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Charlie, une femme dans la vingtaine, vit dans une société structurée en sept castes. Elle fait partie des Gris, également connus sous le nom de « petit peuple », une caste subordonnée aux autres. Son quotidien consiste à obéir aux ordres, prendre soin de sa famille et de ses amis afin qu’ils ne manquent de rien. Malgré cette soumission, son esprit rebelle et sa détermination font d’elle une femme forte, prête à affronter les défis qui bouleverseront son destin.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Samantha Diaz se décrit comme une rêveuse romantique qui a besoin d’écrire pour s’évader et faire voyager ses lecteurs. Cet ouvrage est le fruit de son imaginaire influencé par l’amour, la magie et le mystère.
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Seitenzahl: 363
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Samantha Diaz
Les 7 castes
Rebelle
Roman
© Lys Bleu Éditions – Samantha Diaz
ISBN : 979-10-422-1188-2
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Je me retourne et vois Tristan arriver en courant vers moi. Tristan est un ado de 13 ans que je vois très souvent avec son petit frère Julian qui a quant à lui 10 ans. Ils m’aident souvent dans les champs. Ils vivent avec leur maman qui est veuve. Leur père est décédé d’une pneumonie mal soignée, ou pas soignée du tout plutôt. Un jaune venir ici pour nous aider ? Jamais de la vie ! Les jaunes se sont des soigneurs, médecins, en tout cas du corps médical.
Je repose mon râteau et fonce jusqu’à chez moi. Je suis dans les champs une bonne partie de la journée pour m’occuper des récoltes qui me permettent de faire vivre ma famille et pas mal de gris de mon clan.
Il me faut moins d’une minute pour arriver. Ils sont trois rouges, plutôt jeunes visiblement et ils parlent avec Marisa, la maman de Tristan et Julian. Enfin parler non, ils lui hurlent dessus. Nous n’avons pas le droit de leur répondre et ils le savent très bien. La façon dont ils regardent mon amie m’agace au plus haut point. C’est à la fois moqueur et méprisant.
Je vois Tristan partir en courant et j’en fais tout autant dans la direction opposée.
Les rouges sont mauvais, très mauvais, ça va au-delà de ça, ils sont méchants et prennent un plaisir monstre à faire du mal aux autres. Tuer ? Non ! C’est une délivrance trop douce. D’abord ils nous font peur, ils nous maltraitent et si on survit ? ils nous relâchent dans un état pitoyable. Défigurés, paralysés, ou encore amputés.
Il me faudra un peu moins de 10 minutes pour arriver dans le quartier des bleus mais surtout devant la bâtisse qui leur sert de base.
Si je devais décrire les bleus, ce sont ceux qui font régner la loi, ce sont les seuls qui ont le droit de se balader absolument partout sans restriction, certains prétendent que les noirs ont cet avantage également, mais ils n’ont aucune raison de le faire. Pourquoi ceux qui sont tout en haut de la hiérarchie des clans iraient se balader dans la région des gris ! À part pour voir la misère, la famine et la maladie. Comme je disais, ils font respecter la loi depuis toujours, ils ne sont ni bon ni mauvais, ils ne sont pour personne, sauf pour l’ordre et la bonne tenue de tout le monde.
Il vaut donc mieux éviter de se battre devant eux. Ou avoir un excellent argument pour l’avoir fait. Ils sont à peu de chose près autant que les noirs, c’est donc pour ça qu’on entend régulièrement qu’il y’a des attaques ici et là et que les bleus n’ont pas pu intervenir à temps. En même temps, ils ne peuvent pas être partout à la fois. Peu importe la couleur au-dessus de nos têtes, en cas de besoin ils se déplaceront, bon OK, dans un ordre logique pour eux, noir en priorité mais ils viendront quand même.
Je frappe avec un peu beaucoup d’insistance mais il faut agir vite malheureusement. Ce sont les seuls à qui je peux parler en plus des gris et surtout regarder. Avec eux, pas besoin de regarder ses chaussures. Mon monde est divisé en sept factions. Les blancs, les bleus, les verts, les rouges, les gris, les jaunes et enfin les noirs. Nous pourrions vivre à peu près correctement si les rouges n’existaient pas. Ils se pensent au-dessus des lois et ne se gênent pas pour venir chez nous, les gris, pour enlever les jeunes filles en âge de se marier afin de les traiter comme des soumises. Nous devons d’après nos lois être au service des six autres factions sans jamais broncher. Mais se faire violer et maltraiter ne devraient pas faire partie de nos attributions, et je suis très bien placée pour le savoir et être impactée par les conséquences.
La porte s’ouvre enfin sur un homme blond plutôt grand et des yeux incroyablement clair. Charlie ce n’est pas du tout le moment de bloquer sur lui.
Je le vois hausser un sourcil et me dévisager. Rah… ! mais bouge ton cul au lieu de me fixer. Je me doute que je dois être toute rouge et que je suis couverte de terre, je sors des champs.
La voix d’un homme derrière le blond arrive jusqu’à mes oreilles.
Le blond devant moi se tourne vers l’autre voix quelques instants puis me regarde de nouveau.
Ils ne sont pas sérieux ? Ils ne peuvent pas refuser ! Une colère mélangée à une tristesse m’envahit.
Je devrais regretter mes paroles vu le regard du blond, mais rien à faire. Je pars en courant en espérant que les rouges n’ont pas eu le temps de prendre qui que ce soit. Nous sommes dimanche et les jeunes filles sont souvent ensemble et dans les champs. En espérant qu’elles ne rentrent pas plus tôt que d’habitude. Je n’arrive pas assez vite à mon goût mais peu importe. Je suis soulagée de voir les rouges toujours présent. Ils tiennent Améline, une jeune fille qui n’a que 14 ans, elle fait plus vieille que son âge et elle est fiancée avec Pierrick qui est un peu plus loin, la tête rivé au sol. Je ne peux pas la laisser se faire enlever. Je m’avance d’un pas décidé.
Qu’est-ce que j’aimerai pouvoir les fixer et leurs en coller une.
L’un d’eux s’approche de moi suffisamment lentement pour bien me stresser. Je recule par pur réflexe, mais si je dois mourir j’aurais beau le faire que ça ne servira à rien.
Je le repousse avec force quand je sens sa main se poser sur mon menton. Ça ne va pas le calmer mais au point où j’en suis. Cette fois-ci il m’attrape le visage avec force et je me retiens aussi fort que possible de ne pas pousser un cri de douleur. Il relève ma tête et plonge son regard dans le mien. Même si je ne le regarde pas, je vois très bien son visage.
Vu le sourire qu’il me lance, ça semble bien être le cadet de ses soucis.
J’ai envie de voir sa réaction à travers son regard que j’ose défier ainsi.
Son regard est d’un noir glaçant. Je n’avais jamais vu des yeux aussi foncés. Ça doit contraster avec mes yeux qui sont super clairs, en revanche, nous avons la même couleur de cheveux. Ils sont d’un noir corbeau.
Quoi ? Pourquoi il me demande ça ? je n’ai aucune envie de lui donner !
Je fais exprès de rebaisser les yeux, je ne suis pas censée parler ni même le regarder alors il peut courir pour avoir une réponse. Je le regrette rapidement quand il m’en colle une et que j’en tombe par terre. Je n’ose toucher mon visage pour voir l’ampleur des dégâts. Ça ne lui ferait que plus plaisir de lui montrer que j’ai mal.
Ça tombe bien je n’y tiens pas du tout. Un léger sourire apparaît sur mon visage, un sourire incontrôlé et que je ne regrette pas dans le fond.
Tristan et mon père arrivent en courant. Non non pas ça, mon père va s’en mêler pour me défendre et il risque sa vie.
Je lui fais un signe de la main en espérant qu’il comprenne et qu’il recule. Quand je vois le rouge face à moi se retourner et sourire, je commence à avoir sérieusement peur.
Je ne préfère rien répondre. Le rouge fait un signe à un autre mec qui est resté en retrait et quand je le vois s’approcher de mon père, je flip.
Il ne me faudra que quelques instants pour me mettre devant mon père. Je sais que mon geste va juste augmenter l’envie des rouges de nous faire du mal.
Je dis non de la tête et reste devant lui. J’ai une chance énorme d’avoir mes parents vivants et surtout des parents qui continuent à m’héberger, même si je devrais faire partie des gris rejetés de la société.
Le rouge qui a osé poser sa main sur moi approche en souriant. Mon cœur s’affole, mais je ne compte pas baisser les yeux. Je veux voir tout ce qui va se passer, je refuse que mon père paie pour ma grande gueule.
Hors de question que j’obéisse. Je tiens trop à lui et pas du tout en ma propre vie.
Le rouge se remet devant moi avec son petit sourire en coin.
Il hausse un sourcil et vu sa tête, il ne pensait pas un jour entendre une grise lui dire non. On ne refuse rien ! Jamais ! Et à personne. Sauf entre gris disons.
Il se mets à rire en montrant sa magnifique dentition très blanche et parfaitement droite.
Je sens très bien mon père me toucher le dos, il me fait passer le message de me taire. Mais je veux gagner du temps, on ne sait jamais, un miracle pourrait se produire.
Le rouge tourne d’un coup la tête et disparaît sous mes yeux. Quand je tourne la mienne, je vois deux bleus arriver. Le blond de tout à l’heure et un brun un peu plus petit. Nous les reconnaissons de loin, ils ont un signe distinctif. Un brassard bleu ciel accroché autour d’un bras. En service ou pas ils doivent le porter. Ce sont d’ailleurs les seuls à avoir ce genre de détails pour se différencier. Je me retourne et enlace mon père.
Je viens d’avoir horriblement peur. Mais tout ce qui compte c’est qu’ils soient partis sans personnes.
Mon père m’embrasse la tête et me serre un peu plus contre lui. Je sens une main derrière mon dos, c’est Ameline qui est en larmes. Je la prends dans mes bras. Elle me répète une vingtaine de fois merci.
Vu le regard des deux bleus je vais prendre cher pour mes propos de tout à l’heure. Mais eux ne vont pas essayer de me tuer au moins.
Il a raison de toute manière j’aurais dû fermer ma gueule tout à l’heure mais au moins ils sont venus. Et mon miracle s’est produit ! En faisant patienter les rouges… même si je me suis pris une baffe plutôt forte et que je sens toujours ma joue me lancer.
Le blond tourne la tête vers mon amie et semble réfléchir. Il tourne alors la tête vers moi après un regard rapide à son collègue qui est resté en retrait.
Tous les regards sont braqués sur moi. Allez Charlie ! Je t’en prie réponds, dis que tu regrettes, dis que tu étais énervée et terrorisée pour tes amis. Je ferme les yeux, respirent un bon coup et garde la tête baissée.
De longues secondes s’écoulent.
Je vois le brun approcher et poser sa main sur mon menton puis il me tourne la tête. Son regard est froid, mais pas méchant.
Je me contente d’un léger sourire et préfère me taire, je pense en avoir assez dit pour plusieurs jours, là.
Ils s’arrêtent quelques mètres plus loin. Le blond se retourne puis me regarde.
Ils remontent en voiture et partent. Je ne laisse pas le temps à mon père de me faire son sermon que je retourne aux champs. Je ne reviendrais qu’à la nuit tombée. J’ai besoin de travailler et me vider l’esprit. Et je sais qu’en cultivant, ça fonctionne à merveille. J’adore faire ça pendant des heures. Je me sens à ma façon utile. Même si ça me fait peine de vendre une bonne partie sur le marché afin de nourrir les autres factions qui nous traitent comme des moins que rien. Je pense que leurs animaux de compagnie sont clairement plus importants que les gris qui travaillent pour eux.
Je suis sur le chemin du retour avec mon panier rempli. Comme je l’avais prévu en me levant ce matin, je vais rapporter de quoi nourrir plusieurs famille dans mon camp. Chez moi, nous n’avons plus rien du tout et ça devient très compliqué pour manger à chaque repas, et encore plus à notre faim.
J’ai cherché du travail pendant plusieurs mois sans succès, du coup je me suis mise à cultiver la terre derrière mon camp depuis 5 ans, afin de nourrir les personnes qui y vivent. Ça ne suffit pas, mais ça aide déjà pas mal, et puis c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour occuper utilement mes journées. Chaque légume qui sort de la terre en vue d’être vendu, doit être signalé aux verts. Ils sont les commerçants. Leurs rôles et de nourrir les factions, leurs fournir tout ce dont ils ont besoin dans leur vie. En fonction des factions, ils ne proposent pas la même chose. Et surtout les prix ne sont pas identiques non plus… je pense que quand on naît dans le clan des noirs, le prix leur importe peu, en plus ce ne sont même pas eux qui font les courses… autant leur faire payer plus à eux ! Plutôt qu’à nous quand on essaye d’acheter certains articles. Demain, quand j’irai au marché, je devrai aller voir un commerçant vert avant de commencer à travailler et m’installer, soit pour lui régler une taxe fixe soit lui donner un pourcentage des ventes. Avec mon père, nous avons toujours donné un pourcentage, nous n’avons jamais assez de marchandise pour que ce soit rentable.
Je suis presque arrivée quand j’entends des bruits de pas derrière moi. Je m’arrête et me retourne, laissant échapper mon panier quand je reconnais la personne. Le rouge de tout à l’heure… Les deux bleus avaient raison ! Il est bien revenu, seul, mais il est là. Je préfère ça à choisir, car à trois j’aurais vraiment été tétanisée. Même si à lui seul, il peut faire ce qu’il veut de moi.
Il ne répond rien et continue d’avancer.
Il s’arrête à moins d’un mètre de moi. Il compte me faire quoi au juste ? il reste là, les mains dans les poches à me regarder.
Il me sourit avec son regard de prédateur qui ne me fait plus autant peur que tout à l’heure et ne répond rien.
D’un mouvement de main, il met le feu à mon panier et les légumes brûlent sous mes yeux impuissants.
Mes propos semblent bien l’amuser et moi, cela ne fait qu’augmenter un peu plus ma colère. J’essaye comme je peux d’étouffer le feu avec de la terre, mais la seule chose que je risque c’est de me brûler.
Il lève une main quelques secondes après.
Je lui saute dessus et rebaisse son bras. Sa peau est vraiment bouillante. C’est donc un rouge qui maitrise le feu. Ils sont très rares mais tellement puissants.
Il ne répond rien une fois de plus et se contente de me fixer droit dans les yeux. Je n’ai pas d’autres choix que de retourner dans le champ pour cueillir de nouveau de quoi manger pour les autres, je ferai l’impasse sur quelques diner pour compenser.
Je continue à marcher quelques mètres puis me retourne. Il a disparu et mon panier en feu aussi. La voiture des bleus est à quelques mètres, je vois le blond me regarder puis redémarrer. Il est une fois de plus arrivé pile à temps. Je le regarde et lui souris.
Une odeur de brûlé m’arrive aux narines. Je fonce dans le champ et un arbre est en feu. Un arbre juste à côté de ma plantation. Non mais non, l’ordure. Je fonce vers le ruisseau et récupère un seau pour aller éteindre l’incendie. Je suis à mon deuxième aller-retour quand quelqu’un saisit mon seau et part avec. Oh ! le blond. Il nous aura fallu une bonne heure pour l’éteindre complètement sans compter l’eau lancée sur ma récolte pour la protéger. Je tombe au sol épuisée, essoufflée et désespérée.
Je ramène mes jambes vers mon visage pour cacher les larmes qui ont envie de couler.
Je l’entends s’éloigner. Il m’aura fallu une bonne demi-heure de plus pour cueillir de quoi revenir les mains pleines.
Le repas est prêt quand j’arrive. Mon père, vue sa tête commençait à s’inquiéter. Je préfère monter tout de suite me coucher pour éviter de devoir ignorer mon estomac qui réclame à manger.
Je monte me laver et me changer puis me couche morte de fatigue et de faim. A mon réveil demain, je vais devoir retourner récolter de quoi vendre une partie de ma production au marché. En espérant que ma vente sera bénéfique. Nous manquons de tellement de choses. Je pense n’avoir pas bu un thé depuis plus de deux mois et ne plus connaître le gout d’un morceau de sucre, ni la sensation qu’on ressent quand il fond sous la langue.
Je me réveille barbouillée et avec un mal dans le dos. Hier m’a un peu trop travaillée visiblement. Un petit peu d’eau sur mon visage et je suis prête à partir. Mon reflet dans le miroir ne me plaît pas, j’ai vraiment une marque sur le visage, un hématome est apparu, j’aurais dû aller au ruisseau pour me rafraichir la peau, ou accepter la proposition du bleu, tant pis.
Vu le cri, je ne perds pas une seule seconde à descendre.
Je quitte la maison avec elle et cours jusqu’à mon champ. A mesure ou j’avance, j’ai peur que le rouge soit revenu pour tout détruire. Mon cœur accélère en voyant mes champs toujours là, mais ils ont été semés entièrement. Hier soir, en partant, à peine un quart avait été fait. Je n’ai pas l’argent pour semer le reste. La tout est fait, il y a même deux arbustes qui ont été plantés. Le chêne brulé semble avoir été soigné car il est beaucoup moins noir. Je m’approche et une photo de cerise est posée au pied de l’arbre. Une petite dizaine de paniers sont posés ici et là. Je m’approche de celui qui ressemble trait pour trait au mien, qui a brulé la veille, et il est rempli à ras bord de légumes frais.
Est-ce que c’est le rouge qui a fait ça ? J’en doute fort. Et il n’y a aucune preuve nulle part qu’il est responsable de cela. A moins que ce soit le blond. Il a assisté à la scène et m’a aidée à éteindre l’incendie.
Une heure après, la charrette est remplie et avec Tristan nous nous mettons en route. Julian est à l’arrière et la pousse aussi fort qu’il peut. Nous arrivons à 7 h 30 à notre emplacement au marché des loges, le seul coin ou les sept factions peuvent se retrouver. Nous devons tout de même respecter les lois, c’est-à-dire regarder nos pieds. Je me sens d’attaque pour faire mon maximum. J’ai bien mangé et je me sens remplie, même si j’ai dû manger des légumes pour ça à 6 h du matin.
Je lui souris et poursuis la mise en valeur des produits sur mon étalage. Je suis très contente de ma collecte, mes légumes sont beaux et donnent envie. Les légumes dans les paniers ont été distribués à tout mon camp par ma mère. Je refuse de vendre un cadeau et peu importe de qui il provient. C’est plus que bienvenu. Il est 9 h et j’ai envie d’aller apporter la salade au blond maintenant. Je préviens Tristan que je reviens vite et qu’il doit s’occuper seul de la vente. Il a l’habitude et j’ai entièrement confiance en lui. Je suis devant la porte et je suis hésitante à frapper. Allez Charlie, ne fait pas demi-tour maintenant. Je toque et patiente. Bien évidemment, ce n’est pas le blond d’hier.
Il regarde ma boîte et sourit. Enfin jusqu’à ce qu’il voit ma joue blessée. Je pose ma main dessus et baisse la tête. Je ne veux pas devoir m’expliquer pour ça. Et puis de toute façon il ne pourrait pas m’aider et je ne suis pas certaine qu’il en aurait envie.
Le mec explose de rire devant moi.
Je le suis à travers les couloirs, je croise tout un tas de personnes. Ils me dévisagent mais n’agressent pas, c’est toujours ça.
Il ouvre une porte et me fait entrer et suit mes pas.
Je regarde rapidement et je suis soulagée de le reconnaitre, il est bien là et bien blond aux yeux clairs.
Le brun semble rire de la situation. Il s’approche de mon oreille.
Allez fonce maintenant, Charlie. Tu ne vas pas faire demi-tour maintenant. Je m’approche et je suis soulagée quand il regarde dans ma direction et qu’il approche. Bon, les deux collègues à qui il fait faux bond se retournent et me fixent, mais tant pis.
Je lui tends la boîte, en espérant qu’il la prendra très vite pour que je puisse filer.
Il explose de rire et la prend.
Il m’approche et pose sa main sur mon visage et tourne ma tête.
Il me lance un regard d’homme surpris par ma remarque.
Il me fait un signe de tête que je prends comme un : c’est oublié mais ne recommence pas.
Je quitte la cuisine aussi vite que je peux, sans courir, sinon je m’affiche la honte et rejoins le brun qui m’a accompagnée et qui n’a pas bougé. Il me raccompagne jusqu’à la sortie. Après un dernier merci, je retourne sur le marché.
Je suis revenue depuis 2 h et je suis très contente de mes ventes. Ça pourrait pu être bien pire. À midi, nous nous arrêtons chacun notre tour pour grignoter quelques tomates et carottes crues, même en ayant bien mangé ce matin, j’ai de nouveau super faim.
À 14 h nous reprenons tous les deux. Avec Tristan nous nous arrêtons de parler quand on entend un bonjour. Cette voix m’est familière. Je ne peux pas relever la tête, je me contente d’un mouvement pour rendre le bonjour.
Un panier se pose sous mes yeux, oh ! mon panier, je le reconnais, sur un côté j’avais galéré pour tisser les liens et ça formait une espèce de cœur involontaire. Je le prends et le tourne sur lui-même. Il est un peu noir à certains endroits, mais il semble avoir été réparé. Là je suis certaine que c’est bien le rouge qui vient de me le rapporter.
Je le vois bien me lancer un regard surpris…
Il part avec Julian, mais je vois bien qu’il ne comprend pas pourquoi. Je veux éloigner les enfants d’un danger possible. Je relève légèrement la tête et c’est bien le rouge, je reconnais son menton et le style de polo qu’il a porté les deux fois ou nous nous sommes vus. Il est de nouveau seul, enfin je suppose. La grise un peu derrière la tête baissé est avec lui ?
Le ton de sa voix est à la fois autoritaire mais en même temps rempli de douceur, j’ai l’impression qu’il a envie de me taquiner mais qu’il doit rester à sa place. Je souris et baisse la tête puis continue à disposer de nouveaux légumes. La grise est bien avec lui, je l’entends l’appeler.
Il compte vraiment acheter ici ? Où est le piège ?
Je lui donne tout ce qu’elle réclame et je la vois s’éloigner de plusieurs mètres puis il revient payer. Il me tend plusieurs billets qui me font ouvrir de gros yeux tout ronds.
Je me dépêche de ranger les billets dans ma poche et continue de regarder la table.
Quoi ? Je relève les yeux un peu plus et le fixe une fraction de seconde.
Il s’éloigne après avoir agrippé le bras de la grise. Je sors rapidement les billets et je ressens une joie énorme en me disant qu’avec ça je vais clairement pouvoir m’acheter mon thé et surtout mon sucre.
Nous quittons le marché une fois toute ma marchandise vendue et le commerçant payé. Il fait presque nuit et je suis très contente de repartir avec seulement de l’argent.
Pendant que Julian et Tristan rangent tout et ramènent la charrette, je passe au magasin et à la banque pour rembourser une petite partie de la dette de mes parents. Ce versement leur permettra de conserver leur maison pour plusieurs mois. Je rentre avec un poids en moins dans la poitrine. Je passe par chez mes deux loulous et leur donne un sac avec des œufs, des pommes de terre et quelques autres produits de premières nécessités. Après un câlin des deux, je retourne chez moi.
Quand j’arrive avec deux gros sacs remplis, mes parents semblent fêter quelque chose. Ils sont tous sourires. Ma sœur et son mari ainsi que leurs jumeaux sont présents. Je me demande ou est leur fille aînée.
Mince ça sort tout seul de ma bouche sans réussir à le contrôler. Elle a 21 ans et a déjà 3 enfants. Elle ne compte pas s’arrêter ? Nous avons déjà beaucoup de mal à tous nous en sortir, alors si elle rajoute un enfant en plus…
Je file dans ma chambre faire ma valise et surtout je ne me prive pas pour prendre certains articles dans les sacs avant de quitter la maison. Mon père et ma mère essayent de tout faire pour me convaincre de rester mais il est hors de question que je reste une minute de plus ici. Je refuse de travailler comme une acharnée si c’est pour entendre ça. Je vais marcher jusqu’à trouver une ferme abandonnée. Ça ne doit pas en manquer, vu le nombre de gris qui meurent chaque mois. Je passe juste embrasser et dire aurevoir à Marisa et ses fils. Tristan, avec qui j’ai un lien plus fort, me serre très fort contre lui et pleure chaudes larmes dans mes bras. Elle aussi aura essayé de me convaincre de rester ici, d’emménager chez eux, mais ils vivent déjà dans une telle misère, à trois dans une minuscule maison.
Les gris, moi, disons que nous sommes les serviteurs des six factions. Nous ne cherchons jamais le conflit et au contraire préférons fuir en cas de querelle. Les gris sont des personnes sincères et profondément gentilles. Un peu trop des fois, c’est pour ça que nous sommes des super bons à tout faire, à dire oui à tout sans rechigner. Et d’ailleurs, nous n’avons pas le droit de dire non. Peu importe la demande. Nos vies sont régies par tout un tas de lois, de règles en tout genre. Certaines sont vraiment absurdes pour moi, mais c’est comme ça, je dois vivre avec et fermer ma bouche pour ne créer aucun conflit ni représailles.
Parmi nous, il y a aussi ceux qu’on appelle les rejetés de la société, les sans familles, sans amis et possédant des dons insignifiants. Ils font les sales boulots que personne ne souhaite faire. Personne ne voulait d’eux donc notre côté bon samaritain nous a contraints à les accueillir.
Nous sommes vraiment très nombreux, tout simplement parce que nos parents n’ont pas le droit d’utiliser de contraception. Ils doivent avoir au minimum deux enfants sinon c’est très mal vu. Et dès l’âge de 11 ans, les enfants sont envoyés dans des familles pour commencer à y travailler. Entre leurs naissances et leurs 11 ans, ils aident leurs pères là où ils travaillent. Nous n’avons pas le droit de savoir lire et encore moins être cultivés. Le peu de familles cultivés sont celle qui gagnent très bien leurs vies pour des gris et qui ont par chance l’électricité et une télévision dans leurs maisons. En général, ceux-là travaillent pour des noirs et ont une maison de fonction. La télévision, je n’en ai jamais vue, je pourrais passer à côté sans en reconnaitre une.
Les femmes grises se marient en général à 16 ans, la majorité sexuelle chez nous. Elles doivent impérativement être vierges. Elles arrêtent alors de travailler pour une autre famille et doivent s’occuper de leur foyer.
Un mari qui découvre que sa femme n’est pas vierge doit la dénoncer et elle risque la mort. Donc, bien évidemment, si une femme se fait violer par un homme et que ça se sait, elle finira seule et sans famille.
Nous sommes la faction qui sommes les plus démunie pour tout. Quand on se fait attaquer personnes ne vient, quand on est malade on meurt, aucun médecin ne se déplacera. Nous n’avons pas d’argent pour payer. Et des poireaux comme paiement ne sont pas acceptés.
Je déteste être une grise. Et je ne peux pas faire semblant d’être quelqu’un d’autre. J’ai ce maudit bracelet attaché à ma main qui montre qui je suis. Quand il clignote, ça veut dire que quelqu’un demande mes services. Il ne s’est jamais allumé. En 21 ans, ce n’est pas très glorieux.
Et j’ai surtout une puce dans le mollet pour être repérable. C’est bien pour ça qu’un rouge en connaissant mon prénom, peut me retrouver et me faire du mal.