Les 7 castes - Rebelle - Samantha Diaz - E-Book

Les 7 castes - Rebelle E-Book

Samantha Diaz

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Beschreibung

Charlie, une femme dans la vingtaine, vit dans une société structurée en sept castes. Elle fait partie des Gris, également connus sous le nom de « petit peuple », une caste subordonnée aux autres. Son quotidien consiste à obéir aux ordres, prendre soin de sa famille et de ses amis afin qu’ils ne manquent de rien. Malgré cette soumission, son esprit rebelle et sa détermination font d’elle une femme forte, prête à affronter les défis qui bouleverseront son destin.

À PROPOS DE L'AUTRICE
Samantha Diaz se décrit comme une rêveuse romantique qui a besoin d’écrire pour s’évader et faire voyager ses lecteurs. Cet ouvrage est le fruit de son imaginaire influencé par l’amour, la magie et le mystère.

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Seitenzahl: 363

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Samantha Diaz

Les 7 castes

Rebelle

Roman

© Lys Bleu Éditions – Samantha Diaz

ISBN : 979-10-422-1188-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

— Charlie, Charlie vite !

Je me retourne et vois Tristan arriver en courant vers moi. Tristan est un ado de 13 ans que je vois très souvent avec son petit frère Julian qui a quant à lui 10 ans. Ils m’aident souvent dans les champs. Ils vivent avec leur maman qui est veuve. Leur père est décédé d’une pneumonie mal soignée, ou pas soignée du tout plutôt. Un jaune venir ici pour nous aider ? Jamais de la vie ! Les jaunes se sont des soigneurs, médecins, en tout cas du corps médical.

— Oui Tristan ?
— Des rouges devant chez nous, me dit Tristan en arrivant en courant, essoufflé.

Je repose mon râteau et fonce jusqu’à chez moi. Je suis dans les champs une bonne partie de la journée pour m’occuper des récoltes qui me permettent de faire vivre ma famille et pas mal de gris de mon clan.

Il me faut moins d’une minute pour arriver. Ils sont trois rouges, plutôt jeunes visiblement et ils parlent avec Marisa, la maman de Tristan et Julian. Enfin parler non, ils lui hurlent dessus. Nous n’avons pas le droit de leur répondre et ils le savent très bien. La façon dont ils regardent mon amie m’agace au plus haut point. C’est à la fois moqueur et méprisant.

— Tristan va chercher mon père stp, il doit être dans la famille Bartholy, je vais chercher des bleus pendant ce temps-là.

Je vois Tristan partir en courant et j’en fais tout autant dans la direction opposée.

Les rouges sont mauvais, très mauvais, ça va au-delà de ça, ils sont méchants et prennent un plaisir monstre à faire du mal aux autres. Tuer ? Non ! C’est une délivrance trop douce. D’abord ils nous font peur, ils nous maltraitent et si on survit ? ils nous relâchent dans un état pitoyable. Défigurés, paralysés, ou encore amputés.

Il me faudra un peu moins de 10 minutes pour arriver dans le quartier des bleus mais surtout devant la bâtisse qui leur sert de base.

Si je devais décrire les bleus, ce sont ceux qui font régner la loi, ce sont les seuls qui ont le droit de se balader absolument partout sans restriction, certains prétendent que les noirs ont cet avantage également, mais ils n’ont aucune raison de le faire. Pourquoi ceux qui sont tout en haut de la hiérarchie des clans iraient se balader dans la région des gris ! À part pour voir la misère, la famine et la maladie. Comme je disais, ils font respecter la loi depuis toujours, ils ne sont ni bon ni mauvais, ils ne sont pour personne, sauf pour l’ordre et la bonne tenue de tout le monde.

Il vaut donc mieux éviter de se battre devant eux. Ou avoir un excellent argument pour l’avoir fait. Ils sont à peu de chose près autant que les noirs, c’est donc pour ça qu’on entend régulièrement qu’il y’a des attaques ici et là et que les bleus n’ont pas pu intervenir à temps. En même temps, ils ne peuvent pas être partout à la fois. Peu importe la couleur au-dessus de nos têtes, en cas de besoin ils se déplaceront, bon OK, dans un ordre logique pour eux, noir en priorité mais ils viendront quand même.

Je frappe avec un peu beaucoup d’insistance mais il faut agir vite malheureusement. Ce sont les seuls à qui je peux parler en plus des gris et surtout regarder. Avec eux, pas besoin de regarder ses chaussures. Mon monde est divisé en sept factions. Les blancs, les bleus, les verts, les rouges, les gris, les jaunes et enfin les noirs. Nous pourrions vivre à peu près correctement si les rouges n’existaient pas. Ils se pensent au-dessus des lois et ne se gênent pas pour venir chez nous, les gris, pour enlever les jeunes filles en âge de se marier afin de les traiter comme des soumises. Nous devons d’après nos lois être au service des six autres factions sans jamais broncher. Mais se faire violer et maltraiter ne devraient pas faire partie de nos attributions, et je suis très bien placée pour le savoir et être impactée par les conséquences.

La porte s’ouvre enfin sur un homme blond plutôt grand et des yeux incroyablement clair. Charlie ce n’est pas du tout le moment de bloquer sur lui.

— J’ai besoin d’aide je vous en prie, dis-je avec une voix de nénette complètement essoufflée.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Des rouges chez les gris, rue du fleuve, ils vont kidnapper des jeunes filles, je vous en prie.

Je le vois hausser un sourcil et me dévisager. Rah… ! mais bouge ton cul au lieu de me fixer. Je me doute que je dois être toute rouge et que je suis couverte de terre, je sors des champs.

La voix d’un homme derrière le blond arrive jusqu’à mes oreilles.

— Ils doivent être surement repartis à l’heure qu’il est.
— Peut-être pas non, venez avec moi svp, dis-je en essayant d’avoir une voix aussi suppliante que possible.

Le blond devant moi se tourne vers l’autre voix quelques instants puis me regarde de nouveau.

— Désolé.

Ils ne sont pas sérieux ? Ils ne peuvent pas refuser ! Une colère mélangée à une tristesse m’envahit.

— Vous ne servez vraiment à rien je vous jure, vous ne venez jamais quand on a besoin de vous, en revanche, nous les gris nous sommes toujours là pour vous torcher le cul quand vous faites appel à nous. Vous êtes minables. Allez crever !

Je devrais regretter mes paroles vu le regard du blond, mais rien à faire. Je pars en courant en espérant que les rouges n’ont pas eu le temps de prendre qui que ce soit. Nous sommes dimanche et les jeunes filles sont souvent ensemble et dans les champs. En espérant qu’elles ne rentrent pas plus tôt que d’habitude. Je n’arrive pas assez vite à mon goût mais peu importe. Je suis soulagée de voir les rouges toujours présent. Ils tiennent Améline, une jeune fille qui n’a que 14 ans, elle fait plus vieille que son âge et elle est fiancée avec Pierrick qui est un peu plus loin, la tête rivé au sol. Je ne peux pas la laisser se faire enlever. Je m’avance d’un pas décidé.

— Laissez-la partir, dis-je d’une voix aussi autoritaire que je suis capable.
— Tu es qui toi ? Pour oser nous parler, dit l’un des trois mecs.
— Elle n’a que 14 ans, svp laissez-la tranquille.

Qu’est-ce que j’aimerai pouvoir les fixer et leurs en coller une.

L’un d’eux s’approche de moi suffisamment lentement pour bien me stresser. Je recule par pur réflexe, mais si je dois mourir j’aurais beau le faire que ça ne servira à rien.

— Tu vas prendre cher toi, tu en es consciente ? dit un rouge qui se tient à quelques centimètres de moi.

Je le repousse avec force quand je sens sa main se poser sur mon menton. Ça ne va pas le calmer mais au point où j’en suis. Cette fois-ci il m’attrape le visage avec force et je me retiens aussi fort que possible de ne pas pousser un cri de douleur. Il relève ma tête et plonge son regard dans le mien. Même si je ne le regarde pas, je vois très bien son visage.

— Une rebelle, ton mari ne va pas te reconnaître ce soir quand il va rentrer du travail, dit-il en rigolant.
— Si vous la touchez-vous allez détruire sa vie, dis-je en guise de réponse.

Vu le sourire qu’il me lance, ça semble bien être le cadet de ses soucis.

— Vous êtes des monstres ! dis-je en le fixant droit dans les yeux.

J’ai envie de voir sa réaction à travers son regard que j’ose défier ainsi.

— Et nous aimons l’être, dit-il en me lançant un regard du genre : toi tu prends de gros risque à me regarder.

Son regard est d’un noir glaçant. Je n’avais jamais vu des yeux aussi foncés. Ça doit contraster avec mes yeux qui sont super clairs, en revanche, nous avons la même couleur de cheveux. Ils sont d’un noir corbeau.

— Ton prénom ? me demande le rouge qui me tient toujours le visage avec force et autorité.

Quoi ? Pourquoi il me demande ça ? je n’ai aucune envie de lui donner !

— Répond ou je t’en colle une.

Je fais exprès de rebaisser les yeux, je ne suis pas censée parler ni même le regarder alors il peut courir pour avoir une réponse. Je le regrette rapidement quand il m’en colle une et que j’en tombe par terre. Je n’ose toucher mon visage pour voir l’ampleur des dégâts. Ça ne lui ferait que plus plaisir de lui montrer que j’ai mal.

— Réponds si tu tiens à ta vie.

Ça tombe bien je n’y tiens pas du tout. Un léger sourire apparaît sur mon visage, un sourire incontrôlé et que je ne regrette pas dans le fond.

Tristan et mon père arrivent en courant. Non non pas ça, mon père va s’en mêler pour me défendre et il risque sa vie.

Je lui fais un signe de la main en espérant qu’il comprenne et qu’il recule. Quand je vois le rouge face à moi se retourner et sourire, je commence à avoir sérieusement peur.

— Tiens tiens tiens, je suppose que c’est ton père, et que si c’est lui qui vient, c’est que tu n’es pas mariée.

Je ne préfère rien répondre. Le rouge fait un signe à un autre mec qui est resté en retrait et quand je le vois s’approcher de mon père, je flip.

— Non, dis-je en me relevant. A défaut de ne pas avoir de don, je cours très vite.

Il ne me faudra que quelques instants pour me mettre devant mon père. Je sais que mon geste va juste augmenter l’envie des rouges de nous faire du mal.

— Charlie pousse toi, dit mon père en essayant de me faire me décaler.

Je dis non de la tête et reste devant lui. J’ai une chance énorme d’avoir mes parents vivants et surtout des parents qui continuent à m’héberger, même si je devrais faire partie des gris rejetés de la société.

Le rouge qui a osé poser sa main sur moi approche en souriant. Mon cœur s’affole, mais je ne compte pas baisser les yeux. Je veux voir tout ce qui va se passer, je refuse que mon père paie pour ma grande gueule.

— Charlie tu ne devrais pas regarder, baisse la tête et les yeux je t’en prie, dit mon père en me tapotant le dos.

Hors de question que j’obéisse. Je tiens trop à lui et pas du tout en ma propre vie.

— Tu t’appelles donc Charlie, intéressant. Ce prénom ne te va absolument pas, dit le rouge.
— Charlie je t’en prie, laisse-moi prendre pour toi, ma vie a été suffisamment belle, me chuchote mon père.
— Non, maman a besoin de toi, dis-je en lançant un regard méprisant au rouge qui reste là à me fixer.

Le rouge se remet devant moi avec son petit sourire en coin.

— Tu devrais te pousser si tu as envie de vivre, me dit cet homme inconnu.
— Il ne vous a rien fait, tuez-moi si vous le souhaitez mais je ne bougerai pas d’ici.
— Pousse-toi c’est un ordre.
— Non !

Il hausse un sourcil et vu sa tête, il ne pensait pas un jour entendre une grise lui dire non. On ne refuse rien ! Jamais ! Et à personne. Sauf entre gris disons.

— Qu’est-ce que je vais faire de toi pour te faire regretter d’exister ? jeune rebelle.
— Essayer de disparaître pour voir, je pense avoir eu suffisamment peur pour les vingt prochaines années.

Il se mets à rire en montrant sa magnifique dentition très blanche et parfaitement droite.

— Ça ne me ressemble pas non, sort le rouge.
— Je suis certaine que c’est votre jour de bonté pourtant.

Je sens très bien mon père me toucher le dos, il me fait passer le message de me taire. Mais je veux gagner du temps, on ne sait jamais, un miracle pourrait se produire.

— Ça non plus ça ne me ressemble pas, ajoute le mec.
— L’espoir fait vivre !

Le rouge tourne d’un coup la tête et disparaît sous mes yeux. Quand je tourne la mienne, je vois deux bleus arriver. Le blond de tout à l’heure et un brun un peu plus petit. Nous les reconnaissons de loin, ils ont un signe distinctif. Un brassard bleu ciel accroché autour d’un bras. En service ou pas ils doivent le porter. Ce sont d’ailleurs les seuls à avoir ce genre de détails pour se différencier. Je me retourne et enlace mon père.

— Charlie, tu n’aurais jamais dû faire ça.
— Je sais oui, dis-je en essayant de reprendre mon souffle.

Je viens d’avoir horriblement peur. Mais tout ce qui compte c’est qu’ils soient partis sans personnes.

Mon père m’embrasse la tête et me serre un peu plus contre lui. Je sens une main derrière mon dos, c’est Ameline qui est en larmes. Je la prends dans mes bras. Elle me répète une vingtaine de fois merci.

Vu le regard des deux bleus je vais prendre cher pour mes propos de tout à l’heure. Mais eux ne vont pas essayer de me tuer au moins.

— Vous êtes allée trop loin dans vos propos tout à l’heure, me dit le blond avec un regard pas content.
— Au moins vous êtes là, dis-je.
— Et vous insistez en plus ? me demande t’il surpris.

Il a raison de toute manière j’aurais dû fermer ma gueule tout à l’heure mais au moins ils sont venus. Et mon miracle s’est produit ! En faisant patienter les rouges… même si je me suis pris une baffe plutôt forte et que je sens toujours ma joue me lancer.

— Que vous a dit ma fille ? demande mon père inquiet.
— Elle nous a conseillés d’aller crever, répond le blond.
— Charlie, comment as-tu osé dire cela ? Je suis désolé pour ses propos, Monsieur.
— Ça ne suffira pas, nous devons la ramener avec nous.
— Non svp, laissez-la avec nous, sans elle beaucoup vont mourir de faim, elle est notre protectrice ici, dit Marisa avec un regard rempli de tristesse.
— Cette jeune femme a suffisamment souffert jusque-là, elle ne mérite pas d’être arrêtée, surenchérit Pierrick, tout en approchant pour prendre la main d’Ameline.

Le blond tourne la tête vers mon amie et semble réfléchir. Il tourne alors la tête vers moi après un regard rapide à son collègue qui est resté en retrait.

— Excusez-vous et nous repartirons pour cette fois.

Tous les regards sont braqués sur moi. Allez Charlie ! Je t’en prie réponds, dis que tu regrettes, dis que tu étais énervée et terrorisée pour tes amis. Je ferme les yeux, respirent un bon coup et garde la tête baissée.

— Excusez-moi, je n’aurais jamais dû, je suis navrée Monsieur.

De longues secondes s’écoulent.

— Très bien, dit le blond, nous laissons passer pour cette fois.

Je vois le brun approcher et poser sa main sur mon menton puis il me tourne la tête. Son regard est froid, mais pas méchant.

— L’un des rouges vous a frappée ? demande l’homme.
— Oui, mais rien de méchant.
— Il faudrait aller mettre de la glace de suite pour ne pas que ça gonfle.
— De la glace ? Vous pensez que nous avons des frigos, Monsieur ? Il n’y a même pas encore l’électricité ici, dis-je peinée.
— Je vais emmener ma fille au ruisseau, l’eau y est fraîche.
— Je doute que ça fonctionne, venez avec nous, on va vous faire soigner et ensuite vous pourrez rentrer, explique le brun.
— Ce n’est pas nécessaire, vraiment, je vous suis déjà reconnaissante d’être venus nous aider et m’excuse encore pour mes propos.
— Nous allons fermer les yeux sur le fait qu’on a surpris une grise regarder un rouge ! Je pense que vous avez été assez punie comme ça, ajoute le brun.

Je me contente d’un léger sourire et préfère me taire, je pense en avoir assez dit pour plusieurs jours, là.

— Allons-y, on a beaucoup de boulot, dit le blond avant de se retourner et partir.

Ils s’arrêtent quelques mètres plus loin. Le blond se retourne puis me regarde.

— Nous allons faire des patrouilles régulièrement les prochaines semaines afin d’être sûrs que les trois individus ne viendront pas se venger.
— Merci beaucoup. Merci infiniment Monsieur, répond mon père avec beaucoup de reconnaissance dans la voix.

Ils remontent en voiture et partent. Je ne laisse pas le temps à mon père de me faire son sermon que je retourne aux champs. Je ne reviendrais qu’à la nuit tombée. J’ai besoin de travailler et me vider l’esprit. Et je sais qu’en cultivant, ça fonctionne à merveille. J’adore faire ça pendant des heures. Je me sens à ma façon utile. Même si ça me fait peine de vendre une bonne partie sur le marché afin de nourrir les autres factions qui nous traitent comme des moins que rien. Je pense que leurs animaux de compagnie sont clairement plus importants que les gris qui travaillent pour eux.

Je suis sur le chemin du retour avec mon panier rempli. Comme je l’avais prévu en me levant ce matin, je vais rapporter de quoi nourrir plusieurs famille dans mon camp. Chez moi, nous n’avons plus rien du tout et ça devient très compliqué pour manger à chaque repas, et encore plus à notre faim.

J’ai cherché du travail pendant plusieurs mois sans succès, du coup je me suis mise à cultiver la terre derrière mon camp depuis 5 ans, afin de nourrir les personnes qui y vivent. Ça ne suffit pas, mais ça aide déjà pas mal, et puis c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour occuper utilement mes journées. Chaque légume qui sort de la terre en vue d’être vendu, doit être signalé aux verts. Ils sont les commerçants. Leurs rôles et de nourrir les factions, leurs fournir tout ce dont ils ont besoin dans leur vie. En fonction des factions, ils ne proposent pas la même chose. Et surtout les prix ne sont pas identiques non plus… je pense que quand on naît dans le clan des noirs, le prix leur importe peu, en plus ce ne sont même pas eux qui font les courses… autant leur faire payer plus à eux ! Plutôt qu’à nous quand on essaye d’acheter certains articles. Demain, quand j’irai au marché, je devrai aller voir un commerçant vert avant de commencer à travailler et m’installer, soit pour lui régler une taxe fixe soit lui donner un pourcentage des ventes. Avec mon père, nous avons toujours donné un pourcentage, nous n’avons jamais assez de marchandise pour que ce soit rentable.

Je suis presque arrivée quand j’entends des bruits de pas derrière moi. Je m’arrête et me retourne, laissant échapper mon panier quand je reconnais la personne. Le rouge de tout à l’heure… Les deux bleus avaient raison ! Il est bien revenu, seul, mais il est là. Je préfère ça à choisir, car à trois j’aurais vraiment été tétanisée. Même si à lui seul, il peut faire ce qu’il veut de moi.

— Bonsoir, Rebelle.
— Charlie.
— Pardon ?
— Je m’appelle Charlie.

Il ne répond rien et continue d’avancer.

— Comment oses-tu me parler ? demande l’homme.
— En ouvrant la bouche.
— Je ne parle pas de ça.
— Ne perdez pas votre temps à vous adresser à moi si vous ne voulez pas de réponse de ma part.
— Papa est où ?
— Loin de vous. Par chance !
— Dommage, tu es tellement mignonne à essayer de le protéger lui et sa vie minable.
— Je préfère de loin ma vie à la vôtre.
— Ah oui vraiment ? Et pourquoi ça ?
— Nous savons aimer, nous au moins. Nous avons du cœur et de l’esprit également.
— Me traiterais-tu d’idiot ?
— Oh non, vous devez surement être très intelligent, très malin aussi, mais quand je dis sans esprit c’est sans âme, vous n’avez aucun respect, aucune douceur humaine, seul le mal vous imprègne.

Il s’arrête à moins d’un mètre de moi. Il compte me faire quoi au juste ? il reste là, les mains dans les poches à me regarder.

— Vous vous ennuyez tellement dans votre vie que vous venez parmi les gris ?
— Tu devrez vraiment arrêter de me parler comme tu le fais !

Il me sourit avec son regard de prédateur qui ne me fait plus autant peur que tout à l’heure et ne répond rien.

— Ou alors vous avez besoin de légumes pour votre dîner peut être ? Ils sont à vendre si ça vous intéresse.

D’un mouvement de main, il met le feu à mon panier et les légumes brûlent sous mes yeux impuissants.

— Tu es bien trop bavarde, Rebelle, pour une grise !
— Mais pourquoi avoir fait ça ? Vous êtes complètement abruti, ma parole.

Mes propos semblent bien l’amuser et moi, cela ne fait qu’augmenter un peu plus ma colère. J’essaye comme je peux d’étouffer le feu avec de la terre, mais la seule chose que je risque c’est de me brûler.

— Deux semaines de travail pour avoir juste ce petit panier.
— Je pourrais être plus méchant et détruire toute ta récolte.

Il lève une main quelques secondes après.

Je lui saute dessus et rebaisse son bras. Sa peau est vraiment bouillante. C’est donc un rouge qui maitrise le feu. Ils sont très rares mais tellement puissants.

— Tu crois que ça va suffire, jeune fille ? J’ai deux mains.
— Non svp pas ça, prenez-vous en à moi mais pas à tous ces innocents.
— Pourquoi tu te sacrifies pour eux ?
— Parce que je dois être un peu trop loyale envers mes proches.

Il ne répond rien une fois de plus et se contente de me fixer droit dans les yeux. Je n’ai pas d’autres choix que de retourner dans le champ pour cueillir de nouveau de quoi manger pour les autres, je ferai l’impasse sur quelques diner pour compenser.

— Tu vas où Rebelle ?
— Me remettre au boulot, je dois nourrir mon clan, je vous l’ai dit.
— Ils finiront par mourir de faim tôt ou tard. Ou d’autre chose…
— Je compte tout faire pour éviter ça. Du moins tant que je resterai en vie. Vous ne semblez pas vouloir me tuer, alors je vous laisse passer une bonne soirée.
— Tu es vraiment suicidaire, ma parole.

Je continue à marcher quelques mètres puis me retourne. Il a disparu et mon panier en feu aussi. La voiture des bleus est à quelques mètres, je vois le blond me regarder puis redémarrer. Il est une fois de plus arrivé pile à temps. Je le regarde et lui souris.

Une odeur de brûlé m’arrive aux narines. Je fonce dans le champ et un arbre est en feu. Un arbre juste à côté de ma plantation. Non mais non, l’ordure. Je fonce vers le ruisseau et récupère un seau pour aller éteindre l’incendie. Je suis à mon deuxième aller-retour quand quelqu’un saisit mon seau et part avec. Oh ! le blond. Il nous aura fallu une bonne heure pour l’éteindre complètement sans compter l’eau lancée sur ma récolte pour la protéger. Je tombe au sol épuisée, essoufflée et désespérée.

— Je t’avais prévenue qu’ils allaient revenir. Et pour le coup il a été sympa là. A part si ça fait partie de son plan de détruire petit à petit des choses qui t’appartiennent.
— Vous ne pouvez pas aller l’arrêter ?
— Un dépôt de plainte de toi n’a aucune valeur.

Je ramène mes jambes vers mon visage pour cacher les larmes qui ont envie de couler.

— Merci pour votre aide Monsieur, en tout cas.
— Sois prudente à l’avenir.

Je l’entends s’éloigner. Il m’aura fallu une bonne demi-heure de plus pour cueillir de quoi revenir les mains pleines.

Le repas est prêt quand j’arrive. Mon père, vue sa tête commençait à s’inquiéter. Je préfère monter tout de suite me coucher pour éviter de devoir ignorer mon estomac qui réclame à manger.

— Charlie, tu as vu dans quel état tu rentres ?
— Oui papa, je sais que je suis couverte de suie.
— Explique-moi ce qui t’est arrivé.
— Un rouge est revenu et il a pris du plaisir à brûler le chêne dans le champ.
— Tu n’aurais jamais dû le provoquer, il va revenir encore et encore jusqu’à ce que ça te détruise.
— Tu as raison, j’aurais dû laisser la pauvre Ameline se faire enlever et violer à 14 ans.
— Charlie faut penser à toi et seulement toi, tu ne te conduis pas comme une grise.
— Bonne nuit papa.

Je monte me laver et me changer puis me couche morte de fatigue et de faim. A mon réveil demain, je vais devoir retourner récolter de quoi vendre une partie de ma production au marché. En espérant que ma vente sera bénéfique. Nous manquons de tellement de choses. Je pense n’avoir pas bu un thé depuis plus de deux mois et ne plus connaître le gout d’un morceau de sucre, ni la sensation qu’on ressent quand il fond sous la langue.

Je me réveille barbouillée et avec un mal dans le dos. Hier m’a un peu trop travaillée visiblement. Un petit peu d’eau sur mon visage et je suis prête à partir. Mon reflet dans le miroir ne me plaît pas, j’ai vraiment une marque sur le visage, un hématome est apparu, j’aurais dû aller au ruisseau pour me rafraichir la peau, ou accepter la proposition du bleu, tant pis.

— Charlie ! crie ma mère en bas des escaliers.

Vu le cri, je ne perds pas une seule seconde à descendre.

— Quoi ?
— Tu as quoi sur la joue Charlie, demande ma mère, inquiète.
— Rien, tout vas bien.
— C’est un des rouges qui sont venus hier c’est ça ?
— Oui, mais je vais bien maman, rassure toi.
— Tu aurais dû venir me voir je t’aurais mis de l’eau fraîche dessus.
— C’est trop tard de toute façon, et je dois aller bosser.
— Charlie, viens avec moi me dit Kelly, ma sœur jumelle.

Je quitte la maison avec elle et cours jusqu’à mon champ. A mesure ou j’avance, j’ai peur que le rouge soit revenu pour tout détruire. Mon cœur accélère en voyant mes champs toujours là, mais ils ont été semés entièrement. Hier soir, en partant, à peine un quart avait été fait. Je n’ai pas l’argent pour semer le reste. La tout est fait, il y a même deux arbustes qui ont été plantés. Le chêne brulé semble avoir été soigné car il est beaucoup moins noir. Je m’approche et une photo de cerise est posée au pied de l’arbre. Une petite dizaine de paniers sont posés ici et là. Je m’approche de celui qui ressemble trait pour trait au mien, qui a brulé la veille, et il est rempli à ras bord de légumes frais.

— Charlie, tu m’expliques ? Quand je suis arrivée ce matin avec Lionel il y avait tout ça, me demande ma sœur.
— Je n’en ai pas la moindre idée Kelly, mais nous avons je l’espère de quoi nous nourrir plusieurs semaines.

Est-ce que c’est le rouge qui a fait ça ? J’en doute fort. Et il n’y a aucune preuve nulle part qu’il est responsable de cela. A moins que ce soit le blond. Il a assisté à la scène et m’a aidée à éteindre l’incendie.

— Après le petit-déjeuner nous reviendrons cueillir ce qui est près et nous irons au marché, dis-je à ma sœur.
— Je ne peux pas, je dois aider Lionel à son travail, je te l’ai dit.
— J’irais avec Tristan et Julian, pas de soucis. Tu peux me préparer une salade de légumes, stp, j’aimerais l’apporter à quelqu’un.
— Je prépare ça pendant que tu manges le petit déjeuner. Vu comment tu es pâle tu as l’air de mourir de faim !
— Oh que oui, dis-je en lui souriant.

Une heure après, la charrette est remplie et avec Tristan nous nous mettons en route. Julian est à l’arrière et la pousse aussi fort qu’il peut. Nous arrivons à 7 h 30 à notre emplacement au marché des loges, le seul coin ou les sept factions peuvent se retrouver. Nous devons tout de même respecter les lois, c’est-à-dire regarder nos pieds. Je me sens d’attaque pour faire mon maximum. J’ai bien mangé et je me sens remplie, même si j’ai dû manger des légumes pour ça à 6 h du matin.

— J’espère qu’on réussira à en vendre beaucoup, me dit Tristan en me faisant un grand sourire.
— Je l’espère aussi, j’ai bien envie d’une bonne tasse de thé sucré ce soir.
— Et moi d’un grand verre de lait ou encore mieux d’une omelette aux pommes de terre.
— Si on a de quoi en acheter, je demande à ma mère d’en préparer et tu te joindras à nous à table.
— Tu es la meilleure, Charlie.
— Allez, au boulot !
— Merci, merci merci.

Je lui souris et poursuis la mise en valeur des produits sur mon étalage. Je suis très contente de ma collecte, mes légumes sont beaux et donnent envie. Les légumes dans les paniers ont été distribués à tout mon camp par ma mère. Je refuse de vendre un cadeau et peu importe de qui il provient. C’est plus que bienvenu. Il est 9 h et j’ai envie d’aller apporter la salade au blond maintenant. Je préviens Tristan que je reviens vite et qu’il doit s’occuper seul de la vente. Il a l’habitude et j’ai entièrement confiance en lui. Je suis devant la porte et je suis hésitante à frapper. Allez Charlie, ne fait pas demi-tour maintenant. Je toque et patiente. Bien évidemment, ce n’est pas le blond d’hier.

— Bonjour, dit un homme brun devant moi.
— Bonjour, j’apporte ça pour un collègue à vous.

Il regarde ma boîte et sourit. Enfin jusqu’à ce qu’il voit ma joue blessée. Je pose ma main dessus et baisse la tête. Je ne veux pas devoir m’expliquer pour ça. Et puis de toute façon il ne pourrait pas m’aider et je ne suis pas certaine qu’il en aurait envie.

— Son prénom ?
— Je ne le connais pas.
— Il ressemble à quoi ?
— À un homme.

Le mec explose de rire devant moi.

— Nous sommes bien deux cents qui travaillent ici en permanence. J’ai besoin d’un minimum de descriptions.
— Blond aux yeux très clairs.
— C’est un bon début. Viens avec moi.

Je le suis à travers les couloirs, je croise tout un tas de personnes. Ils me dévisagent mais n’agressent pas, c’est toujours ça.

— On va regarder en cuisine s’il y a un blond qui peut correspondre, sinon nous irons dans les bureaux.

Il ouvre une porte et me fait entrer et suit mes pas.

— Alors ? demande-t-il.

Je regarde rapidement et je suis soulagée de le reconnaitre, il est bien là et bien blond aux yeux clairs.

— Il est là-bas, dis-je en essayant de le montrer discrètement du doigt.

Le brun semble rire de la situation. Il s’approche de mon oreille.

— Il s’appelle Anthony, me dit-il en chuchotant.
— D’accord merci.

Allez fonce maintenant, Charlie. Tu ne vas pas faire demi-tour maintenant. Je m’approche et je suis soulagée quand il regarde dans ma direction et qu’il approche. Bon, les deux collègues à qui il fait faux bond se retournent et me fixent, mais tant pis.

— Bonjour, me dit-il sans qu’aucune expression n’apparaisse sur son visage.
— Bonjour.

Je lui tends la boîte, en espérant qu’il la prendra très vite pour que je puisse filer.

— C’est pour vous, prenez-la svp, tout le monde nous regarde et j’ai envie de fuir.

Il explose de rire et la prend.

— Merci, me dit Anthony en me souriant.
— Il y en a assez pour plusieurs personnes je pense, c’est une simple salade composée. J’espère que vous pourrez y ajouter des morceaux de viandes.
— Ça devrait se faire oui, dit-il tout en ouvrant la boite.
— Je vais y aller maintenant Monsieur, dis-je gênée qu’il ose regarder devant moi.
— Une bonne odeur de légumes frais.
— Ils viennent juste de sortir de terre.

Il m’approche et pose sa main sur mon visage et tourne ma tête.

— Tu n’as pas mis d’eau fraîche, hier ?
— Non j’ai oublié, mais ce n’est pas douloureux.
— Juste pas très jolie à regarder. Tu aurais dû accepter de venir ici pour être soignée.
— Ça me permettra de me souvenir pendant quelques jours à quel point ce monde est cruel et les rouges de vrai monstres.

Il me lance un regard d’homme surpris par ma remarque.

— Et je tiens encore une fois à m’excuser pour mes propos d’hier, je n’aurais jamais dû et je regrette vraiment, Monsieur.

Il me fait un signe de tête que je prends comme un : c’est oublié mais ne recommence pas.

Je quitte la cuisine aussi vite que je peux, sans courir, sinon je m’affiche la honte et rejoins le brun qui m’a accompagnée et qui n’a pas bougé. Il me raccompagne jusqu’à la sortie. Après un dernier merci, je retourne sur le marché.

Je suis revenue depuis 2 h et je suis très contente de mes ventes. Ça pourrait pu être bien pire. À midi, nous nous arrêtons chacun notre tour pour grignoter quelques tomates et carottes crues, même en ayant bien mangé ce matin, j’ai de nouveau super faim.

À 14 h nous reprenons tous les deux. Avec Tristan nous nous arrêtons de parler quand on entend un bonjour. Cette voix m’est familière. Je ne peux pas relever la tête, je me contente d’un mouvement pour rendre le bonjour.

Un panier se pose sous mes yeux, oh ! mon panier, je le reconnais, sur un côté j’avais galéré pour tisser les liens et ça formait une espèce de cœur involontaire. Je le prends et le tourne sur lui-même. Il est un peu noir à certains endroits, mais il semble avoir été réparé. Là je suis certaine que c’est bien le rouge qui vient de me le rapporter.

— Tristan, va t’acheter une bouteille de lait, tu m’as beaucoup aidée depuis ce matin et tu la mérites.
— Vraiment ? me demande t’il surpris.
— Vraiment, part stp avec Julian, et ne revenez pas tout de suite, baladez-vous un peu stp, une pause vous fera du bien.

Je le vois bien me lancer un regard surpris…

— Obéis, Tristan bordel ! dis-je en montant le ton de ma voix.
— Très bien Charlie.

Il part avec Julian, mais je vois bien qu’il ne comprend pas pourquoi. Je veux éloigner les enfants d’un danger possible. Je relève légèrement la tête et c’est bien le rouge, je reconnais son menton et le style de polo qu’il a porté les deux fois ou nous nous sommes vus. Il est de nouveau seul, enfin je suppose. La grise un peu derrière la tête baissé est avec lui ?

— Je ne vais pas vous demander si vous voulez acheter mes légumes, vous seriez capable de tout brûler encore.
— Effectivement, tais toi.

Le ton de sa voix est à la fois autoritaire mais en même temps rempli de douceur, j’ai l’impression qu’il a envie de me taquiner mais qu’il doit rester à sa place. Je souris et baisse la tête puis continue à disposer de nouveaux légumes. La grise est bien avec lui, je l’entends l’appeler.

— Prends ici les légumes qu’il te faut pour plusieurs jours et ensuite nous rentrons, lance le rouge en s’adressant à la jeune fille qui l’accompagne.

Il compte vraiment acheter ici ? Où est le piège ?

Je lui donne tout ce qu’elle réclame et je la vois s’éloigner de plusieurs mètres puis il revient payer. Il me tend plusieurs billets qui me font ouvrir de gros yeux tout ronds.

— Ça devrait suffire, dit-il en posant les billets devant moi.
— Il y en a trop, je ne peux pas vous rendre de monnaie sur ça.
— Ne te plains pas, je pourrais les reprendre.

Je me dépêche de ranger les billets dans ma poche et continue de regarder la table.

— Le chêne était très beau et c’était une source d’ombre en cas de forte chaleur, dis-je en espérant qu’il comprenne que je sais que c’est lui qui l’a brulé.
— Tout se répare.
— Non, pas tout.
— Je vois que tu marques vite.

Quoi ? Je relève les yeux un peu plus et le fixe une fraction de seconde.

— Je n’ai pas frappé aussi fort que ça, pourtant.
— Vous ne sentez pas votre force alors !
— Tu ne connais pas les glaçons ? Cela aurait évité ça !
— Aucune envie d’effacer le mal causé les autres, ça me montre que je ne dois me fier à personne, sauf à moi-même.
— Si tu le dis !

Il s’éloigne après avoir agrippé le bras de la grise. Je sors rapidement les billets et je ressens une joie énorme en me disant qu’avec ça je vais clairement pouvoir m’acheter mon thé et surtout mon sucre.

Nous quittons le marché une fois toute ma marchandise vendue et le commerçant payé. Il fait presque nuit et je suis très contente de repartir avec seulement de l’argent.

Pendant que Julian et Tristan rangent tout et ramènent la charrette, je passe au magasin et à la banque pour rembourser une petite partie de la dette de mes parents. Ce versement leur permettra de conserver leur maison pour plusieurs mois. Je rentre avec un poids en moins dans la poitrine. Je passe par chez mes deux loulous et leur donne un sac avec des œufs, des pommes de terre et quelques autres produits de premières nécessités. Après un câlin des deux, je retourne chez moi.

Quand j’arrive avec deux gros sacs remplis, mes parents semblent fêter quelque chose. Ils sont tous sourires. Ma sœur et son mari ainsi que leurs jumeaux sont présents. Je me demande ou est leur fille aînée.

— Vous m’expliquez ce qui se passe ?
— Ta sœur est enceinte, dit ma mère en souriant.
— Encore ?

Mince ça sort tout seul de ma bouche sans réussir à le contrôler. Elle a 21 ans et a déjà 3 enfants. Elle ne compte pas s’arrêter ? Nous avons déjà beaucoup de mal à tous nous en sortir, alors si elle rajoute un enfant en plus…

— Tu es chiée de répondre ça Charlie, hurle ma sœur.
— Kelly sérieux, papa et moi nous trimons pour subvenir aux besoins de la famille et toi tu enchaines les gosses et nous n’avons pas les moyens pour ça. Si encore Lionel avait un travail qui paie plus, ok, mais là ce n’est pas le cas.
— Tu es juste jalouse car jamais tu ne pourras avoir d’enfants et encore moins d’homme dans ta vie. Ici, tu es vue comme un fruit pourri.
— Kelly ! s’écrie ma mère.
— Laisse faire maman, à partir d’aujourd’hui je vous laisse vous débrouiller seuls, le fruit pourri part, dis-je déçue.

Je file dans ma chambre faire ma valise et surtout je ne me prive pas pour prendre certains articles dans les sacs avant de quitter la maison. Mon père et ma mère essayent de tout faire pour me convaincre de rester mais il est hors de question que je reste une minute de plus ici. Je refuse de travailler comme une acharnée si c’est pour entendre ça. Je vais marcher jusqu’à trouver une ferme abandonnée. Ça ne doit pas en manquer, vu le nombre de gris qui meurent chaque mois. Je passe juste embrasser et dire aurevoir à Marisa et ses fils. Tristan, avec qui j’ai un lien plus fort, me serre très fort contre lui et pleure chaudes larmes dans mes bras. Elle aussi aura essayé de me convaincre de rester ici, d’emménager chez eux, mais ils vivent déjà dans une telle misère, à trois dans une minuscule maison.

Les gris, moi, disons que nous sommes les serviteurs des six factions. Nous ne cherchons jamais le conflit et au contraire préférons fuir en cas de querelle. Les gris sont des personnes sincères et profondément gentilles. Un peu trop des fois, c’est pour ça que nous sommes des super bons à tout faire, à dire oui à tout sans rechigner. Et d’ailleurs, nous n’avons pas le droit de dire non. Peu importe la demande. Nos vies sont régies par tout un tas de lois, de règles en tout genre. Certaines sont vraiment absurdes pour moi, mais c’est comme ça, je dois vivre avec et fermer ma bouche pour ne créer aucun conflit ni représailles.

Parmi nous, il y a aussi ceux qu’on appelle les rejetés de la société, les sans familles, sans amis et possédant des dons insignifiants. Ils font les sales boulots que personne ne souhaite faire. Personne ne voulait d’eux donc notre côté bon samaritain nous a contraints à les accueillir.

Nous sommes vraiment très nombreux, tout simplement parce que nos parents n’ont pas le droit d’utiliser de contraception. Ils doivent avoir au minimum deux enfants sinon c’est très mal vu. Et dès l’âge de 11 ans, les enfants sont envoyés dans des familles pour commencer à y travailler. Entre leurs naissances et leurs 11 ans, ils aident leurs pères là où ils travaillent. Nous n’avons pas le droit de savoir lire et encore moins être cultivés. Le peu de familles cultivés sont celle qui gagnent très bien leurs vies pour des gris et qui ont par chance l’électricité et une télévision dans leurs maisons. En général, ceux-là travaillent pour des noirs et ont une maison de fonction. La télévision, je n’en ai jamais vue, je pourrais passer à côté sans en reconnaitre une.

Les femmes grises se marient en général à 16 ans, la majorité sexuelle chez nous. Elles doivent impérativement être vierges. Elles arrêtent alors de travailler pour une autre famille et doivent s’occuper de leur foyer.

Un mari qui découvre que sa femme n’est pas vierge doit la dénoncer et elle risque la mort. Donc, bien évidemment, si une femme se fait violer par un homme et que ça se sait, elle finira seule et sans famille.

Nous sommes la faction qui sommes les plus démunie pour tout. Quand on se fait attaquer personnes ne vient, quand on est malade on meurt, aucun médecin ne se déplacera. Nous n’avons pas d’argent pour payer. Et des poireaux comme paiement ne sont pas acceptés.

Je déteste être une grise. Et je ne peux pas faire semblant d’être quelqu’un d’autre. J’ai ce maudit bracelet attaché à ma main qui montre qui je suis. Quand il clignote, ça veut dire que quelqu’un demande mes services. Il ne s’est jamais allumé. En 21 ans, ce n’est pas très glorieux.

Et j’ai surtout une puce dans le mollet pour être repérable. C’est bien pour ça qu’un rouge en connaissant mon prénom, peut me retrouver et me faire du mal.