Les mondes de Nathanaëlle - Samantha Diaz - E-Book

Les mondes de Nathanaëlle E-Book

Samantha Diaz

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Beschreibung

Fraîchement diplômée, Nathanaëlle refuse de se plier aux désirs de ses parents pour son avenir et se trouve rapidement déchirée entre deux mondes. La question cruciale se pose alors : où se situe la frontière entre le bien et le mal ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Samantha Diaz se décrit comme une rêveuse romantique qui a besoin d’écrire pour s’évader et faire voyager ses lecteurs. "Les mondes de Nathanaëlle" complète la trilogie de Nelle. Il est le fruit de l’imaginaire de son auteure, influencé par l’amour, la magie et le mystère.

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Couverture

Page de titre

Samantha Diaz

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les mondes de Nathanaëlle

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Samantha Diaz

ISBN : 979-10-422-2224-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour une amie de longue date qui depuis quelques mois est devenue ma meilleure amie, ma confidente, ma sœur de cœur. Ce livre est important pour moi, je me plonge dans un nouvel univers où règnent mythologie, rêve et romance. J’espère qu’elle appréciera l’histoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les mondes de Nathanaëlle

 

 

 

 

 

Je viens d’avoir mon diplôme, celui qui me permettra si je le souhaite d’aller travailler dans les champs avec mes parents. Mais moi, je ne veux pas de cette vie-là. Mon grand frère et ma grande sœur ont toujours été prédisposés à faire ça. Ça n’a jamais surpris personne quand ils sont revenus travailler à la ferme après avoir obtenu leurs diplômes, pour la plus grande fierté de mes parents.

Moi j’ai envie de voyage, d’aventure, de découverte. Le plus loin où je suis allée c’est à 30 km de chez moi. En 19 ans ce n’est franchement pas glorieux ! Mes parents n’ont ni le temps ni l’argent pour nous permettre de partir.

Mes faibles économies ne me permettront pas de voyager bien loin ni bien longtemps. Au mieux j’irai dans la ville voisine visiter leur super cave à vin et je rentrerai complètement soûle et les poches vides.

— Nathanaëlle, dépêche-toi, Alban va arriver sous peu ! hurle ma mère à travers la maison.
— Oui maman, c’est bon j’arrive.

J’ai ce grand défaut d’être une rêveuse, je suis facilement distraite.

Un dernier coup d’œil dans la glace et je suis enfin prête à partir au bal de fin d’année où je suis conviée et surtout invitée par Alban. Le fils de nos voisins les plus proches. Ils sont dans la ferme à deux kilomètres de chez nous. Pour mes parents Alban est le mari parfait, je ne manquerai de rien avec lui. Mais c’est peut-être ça le problème. Le côté tout cuit ne me ressemble pas.

— Nathanaëlle, Alban est là ! me hurle de nouveau ma maman.
— C’est bon, j’arrive !

J’enfile mes escarpins qui ne font que m’allonger un peu plus la taille et je quitte ma chambre. Ma mère a été sympa de me coudre cette magnifique robe noire qui me donne un côté sérieux et femme fatale. Chignon haut et rouge à lèvres, ma tenue est parfaite.

Vu le regard et sourire que me fait Alban, il aime.

— Tu comptes sortir comme ça ? demande mon père avec un regard étonné.
— Bien sûr, je ne suis pas jolie comme ça ?
— Trop vulgaire pour moi, tu ferais mieux de rester ici et ranger la maison, conclut mon père avant de retourner dans son bureau.

Décidément nous ne nous comprendrons jamais lui et moi.

— Je te trouve très belle comme ça, me dit ma sœur en arrivant vers moi.
— Enfin quelqu’un avec un minimum de goût, dis-je à Charlène ma grande sœur.

Ma sœur et ma mère m’embrassent et je suis Alban jusqu’à sa voiture.

— Ton père a raison, ça fait trop Nat.
— Tout en lui faisant un énorme sourire, je lui demande avec beaucoup de politesse, mais une certaine moquerie de bien vouloir se taire et de rouler.

Par chance il a quand même pas mal d’humour et se met à rire.

 

En quinze minutes à peine nous sommes sur le parking du lycée. C’est la dernière fois que je viens ici et ça me réjouit d’avance. Mes amies Ève et Noémie m’attendent devant l’entrée. Leurs cavaliers de la soirée ne semblent pas encore arrivés.

Elles avancent en me voyant et me font la bise.

— Tu es super belle ma chérie comme ça, me dit Ève en me prenant dans ses bras.

Ève est ma meilleure amie, je la connais depuis l’école maternelle et nous avons ensemble fait les quatre cents coups, où l’une va, l’autre suit. Son père et sa mère tiennent la boulangerie du village et c’est plutôt top pour avoir des viennoiseries gratuites le matin avant d’aller en cours.

— Ça te change en tout cas, ajoute Noémie.

Noémie est une nénette dans la classe d’Ève, elle la suit partout comme un petit chien, elle n’est pas méchante, juste très inintéressante. Avec son air hautain à tout savoir mieux que les autres, ça m’agace. Elle est ainsi, car elle est plutôt jolie et a des yeux d’un bleu qui fait vite pencher la balance à côté de mes pauvres yeux marron.

— Les robes pour un bal de fin d’année c’est la base ! ne puis-je m’empêcher de rétorquer.

Son regard méprisant me confirme qu’on ne pourra jamais être amies elle et moi. Heureusement qu’Alban est là pour nous couper dans notre début de querelle. Il nous propose de rentrer et nous joindre à la foule.

Les minutes passent à une vitesse impressionnante, et ce n’est clairement pas grâce à l’ambiance. La majorité des lycéens dansent et moi je me sens seule. À choisir, je préfère aller dehors et observer les étoiles.

Je m’installe dans l’herbe avec mon nouveau verre de punch et le bois à peu de chose près cul sec comme les trois derniers. L’effet de l’alcool est là et ça me permet d’oublier que dans quelques heures je vais rentrer afin de commencer une nouvelle vie de travailleuse à la ferme. J’aime aider mes parents dans les champs, mais à petite dose.

— Bonsoir Nat, dit une voix qui me fait sursauter.

Je me retourne et ce n’est que Louis. Louis est le fils du maire, il n’est pas méchant, juste con et imbu de sa personne. S’il était moche, il le serait clairement moins. Toutes les pouffes du lycée étaient accros à lui. Personnellement je le trouve tellement banal, sans charme, sans intérêt.

— Salut.
— Tu fais quoi seule dehors ?
— J’observe les étoiles.

J’essaye de lui répondre le plus sèchement possible. J’ai envie qu’il parte vite et loin. Je ne lui ai parlé que deux secondes et il réussit déjà à m’ennuyer.

— Tu sais que tu es canon comme ça, me dit Louis avec un regard de vicieux dégueulasse.
— D’accord.
— Tu n’as pas envie de profiter un peu plus de ta soirée avec moi ?
— C’est une blague ?
— Tu n’as pas envie qu’on s’amuse un peu tous les deux ?

Tout en me relevant, je lui explique qu’il doit se sortir toute idée de sa tête. Il semble en avoir décidé autrement quand je le sens attraper mon poignet et me tirer contre lui.

— Allez, se faire dépuceler par moi ça sera un honneur pour toi, enchérit cette enflure.
— Un honneur ? Tu plaisantes, ça me donne envie de vomir plutôt.

Quand il approche sa bouche pour m’embrasser, je ne peux pas m’empêcher de lui coller une gifle. Je flippe quand je vois sa main vouloir me rendre ma baffe. Je ferme les yeux aussi fort que je peux et patiente.

Pourquoi je ne le sens plus me tenir ?

J’ouvre les yeux et un homme plutôt jeune même s’il fait terriblement mature, tient le poignet de Louis.

Mais qui c’est lui ?

— Ce n’est franchement pas gentil de vouloir frapper une jeune fille, dit l’inconnu.
— Tu es qui toi ? demande Louis.
— Ton pire cauchemar !

Quand je vois Louis voler en arrière et frapper de plein fouet un lampadaire, mes yeux s’écarquillent. C’est lui qui a fait ça ?

Il fait un geste de main en fixant Louis puis tourne la tête vers moi et me sourit.

— Demain il aura tout oublié, rassure-toi.
— Je…
— Oublie ça également.

Je ne me rends compte qu’il me tient le poignet qu’au moment où il le relâche. Je balbutie, chaque mot qui sort de ma bouche résonne bizarrement.

— Oublier quoi ?

Il me sourit et disparaît sous mes yeux. Je rêve, ce n’est pas possible ? Et pour le coup je pense comprendre ce qu’il a voulu dire par là.

Je mets quelques secondes pour réussir à reprendre pied. Mon cerveau essaye de me convaincre que j’ai trop bu et que rien de tout ça n’est vrai. « Il a disparu ? Comme par magie ? Non Nat sérieusement ». Je commence même à oublier le visage de cet homme.

« Brun Nat, il était brun, les yeux noirs, et une cicatrice entre les yeux. Une mèche de cheveux passe entre ses yeux, ce qui accentue son regard fin et en amande. » Son sourire m’a permis d’apercevoir des dents terriblement blanches. Et cette carrure, à vue d’œil, il a une bonne tête de plus que moi et surtout le double de mon poids. En très peu de temps, je me rends compte que j’ai réussi à bien l’observer.

« Répète-toi ça en boucle avant d’oublier ». J’ignore combien de temps je suis restée dehors, mais là j’ai besoin de parler avec Ève. Je fonce dans le gymnase à sa recherche après avoir remis mes escarpins. Il faut que je lui raconte. Elle est au buffet et se sert à boire.

— Tu ne vas jamais deviner ce que j’ai vu dehors, dis-je.
— Deux étudiants en train de se papouiller ?
— Non, Louis a essayé de m’embrasser et je l’ai giflé.
— Louis a essayé de faire quoi ? me dit Ève en faisant des yeux tout ronds.
— Ce n’est pas le plus important, crois-moi.
— Mais tu vas bien, rassure-moi ? me répond-elle avec des yeux inquiets.
— Oui, oui, je vais bien, mais laisse-moi finir s’il te plaît.
— Il est où là ?
— Ève, chut !
— Oui ça va pardon. Vas-y, je t’écoute.

Je ne devrais peut-être pas lui en dire plus finalement, elle me prendra pour une folle et le mec qui m’a aidée aura peut-être des ennuis.

— Alors ? insiste Ève.
— Un mec est venu m’aider et ensuite il est parti après avoir donné un coup à Louis.
— C’est qui ce mec ? Il est où maintenant ?
— Parti.
— Bon, tant mieux alors.
— Je devrais rentrer chez moi maintenant.
— Déjà ? Il est super tôt.
— Je suis fatiguée.

 

Je cherche Alban en espérant qu’il accepte de me raccompagner. Il semble tellement bien s’amuser que ça m’embête pour lui. Tant pis, c’est parti pour quarante minutes de marche.

Qui était ce mec ? Je suis certaine de ne jamais l’avoir vu dans les environs.

Tout comme Louis, l’inconnu dégage une assurance. Son regard et son sourire sont enregistrés dans ma tête. Brun les yeux noirs avec une cicatrice et cette mèche qui passe pile entre ses deux yeux. Bon au moins j’ai retenu. De l’avoir répété plusieurs fois semble m’avoir aidée.

La probabilité que je le croise de nouveau est quasi nulle et je ne l’ai même pas remercié.

La route a été plus rapide que je ne le pensais. « En même temps tu n’as pas cessé de penser à ce gars sorti de nulle part et qui a disparu d’un seul coup. »

Est-ce que j’ai rêvé ou est-ce que j’ai vraiment vu cet homme ? Louis n’a pas volé contre le lampadaire, c’est quelqu’un qui l’a envoyé ça c’est certain. Et je ne peux pas avoir de doute là-dessus.

 

Ça fait une semaine que je suis revenue de ce foutu bal. Je n’ai pas quitté une seule fois la ferme. Après un appel à Ève, on décide de se rejoindre en ville. Pour gagner du temps, je coupe par la ferme abandonnée des Nolan. Mon père me l’interdit, mais si j’avais dû obéir à tous ses ordres je serais au couvent là.

Le terrain est couvert d’herbe, je ne peux pas avancer à vélo. Obligée de le pousser.

À mesure que j’avance, il me semble entendre du bruit dans la grange. Quand j’entends un bruit sourd, je suis mitigée à prendre mes jambes à mon cou pour fuir ou au contraire aller voir. Quelqu’un est peut-être tombé et a besoin d’aide.

Je me fraye un chemin jusqu’à la porte et pense avoir un arrêt cardiaque en voyant deux personnes se battre. L’un des deux à comme une aura blanche qui l’entoure et l’autre porte des ongles longs, noirs et très épais. On dirait des griffes. Mais qui sont ces mecs ? Je ne suis plus dans mon monde ou rêve ? Ils se frappent violemment, enfin ça à l’air en tout cas.

Pour le coup, je présume que le bon c’est celui avec l’aura. Quand il tourne la tête vers moi ça le déconcentre et le deuxième en profite pour le frapper dans le ventre et le renverser au sol.

Mince non ! Rapidement il le domine et commence à vouloir l’étrangler. Quand je vois l’aura le quitter pour rejoindre le corps de l’espèce de monstre aux ongles affreux, je dois trouver une idée pour stopper ça.

« Allez Nat réfléchis bordel. » Un énorme bout de bois au sol fera l’affaire, enfin j’espère. Je me précipite sur celui de dos et le frappe aussi fort que possible.

Ça a le mérite de le faire lâcher prise. Il se redresse, se retourne et avance vers moi. Eh mince ! Je n’avais pas prévu ce détail. Je n’avais rien prévu du tout d’ailleurs. Je recule, mais en deux enjambées il m’a rattrapée.

Je n’ai pas lâché mon énorme bout de bois. Je regarde rapidement au sol et l’autre reprend doucement connaissance.

« Allez, Nat, frappe-le de nouveau en plein visage. »

Justement en essayant de lui en coller une, il rattrape mon arme et me la retire des mains avec une facilité déconcertante. Un sourire moqueur apparaît sur son visage. Par pitié un peu d’aide. Il attrape mon poignet avec force et me tire un peu plus vers lui. De plus près il est encore plus laid. J’ai une lueur d’espoir quand il se stoppe et qu’un de ses sourcils se redresse.

— Tu as de la chance jeune fille, me dit le mec qui me fixe et qui était prêt à m’en coller une.

Et il disparaît. Il vient vraiment de parler ma langue ? Mon cœur bat à la chamade en pensant à ça et en voyant l’autre avec de nouveau son aura autour de lui !

Le monstre a disparu lui aussi… comme l’autre gars lors du bal de fin d’année ! À présent je suis certaine de ne pas avoir rêvé à la soirée. Je suis hésitante à aller voir le blondinet allongé au sol. Il se redresse tout doucement et se frotte la gorge. Il finit par se relever avec difficulté et me rejoint.

Je ramasse mon bout de bois et me mets en position d’attaque.

— Merci pour ton aide, me dit le mec avec son aura bien présente.

Pour le coup vu la tête qu’il fait il semble sincère. Mais je n’en mène pas large quand même. Et encore plus quand son aura disparaît en rentrant en lui.

— Vous êtes qui ? dis-je d’une voix tremblante.
— Silver.
— Mais encore ?
— Tu attends quoi comme réponse ?
— Cette aura qui se dégage de vous, ça veut dire quoi ?
— Quelle aura ?

Je vois parfaitement qu’il essaye de me faire douter de ce que j’ai vu, mais je n’ai pas rêvé.

— Celle que l’autre gars a essayé d’absorber.

Je ne me vois pas répondre autre chose, j’ignore si j’ai vraiment envie de savoir finalement.

— Tu vois vraiment mon aura ?
— Apparemment oui.
— Ce n’est pas la première fois que tu rencontres un être surnaturel ?
— OK, je pense paniquer sous peu.

Quand je le vois lever la tête et regarder un peu partout autour de lui, je ne suis pas rassurée. Je ne vois et n’entends rien contrairement à lui.

— Ne restons pas là. Il risque de revenir accompagné.

Je maintiens fermement mon bout de bois, on ne sait jamais, mais je commence à marcher en direction de la sortie.

— Je ne suis pas mauvais et je ne compte pas te faire de mal.
— Je ne veux pas prendre le risque de le savoir.
— Il faut se dépêcher, dit Silver en me prenant par le bras.

Je dis oui de la tête et accélère le pas jusqu’à mon vélo. Je pose mon bout de bois, empoigne le guidon et commence à pousser.

— Je vais m’occuper de ton vélo, avance.

Pour le coup j’ignore si je dois lui faire confiance ou pas. Je reprends mon bout de bois ce qui me fait rire intérieurement. S’il avait eu envie de me faire du mal, il l’aurait déjà fait, enfin je pense non ? J’essaye de me rassurer comme je peux.

Nous avançons aussi vite que possible jusqu’à la sortie de la ferme et atterrissons sur le rebord de la route. Un pick up est garé sur le bas-côté.

— Je vais te déposer, me dit Silver.
— Pas besoin, non.
— Je sens toujours un danger.
— Vous n’êtes pas un danger pour moi peut-être ? Qui me dit que je peux vous faire confiance ?
— Rien, me répond Silver.

Sa réponse a le mérite d’être claire au moins. Aucune émotion ne se dégage de lui. Pas de sourire moqueur. Rien.

Il soulève mon vélo avec facilité pour le poser à l’arrière du pick up et insiste une fois de plus pour me raccompagner.

 

Ève qui m’attend toujours me vient en mémoire. Eh mince ! Pas vraiment le choix, je monte en voiture avec cet inconnu et le laisse me guider jusqu’au centre-ville. Ève est forcément déjà arrivée.

Il est sympa et sort de sa voiture pour descendre mon vélo.

— Merci, Silver, dis-je d’une voix mélangée de peur, de doute et de tout un tas de questions que je n’ose pas poser.
— Attention à toi…

Il me dit ça comme s’il attendait quelque chose de ma part.

Quand j’entends Ève hurler mon prénom, je comprends qu’il attendait ça.

— Attention à toi, Nathanaëlle, notre monde est loin d’être tout beau et tout rose.
— Certains ont même besoin d’une bonne manucure.

Il hausse un sourcil, me sourit et file. Pourquoi tu as sorti ça sérieux ? Tu aurais pu demander qui c’était plutôt l’autre qui a disparu !

— Tu as trente minutes de retard et tu reviens avec un mec. J’attends une explication en espérant qu’elle soit croustillante.

« Croustillante » ma chérie c’est le mot, mais ne compte pas sur moi pour te le dire.

— Il m’a vue galérer à vélo et il a été sympa en s’arrêtant pour m’aider.
— C’est tout ? Tu n’es pas sérieuse ?
— Désolé, mais si.
— C’est tout de même sympa. Son petit nom ?
— Je ne lui ai pas demandé.

Elle n’insiste pas… ouf !

Avec Ève nous allons comme à notre habitude nous poser devant notre boutique favorite. Celle où sont vendus un tas d’objets tous aussi étranges les uns que les autres.

Nous aimons nous moquer des gens qui entrent et sortent. Nous imaginons le motif qu’ils trouvent pour acheter tel ou tel objet. Et surtout pourquoi ils sont venus jusqu’ici dans ce bled paumé pour le faire. Le maire n’a pas eu d’autre choix que d’accepter l’ouverture de ce dernier. En même temps c’était soit ça, soit il se mettait à dos le shérif de la ville.

Notre partie de plaisir commence quand Ève m’annonce l’arrivée de Mme Cat. Nous l’appelons ainsi, car elle se promène en permanence avec plusieurs chats. Elle est toute petite et rondelette. Ses lunettes ne la rendent que plus étrange. Certains jeunes de la ville l’appellent « la vieille folle » et d’autres « l’enfant du diable ». Vu son âge elle devrait être sa mère plutôt. Elle est rousse, et l’une des rares habitantes des alentours.

Ma curiosité m’a toujours titillée, qu’est-ce qu’elle peut bien acheter ici ? Et surtout pourquoi venir avec ses chats ?

À mesure où elle avance, je me sens trembler. Non seulement elle me fixe bizarrement, mais en plus j’ai l’impression que ses chats aussi.

Je rêve ou elle n’a pas d’ombre ? Je regarde les autres passants et ils en ont tous une. Ève ne semble même pas le voir.

— Alors combien de minutes à ton avis ? me demande Ève avec son sourire qui me montre qu’elle est en pleine réflexion.
— De quoi tu parles ?
— Ben du temps qu’elle va rester dans la boutique.
— Ah oui d’accord.
— Ça ne semble pas aller.
— Si si.
— Tu ne vas pas me redire que tu es fatiguée ?
— Je dirais 10 min.

Faut que je trouve une idée de diversion.

— Tenu, me répond Ève avec un grand sourire.

J’aurai finalement gagné 3 fois sur 5 et c’est donc elle qui me devra le petit déjeuner qu’elle apportera demain matin chez moi.

 

Je rentre une bonne heure avant le dîner histoire d’aider ma mère et ne pas avoir de réflexion sur mon absence de la journée.

Ma sœur et ma mère sont au fourneau quand j’arrive pendant que mon père et mon frère Charly sont dans les champs.

— Demain je compte sur toi pour nettoyer la cave, tu dois le faire depuis plusieurs semaines Nat, me dit ma mère sur un ton plutôt en colère.
— Je m’en occupe demain, promis.

Et pour une fois je suis plutôt d’accord de ne pas m’éloigner de chez moi. On se demande bien pourquoi.

Au moment d’aller dormir, je me remémore ma journée qui pour le coup a été plutôt originale, effrayante surtout en fait. Après avoir tourné et viré dans le lit et avoir compté les moutons, je finis par m’endormir.

Quand mes yeux s’ouvrent, je suis attachée sur une table et plusieurs personnes sont debout tout autour de moi. Ils sont tous habillés de noir et leurs visages sont cachés par des capuches.

« Mon dieu je suis où ? Où est ma famille ? »

Leur dialecte est incompréhensible pour moi et ça ne fait qu’augmenter la peur que j’ai commencé à ressentir en me réveillant. Ça ne sera clairement pas discret si j’essaye de me détacher.

« Nat, tu ne devrais pas faire ça », mais ma curiosité me pousse à regarder tout autour de moi. L’un d’entre eux est devant un pupitre et récite des incantations que tous les autres répètent.

— Banos, creyos imputas
— Banos creyos djenodis
— Banos creyos imputas
— Banos creyos djenodis.

Ils répètent ça en boucle.

Des flammes jaillissent du sol et un cri de peur sort de ma bouche.

Je me redresse brusquement en poussant un nouveau cri. Mon Dieu, Silver est là devant moi et a déjà mis sa main sur ma bouche, avec son index il me fait signe de me taire.

Ce n’était pas un rêve alors. Il retire sa main et me sourit. Pas un sourire de « je suis content de te voir », mais plutôt un « je suis là, respire ça va aller ».

— Ce n’était pas un rêve ? demandé-je en chuchotant et en essayant de reprendre mon souffle.

Il me fait non de la tête et l’expression de son visage change. Je regarde mes poignets et me mets à les frotter. Aucune trace de lien.

— Comment avez-vous su ?
— Lève-toi, je t’emmène avec moi, tu n’es plus en sécurité ici et ta famille non plus.
— Quoi ?
— Dépêche-toi, allez, on doit quitter les lieux avant qu’on te repère.

Je prépare un sac en quatrième vitesse et quitte ma maison avec Silver. Nous sommes en voiture, quand je vois la lumière de ma chambre s’allumer. Je reconnais le brun de la grange regarder par ma fenêtre ce qui me provoque un mouvement de recul.

— Silver, on doit y retourner.
— Non, Nat, je suis désolé.
— Quoi ? Mais mes parents ?

Il démarre et accélère si vite que ma maison disparaît dans le rétroviseur en quelques secondes. Je sens déjà des larmes couler sur mon visage.

— C’est toi qu’ils veulent, tes parents seront en danger en venant t’aider. Reste loin d’eux et ils resteront en vie.
— Vous en êtes sûr ?
— Certain, appelle-les demain matin pour te rassurer.
— Vous m’emmenez où ?
— Tutoie-moi.
— Alors ?
— En sécurité.
— Depuis que je te connais visiblement je ne le suis pas.
— Tu as rencontré quelqu’un d’autre d’abord, moi c’était juste une suite logique.
— Non, je n’ai rencontré personne.
— Tu avais une trace sur ton bras que j’ai effacé comme j’ai pu.

Je regarde mon bras et je ne vois rien. Il parle du brun de la soirée ? Il m’a laissé une trace ? Je ne comprends pas ce que Silver veut dire.

— Il t’a touchée, n’est-ce pas ?
— Silver, tu me fais flipper là.
— Désolé.

Il demeure silencieux le reste du trajet. Il me lance par moment des petits regards. J’aurais mieux fait de ne jamais traverser ce champ. Je me serais contentée du visage du brun qui m’a aidée. À mesure que nous roulons, je commence à regretter ma vie dans ma maison de campagne.

La maison de mes parents est une vieille grange rénovée. Elle n’est pas spacieuse ni moderne, mais elle a le mérite d’être chaleureuse et accueillante. Mes parents me manquent comme si je ne les avais pas vus depuis des siècles. Ce sentiment de ne pas pouvoir revenir avant un moment me serre la poitrine.

— On va arriver.

Ici ? Il n’y a rien du tout pourtant à part une forêt. Quand je le vois prendre un chemin à travers les bois, je comprends mieux pourquoi un pick up. Nous ne roulons que quelques minutes et une sorte de montagne cachée derrière une cascade s’offre à nous. Un lac est éclairé par un rayon de soleil qui traverse la cime des arbres. À défaut d’être perdu, c’est vraiment joli comme endroit. On quitte la voiture après avoir récupéré mon sac. Plusieurs autres pick up sont garés, mais où sont tous les propriétaires des véhicules ?

— Il n’y a rien du tout ici, dis-je à Silver avec un ton inquiet.

Il me sourit et quand je le vois ramasser un bout de bois et me le tendre je suis partagée entre rire ou paniquer.

— Allez, avance Nat.

J’ai même pris l’arme, on ne sait jamais.

Nous avançons jusqu’à la cascade et il me fait signe de m’arrêter.

— Tu sais nager et retenir ta respiration plusieurs minutes ? me demande Silver avec un léger sourire en coin.
— Bien évidemment.

Il veut rigoler ? Rigolons. Je commence à avancer quand il me retient par le bras et me tire en arrière.

— Tu as un minimum d’humour. Tu devrais survivre au moins cette nuit.
— J’ai survécu à un rituel à base de baa…

Il ne me laisse pas le temps de finir que sa main est posée sur ma bouche. Il est rapide le bougre, je ne l’ai pas vu bouger. Je lui retire la main avec force et recule.

— Ne prononce jamais de mots dont tu ignores la signification.
— Désolée.
— Allons-y.

Il semble remonter par ma faute. En même temps je ne pouvais pas savoir. Il avance près de la cascade et lève les mains en l’air.

J’ai envie de rire quand je l’entends prononcer des mots dans un dialecte tout aussi étrange que ceux entendus dans mon sommeil. Mon corps entier frissonne en y repensant.

Il répète deux fois capria nefasto, capria nefasto et de gros rochers passent à travers la cascade frayant un chemin à travers la montagne. Dans quel monde je vis ? Je suis juste dans un cauchemar et je vais me réveiller ! Allez Nat réveille-toi rapidement et fais plaisir à tes parents en faisant du ménage dans la cave ! Hop Hop Hop ! Debout.

— Après toi, sort Silver en me voyant sûrement dans mes pensées.

J’avoue ne pas être très emballée, on ne voit absolument rien tellement c’est sombre.

— L’autre mec étrange a dû partir de chez mes parents, je devrais y retourner.
— Nat, le mec est un démon et si tu y retournes, sous peu, tu en seras une aussi.
— Un démon rien que ça ?
— Allez, rentre ici.
— J’ai une autre option ?
— Pas pour l’instant, non.
— OK.

« Respire Nat », je fais les cent pas devant lui, je voulais une autre vie, je suis servie pour le coup. C’est un mauvais rêve ! C’est juste un mauvais rêve. Je me répète ça. Je n’ai pas d’autre explication rationnelle en même temps. Je sens que dans ma tête tout s’embrouille. Que même si en temps normal je suis courageuse, là je flippe.

— Nat, regarde-moi.
— Tu m’emmènes sans mon accord dans un monde qui ne me ressemble pas.
— Si je t’avais laissée chez toi, tu serais devenue une autre personne et ta famille aurait été tuée par tes propres mains.
— Je ne te crois pas, je suis sûre que tout ça, c’est un rêve, juste un rêve. Rien n’est possible. Et tu es quoi toi au juste, hein ?
— Dès demain je te raconte tout ce que tu voudras savoir. Mais là il est tard et il est l’heure de dormir.

Comment savoir si je peux lui faire confiance ou non ?

— Allez, Nat, avance !

Je dis oui de la tête et lui emboîte le pas. Finalement, après avoir parcouru quelques mètres dans cette grotte, une lumière éclaire une pièce qui est juste belle et majestueuse. Comment un lieu pareil peut-il exister ? La lumière entre par une énorme baie vitrée qui donne dans le vide. Cette vue est à couper le souffle. Je vois mon village au loin et toutes les fermes voisines. Et encore plus loin des forêts qui s’étendent à perte de vue.

Cette pièce est composée d’un bar en pierre juste devant la baie vitrée, d’une énorme table en bois à gauche en rentrant dans la pièce. De deux grands canapés en cuir en plein milieu, et une cuisine plutôt basique, mais qui a le mérite d’être là à droite. Une magnifique cuisinière à bois.

— Nous avons la chance que la lune nous éclaire, me dit Silver en regardant avec moi cette vue qui coupe le souffle.
— C’est tellement beau ici.
— Effectivement c’est très beau.

Une ouverture dans la falaise et un couloir derrière dessert pas mal de pièces visiblement. Nous remontons cette allée quelques instants et il se stoppe d’un coup ce qui me fait lui foncer dedans.

— Il va falloir gagner en réflexe.
— Tu aurais pu prévenir.
— Quelle idée de me coller aussi.

Je lui souris et le pousse gentiment.

Je suppose que c’est sa chambre. Elle est plutôt sympa à regarder. Elle aussi est éclairée par la lune. L’ouverture vers l’extérieur est nettement moins grande, mais elle est suffisante pour permettre à la pièce de respirer.

À part un lit et un placard, on ne peut pas dire que ce soit très riche en décoration. En même temps l’essentiel est présent et ce n’est pas si mal que ça. Une question existentielle me vient alors en tête. Il compte dormir avec moi ? Je me sens devenir rouge en imaginant ça.

— Silver ?
— Oui ?
— Tu comptes me faire dormir où ?
— Ici.

Quand je tourne la tête dans sa direction, il a les mains dans la poche et me sourit. Pour le coup celui-ci est clairement moqueur.

— Et toi tu vas dormir où ?
— Dans cette chambre également.
— Quoi ? dis-je d’un ton ahuri.

Je le vois alors se pencher en avant et sortir un matelas du dessous du lit. Mon cœur ralentit et pour le coup je suis rassurée.

— Je veux te surveiller jusqu’à ce que tu sois capable de les rejeter de ton esprit quand tu dors.
— Tu penses qu’ils vont essayer de nouveau ?
— Oui j’en suis certain.

« Ne panique pas Nat. Il va te surveiller et tout ira bien. » Il me propose de sortir de la chambre pendant que je me change et que je le rejoigne dans la pièce principale.

Une fois terminé, je quitte la chambre et fonce de plein fouet dans un torse. Aïe !

— Tu es… ? me demande un mec très grand en me regardant bizarrement.
— Nathanaëlle.
— OK.

C’est tout ? Il ne compte pas me dire comment lui s’appelle ? Ils sont tous blonds aux yeux très clairs ici ? Je vais faire tache avec mes cheveux noirs et mes yeux marron.

Il s’éloigne de moi en direction du séjour. Je le suis, mais cette fois-ci je garde une distance de sécurité, je ne voudrais pas foncer une troisième fois dans quelqu’un.

— Tu es arrivé à temps, bravo Silver, dit le deuxième blondinet.
— Oui et quelques minutes après le démon est apparu, répond Silver en le fixant.

Je me sens gênée, et de me faire toute petite va être compliqué. Mes parents ne sont pas très grands et pourtant ils ont réussi à pondre une fille d’1m75. J’ai toujours détesté être grande. Le nombre de personnes plus grandes que moi se compte sur les doigts de la main dans mon lycée. Au moins pour une fois avec eux deux je me sens petite.

— Tu comptes en faire quoi demain ? demande le deuxième en me dévisageant.

Il n’est vraiment pas aimable lui, j’aurais dû garder mon bout de bois.

— Sois sympa Florent avec la petite nouvelle, dit un mec en arrivant derrière nous.

Je me retourne et un blond de plus arrive. Il s’approche de moi et me sourit. On dirait le portrait craché de l’autre.

— Bonjour, je m’appelle Florian, et comme tu peux le voir Florent me ressemble beaucoup, il a copié sur ma beauté et sur ce corps de super héros.
— Je m’appelle Nathanaëlle.
— Enchanté et heureux de te savoir encore vivante.

Le petit sourire qui avait réussi à apparaître sur mon visage s’efface en l’espace de quelques secondes.

— Désolé, me dit Florian.
— On va aller dormir, enchérit Silver.

Je dis oui de la tête et le suis jusqu’à sa chambre. Je n’attends pas mon reste pour prendre son lit qu’il a proposé de me laisser.

Effectivement s’il n’avait pas été là j’aurais de nouveau été submergée deux fois par des cauchemars. Quand mes yeux s’ouvrent pour de bon, la pièce est envahie par le soleil et la chaleur. Silver n’est plus là. Il m’a laissée seule au risque que je puisse cauchemarder ? Je regarde ma montre, il est déjà 11 h !

Je me change en speed et hésite plusieurs minutes à aller dans le salon. Je pense qu’il y a cette fois-ci plusieurs personnes. Au pire Silver va finir par s’inquiéter et il viendra me chercher ici. Après m’être donné des baffes par la pensée je prends mon courage à deux mains et quitte la chambre. Avec un peu de chance, les autres résidents, s’il y en a, seront peut-être sympas.

J’arrive aussi doucement que possible. Ils sont vraiment nombreux pour le coup, je dirais une petite dizaine de personnes assises à table. Ils discutent de combats. Quand je vois Florent me fixer, je sens qu’il va encore ouvrir sa bouche.

— Eh bien ! dit Florent avec son air odieux.
— Fous-lui la paix, elle a très mal dormi jusqu’au lever du soleil, dit Silver pour me défendre.
— Elle finira comme les autres, une des leurs.
— Et on aura tout fait pour l’empêcher.
— Tu parles.

Un froid règne dans la pièce et moi je me sens encore plus mal à l’aise.

— Qui t’a touchée pour que tu dégages cette odeur ? demande un homme à qui je n’ai pas encore été présentée.
— Le démon dans la grange, avec ses ongles écœurants, dis-je en essayant d’être la plus convaincante possible.

Je suis persuadée que le brun que j’ai croisé au bal est bon. Il ne m’aurait pas aidée sinon. Silver me présente alors les mecs, Azure, Colon, Velez, Asan, Lounis, Ciney, Fabrize et Lotan. Il me rappelle aussi les prénoms des deux frères Flo. Je suis rassurée de voir qu’il y a tout de même trois bruns.

— Qui êtes-vous ? Pourquoi vivre ici ? dis-je d’une voix peu rassurée.

J’ai besoin de réponse. J’ai besoin de comprendre dans quoi je me suis embarquée malgré moi.

— Viens t’asseoir, Nat s’il te plaît, me dit Silver avec son regard de mec désolé.
— Je préfère rester debout et loin.
— Tu veux que je te ramène un morceau de bois ?

Les autres le regardent alors bizarrement. Ça a au moins le mérite de me faire un peu sourire.

— Je préfère une arme à feu à choisir.

Je ne vois pas ce que ma réponse a de drôle, mais en tout cas ils se marrent bien.

Florent et son regard de provocateur se met à me sourire et me dit d’un ton fier :

— On ne craint pas les balles.
— Vous ne pouvez pas mourir ?
— Viens t’asseoir, me dit l’autre Flo, sympa.

Je ne réponds rien et m’installe sur un coin de canapé. Je reste loin à ma façon.

— Répondez à mes questions, s’il vous plaît.
— Pose-les, me dit Silver.
— Qui êtes-vous ?

Ils se regardent tous. Sûrement pour savoir qui va avoir la contrainte de me répondre.

— Des sortes de dieux, finit par me répondre Silver.

J’explose de rire, je sais que c’est purement nerveux et que si je rigole c’est pour éviter de stresser et paniquer. De voir bouger Silver en se levant me stoppe net.

— Reste loin s’il te plaît, j’ai besoin de cette distance.
— Tu ne risques rien avec nous.
— Reste loin.

Il s’approche quand même et se met à genoux devant moi.

— Je vais dire non, ne pose pas ta question.

Ils explosent tous de rire et moi ça me détend très légèrement quand Silver me sourit.

— Je vais attendre quelques heures alors pas de souci avant de te demander ta main. Mais Nat, il faut vraiment te mettre en tête que nous sommes bons, nous avons été créés par des dieux pour aider votre monde à vous débarrasser des démons.
— Des démons ! Comment des démons peuvent exister ? Tu ne plaisantais pas hier sur ça histoire de me faire flipper et que j’accepte de venir ici.
— C’est une question ou tu penses à voix haute ? me demande Silver en souriant.
— Tout ça, c’est un coup monté par Ève, c’est bien ça ? Elle veut se venger de moi de lui avoir dit que son ex avait une tête de psychopathe ? C’est bien ça ?

Ils m’agacent à rire à chaque fois que j’ouvre la bouche.

— Non, Nat, nous existons bien.
— Oui merci je vois bien que vous êtes bien vivants, mais je suis convaincue que vous mentez que tout est faux et que c’est une grosse farce.
— Les démons et les demi-dieux existent bien pourtant.
— Les anges, les valkyries, les titans existent aussi, c’est ça ? Tout comme Charon, le vieillard qui faisait traverser les morts sur sa barque ?
— Oui, Nat, tout existe.

Je me lève d’un coup pour faire les cent pas. La bonne blague, ils sont vraiment en train de se foutre de ma gueule en plus. Les saloperies.

— Je sais que c’est compliqué pour toi.
— Compliqué ? Je ne pense pas que tu puisses imaginer ce qu’il se passe dans ma tête là. Vous êtes des hommes, plein d’hommes, et je suis seule au milieu de vous. Vous n’avez pas le gabarit de mes amis, vous avez des muscles qui m’écrasent en un coup.
— Nat si tu ne veux pas qu’on rigole, arrête de parler comme ça.
— Quelle idée j’ai eu d’aller voir dans cette fichue grange, j’aurais dû tracer mon chemin.
— Et pourtant tu y es allée et maintenant tu es ici avec nous.
— Je n’ai jamais aimé l’histoire, et ça me confirme que je n’aime toujours pas ça. La mythologie grecque, très peu pour moi.
— Nat, tu ne risques rien avec nous, tu as ma parole, insiste Silver.

J’ouvre des yeux énormes quand je les vois presque tous avec une aura apparaître. Silver se redresse d’un seul coup et se retourne. OK il ne m’a vraiment pas menti alors.

— Allons-y, dit Florent.

Silver se tourne vers moi et me dit, ou du moins m’ordonne de ne surtout pas sortir d’ici. Ils devraient être de retour dans deux heures environ.

— Euh oui d’accord. Je ne bouge pas de là.

 

Ils partent tous rapidement, me laissant seule ici.

Silver m’avait dit que je pourrais téléphoner à mes parents aujourd’hui, je ne vois aucun téléphone ici, il veut que je fasse comment ? En même temps il ne semble pas avoir le courant non plus.

Pour perdre un peu de temps, je m’octroie la mission de débarrasser la table et de faire la vaisselle. Vu la quantité de choses à laver, ça me prend une bonne demi-heure quand même.

Mon côté curieux me pousse à visiter les lieux à présent. Je vais juste éviter de rentrer dans les pièces du couloir, je n’aimerais pas qu’on renifle dans ma chambre sans mon autorisation. Heureusement que Silver m’a dit hier où trouver les toilettes et la salle d’eau. En revanche il n’a pas pensé à m’expliquer comment chauffer l’eau. La douche va être super rapide pour le coup.

« Décidément ma pauvre Nat tu n’as pas de bol, elles sont ou les serviettes ? » Je suis là à ouvrir chaque placard en espérant trouver mon bonheur. Mon cœur cesse de battre quand la porte de la salle de bains s’ouvre.

Un cri de peur sort de ma bouche et le seul réflexe que j’ai c’est de me retourner.

— Tu es qui toi ? demande l’individu qui n’arrive vraiment pas au bon moment.
— Rends-toi utile et trouve-moi une serviette.

Un silence règne, je n’ose pas me retourner j’ai trop honte. Quand je sens une serviette se poser sur mes épaules je sursaute et me cache avec. J’entends la porte de la salle de bain se refermer. Je ne perds pas de temps pour me sécher et me rhabiller. J’espère qu’il s’est trompé d’adresse et que je ne le recroiserai jamais de ma vie. « Ta pensée est complètement stupide ma pauvre fille. Il serait rentré ici comme par magie ? Pfff. » Il ne fait pas partie des mecs de ce matin ça c’est certain.

« Allez, retourne dans la pièce à vivre Nat, il faudra bien l’affronter et surtout il a intérêt à s’excuser ». Je quitte la salle de bains et gagne le séjour. Il est dans la cuisine et semble préparer quelque chose. Il me lance un regard rapide quand il me voit et continue à avancer dans sa préparation.

— Tu aurais pu t’excuser, dis-je en gardant mon calme.
— Pour ?

Il ne relève même pas la tête alors que je suis en train de lui parler. C’est quoi cette mentalité ?

— Tu ne sais pas frapper aux portes ?
— Ce n’était pas marqué dessus que c’était occupé.

Il marque un point. Mais il ne va quand même pas s’en tirer comme ça.

— Mais tu m’as quand même vue sans vêtements et tu m’as fait peur, dis-je d’une voix gênée.
— Je ne vais pas m’excuser.

Et pour le coup il le dit bien haut et fort.

— Et pourtant j’attends.

Les secondes passent et il ne semble vraiment pas enclin à le faire. En montant le son de ma voix et en donnant un coup sur le plan de travail, je lui dis que j’attends.

— Je t’arrête de suite, je me serais excusé si j’avais maté. Mais là clairement il n’y avait rien à regarder, tu peux descendre de tes grands chevaux et m’ignorer.
— Tu plaisantes j’espère ?
— J’ai une tête à plaisanter ?
— Tu es un abruti, tu en es conscient ?

 

Ma colère est tellement présente que je sens que sous peu des larmes vont sortir. Non seulement j’ai honte d’avoir été vue ainsi. Mais en plus je suis terriblement triste par ses propos sur mon physique.

— Vous les humains vous vous croyez au-dessus de tout, vous vous pensez les plus beaux et les meilleurs, et en fait vous faites peine à voir.
— Je n’ai pas demandé à être ici. Je n’ai pas demandé à tomber sur Silver et ce putain de démon qui pour le coup ont gâché ma vie. Je n’ai pas demandé à avoir peur de m’endormir et me retrouver dans un monde où des gens veulent me transformer en monstre. Alors ta méchanceté et ton mépris pour le petit peuple que je représente, tu peux te les coller au fion.

Je me dirige vers la sortie rapidement quand je sens des larmes sur mon visage et une honte qu’il me voie comme ça. Je suis presque à la sortie quand je sens une main me rattraper par le bras.

— Tu vas te mettre en danger inutilement en sortant d’ici.
— Ma vie est fichue de toute façon, autant mourir maintenant.
— Allez, reviens et aide-moi à cuisiner.

Il me tire par le bras trop fort pour résister. Je le suis, mais qu’il ne rêve pas, je ne parlerai pas.

Les minutes passent et je l’aide à éplucher et couper les légumes qu’il me donne. À plusieurs reprises il a essayé de lancer une discussion et il a abandonné quand j’ai refusé de lui donner mon prénom. Le repas est presque prêt quand certains hommes reviennent. Certains ont l’air crevés et d’autres contents. Je suis inquiète quand Silver ne revient pas. Les deux Flo ne sont pas là non plus. Je ne suis pas suffisamment à l’aise pour demander où ils sont.

Les minutes qui passent sont affreuses, heureusement que j’arrive tant bien que mal à m’occuper en mettant la table et nettoyant la vaisselle. Quand je vois Ciney approcher et me sourire, je souris intérieurement en me disant que j’ai réussi à retenir son prénom. Ciney est plus petit que les autres, il a ma taille, il est brun aux yeux noisette. Son sourire, comme celui de Silver, est rassurant et doux. Physiquement en revanche, ils se ressemblent tous, ils sont plutôt costauds et musclés. Ça se voit qu’ils s’entraînent et se battent souvent. Mais pour des demi-dieux ils ne sont pas censés être incroyablement beaux ? « Non Nat là tu es méchante, certains ne sont vraiment pas vilains à regarder. »

— Tout va bien Nat ? me demande Ciney qui continue de sourire.

En tournant légèrement la tête dans sa direction pour lui faire un sourire en retour et me contenter d’un « oui » je vois le brun qui m’a vue nue sourire. Il connaît mon prénom dorénavant. Quand j’entends des voix dans le couloir et que je vois Silver rentrer, je suis soulagée, et encore plus quand il semble aller bien. Il me lance un regard et un sourire rapide et rejoint les autres qui se sont installées sur les canapés.

Silver a une fossette qui apparaît sur sa joue gauche quand il sourit, contrairement à sa joue droite où il n’y a rien.

Le repas et la table sont prêts et ils s’installent tous. Silver me fait signe de venir à côté de lui.

— Nous t’avons abandonnée un peu plus longtemps que prévu, désolé, me dit Silver.
— Il serait bien de mettre un verrou dans la salle de bains.

Il lance un regard vers le brun puis rapproche sa bouche de mon oreille.

— Côme est entré sans frapper ?
— Il ne pensait pas que j’étais là vraisemblablement.
— Je l’ai croisé et je lui ai demandé de rentrer dès qu’il pouvait pour ne pas te laisser seule, il savait très bien que tu étais là, quelque part ici.

Quoi ? Je pense que mon visage change de couleur, vu la tête de Silver.

— Après le repas je t’emmène, tu dois t’entraîner.
— À quoi ?
— À ce que personne ne puisse rentrer dans ta tête.
— J’aimerais appeler mes parents.
— On s’occupe de ça aussi.
— Merci.
— On va aller voir ton amie aussi, elle ne va pas très bien.
— Ève ?
— Oui, Ève.
— Pourquoi ?

Je me rends compte que j’ai attrapé Silver par le col de sa chemise et que mon visage est quasiment collé au sien sans compter le regard noir que je lui lance.

— Le corps d’une amie à elle a été retrouvé.

Je relâche Silver et place mes mains sur ma bouche après avoir crié.

— Je vais avoir besoin de vérité maintenant. Où as-tu croisé un être surnaturel ? C’était un démon ou un demi-dieu ? m’interroge Silver inquiet.
— Comment s’appelle la fille, Silver ?
— Noémie, répond Florian.

Rhooo non pas ça. Je me lève précipitamment et cours aux toilettes. J’ai envie de vomir. Je suis sûre que c’était à cette soirée qu’elle s’est fait elle aussi remarquer.

— Ça va aller ? me demande une voix que je n’arrive pas à reconnaître.
— Non.

Je me relève après avoir tiré la chasse d’eau et pars me rincer la bouche.

— Silver aurait dû attendre avant de te balancer ça.
— Le mal est fait tant pis.
— C’était une amie à toi ?
— Non, mais ce n’était pas une ennemie non plus. Il s’est passé quoi ?

Je me retourne et fixe le demi-dieu. « Tiens c’est Florent. Il sait être sympa lui ? » Il me tend une serviette. Je le remercie d’un signe de tête.

— Elle s’est fait tuer par un démon.
— Pourquoi il ne l’a pas transformée ?
— Pas eu envie, ou pas réussi.
— Il ne l’a pas tuée pour me faire comprendre qu’il me cherchait j’espère ?
— Non, ce n’est pas leur genre, sinon ta famille serait déjà morte.
— Ils sont toujours vivants, hein ?
— Oui, je suis passé voir avec mon frère tout à l’heure rapidement.
— Merci Florent.
— Allons manger.
— Manger ? Dans quel monde tu penses que j’ai envie de manger là ? Je suis ici entourée de mecs que je ne connais pas. D’un mouvement de bras, vous pouvez me tuer. Et me faire dieu je sais quoi. Je ne sais même pas ce que je suis censée faire à présent ni même si je vais un jour avoir une vie à nouveau normale. Est-ce que tu peux me dire là si je vais revoir mes parents et ma famille ? Pourquoi moi ? Je suis tellement banale putain. Des bimbos pouffiasses, ce n’est pas ce qu’il manque pourtant à Lunea.

Il me regarde comme s’il cherchait les bons mots à utiliser. Qu’il pesait le pour et le contre de ses paroles. Quand une autre voix prend place dans notre discussion, je tourne la tête et c’est le brun pervers, Côme.

— Non on ne peut pas te promettre quoi que ce soit de ce genre, mais avec nous tu ne risques rien du tout. Notre règle première est de faire partir nos protégés si l’un de nous en tombe amoureux ou qu’il pense le faire sous peu. Aucun sentiment de toute sorte n’est toléré. N’attends pas non plus qu’on soit tout mielleux et tout gentil avec toi, ça ne nous ressemble pas. En revanche nous sommes très doués pour aider et épauler. Même si entre nous nous n’avons pas le même sang, à part les Flo, nous nous considérons comme des frères. Et même si on est tous trop fiers pour te le dire on est contents que tu sois venue en aide à Silver. Sans toi il serait sûrement mort ou pire un des leurs.
— C’est de ma faute, je l’ai distrait.
— Non le démon avait le dessus, il nous l’a dit. Il a pris un sale coup rapidement et il avait mal et savait que si nous n’arrivions pas rapidement c’en était fini pour lui.
— Ça me rassure alors.

Les minutes passent et je ne me sens pas aller mieux, au contraire, même si finalement il est plus sympa qu’il ne semble, il n’arrive pas à me rassurer sur un futur pour moi. Je ne peux pas faire grand-chose que de retourner dans le séjour. Les autres font comme si de rien n’était et Silver après un sourire me fait un compliment sur la cuisine.

Comme prévu je vois Silver me demander de le suivre et m’emmène dans le centre-ville pour aller voir Ève. Côme même s’il ne semble pas emballé est le seul de disponible pour nous accompagner. Silver veut être sûr que je ne suis pas en danger.

— Il va falloir se poser dans un lieu très public Nat, on ne doit pas prendre le risque qu’un démon nous attaque si nous sommes seuls, m’explique Silver.
— Si tu veux.
— Je suis désolé Nat, les jeunes filles marquées sont en temps normal orphelines, personne ne les cherche et les réclament. Sans famille ni attache, c’est plus simple. Ils les capturent le jour de leur majorité et les orphelinats pensent qu’elles ont juste fui et ne cherchent pas plus loin.
— C’est horrible.
— Elles sont rapidement asservies, elles oublient qu’elles sont là par obligation, elles deviennent dévouées à leurs démons.
— Dévoué ? C’est-à-dire ?
— Soumises.
— Tu vas me faire vomir.

Il me lance son fameux regard de mec désolé, mais là j’ai besoin bien plus de remonter le temps et de ne jamais avoir vécu tout ça. Côme se sera moqué de ma tête de fille désespérée et horrifiée.

Après 15 min à rouler, nous arrivons devant la boulangerie. Ève n’est pas devant. En même temps elle doit être en larmes dans sa chambre.

— Tu as 15 min max Nat, on t’attend dans la voiture, m’explique Silver.
— Je n’ai bien évidemment rien le droit de lui dire ?
— Dis-lui que tu vas te marier et que tu pars avec l’homme que tu vas épouser, dit Côme.
— Elle ne me croira pas, elle sait très bien que si un homme me plaisait je lui en aurais parlé.
— Sois convaincante alors, me dit une fois de plus le pervers de la salle de bain avec son air hautain.
— OK.

 

Je quitte la voiture et entre dans la boulangerie. Ses parents sont débordés par la clientèle et me font signe de monter.

Allez, respire Nat, tu vas gérer.

Je frappe à la porte et j’entends une petite voix m’inviter à entrer. Quand Ève me voit, elle se relève et me fonce dans les bras.

— J’ai appris pour Noémie et je suis vraiment désolée, dis-je en la serrant dans mes bras.
— Quel monstre a pu lui faire subir ça ?

Elle a des larmes qui coulent sur son visage, c’est atroce de la voir comme ça.

— Je ne sais pas ma belle, elle ne méritait pas ça.
— Personne ne le mérite, Nat. Elle a été mutilée, comme si elle avait été griffée de partout par un animal. Elle a été violée et torturée.
—