandate un mercenaire pour retrouver le voleur.
Parallèlement, un couple part en weekend d’amoureux, pour Malte. Ils vont être mêlés à cette sombre histoire de manuscrit, sans vraiment imaginer l’issue tragique de leur périple.
Les deux histoires, qui, à priori, n’ont rien à voir entre elles, s’entremêlent et donnent lieu à de multiples rebondissements.

Ce roman historique, ésotérique et policier tient en haleine jusqu'au final des aventures des personnages. Suspense, surprises, courses effrenées et mytères sont au rendez-vous dans ce nouveau roman de Daniel Hourès.

EXTRAIT

Le couple après quelques minutes d'attente autour du buffet revient s'attabler, sans se soucier de quoique se soit. Ils profitent de la douceur du soleil, ils traînassent devant leur petit-déjeuner. Ils se sentent bien.

Le voleur armé d'une désinvolture hors du commun, sourit, salue les clients de l'hôtel qu'il croise tout en se dirigeant vers l'ascenseur. Direction deuxième étage. Au fond du couloir une femme de chambre commence à faire le ménage, il pousse l'arrogance de saluer d'un geste de la main. Un regard à droite puis à gauche, personne à l'horizon et introduit la clef dans la serrure. Délicatement, il ouvre la porte sans la fermer complètement pour mieux entendre si, par hasard, les occupants des lieux arriveraient inopinément. Le voleur commence à fouiller la valise à la recherche de bijoux, d'argent ou d'un quelconque précieux butin facilement transportable. Il ne trouve rien d'intéressant.

Au même moment, Paul Legendre pénètre dans le hall de l'hôtel avec la valise de Jean-Luc. Très vite, il se dirige, le plus discrètement possible, vers l'ascenseur. Son look négligé pourrait attirer l'attention du personnel. Personne ne l'a vu. Il lui faut à peine deux minutes pour se retrouver devant la chambre 267. La porte restée entrebâillée, Paul la pousse doucement et surprend le voleur en train de balancer les vêtements au sol, à la recherche d'objets couteux pour les monnayer plus tard. Il comprend très vite la situation, assurément ce n'est pas l'occupant de la chambre. Silencieusement, il l'observe.

CE QU'EN DIT LA CRITIQUE

"Daniel Hourès a bien réussi ces deux histoires qui s’entremêlent même si au début de la lecture, rien ne semble être relié. La plume de Daniel est captivante, et l’histoire est entraînante, on peut découvrir de pages en pages, le grand intérêt de l’auteur pour des faits historiques, il dégage une belle atmosphère. J’ai adoré ma lecture, un nouvel auteur que je viens de découvrir, merci !" - Martine sur Babelio

"Un super roman. Ce roman historico-policier lie l'histoire (de Nicolas Flamel -l'alchimiste) avec une histoire qui se passe de nos jours. Je le recommande. Je l'ai lu d'une traite !" - Marmin sur Babelio


A PROPOS DE L'AUTEUR

Daniel Hourès ex-journaliste a déjà écrit 49 livres, pour la plupart dans le domaine de l'ésotérisme et des religions.
Pour son cinquantième ouvrage, il a voulu se confronter à une autre écriture celle du roman ( Les clefs de l'innocence).

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 197

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Daniel HOURÈS

Cet ouvrage a été composé par les Éditions Encre Rouge

®

7, rue du 11 novembre – 66680 Canohes

Mail : [email protected]

Paris, Mai 1357.

Au XIVème siècle, Paris est insalubre, la capitale sent mauvais et tout particulièrement dans ce quartier populaire, proche de l'église Saint Jacques de la Boucherie, jouxtant la Seine. Les rues sont boueuses et jonchées de détritus. On jette sur la voierie publique toutes sortes de déchets, seuls les cochons sont heureux. Ils errent librement, se délectant de ces immondices. Les rats et autres immondes bestiaux y pullulent à foison. Dans ce faubourg se côtoient, dans une disparité inénarrable, les échoppes des tanneurs qui dégagent une odeur pestilentielle, les bouchers qui égorgent leur cheptel à même les rues, dont le sang se déverse au beau milieu de la chaussée, les clients impétueux des tavernes n'hésitant pas à se soulager en pleine rue, des gosses qui jouent tapageusement, des adultes s'apostrophant bruyamment tandis que d'autres se disputent sans ménagement, sans oublier les marchands ambulants qui hèlent les passants en braillant de tout leur soûl. En plus de ce capharnaüm indicible, il y règne un tintamarre insupportable. C'est dans cette promiscuité populaire que Nicolas Flamel a choisi délibérément cet endroit pour élire domicile, il aime le peuple et tout ce qui s'y rapporte, en bien comme en mal. Pour lui, cela représente la vie, cette incongruité lui plait. S'il paraît désassorti dans ce grossier contexte, la population locale l'a accepté et le respecte, malgré sa dissimilitude. Il est fin, subtil, raffiné, délicat et pourtant il s'y sent bien. Il est chez lui, parmi les gens simples.

Déjà tout jeune, il se différencie, il aime s'isoler, préférant se promener dans la campagne en admirant la nature. Ses parents, modestes, s'inquiètent de le voir se démarquer de ses trois autres frères, il est l'ainé et ont malgré tout une tendresse particulière pour lui. Ils ne le voient jamais jouer avec les enfants de son âge, il préfère la compagnie des adultes. Timide et réservé, il écoute, absorbant les paroles des plus grands. Il cherche à comprendre mais retourne vite dans sa solitude car les conversations de son entourage sont limitées. L'unique personne avec laquelle il se sent bien, c'est le curé de la paroisse, le seul proche sachant lire, écrire et parler le latin. Ce dernier représente pour le jeune Nicolas l'homme du savoir et de la connaissance.

Il fait son apprentissage à la lecture, tout seul, grâce à un livre de messe que lui a donné l'ecclésiastique. A l'âge de six ans, il est capable de déchiffrer la Bible aussi bien en français qu'en latin. Un véritable prodige. Son intelligence hors du commun est vite remarquée par le curé qui le confie aux moines bénédictins pour parfaire son éducation. Ces derniers, voyant en Nicolas un gosse surdoué, le prennent rapidement en charge dans l'espoir d'en faire un homme d'église. Sa vocation religieuse s'arrête à la fin de ses études. Il ne veut pas être tributaire d'une religion ou d'une idéologie, il tient à son indépendance et à sa libre pensée, mais reste cependant un homme très pieux. Hélas, le manque d'argent des parents l'empêche de l'inscrire à l'université, il en souffre. Il va donc glaner ici et là tous les ouvrage qui lui tombent sous la main, qu'il s'empresse de dévorer en un temps record. Sa vie est considérée comme austère par les gens de sa génération, on ne l'a jamais vu dans des tavernes ou autres lieux de débauche, la distraction favorite des jeunes de son âge, mais il est heureux comme ça. Sa bouffée d'oxygène, sa fenêtre échappatoire de son milieu défavorisé sont la lecture, l'étude afin d'étancher son insatiable soif de connaissances.

Avec les années, Nicolas Flamel est devenu un fort gaillard grand, brun aux yeux clairs, qui ne laisse pas insensible les femmes ni les prostituées de ce faubourg populaire, mais il n'en n'a cure. On ne l'a jamais vu en compagnie de la gente féminine. Seuls les livres sont sa passion, apprendre, étudier sont les seules raisons de sa vie. Sa précocité intellectuelle et son désir d'indépendance l'amènent, à dix-sept ans, à s'installer comme écrivain public. Il consacre beaucoup de son temps aux services des plus pauvres. Contre un maigre dédommagement, souvent on le paye en nature avec des œufs, du fromage ou des volailles, il les conseille et les assiste dans leurs démarches administratives ou leur rédige des actes officiels. Très vite, avec ses petites économies, il achète une charge de "libraire-juré de l'université". Il s'établit dans une maison coquette, située à l’angle de la rue des Écrivains et de la rue des Marivaux (les Marivaux étant des marais au moyen-âge), dont le rez-de-chaussée est aménagé en librairie et installe un atelier de reprographie au sous-sol. Pour repérer son domicile il appose sur le fronton de sa maison un grand panneau calligraphié par ses soins "À l’enseigne de la Fleur de Lys ". À l’époque, il n’y a pas de numéro de rue, seules les enseignes indiquent le commerce pratiqué.

Pas dénué de courage et de curiosité, il se diversifie, il ne veut pas stagner, c'est ainsi qu'il copie, pour la bourgeoisie de l'époque, des anciens manuscrits tout en les enjolivant. Insatisfait, il multiplie ses activités en devenant, éditeur, il achète, vend des ouvrages à des étudiants, à des membres du clergé ou à quelques érudits. Sa notoriété commence à être connue, elle s'étend jusqu'à la rive gauche de la Seine, ses principaux clients sont les théologiens de la Sorbonne. Son renom est si grand qu'il bénéficie des protections des hautes dames de la cour et des gentilshommes. Toujours affable, aussi bien pour les miséreux que pour les plus riches. Parallèlement, pour arrondir ses fins de mois, il continue à rédiger des lettres et des actes juridiques pour la population majoritairement analphabète. Malgré son jeune âge, il fait partie des notables et est reconnu comme tel par ses pairs. Sa vie est minutieusement réglée, levé à six heures du matin, il se rend à l'aube aux matines à l'église voisine, déjeune et ouvre sa boutique et se couche très tard dans la nuit, étudiant à la lumière d'une bougie. En attendant les clients, il lit beaucoup et s'intéresse à l'alchimie depuis qu'il a découvert par hasard sur le manuscrit d'Arnaud de Villeneuve, un médecin versé dans l'occultisme. Il s'agit d'un ouvrage datant du XIII° siècle, Nicolas Flamel parcourt aussi les œuvres de Raymond Lulle, un alchimiste, qui aurait été enfermé dans la Tour de Londres afin d'y fabriquer de l'or pour le roi d'Angleterre. C'est une révélation. Prier pour les afflictions des autres, comme l'inculte l'église pour alléger les malheur des humains, c'est bien, mais s'il pouvait mais fabriquer de l'or pour subvenir à leurs insuffisances matérielles, ça serait mieux. C'est devenu son apostolat, c'est un grand rêve, un rêve fou, utopique peut—être, Nicolas se l'est promis et ne ménagera pas ses efforts pour arriver à ses fins. Non pas pour lui, il n'a pas beaucoup de besoins, il vit chichement, parfois même se restreint sur la nourriture afin de pouvoir acquérir un ouvrage rare. Ses maigres dépenses se réduisent aux achats de manuscrits et d'écrits savants. Il aurait pu être heureux s'il avait décidé de ne penser qu'à lui, mais la cohabitation avec la pauvreté le touche fortement, l'affecte profondément. Il a du mal à supporter que la malnutrition, la maladie emportent quotidiennement des dizaines voire de centaines de pauvres. C'est un vrai philanthrope. Très souvent, il partage son souper avec un indigent, parfois il se culpabilise de manger à sa faim. Il aime le peuple et hait son infortune. L'or avec tout cela comporte est le remède miracle à de nombreux maux. S'il arrive, un jour à transformer les métaux vils en métal précieux, il pourrait alors amoindrir les souffrances du peuple qui croupit dans un dénuement total. Il connaît ses limites, avec ses petits revenus, il ne peut rien faire, en revanche, avec beaucoup d'argent il peut faire du bien autour de lui. Son abnégation matérielle est reconnue par tous, en revanche son appétit féroce de connaissances et sa volonté de partager son savoir font de lui un homme incontournable dans le milieu intellectuel.  Il n'est pas un jour où un étudiant, un lettré, un professeur ne viennent le voir pour lui demander conseils, pour leur faire expliquer, recevoir un enseignement ou tout simplement discuter ou partager une théorie philosophique, un passage de la Bible ou autre écrit qu'ils n'ont pas compris. Il a mis à disposition sa bibliothèque pour les plus démunis. Ils peuvent à tout moment de la journée venir compulser les ouvrages de Nicolas Flamel et parfois il les invite à déjeuner avec lui.

Sa vraie et secrète prédilection est principalement tout ce qui touche aux sciences occultes, il dévore tous les ouvrages traitant de ce sujet avec passion. Cela en devient une obsession, c'est devenu sa quête initiatique. Il parcourt toute la capitale et parfois n'hésite pas à se rendre en province à la recherche d'ouvrages occultes. Des sociétés secrètes, tant sa réputation est grande, l'ont même approché pour le recruter parmi ses membres mais sa grande foi en Dieu et son indépendance l'ont empêchées d'y adhérer. Il ne peut concevoir une autre croyance que le catholicisme. Pour lui hors de Dieu, point de salut. Il est ainsi Nicolas Flamel, entier, fidèle à ses croyances et à ses opinions. Travailleur acharné, il ne ménage pas ses efforts, non seulement pour s'élever spirituellement mais aussi pour découvrir de nouveaux horizons.

Une nuit, alors qu'il s'est endormi sur sa table de travail, comme très souvent il lui arrive, Nicolas se réveille en sursaut, en hurlant. Il est en sueur, il tremble, il a le regard hagard, les yeux exorbités, il ne comprend pas ce qui lui arrive. Est-ce un rêve, un cauchemar ou une hallucination ? Il lui faut plusieurs minutes pour revenir à un état normal. Chancelant, il se lève, il a soif, remet de l'ordre dans ses cheveux et se remémore son rêve en essayant de n'omettre aucun détail. Un songe fou. Il se souvient. Un ange vêtu de lumière lui apparait tenant à bout de bras un gros livre. Dans son hallucination, l'ange lui dit :

⸺  Regarde bien ce livre.

Nicolas l'observe, c'est un livre dont la couverture est en cuivre doré. Il arrive à le feuilleter, il est composé de vingt et une pages divisées en sept chapitres écrits en hébreu, illustrés par sept figures. L'ange lui laisse le temps de le contempler puis le met en garde :

⸺  Tu n’y comprendras rien, ni toi ni bien d’autres mais un jour tu y verras ce que les autres ne pourront voir.

Nicolas a la ferme conviction de tenir entre les mains la recette magique qui viendra à bout des maux terrestres, une formule alchimique permettant de transformer les métaux vils en or. Hélas, l'ouvrage est écrit dans une langue inconnue pour lui, il ne comprend pas l'hébreu, il est incapable de déchiffrer ces inscriptions kabbalistiques et autres signes hermétiques. Il s'avance pour tenter d'arracher le livre des mains de l'ange. Il tend les bras, il n'est qu'à quelques centimètres de l'ouvrage, ses doigts l'effleurent, il semble le toucher, mais l'ange recule. Ce dernier lui sourit puis disparait. Frustré et déçu, il reste pantois devant le néant. Il lui faut plusieurs minutes pour revenir à la réalité. Il se surprend assis sur son tabouret, complètement ahuri. Remis à peine de ses émotions, il interprète cette apparition céleste comme un message divin. Il est persuadé que le hasard n'existe pas, ce rêve n'est pas fortuit, Dieu vient de se manifester par l'intermédiaire d'un ange. A partir de cette nuit, sa vie sera transformée. Il se sent investi d'une mission envoyée directement par le messager céleste. Cette révélation onirique va donner un sens à sa vie, c'est une nouvelle naissance, il sait que son existence est tracée, il est destiné à accomplir le Grand Œuvre. Traumatisé par cette apparition Nicolas ne peut plus s'endormir.

Ce rêve sera le point de départ de sa recherche qu'il mènera jusqu'à la fin de ses jours. Pendant des jours, des mois, des années, le jeune homme sera obnubilé par cette vision angélique. Cela devient obsessionnel.

Juin 2009.

L'avion en provenance de Paris amorce son atterrissage sur l'aéroport de Laqua à Malte. La voix suave de l'hôtesse de l'air les invite à attacher leurs ceintures. Jean-Luc Meunier et Christine Poncet se tiennent la main et regardent le paysage défilé par le hublot. Il fait nuit et l'unique spectacle s'offrant sous leurs yeux sont des milliers de petites lumières scintillantes telles des lucioles dans les champs. Une fois atterris, ils sont accueillis par un léger souffle chaud et humide. Un week-end qui s'annonce sous de bons auspices.

Jean-Luc est aux anges, il vit une véritable histoire d'amour avec Christine rencontrée six mois plus tôt. Une rencontre improbable. Lui, le vieux loup solitaire, vient d'être touché par les elfes de l'amour. Il a bien eu quelques aventures amoureuses, mais rien de très sérieux.  Célibataire endurci, il ne vit que pour son job. Cadre supérieur dans une banque, une carrière sans attache, toujours bien habillé, frisant la cinquantaine, sérieux, voire maniaque, comme peut l'être un homme seul de cet âge. Grand, brun, allure sportive, pour rester en forme il consacre une partie de son week-end au jogging, sa seule distraction. Des amis, il n'en a pas vraiment, des copains ou plutôt des relations, avec lesquelles il partage quelques fois des sorties où l'alcool coule à flots. C'est plus un exutoire que d'une réelle passion. Le lendemain de chaque sortie entre célibataires, la tête lourde, il se jure qu'il ne tombera plus dans ce genre de guet-apens, que c'est la dernière fois. Puis, la solitude, l'ennui, l'angoisse de se retrouver seul, il accepte à chaque fois ces bordées de beuveries qui ne l'enchantent pas vraiment. Peu versé dans l'art de la cuisine, il dîne tous les soirs dans un petit restaurant, non loin de chez lui. Un moment de relaxation et de bien-être où le patron mijote des plats qui lui rappellent son enfance : bœuf en daube, poule au riz, plat en sauce, etc … des mets que lui confectionnait sa mère, il a l'impression de manger chez lui … il y a bien longtemps. Il retrouve, au cours du repas, toute sa jeunesse, son adolescence et surtout un havre de paix. Durant le laps de temps du dîner, il oublie tout, son travail, ses soucis, il se sent ailleurs, dans un autre monde, il décompresse, il se ressource. Il aime observer les clients, leurs manies, leurs gestes, leurs comportements. Il imagine, sans les juger, leur vie intime. C'est sa bouffée d'oxygène. D'ailleurs, depuis qu'il vient, le patron du restaurant, Robert, le considère comme un membre de la famille. Une relation amicale s'est établie entre les deux hommes, il lui concoctant parfois des plats qu'il n'affiche pas dans le menu.

Or, un soir, alors qu'il dîne tranquillement, il voit entrer une femme, la quarantaine, blonde, élégamment vêtue, petit tailleur sombre qui lui donne un petit côté british BCBG, les yeux bleus, mince et surtout des jambes à n'en plus finir. Juchée sur des hauts talons, elle contraste dans ce contexte simple voire populaire. On l'imagine mieux dans des soirées mondaines. Pour la première fois de sa vie, il est subjugué par une femme dont il ignore tout. Durant tout le repas, il ne la quitte pas des yeux. De temps à autres, elle lui jette un succinct regard en esquivant un léger sourire puis replonge la tête dans son assiette. Un jeu complice s'établit entre eux, un regard, un sourire, sans plus. Le temps passe. Les clients ont déserté le restaurant, ils ne restent plus qu'eux. Jean-Luc traîne, lui peu versé dans les sucreries, commande une tarte aux pommes, puis un, deux, trois cafés, contrairement à son habitude, la caféine l'empêche de dormir. Il veut profiter au maximum de la présence de cette belle inconnue, de cet instant suspendu dans le temps. Le patron du restaurant amusé, remarque le manège et connaissant la réserve de Jean-Luc, décide de jouer l'entremetteur. Le restaurant est vide, la serveuse est partie, il ne reste que leurs deux tables. A la vue des yeux de merlan frit de son client-ami, complètement hypnotisé par la jeune femme, le patron est ému. Bon enfant, il leur propose de trinquer avec lui sous un mauvais prétexte, il sort un mauvais champagne, personne n'est dupe, mais ils acceptent. Le rapprochement est fait. Dix minutes plus tard, les trois comparses, se retrouvent assis à la même table, riant et conversant comme de vieux amis. Jean-Luc est aux anges. Il apprend qu'elle est mannequin ou plus exactement modèle pour photos dans des magazines dont il ignore complètement le nom, d'ailleurs il s'en fiche ! Il est tard. Le patron leur fait gentiment remarquer qu'il doit fermer son établissement.

⸺  Eh ! Les enfants ce n'est pas que je m'ennuie, mais, moi, demain j'ai école, dit-il en lâchant un clin d'œil complice à Jean-Luc

Au moment des adieux, alors que le couple se trouve sur le seuil du restaurant, pendant que le patron tire le rideau de fer, Jean-Luc ose timidement, lui demander s'il peut la revoir. A la réponse positive, il chavire de joie et de bonheur, le sol semble se dérober sous ses pieds lorsqu'elle lui appose un baiser sur la joue. Le rendez-vous est pris pour le lendemain. Il la regarde s'éloigner, béat complètement ahuri. Il ne croit pas à ce qu'il vient de vivre.

Jean-Luc a beaucoup de mal à dormir cette nuit-là. Mille questions fusent dans sa tête.  Sera-t-elle au rendez-vous ? Est-elle libre ? Lui a-t-il plu ? Le trouve-t-elle tout simplement sympathique ? Voit-elle, en lui, qu'un simple ami ? En tous cas, lui est littéralement envoûté et est complètement obnubilé par cette femme, dont il ne connait que son prénom : Christine.

Le lendemain, c'est la journée la plus longue de sa vie, un véritable calvaire. Jean-Luc ne cesse de scruter sa montre toutes les dix minutes, le temps ne semble pas passer. Ils ont rendez-vous à vingt heures au "Select" en face de la "Coupole" à Montparnasse. Au bureau, ses collègues remarquent son attitude inhabituelle. Il plane, on dirait un zombie

⸺  Alors, Jean-Luc, tu rêves aujourd'hui, lui balance son assistante.

Plusieurs lui ont même demandé s'il était amoureux ? Il ne leur répond pas, il est sur un nuage.

La journée de travail terminée, il se précipite chez lui, troquant son costume trois pièces contre un jean et une chemise blanche, pour paraître plus décontracté et plus cool que la veille engoncé dans son costume. Il ne tient plus en place, il est dix neuf heures trente. Malgré que le bar ne se trouve qu'à deux minutes de chez lui il s'y précipite, plutôt que de tourner en rond dans ses deux pièces comme un chien errant. Le cœur battant, il s'attable à la terrasse, en face de l'entrée, pour être sûr de ne pas la manquer. Devant son whisky, il boue intérieurement. Il est angoissé et perturbé par cette sempiternelle question qui l'a rongée toute la journée : Viendra-t-elle ?

Toute la journée, il a réagi comme un gosse de quinze ans à l'approche de son premier rendez-vous. Puis, elle apparaît, rayonnante, encore plus belle que la veille. A la vue de Jean-Luc, elle abhorre un large sourire laissant apparaître une parfaite dentition. Elle aussi est vêtue d'un jeans et d'un corsage légèrement échancrée dont un châle chamarré recouvre une épaule. Dès qu'il l'aperçoit, troublé, il se lève en renversant son verre. Elle ne peut s'empêcher d'éclater de rire en lui disant :

⸺  Mon Dieu, je te trouble tant que ça ?

Confus d'avoir agi aussi maladroitement, il s'avance vers elle ne sachant quelle attitude adopter.  Simplement, elle l'embrasse tendrement sur les deux joues. Pour la première fois de sa vie, il se met à rougir. Il balbutie quelques mots incompréhensibles pour cacher sa timidité. Il se reprend vite et l'invite à prendre un verre.

Il a pris le soin de réserver une table à la "Closerie des Lilas" non loin de là. La soirée est idyllique. Il l'écoute béatement. Au cours de la conversation, il apprend que Christine est dans une période creuse, les contrats de mannequin se font rares voire inexistants, l'âge peut-être y est pour quelque chose. Depuis le début, elle savait que ce job ne durerait pas. Depuis longtemps, elle voulait faire un break, c'est aujourd'hui l'occasion d'envisager une reconversion professionnelle. Elle lui annonce ses nouveaux projets. Grâce à ses précédentes prestations photographiques, elle a réussi à faire quelques économies. Il boit ses paroles sans cesser de la dévorer des yeux. Ils n'entendent pas le vieux pianiste qui joue, dans un brouhaha et une ambiance très bobo, des tubes des années soixante. Au dessert, il s'enhardit, il lui prend la main, elle se laisse faire en lui souriant. A priori, elle n'est pas insensible au charme de Jean-Luc. Sa grosse inquiétude est de savoir si elle est libre, elle lui avoue qu'elle vient de mettre un terme à une histoire compliquée. L'homme était marié, cette liaison équivoque n'était pas faite pour elle. Elle aspire à une vie simple, à une relation des plus normales. Il est rassuré, il n'en demandait pas tant, lui est libre, elle aussi. Il est heureux.

Sortis du restaurant, après quelques minutes de marches sur le boulevard Montparnasse, il s'enhardit, il l'attrape par les épaules, l'enlace sans dire un mot et l'embrasse fougueusement. C'est la première fois qu'il agit ainsi, d'habitude, il attend d'être sûr de son "coup" avant d'entreprendre un rapprochement quelconque. Plutôt maladroit dans le domaine de l'amour, il a subi de nombreux revers et souvent, à cause de son tempérament timide, il a laissé filer de bonnes occasions de rencontres affectives. Miraculeusement, elle s'abandonne dans ses bras en se donnant complètement à lui. Une curieuse impression l'envahit, il a la sensation que le coup de foudre est réciproque. Bras dessus-dessous, ils terminent la soirée chez Jean-Luc, dans son appartement situé à deux cents mètres du restaurant, rue Campagne Première. Une nuit magique comme jamais il en a vécue. Amour, tendresse, mots doux ponctuent leur nuit pleine d'effusions charnelles. Le lendemain, Jean-Luc est transformé, ce n'est plus le même homme. Il vient de découvrir à cinquante ans, l'amour avec un grand "A". Il n'a jamais connu cette extase jubilatoire. Il n'est pas un jour sans qu'il lui téléphone plusieurs fois et est impatient, tout comme pour leur premier rendez-vous, de la revoir le soir même. Leur relation s'amplifie. Il ne peut plus vivre sans elle. Son cœur se déchire chaque fois qu'elle le quitte pour retrouver son studio à Montmartre. Il a peur de la voir disparaître. Très vite, il lui propose donc de venir habiter chez lui, il la veut près de lui. Proposition immédiatement acceptée par Christine. Jean-Luc est heureux et apaisé, il est métamorphosé. Lui, d'habitude, plutôt coincé et même un peu austère, il devient avenant, souriant et encore plus performant au travail. C'est un homme nouveau.