Pénombre - Samantha Diaz - E-Book

Pénombre E-Book

Samantha Diaz

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Beschreibung

Un nouveau cycle s’ouvre sur Pénombre, un campus réputé. Quennie y est admise et, bien que surprise, est ravie de pouvoir le rejoindre. Seulement, elle se rend rapidement compte qu’il ne sera pas aussi simple d’y étudier, surtout avec les voix qui la hantent et la poussent au trépas…


À PROPOS DE L'AUTEURE


Samantha Diaz a une inclinaison pour les univers remplis de magie, de mystère et de romance. Rêveuse, ses écrits sont un ticket d’évasion et de voyage.

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Seitenzahl: 438

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Samantha Diaz

Pénombre

Roman

© Lys Bleu Éditions – Samantha Diaz

ISBN : 979-10-377-7677-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

— Quennie, Kirsty, les enveloppes sont arrivées, hurle ma mère à travers les escaliers.

Ma sœur jumelle arrive en courant dans ma chambre et, vu comment elle sautille devant moi, elle trépigne d’impatience.

Allez, sois sympa et vas-y ma fille. Je me lève de mon bureau où j’étais en train de raconter ma vie minable dans mon journal intime, pour rejoindre la cuisine. En 18 ans, je suis à mon quinzième livre. J’adore écrire depuis toujours. L’inspiration et le plaisir d’écrire ont toujours été bien présents.

Je rejoins mes parents, eux aussi sont dans le même état d’esprit que ma sœur. Je suis même étonnée de les voir aussi patients. Je pensais que les enveloppes seraient déchirées… et ben non. Je vais avoir la joie, ou du moins l’opportunité, de découvrir la première où je suis prise pour la rentrée. Maintenant que j’y suis, je ne suis pas certaine d’en avoir vraiment envie.

Depuis peu, c’est le doyen de la magie qui valide les inscriptions en étroite collaboration avec les directeurs de campus. J’ai postulé, ou plutôt, mes parents ont postulé en notre nom pour les dix facultés de sorcellerie du pays. Ils voulaient montrer qu’ils étaient ouverts à toutes les écoles, et que le coût de l’enseignement ne devait pas être un facteur principal de choix, bien que notre formation de futurs sorciers soit offerte par nos grands-parents. Comme ils disent, ils souhaitent être investis dans l’éducation de leurs uniques petits-enfants. Ils s’y sont mis tous ensemble pour nous faire ce plaisir. Trois ans tout frais payés. Mes parents en revanche sont censés nous envoyer un peu d’argent chaque mois, pour nos dépenses personnelles sur place. Si c’est toujours possible, j’aimerais trouver un emploi au sein du campus pour me mettre de l’argent de côté et ainsi m’offrir un ordinateur portable flambant neuf et avancer dans mes projets personnels.

J’espère juste une chose : ne pas être au même endroit que ma sœur. J’aime Kirsty, je serais prête à donner ma vie pour elle, mais je sais que je ne serais jamais tranquille. Ce sera miss moucharde auprès de mes parents, mes moindres faits et gestes seront répétés et surtout empirés.

On a beau être très ressemblantes physiquement et en avoir joué souvent en cours, nous sommes totalement différentes, au niveau caractère.

Ma sœur est très timide, douce et calme, même si elle a tendance par moment à être agressive quand elle se sent vexée par quelqu’un. Elle est peureuse et chouine pour un rien. Elle a du mal à s’imposer et se faire des amis. Du coup, elle me suit partout où je vais.

— Allez, les filles, ouvrez les enveloppes, dit ma mère qui continue à avoir les yeux qui pétillent.

Je m’approche pour prendre mon enveloppe et l’ouvre. Mon cœur accélère en voyant tout en haut marqué « Félicitations, Mlle Caprone, nous avons le plaisir de vous annoncer que votre demande d’inscription a été retenue en priorité pour le campus Pénombre ». Sérieux, ils veulent de moi ? Pénombre est principalement composé de loups mordus, ceux qui se transforment la nuit tombée en animal, ils ont besoin d’un entraînement bien spécifique et souhaitent avoir le meilleur dispositif possible. On peut y voir pas mal de guerriers également, disons qu’ils y vont pour leur côté rebelle, et surtout parce qu’ils pourront se défendre et en coller une aux loups en cas de besoin. Ce que moi je serais incapable de faire.

Je suis contente de ne pas être retenue pour Nelune ou Aurore. Les campus là-bas sont très réputés pour former les meilleurs. Je ne souhaite pas être la meilleure. La seule chose que je veux c’est fuir trois ans ma maison et ensuite pouvoir reprendre des études et un jour devenir écrivain. Le besoin de liberté et de tranquillité me correspond bien plus. Autarcie est noté aussi juste en dessous. Je suis donc prise dans les deux ? Vraiment ?

— Autarcie, dit ma sœur sur un ton déçu.
— Et toi Quennie ? demande ma sœur.
— Pareil.

Je ne mens pas vraiment, je dirai juste après pour Pénombre, je ne suis pas à une minute près…

— Génial, vous allez être ensemble, les filles, dit mon père.

Oh oui ! Quelle joie !

— Je voulais aller à Nelune, moi, papa, dit Kirsty vraiment pas contente.
— Nelune, maintenant, faut avoir des notes maximales, répond mon père d’un ton calme et compréhensif.

En continuant de lire ma feuille, je me rends compte que d’autres campus ont répondu oui également et que je suis sur liste d’attente. Mince, je suis première en liste d’attente sur tous les autres campus, même Nelune et Aurore. Alors là, j’ai besoin de comprendre pourquoi.

— Quennie ? m’appelle ma mère.
— Oui ? dis-je en relevant la tête.
— Tu as marqué quoi d’autre sur ta feuille ?
— Que je suis en liste d’attente ailleurs.

Mon père arrive rapidement et me prend la feuille des mains. Les ennuis vont commencer…

— Mais oui, ma chérie, tu es en liste d’attente partout, bravo, dit mon père en m’embrassant.
— Merci.

Ma mère prend la feuille de Kirsty et tire la tête, visiblement elle n’est pas prise ailleurs.

— Mais, attends ! Quennie, tu es prise d’office à Pénombre, ma chérie, ajoute mon père.
— Vraiment ? demande ma mère surprise.
— Pourquoi ils la veulent elle et pas moi ? Elle est nulle en cours et a un don de merde ! dit ma sœur partant tout en rouspétant.

Super… je l’avais prévu en même temps. Elle a un franc-parler qui se cache sous sa timidité et pas seulement. Elle peut devenir un vrai petit monstre quand sa jalousie prend le dessus. Combien de fois mes parents ont dû m’acheter des choses en douce pour éviter ses crises. Enfin bref, je préfère être moi.

Je ne pense pas que mon pouvoir de bouger très rapidement et d’un coup soit la raison d’avoir été prise. Ni mes bonnes notes comme a pu le dire ma sœur. Ils ont peut-être fait une inversion de dossier ?

— Ça va lui passer, dit ma mère en m’embrassant à son tour.

Notre monde est peuplé de tout un tas d’individus possédant des dons allant de la magie à un pouvoir de se transformer en animal, ou même détenir une force surhumaine. Ils vivent au milieu des civils, sans jamais se faire repérer. Pour cela, il est bien de rejoindre un des dix campus ouverts et cachés pour leur apprendre à vivre dans une société normalement, sans risquer de se faire démasquer. Mes parents ont opté, quand nous étions petites avec Kirsty, de nous supprimer nos dons… oh super. Nous les avons récupérés récemment et je dois avouer que quand je me suis tapé un sprint d’un coup j’ai eu super peur. Kirsty a un don déjà plus sympa, elle peut faire apparaître un bouclier tout autour d’elle, ce qui la rend intouchable. Même si dans la vie de tous les jours je ne vois aucun intérêt de les avoir, ça reste drôle d’être différente.

Le téléphone qui sonne met fin à notre câlin. Ma mère part décrocher et fait de gros yeux en me regardant.

— Directeur de Pénombre, c’est bien ça ? demande ma mère.

Je m’approche intéressée.

— …
— Je vois, mais ma fille a une jumelle et je veux qu’elles soient ensemble.

Ah non, pas ça, je refuse moi.

— …
— C’est vrai ? demande ma mère qui se met à sourire.
— …
— Dès demain ?
— …
— Mais euh, oui d’accord. Je les envoie faire leurs valises de suite et elles arriveront demain en début d’après-midi.

Sérieux ? On n’est pas censé commencer fin juillet ? nous sommes en mi-juillet, non, mais, je refuse !

— Merci beaucoup directeur.

Elle raccroche et me fonce dessus et me serre super fort dans ses bras.

— Kirsty est prise également à Pénombre c’est bien ça ? demandé-je, inquiète.
— Oui, ma chérie, faut vite faire vos valises et on part de suite, c’est à l’autre bout du pays.

Je reprends mon enveloppe et fonce dans ma chambre pour m’y enfermer. Faut que j’appelle Cathy, ma meilleure amie, en espérant qu’elle soit prise là-bas également. Quand elle m’annonce qu’elle va aussi à Pénombre, mon cœur se soulage. Une chance sur dix et elle est avec moi. Elle a des notes tellement canon qu’elle a été prise partout. Mais, comme moi, elle ne voulait pas aller à Nelune ou Aurore, elle voulait la meilleure des autres. Moi, Autarcie, ça m’allait très bien au pire.

Ça frappe à ma porte et je suis obligée de raccrocher. Mince, je n’ai pas demandé si elle venait aussi dès demain. Tant pis, je vais lui écrire dans la voiture.

— Entrez.

J’entends la porte s’ouvrir et surtout des bruits de pas approcher.

— Pénombre ? Tu es sérieuse, Nini ? demande ma sœur.
— Je n’ai pas eu mon mot à dire, crois-moi.
— On va nous violer et nous tuer là-bas.
— Mais non, dis-je en me mettant à rire.
— Il y a que des guerriers et des bouffeurs de chair fraîche dans ce campus.
— Il y aura nous aussi, et je compte sur toi pour nous enfermer dans ton super bouclier en permanence Kirsty.
— Super.
— Allez, ça va le faire, tu seras avec moi, et Cathy sera là aussi.
— Demande-lui qu’elle nous fasse disparaître en cas de danger.
— Bien évidemment.
— J’ai peur, Nini, j’ai super peur.

Inévitablement, elle fond en larmes et je suis obligée de la prendre dans mes bras. Quand mes parents arrivent, ils essayent aussi bien que mal de la rassurer. Mais pour eux, c’est un tel honneur d’envoyer leurs jumelles dans le top trois des campus. Il nous faudra quand même deux bonnes heures pour boucler nos valises. Nous serons tellement loin que, si on oublie quelque chose, ça va être compliqué. Mes parents ont cédé quand j’ai insisté pour prendre mes cahiers où je note tout, par moment, ça me fait du bien de relire certains passages.

Je vide ma tirelire dans mon porte-monnaie et je suis prête.

J’essaye de faire la forte, de me dire que tout va bien se passer, mais j’avoue avoir peur. Me retrouver sur un campus où la nuit je risque de croiser des loups-garous prêts à me bouffer, ça ne me réjouit pas. Mais je suppose que depuis le temps ils ont tout prévu non ?

Mes parents et moi, nous nous relayons toutes les trois heures au volant. Ma sœur a raté son permis deux fois et n’a pas eu le temps de le passer de nouveau. En même temps, là-bas, je pense que ça ne nous sera pas d’une grande utilité.

— Papa ? C’est quoi la différence entre un loup mordu et un loup né ? demande ma sœur avec la voix qui tremble.

Je vois mon père regarder ma mère comme s’il attendait son accord pour répondre.

— Kirsty, tu auras largement le temps d’apprendre tout ça en cours, répond ma mère.
— Non, je veux savoir de suite, insiste ma sœur.
— Bon, les loups mordus sont de simples civils à la base, sans don, sans rien. Ils ont croisé par malheur la mauvaise personne. Deux options, soit le civil devait mourir et la transformation a été trop rapide, soit le loup cherchait à le transformer volontairement pour le faire rejoindre sa meute, explique mon père.
— Mais pourquoi faire ça ? demande ma sœur en s’avançant sur son siège.
— Pour se protéger des autres, principalement des guerriers qui cherchent à tuer tout être sur terre avec une différence et qui pourrait nuire aux civils.
— Mais les guerriers sont devenus bons maintenant, non ?
— C’est bien pour ça que depuis quelques années il n’y a plus autant de nouveaux cas de loup mordu.
— Mais est-ce que les loups mordus sont mauvais, méchants et sont un danger pour nous ?
— Seulement la nuit tombée, Kirsty. En journée, ils sont humains comme nous, et ils ne savent pas se transformer comme peut le faire un loup né, répond ma mère qui semble perdre un peu de sa patience.

Ou alors elle arrive à la faire stresser aussi.

— Je dois craindre les guerriers ?
— Non plus, après tu peux tomber sur des guerriers avec une forte autorité et un caractère prononcé, mais au pire tu les ignores, ils ne vont pas chercher à te nuire, ils seraient exclus, rassure-toi.
— Je dois avoir peur de qui alors ?
— Des vampires, dis-je en lançant un regard de frayeur à ma sœur.
— Quennie, ce n’est pas gentil, me sort ma mère.
— Il va y avoir beaucoup de vampires sur Pénombre ? demande Kirsty.
— Ma chérie, nous n’y sommes pas, nous savons juste que dans ce campus nous trouvons majoritairement des loups mordus et des guerriers depuis peu, depuis 30 ans où ils sont libres de vivre comme bon leur semble.
— Comment êtes-vous sûrs de tout ça ?
— Lis le livre Nelle et l’attaque des guerriers, tu comprendras, explique ma mère à ma sœur.
— Je peux rencontrer quoi d’autre là-bas ?
— Kirsty, arrête de stresser, s’il te plaît, dis-je en montant un peu le ton de ma voix.

Son stress commence à me contaminer, moi qui ne le suis pas d’ordinaire. Je ne peux pas dire que je sois courageuse, mais je ne suis pas quelqu’un de peureux à l’extrême comme Kirsty.

Ma sœur aura passé son trajet à nous dire qu’elle veut être à Autarcie et non pas à Pénombre. Qu’à Autarcie il n’y a que des sorciers et quelques druides. Même si les druides peuvent se transformer en félin ou en ours, ils sont d’une gentillesse et d’une douceur qui font d’eux d’excellents amis et les rendent protecteurs. Ce sont les amis de la nature, on fait appel à eux pour soigner les gens blessés, ils sont plus ou moins puissants dans ce domaine, mais un druide sous son coude est toujours le bienvenu. Mes parents lui proposent de visiter et, si vraiment elle refuse, il la ramène et elle ira dans un campus parfait pour les simples sorciers. Ils auront insisté en lui expliquant que chaque individu avec un don mérite d’être sur un campus pour apprendre à le maîtriser et ainsi vivre librement parmi les civils ensuite.

Tout le monde dort quand j’arrive sur le campus. Il est tout juste 10 h et j’aurais passé ma nuit à conduire. J’avoue être fatiguée, mais je me connais, finalement, le stress d’être ici est tellement fort que je n’aurais pas réussi à fermer l’œil. Je me gare sur le parking qui est juste immense, entouré d’arbres qui semblent toucher le ciel. D’ailleurs, je ne le vois pas. OK, tout va bien. Je quitte la voiture seule sans faire de bruit. J’ai besoin de me faire ma propre opinion sur les lieux. Le parking est loin d’être rempli mais les voitures présentes sont pour la plupart immenses. Genre les gros pickups qui semblent résistants à toute épreuve. OK, ça ne me rassure pas du tout en fait.

— Vous êtes de retour, ma reine, quelle joie ! lance une voix pas très loin.

Je regarde autour de moi et il me semble apercevoir quelque chose ou quelqu’un dans l’ombre de la forêt. C’est cette personne qui a parlé ? Mais à qui ? Je ne vois personne d’autre près d’elle pourtant. Ma curiosité, qui m’a valu quelques ennuis plus jeune, me pousse une fois de plus à approcher pour voir. Il fait tellement sombre autour de lui que j’ai l’impression de ne voir que deux points verts, des yeux peut-être, je n’ai même pas le temps de faire plus d’un mètre que ça disparaît d’un coup, faisant bouger les branches à côté. Il y avait bien quelqu’un ou quelque chose alors. Un bruit de portière qui claque derrière moi m’interpelle. Je me retourne et deux mecs à une cinquantaine de mètres me fixent. Je suis censée faire quoi là au juste ? Garde ton calme, Quennie, allez. Tu vas rester ici trois ans, tu seras avec Cathy, tout va bien ! Une portière à l’arrière du pickup s’ouvre et une femme en sort. Vu leur taille et leur carrure, ce sont des guerriers, du moins, je pense…

Ils sont très bruns tous les trois mais, à cette distance, il m’est impossible de voir la couleur de leurs yeux. Je me retourne de nouveau et continue de contempler les lieux. La forêt entoure vraiment le parking, un passage s’ouvre devant moi, pas très large, juste un chemin de terre qui semble mener vers le cœur du campus. Je ne devrais pas y aller seule mais, en même temps, avec mes parents, ça va faire tache. Quand une main se pose sur mon bras, je tourne la tête prête à frapper. Kirsty sérieux !

— C’est horrible ici, c’est sombre et laid, dit ma sœur.
— C’est flippant, oui, mais ça se révèle mystérieux, ça me donne envie de visiter personnellement et découvrir les lieux.
— Tu es malade, Quennie.
— Juste surprise par cet endroit et curieuse de le découvrir.
— Bonjour, dit une voix de fille derrière nous.

Je me retourne et la première chose que je vois ce sont des yeux noir profond ! C’est à la fois terrifiant et envoûtant. Je ne me souviens pas d’avoir vu des yeux aussi foncés de ma vie. Je regarde très rapidement les trois individus pendant que ma sœur s’accroche à mon bras. Je m’arrête finalement sur la fille et lui rends son bonjour. Kirsty semble tétanisée et ne bouge plus et surtout ne parle pas.

Les deux mecs disent bonjour à leur tour et la noirceur de leurs yeux ne me rassure pas beaucoup.

Allez, brise ce moment gênant.

— Je m’appelle Quennie et elle c’est ma sœur Kirsty.
— Je pense qu’on aurait pu s’en douter que vous êtes sœurs, répond la fille.

Oui, en même temps, je suis con. Pourquoi les visages des deux mecs sont devenus encore plus froids ? Les secondes qui passent deviennent gênantes. Que quelqu’un mette fin à ce moment…

— Je m’appelle Nat et eux ce sont deux amis à moi, Priam et Axel.
— Vous êtes des guerriers n’est-ce pas ? demandé-je.
— Oui.

Pourquoi tu poses cette question ? Ça se voit non ?

— De vrais guerriers ? ose demander ma sœur.

En même temps, il en existe des faux ?

— Il en existe des faux ? demande le mec aux yeux noirs que j’ai dévisagé au début de notre échange.

Je me retiens de sourire qu’il ait répondu ce que moi je pensais.

— Priam, je pense que tu lui fais peur et qu’elle essaye de te trouver un côté sorcier mignon en plus, explique Nat en nous souriant.

Donc lui c’est Priam, et l’autre Axel.

— Oui, nous sommes bien des guerriers, pas de sang de sorciers gentils ou de civils inoffensifs, répond Priam avec un regard qui pourrait faire frissonner n’importe quel civil.

J’écoute parfaitement ma sœur qui a du mal à déglutir, la pauvre. Il n’est vraiment pas sympa de lui avoir répondu ça de cette manière.

— Vous faites matures, vous êtes des professeurs ou des étudiants ? demandé-je maintenant que je sais à quoi m’attendre avec eux.
— Étudiants, répond Priam.
— Comme vous, lance Nat en me souriant.
— Nous sommes un peu jeunes pour être professeurs, en effet, dis-je.
— Je ne me souviens pas avoir déjà vu des jumelles qui se ressemblent autant, dit Nat en passant de l’une à l’autre.
— Je ne trouve pas qu’elles se ressemblent, répond Priam qui, lui, me fixe un peu trop sévèrement à mon goût.

Ça devient vite gênant son regard sur moi. Les yeux de Priam continuent de me procurer tout un tas d’effets contradictoires.

— On devrait réveiller les parents, ils me font flipper, dit ma sœur en me chuchotant à l’oreille.

Ça a le mérite de faire détourner ses yeux, au guerrier froid.

— Vas-y, si tu veux, dis-je en souriant légèrement à ma sœur.

Elle les contourne super vite, ce qui me fait pouffer de rire. Oh, tiens, un léger sourire de Priam. Bon, je suis censée faire quoi moi ? Une blague, c’est encore trop dans notre début d’échange, fuir serait mal poli et leur demander leur âge encore plus. Ils vont vraiment penser que je les trouve vieux.

— Je suis étonnée de voir des sorcières ici, moi qui pensais être l’une des plus faibles… dit Nat.

Sympa pour moi. Je sens mon visage se décomposer ! Au moins, elle y va franco, elle. Moi qui essayais de trouver une entrée plus douce en termes de conversation. Bien que, jusqu’ici, aucun des trois n’a été tendre en paroles.

— Désolée, ce n’est pas comme ça que j’aurais dû le dire, je suis un peu trop maladroite.
— J’aurais dit cash personnellement, mais oui, je pense n’avoir aucune chance face à vous au combat au corps à corps, et encore moins contre un loup affamé, dis-je.

Mais qu’est-ce qu’il fait cet idiot à bondir pile devant moi ? Il espérait me faire peur peut-être ? Il est à quelques centimètres de mon visage et plonge son regard dans le mien. Je confirme que ses yeux sont d’un noir transperçant. Et encore plus, vu notre promiscuité. À cette distance, je peux voir tous les petits défauts sur sa peau. Ne souris pas, Quennie ! Il va penser que tu te moques de lui. Et pourtant il le mériterait tellement.

— Tu n’as pas bougé d’une semelle, tu n’as pas eu peur ? demande Priam avec beaucoup d’intensité dans sa manière de me fixer. Et je ne parle pas de sa voix autoritaire qui est plutôt sèche.
— Non ! bien sûr que non ! en revanche, tu passes juste pour un idiot.

Axel et Nat explosent de rire et s’approchent. J’avoue être contente de ma répartie, je ne suis pas de nature timide, mais la gêne que je ressens aurait pu me couper dans mes mots.

— Bon, allez, Priam, allons rejoindre le campus, on se recroisera sûrement plus tard, propose Nat.

Il reste là quelques secondes à me dévisager sans qu’aucune expression se dégage de ce visage froid et ténébreux. Quand il s’éloigne, j’avoue me demander ce qui me retient de remonter en voiture et fuir pour Autarcie. Je suis sûre que là-bas c’est plus lumineux et plus ? Quel est le bon mot ! coincé. Oui, ça doit être ça. Je regarde une fois de plus tout autour de moi, et ma sœur n’a pas tout à fait tort, c’est sombre, très sombre. Mais c’est tellement loin d’être laid.

Mes parents quittent enfin la voiture et, à leurs têtes, je pense que, tout comme Kirsty, ils ne sont pas emballés. Par pure politesse, ils souhaitent gagner le bâtiment principal et voir à quoi ressemblent les salles de cours, le réfectoire et les dortoirs.

Nous avançons enfin dans le chemin de terre. J’ai l’impression que ça n’a pas de fin.

— On avance depuis combien de temps ici ? demande Kirsty qui est accrochée au bras de mon père.
— Deux minutes à peine, répond mon père.

Je vois enfin la fin, et ça ne semble pas plus éclairé.

Une énorme place s’ouvre à nous. Quelques rayons de soleil passent à travers la cime des arbres qui nous entourent une fois de plus. Je suis surprise, je ne m’attendais pas à ça. Mais vraiment pas. Quatre bâtiments disposés tout autour de nous à une distance égale entre chacun et surtout d’une taille identique. Sur chaque bâtiment, il y’a comme une espèce d’immense cheminée qui mène au-dessus des arbres. Le toit de chaque bâtiment semble en verre. Je suis trop bas pour voir et en être sûre.

— Lève la tête, Nini, dit ma sœur.

Je m’exécute et vois des bâtiments au-dessus de nos têtes. Je comprends mieux le côté sombre. C’est quoi au juste ?

— Bonjour, dit une voix qui s’approche et qui nous oblige à rebaisser la tête.

Un homme d’une trentaine d’années, je pense. Il me fixe et me sourit. Il passe rapidement de Kirsty à moi puis tend sa main en avant pour dire bonjour à mes parents.

— Je suis le professeur James, Theo James, et je suis missionné pour vous accueillir. Je vous attendais seulement en début d’après-midi.
— Notre fille a voulu conduire toute la nuit, dit mon père en me frottant le dos avec beaucoup de douceur.

De nouveau, le professeur regarde ma sœur un court instant, puis moi.

— Vous devez être Kirsty et vous Quennie, dit-il en regardant bien la bonne à chaque fois.
— Vous avez l’œil, répond mon père en tendant sa main et en se présentant à son tour.

Il est déjà bien plus souriant que les deux mecs de tout à l’heure. En même temps, lui est professeur. Ou alors il est simplement plus sympa et moins complexe comme personne. Il est très brun avec des yeux marron. Il est de taille et de corpulence moyennes. Rien qui ne fait rêver et, même s’il n’est pas moche et que son style vestimentaire est moderne et classe, je ne compte pas baver devant lui en cours des fois qu’il enseigne une matière susceptible de m’intéresser.

— Je vais vous faire visiter, et ensuite je serais ravi de répondre à toutes vos questions.
— Sous-entendu, on doit se taire pendant la visite ? dis-je sans vraiment me contrôler.

Il me fait un grand sourire et me fixe vraiment droit dans les yeux.

— Voilà, répond-il sans jamais arrêter de me regarder et de sourire.

Je lui rends son sourire sans y mettre autant d’émotions. Il nous propose de le suivre et c’est dans un pur silence dans ma famille que nous nous exécutons.

Notre visite commence par le premier bâtiment à gauche en arrivant. Un couloir s’ouvre tout de suite à nous. Quatre doubles portes à gauche et deux plus petites tout au bout.

— Ici, il y a quatre amphithéâtres de tailles différentes. Celui tout au fond est pour les cours de magie théorique. Vous en aurez 12 h par semaine. Les trois autres amphithéâtres sont pour les cours d’alchimie, d’herbologie ou encore de relaxation.

OK, OK, relaxation pourquoi pas, mais herbologie et alchimie bof bof.

— Les deux pièces du fond sont juste les sanitaires.

Quand je regarde un peu autour de moi dans le couloir, je vois des barreaux aux fenêtres, enfin c’est plus de petites lucarnes à vrai dire. Ça permet plus de voir à l’extérieur qu’autre chose. Sans oublier la porte d’entrée bien blindée. Je pense que le professeur voit mes yeux se poser sur ce genre de détail. Je suis quelqu’un de méfiant et qui ne fait pas facilement confiance, du coup je suis très observatrice afin de me rassurer comme je peux.

— Je sens que tu as besoin de poser ta question, Quennie, lance le professeur James en s’approchant de moi.
— Je suppose que, tout ça, c’est pour éviter que les loups mordus n’entrent ?
— Oui.
— Et c’est efficace ?
— En plus de 1000 ans, aucun loup n’a tué d’étudiant, Quennie.

Je repense à l’explication de mon père.

— Tué aucun, mais combien ont été transformés à leur insu, professeur ?

Il me sourit et semble plus gêné tout à coup.

— Disons que même si deux drames se sont passés, les étudiants ont été très imprudents, rebelles, et que leurs sorts ne semblent pas les empêcher de vivre et d’enseigner ici à présent.
— Des professeurs mordus enseignent ici, demande mon père ?
— Ils font partie de notre monde, et ont besoin de se sentir en sécurité quelque part, donc oui, répond gentiment le professeur James.

Ma sœur devient blanche sans parler de ma mère.

— Les loups responsables ont été ?

Je n’ose finir ma phrase, pour les stopper, ils ont été tués ou pas ? Le professeur me fixe, puis se retourne et s’approche d’un meuble vers l’entrée. Il l’ouvre et en sort une carabine.

— Il y a 5 fléchettes à l’intérieur, une endort un humain en 2 sec, 2 seront nécessaires pour canaliser un loup en action rapidement.
— En action ? Vous voulez dire en train de rogner le mollet d’un étudiant ?
— Ou d’un professeur, oui.
— Et ce genre d’armes, il y’en a où ?
— Un plan est posé sur chaque bureau, dans chaque chambre avec leurs positions. Mais déjà, tu sais qu’ici il y en a une.
— On a tous le droit de l’utiliser ?
— Pas plus de deux fléchettes par loup, une troisième pourrait être fatale.
— Et s’ils sont trois loups ?
— C’est que tu n’as vraiment pas de chance.

Il me montre une recharge de munitions dans le placard au cas où.

— Vous serez tous formés à recharger et à tirer avec, dès la rentrée, rassure-toi. Mais comme je te l’ai dit aucun mort en 1000 ans. Et la dernière attaque c’était il y a une dizaine d’années et l’autre aucun de vous n’était né, je pense.

Je fais un signe de tête et j’ai envie de voir à quoi correspond la cheminée. Je m’avance dans le couloir pour regarder. Je vois seulement une partie. Effectivement, c’est pour une partie du toit en verre. Des bruits de pas s’approchent.

— C’est un puits de lumière.
— Je n’ai posé aucune question.
— Tes yeux sont très parlants pour me faire comprendre que ta curiosité est bien présente.
— Vous venez de trouver mon plus grand défaut.
— C’est très bien d’être curieux, enfin, il faut des limites tout de même.

Je lui souris sans vraiment savoir quoi répondre. Je ne suis pas du genre fouineuse non plus.

— Tu as envie de regarder à l’intérieur, afin de voir le sommet ?
— Vraiment ? Je peux ?
— Oui, bien sûr, sinon je ne te l’aurais pas proposé.

Il m’ouvre la porte et je suis surprise par la taille de la pièce. Je suis à la troisième salle, je suppose que l’amphi à droite, celui des cours de magie théorique, doit être encore plus imposant. Je vois enfin l’intérieur du conduit qui fait la taille de la pièce et qui doit dépasser également sur les salles à côté. Effectivement, une lumière aveuglante sort par là et donne un peu de vie et de lumière ici. Les portes sont blindées également. En revanche, zéro ouverture vers l’extérieur hormis le tube là.

— On continue la visite ? me demande le professeur.
— Maintenant que je suis ici.

Ma sœur et mes parents sont restés à l’entrée du bâtiment. Kirsty ne va pas rester, c’est certain. Ses yeux sont braqués sur la carabine et les recharges. Elle est sûrement en train de s’imaginer l’utiliser.

Nous avançons vers un deuxième bâtiment. C’est un énorme gymnase, avec piscine tout à droite, trois portes dans le fond et tout à gauche tout un arsenal de vélos, de sacs de combat, de rings et de choses dont j’ignore l’utilité. Donc ici, on s’entraîne. Oh, il y a même une espèce de parcours d’obstacles dans le fond. Trop bien. Ici, on a de quoi s’occuper au moins. Bon le principe de tout avoir au même endroit c’est pratique mais j’avoue que si tout le campus est présent en mode sport et que moi je nage et donc en maillot de bain devant tout le monde… l’idée ne me réjouit franchement pas.

— Tu as envie d’aller visiter les trois pièces du fond ? Ou tu vas te contenter de savoir qu’il s’agit des vestiaires hommes et femmes et la troisième pièce d’un mini réfectoire avec lit d’appoint.

Je tourne la tête d’un coup vers lui pour comprendre.

— Un élève qui est encore ici quand le soleil a disparu n’a pas le droit d’en sortir. Il y a toujours de quoi manger et dormir dans ce bâtiment.
— Très bonne idée.
— Le meuble à carabines est à côté de la porte aussi, regarde, me dit le professeur en me le montrant.
— Toujours à l’entrée du bâtiment.
— Oui.
— Mais si je suis dans le bâtiment, je ne risque plus rien si j’ai réussi à l’atteindre ?

Il me regarde mais ne semble pas vouloir répondre.

— C’était une question professeur.
— Tu verras que tu seras rarement seule, et ne vaut mieux pas si tu es rebelle.
— Je vois, pendant que l’un se fait bouffer l’autre tire.

Il rigole mais ça ne me rassure pas, surtout si c’est moi qui suis en train de me faire grignoter un bout de tibia.

— On poursuit ?

Je lui souris et le suis vers l’extérieur.

Au tour du troisième. Il l’ouvre et c’est un réfectoire vraiment immense. Il me sourit et tapote sur un meuble. Je me retiens de rire. OK, ici aussi il y a l’armoire à carabines. Je pense que ce sont les sanitaires derrière les portes du fond. Et, en effet, quelques instants après, il me le confirme. Une bonne quinzaine au moins de plans de travail avec cuisinières et fours sont disposés ici et là. Est-ce que cela veut dire ce que je pense ? Une cinquantaine de tables hautes allant de 4 à 8 chaises disposées un peu partout. Un mur complet rempli de frigos et de congélateurs. Dès que je peux, je pose ma question !

— De même, il y a des lits d’appoint en cuisine au besoin.
— Il n’y en a pas dans les salles de cours, ou alors j’ai mal regardé ? Ou mal entendu ?
— Personne n’a envie d’y être une fois l’heure des cours passée.
— Surtout si c’est de l’herbologie et de l’alchimie.
— Tu as un problème avec ces matières, Quennie ? me demande le professeur en rigolant.
— Cueillir des fleurs et en faire des potions en tout genre ne m’attire pas vraiment, je l’avoue. Je préfère laisser ça aux autres.
— Aux autres ?
— Aux romantiques ? dis-je sans grande conviction.

Vu son sourire, il a de l’humour, ouf !

— La laverie est également au fond dans la pièce de gauche, ajoute-t-il en me montrant une pièce dans le fond.
— Laverie ?
— Oui, pour laver tes vêtements et autres.
— Je peux poser une question ?
— Évidemment.
— Pourquoi autant de plans de travail ?
— Vous êtes nombreux à devoir cuisiner.

Rhoooo, non !

— Tu as l’air d’adorer ça, sort le professeur sur un ton ironique.
— À fond, dis-je avec beaucoup de crainte ou de dégoût dans la voix.
— Allez ! Passons au dernier bâtiment à présent. Et quelque chose me dit que tu vas apprécier au point de te redonner le sourire.

Je suis heureuse en rentrant dans le dernier bâtiment, il a raison. Table de jeu, bibliothèque, bureau. Enfin tout ce qu’il faut pour passer un moment agréable. De même, je suppose que ce sont des sanitaires au fond. Le puits de lumière est bien là aussi comme je l’avais vu de dehors.

— Place aux dortoirs maintenant si c’est bon pour toi ?

Il ne s’adresse vraiment qu’à moi, en même temps ma sœur et mes parents restent en retrait. Ils ne semblent pas être à l’aise ici, et ça devrait être pareil pour moi… pourtant, quelque chose de mystérieux se dégage d’ici, quelque chose qui me pousse malgré moi à continuer de vouloir découvrir ce qui m’entoure. J’ai besoin d’en apprendre plus sur ce campus, sa façon de fonctionner.

— Quennie ?
— Oui, pardon, professeur, allons aux dortoirs.

Nous le suivons jusqu’à la forêt, il s’arrête devant un arbre et me fait signe de regarder. Je lève la tête et me demande si c’est là où je vais dormir.

— Il faut être bon grimpeur, Quennie.
— Quoi ? dis-je, surprise.

Il me sourit et, après avoir tiré sur une espèce de corde, une échelle en tombe. Il est sérieux là ?

— C’est une blague n’est-ce pas ?

Vu son sourire, je dirais que non. OK ben go dans ce cas-là.

Je tire dessus pour voir la solidité et commence mon périple. Heureusement que je n’aime pas les robes et jupes ! mais je regrette d’avoir mis mon short. J’aurais été plus à l’aise en pantalon pour le coup.

Je l’entends parfaitement dire à mes parents qu’ils peuvent rester en bas s’ils préfèrent, en revanche, Kirsty n’a pas le choix et elle doit grimper. Aucune chance qu’elle accepte, déjà parce qu’elle est en robe longue, mais robe quand même et qu’ensuite elle a peur de grimper. Petite, elle refusait de me suivre quand je mettais ma vie en danger en montant en haut des arbres. Elle préférait chouiner et rester en bas tout en me menaçant de tout balancer à nos parents… une vraie peste.

Il me faudra quand même cinq minutes pour arriver au sommet. Pourquoi une échelle ? Ils ne connaissent pas les escaliers. Quand j’arrive en haut, une main se tend devant moi. Je lève les yeux, oh, Nat ! Elle me sourit et me fait un signe de tête. Je l’empoigne et elle m’aide à me redresser.

— Je ne pensais pas que tu réussirais à monter et surtout que tu arriverais jusqu’ici, me dit Priam en se marrant.
— Pourquoi ça ? Parce que je suis une femme faible ?
— Entre autres.
— De pire en pire ! dis-je en levant les yeux au ciel.

Nat explose de rire et me fait un énorme sourire.

— Ta sœur, j’y crois moyen, dit Nat en me faisant une moue désolée.
— Aucune chance qu’elle monte effectivement.
— Ni qu’elle reste ici.
— Elle ne tiendra pas, c’est certain. Elle craint son ombre, alors imagine ce qu’elle a pu ressentir en voyant sa tête à lui, dis-je en montrant Priam du regard.

J’adore le sourire de Nat, en revanche, Priam ne s’attendait clairement pas à ce que je puisse sortir ça ouvertement.

Je marche un peu sur la terrasse où j’ai atterri. Plusieurs chemins de bois à travers les arbres se dressent devant moi. C’est magnifique à voir, ici il fait jour, le vrai jour. Je me penche sur la corde et regarde le sol. Ah oui, nous sommes super haut. Ma sœur est toujours en bas, et fidèle depuis son arrivée, accrochée à mon père.

— Elle ne veut pas monter ? demandé-je au professeur qui vient de me rejoindre.
— Non, ça va être compliqué pour elle de rester.
— Elle ne souhaite pas rester. Elle préfère la compagnie de druides tout doux et de sorciers.
— Et toi ?

Je vois Priam et Nat me regarder, la pression !

— Je n’apprécie pas non plus la compagnie de personnes désagréables, froides et autoritaires. Mais je suppose que je ne peux pas baser mon jugement après avoir rencontré seulement trois étudiants.

Une fois encore, je ne me prive pas de dévisager Priam.

— En effet, je te laisse y réfléchir encore un peu et faire connaissance avec plus de personnes.
— J’aimerais voir où vous comptez me faire dormir avant de prendre ma décision.

Il me sourit et me fait signe de le suivre.

— À plus tard, Nat, dis-je en lui souriant.

Priam peut se gratter avant d’avoir un sourire de ma part. Je le suis plusieurs minutes et il se stoppe devant une petite cabane toute mignonne. Il l’ouvre et m’invite à entrer.

Tout est en bois, ça fait chalet. Une porte m’indique que ce sont les sanitaires, enfin j’espère ! Quand j’ouvre et que je vois une penderie, mon cœur s’arrête.

— On se lave où ? demandé-je d’une voix un peu affolée.
— Douches communes, ainsi que les sanitaires.
— C’est une blague ?
— Non, c’est beaucoup trop compliqué pour faire venir l’eau dans chaque cabane.

La simplicité règne ici, un bureau en bois à droite en rentrant, un lit d’une place et demie, je dirais, juste devant une immense fenêtre avec une vue directe sur la cime des arbres. À défaut que ça ne soit pas moderne c’est d’une incroyable beauté. À Autarcie, clairement je n’aurais pas ce genre de spectacle. Ni ce genre de formation et d’expérience dans ma vie. Au moins, je vais pouvoir raconter plein de choses dans mes livres.

— Pourquoi en hauteur le dortoir ?
— Les loups ne savent pas grimper.
— D’où le manque d’escalier.
— Vous êtes plus en sécurité en hauteur, crois-moi.
— Les loups ne peuvent vraiment pas monter ?
— Non.
— OK.
— Tu restes ?

Je n’ai aucune envie d’aller à Autarcie, ni à Nelune ou même à Aurore, je veux juste être loin de ma sœur et ma famille. Être seule, un peu comme un pèlerinage, seule face à cette nature pour me ressourcer et mieux me retrouver.

— J’ai une question professeur.
— Je t’écoute.
— Si j’ai envie de bosser ici pour gagner un peu d’argent, c’est possible ?
— Non, ce n’est pas possible.
— Donc la blanchisserie est aussi pour nous, pour laver nous-mêmes nos affaires ?
— Hey oui.
— C’est moyenâgeux ici, dis-je sans vraiment me contrôler une fois de plus.
— Peut-être un peu, mais tu verras, cela crée des liens avec les élèves. Chaque cycle, des gens qui n’aiment pas cuisiner apprennent un peu avec ceux qui aiment, enfin l’ambiance est différente.
— La personne qui arrivera à me faire aimer cuisiner ou juste me faire cuisiner sans râler n’est pas née !
— Je suis persuadé que cette personne existe et que tu vas vite la rencontrer.
— Je ne pense pas non.

Il me sourit et mets ses mains dans sa poche. Il sourit vraiment tout le temps ? Ça contraste juste avec moi qui est moins guillerette.

— Adieu mon ordinateur, dis-je en murmurant.
— Pardon ?
— Rien, oubliez !
— D’autres questions ?
— Il y a d’autres sorciers ?
— Oui, si je te dis trois tu vas réussir à continuer à respirer normalement ?
— À aucun moment, il n’a cessé de battre à la chamade.
— Tu caches très bien tes émotions alors.
— Vous pourriez m’en dire plus sur les autres étudiants ? Svp.
— Deux cents étudiants au total.
— Et parmi eux, combien de loups mordus ?
— 80.
— Ça fait beaucoup.
— Ce campus a été créé pour eux.
— Je sais, oui.
— Tu ne risques rien, je te le promets.
— Sauf si je suis rebelle ou suicidaire ?
— C’est ça. Et si ça peut te rassurer, je vais prendre de mon temps pour t’apprendre moi-même à utiliser les carabines.
— Je ne veux pas devoir les utiliser, je ne veux pas faire de mal à qui que ce soit.

Son visage semble se figer quand je dis ça. J’ai dit quoi de mal ?

— Oui, je me doute bien, finit-il par répondre quelques instants après.

Le sourire qui ne le quittait pas depuis mon arrivée semble quant à lui ne pas vouloir réapparaître.

— Combien de guerriers ? demandé-je pour changer de sujet.
— 90, on a besoin d’eux pour aider au corps à corps en cas de danger.
— Seulement 90 ? Et le reste ?
— Vampires.
— Pas de gentils druides alors ? Ni de loups nés, ni de visionnaires ou je ne sais quoi ?
— Non.
— Je ne comprends pas pourquoi on m’a acceptée, moi, ainsi que ma meilleure amie…
— Peut-être parce que vous vous étiez inscrite ici.
— Ha.

Effectivement, vu comme ça.

— Alors, tu as pris ta décision ?

Je fais des va-et-vient dans cette minuscule pièce en essayant de me concentrer. Si je pouvais faire ma liste du plus et du moins ça m’irait, mais devant lui ça risque d’être compliqué.

Cathy avec son côté folle et suicidaire va kiffer cet endroit, elle va avoir l’impression de faire du camping.

Je visite un peu plus ma chambre minimaliste. Et reste bloqué en ne voyant aucun moyen de chauffage.

— Tu cherches quelque chose, Quennie ?
— Un chauffage.
— Pas d’électricité, donc pas de chauffage que tu pourras allumer à ta guise.
— Mais je vais mourir de froid.
— Les couettes sont très épaisses.
— Je suis très frileuse, pas de cheminée ou de poêles ?
— Tu es dans une forêt, c’est trop risqué.

Je lève les yeux en prenant conscience qu’il fait super clair, oh c’est vitré, et c’est super beau. Il y a un rideau pour se cacher heureusement.

— Comme tu le vois, les panneaux solaires récoltent de la chaleur, et tu pourras l’utiliser le soir si tu le souhaites pour chauffer un peu la pièce.
— Les salles de cours et tout en dessous ?
— Les panneaux solaires servent à éclairer et à chauffer les locaux. Il y’en a beaucoup et partout.
— Les frais de séjour doivent être beaucoup moins chers avec tout ça en moins.

Il se met à rire et je ne peux m’empêcher de le fixer.

— Ton humeur est là pour cacher ton stress Quennie ?
— Comment avez-vous su que je suis Quennie ?
— Vos attitudes, vos façons de regarder ce qui vous entoure sont différentes entre ta sœur et toi.
— C’est marqué dans notre dossier ça ?
— Presque oui.
— Je serais curieuse de lire ce qu’on a pu noter sur moi.
— Malheureusement, c’est confidentiel, ça nous permet de sélectionner nos étudiants, ceux qui seront aptes à étudier ici sans soucis.
— Ma sœur n’avait pas été prise pour ça alors ? Même si elle avait de bonnes notes en cours.
— Exactement.
— Et pourquoi avoir dit oui à ma mère pour elle alors ?
— Parce que ça lui tenait à cœur d’avoir ses deux filles ici.
— Bon, je devrais redescendre maintenant.
— Pour fuir ou pour aller chercher tes affaires ?

Je ferme les yeux pour reprendre mes esprits en espérant avoir une évidence qui s’impose à moi.

— Ma reine ne partez pas ! Me parvient de nouveau cette voix. C’est la même que tout à l’heure.

Je me retourne et regarde par la fenêtre, et je ne vois rien. Mais d’où vient cette voix, sérieux ? Le professeur ne l’a pas entendu ?

— Quennie ? Alors ?

Je respire un bon coup et me retourne pour sourire au professeur.

— Chercher mes affaires. Je pense avoir envie de me prouver des choses, même si ce n’est pas le campus idéal pour une fille comme moi.
— Ta réponse me va complètement. Et tu vas voir ce sera différent qu’ailleurs, mais pas moins bien.
— Mais je prédis que ce sera riche en émotions, dis-je en souriant.
— Ça, j’en suis certain aussi.

Je quitte le chalet et plusieurs élèves ou profs je ne sais pas trop passent devant moi. Un bonjour rapide et ils continuent leurs chemins.

Je passe vers Priam et Nat qui n’ont pas bougé mais qui ont été rejoints par d’autres personnes, dont Axel.

— C’est bon, tu fuis maintenant ? demande Priam.

Je pff et commence à descendre à l’échelle. Un pied-à-terre et je suis fière de moi.

— Quennie en voiture on te ramène chez nous, dit mon père.
— Non, je veux rester ici.
— Tu as vu les murs des bâtiments ? Et tout ça ? demande ma mère.
— Et ? J’aime bien ce côté authentique et mystérieux.
— Je refuse de payer pour ça, dit mon père.
— Ça tombe bien, ce sont vos parents qui paient, dis-je en faisant un grand sourire.
— Quennie, je parle de ton argent de poche.
— Dans ce cas, je trouverai un emploi pour travailler en dehors du campus le week-end.
— Un problème ? demande le professeur en arrivant vers nous.
— Mes filles ne peuvent pas rester ici, c’est trop dangereux pour elles, explique mon père.
— C’est à votre fille d’en juger, c’est très formateur d’être ici. Et si nous sommes l’un des meilleurs campus, il doit bien y avoir une raison, répond le professeur.
— Quennie rentre avec nous stp, demande ma mère, ça ne capte même pas ici ! Aucun réseau, en cas de soucis tu feras comment pour nous joindre ?
— Il n’y aura pas de soucis j’en suis certaine. Et je vais devenir une pro de la carabine.
— Ce n’est pas drôle Quennie, lance mon père sur un ton furieux.
— Papa, je ne suis pas une rebelle, je suis juste curieuse et j’ai du mal à m’attacher aux gens, ça ne fait pas de moi une personne dangereuse. Je vais suivre sagement toutes les règles et tout ira très bien, tu verras.

À mesure où ils essayent de me dissuader, moi j’ai encore plus envie de rester. Quand je vois Cathy arriver derrière et seule, je suis aux anges. Je fonce vers elle et lui saute au cou.

— Haha c’est quoi cet endroit ? me demande mon amie.
— Je ne sais pas trop, camping version fantastique.
— J’adore, dit-elle en se marrant.
— C’est très spécial, tu verras.
— Tu as vu de beaux mecs ?
— Si tu aimes le côté froid et ténébreux, il y en a déjà en haut.
— Trop bien, vite j’ai hâte.
— Bonjour, mesdemoiselles, dit une voix en approchant.

Je me retourne et un homme blond aux yeux très clair approche. Alors là lui on peut dire qu’il est juste canon. Vu la tête de Cathy, elle est bien emballée également. C’est le genre de mec qui doit avoir tout un tas de groupies qui le suivent partout et qui obtient tout ce qu’il souhaite. 1m85 je dirais, sculpté par les dieux et vu la chemise entre ouverte imberbe ! c’est bon, je signe où pour me marier avec lui ?

— Je suis le professeur Anton Lewis, je suis là pour te faire visiter Cathy.
— Tout ce que vous voulez, répond mon amie.

Vu le sourire qu’il fait, sa réponse le fait rire. Il me regarde rapidement et après un signe de tête, Cathy le suit. Bon, elle semble emballée et ça me rassure. Mes parents approchent et me disent qu’ils acceptent mais que j’ai intérêt à être sérieuse et à bien obéir aux règles. En même temps, ils imaginent quoi ? Que je vais descendre la nuit pour aller faire mumuse avec les loups ? Je n’ai jamais rêvé de me transformer en bête sauvage et manger de la viande crue et sanglante. Mon steak, en général, je le veux bien cuit. Je raccompagne mes parents jusqu’à la voiture et récupère mon énorme sac à dos et mes deux valises à roulettes.

— Si tu veux rentrer et aller ailleurs Quennie dis le nous et on arrive te chercher, lance ma mère.
— Tout va bien se passer, ça va nous faire du bien à Kirsty et moi de nous éloigner un peu et vivre chacune de notre côté.

Surtout pour moi en fait.

— Sois prudente, Quennie, insiste mon père, la moindre chose suspecte et tu nous appelles d’accord ?
— Du style ? Si moi aussi je me mets à me transformer en monstre nocturne.
— Très drôle, Quennie.
— Allez ! C’est bon, j’ai pris ma décision et je passe mon cursus ici et j’essaye de devenir la meilleure des étudiantes pour vous rendre fiers.
— Là, il va y avoir du boulot, lance Kirsty.
— Merci de ton soutien, dis-je en lui lançant un regard froid.

Mes parents, après un énorme câlin, me donnent une enveloppe puis montent en voiture.

— Tu es sûre de toi, Nini ? Sûre de vouloir rester ici ? C’est flippant et je n’arrête pas d’entendre quelqu’un parler de reine, c’est soûlant !
— Tu as entendu toi aussi ?
— Oui, mais les parents non, ils doivent devenir sourds !
— Tu devrais y aller, Kirsty, vous avez beaucoup de route.
— Viens avec moi à Autarcie, ce n’est pas ta place ici.
— Je suis certaine du contraire.
— Dans ce cas, ne viens pas pleurer si tu as des soucis.
— Au revoir ! dis-je en empoignant mon sac.

Elle ne me dit même pas au revoir et monte en voiture. J’attends qu’ils s’éloignent pour ouvrir l’enveloppe. Oh ! plusieurs billets, et un petit mot. « Un début pour l’achat de ton ordinateur, on est fier de toi, on t’aime ». Je suis contente par ce geste. Je range l’enveloppe dans ma valise et me dirige vers le cœur du campus. Des bruits dans la forêt m’interpellent encore, je tourne la tête et cette fois j’ai bien un léger mouvement de recul. Les yeux verts sont encore là, mais pas seulement, c’est un loup à côté de lui ? Il fait jour, pas un mordu alors !

— Ma reine, prenez garde à vous ainsi qu’à la forêt.

Encore la voix ! Le loup grogne tout à coup et se penche un peu en avant comme s’il voulait attaquer. Oh non pas ça ! c’est moi qu’il vise ? Vu comment il se baisse davantage, je pense que oui. L’humain pose alors sa main sur la tête de l’animal, ça semble fonctionner par chance, car il se redresse et repart en courant après avoir laissé le mec monter sur son dos. Pourquoi ce loup qui était noir et blanc avec une noirceur dans le regard voulait m’attaquer ?

Est-ce que je dois parler de ça à quelqu’un ou pas ? Après quelques secondes à analyser tout ce qui m’entoure, pour être sûre de ne pas voir autre chose qui me fera une fois de plus flipper, je me remets en route.