Les 7 castes - Samantha Diaz - E-Book

Les 7 castes E-Book

Samantha Diaz

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Beschreibung

Blake vit dans un monde composé de 7 castes. Sa vie suit son cours quand, soudain, un événement inattendu la fait passer des Gris, la caste la plus basse, à la caste la plus puissante, bouleversant son quotidien. Elle doit alors quitter sa famille et ses amis pour s’adapter à ce nouveau statut et surtout découvrir la vérité qui se cache derrière ce revirement…




À PROPOS DE L'AUTRICE

Samantha Diaz se décrit comme une rêveuse romantique qui a besoin d’écrire pour s’évader et faire voyager ses lecteurs. Cet ouvrage est le fruit de son imaginaire influencé par l’amour, la magie et le mystère.

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Couverture

Page de titre

Samantha Diaz

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les 7 castes

Blake

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Samantha Diaz

ISBN : 979-10-422-1834-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

Les 7 castes Blake

 

 

 

 

 

Mon histoire, comment dire, si je devais la résumer, je dirais que je suis très heureuse comme ça, enfin je pense. Ça pourrait être pire. J’ai un toit, de la nourriture à chaque repas dans mon assiette et la santé. J’habite encore chez mes parents, oui à 24 ans dans notre monde actuel ce n’est pas très glorieux, mais bon. Mon fiancé John avec qui je suis depuis 2 ans est, paraît-il, le petit ami de rêve. Gentil, doux, prévenant, bon un peu beaucoup jaloux, ce qui nous a causé de nombreuses disputes, il faut l’avouer. Mais John fait partie de mon monde, le clan des gris. Je suis entourée de six autres. Enfin entourée est un grand mot, disons que nous sommes l’une des sept unités qui peuplent notre monde, il y a donc les gris, les noirs, les blancs, les rouges, les jaunes, les verts et enfin les bleus.

 

Les noirs sont les grands sorciers très puissants, capables de détruire tout sur leur passage, il vaut donc mieux les éviter et ne pas les provoquer ni même être sur leurs trajectoires en cas d’attaque. En général ils sont aussi issus d’une famille très riche, l’un va avec l’autre apparemment. Les noirs ne sont pas forcément méchants, ils sont juste très fiers et montrent leurs pouvoirs. Jamais au grand jamais ils ne perdraient du temps à parler aux autres couleurs. Et surtout pas aux gris qu’ils prennent pour le sous-peuple, sans importance. Ils ont la chance de n’avoir aucune règle, ils sont au-dessus de ça. Nous les gris avons le rêve de faire partie de leurs mondes. Mais si tu nais gris, tu meurs gris. Au dernier recensement ils sont un peu plus de deux cents familles. Si tu fais partie du top vingt, tu es en permanence convié à des réceptions et toutes sortes de soirées mondaines où leur seule préoccupation est de savoir comment ils vont pouvoir acquérir de nouveaux dons et rabaisser un peu plus les autres, surtout les cinquante dernières familles du classement. Le tout premier est un certain Louis Oksane, je ne l’ai jamais croisé. Je sais juste qu’il est propriétaire des terrains où sont construites pas mal de maisons des gris ainsi que toutes celles des bleus.

 

Ensuite il y a les blancs, eux sont bons, c’est-à-dire qu’ils ne seront jamais à l’origine d’un conflit, mais ils prendront quand même beaucoup de plaisir à riposter pour se défendre. Ils sont très habiles dans leurs dons. De la naissance jusqu’à leur mort, leurs pouvoirs ne prendront jamais d’ampleur. Ils auront la même puissance à jamais. Il faut savoir qu’ils sont déjà bien plus modestes et leurs dons sont simples, sans prétention, mais suffisamment puissants pour se défendre. Ils sont nettement plus nombreux que les noirs, si mes souvenirs sont bons, je pense qu’il y a environ mille familles qui habitent dans les parages. Et pourtant face aux noirs ils n’auront pas de grandes chances de victoire en cas de conflits directs.

 

Les rouges sont tout l’inverse, ils sont mauvais et eux utilisent leurs magies pour un oui et un non s’ils en ont la possibilité. Ils ont tout de même un sens de la fraternité et de l’amitié, car ils s’unissent face aux dangers sans se poser de questions, et ils sont bien plus solidaires d’une certaine façon que les blancs. Ils sont à quelques familles près autant que les blancs, on appelle ça l’équilibre des factions. J’ai eu une fois le malheur de me trouver sur le chemin d’un rouge et je pense avoir rarement eu aussi peur de ma vie. Par chance un bleu passait par là.

 

Si je devais décrire les bleus, ce sont ceux qui font régner la loi, ce sont les seuls qui ont le droit de se balader absolument partout sans restriction, certains prétendent que les noirs ont cet avantage aussi, mais ils n’ont aucune raison de le faire. Comme je le disais, ils font respecter la loi depuis toujours, ils ne sont ni bons ni mauvais, ils ne sont pour personne, sauf pour l’ordre et la bonne tenue de tout le monde. Il vaut donc mieux éviter de se battre devant eux. Ou avoir un excellent argument pour l’avoir fait. Ils sont à peu de chose près autant que les noirs, c’est donc pour ça qu’on entend régulièrement qu’il y a des attaques ici et là et que les bleus n’ont pas pu intervenir à temps. En même temps ils ne peuvent pas être partout à la fois. Peu importe la couleur au-dessus de nos têtes, en cas de besoin ils se déplaceront, bon Ok dans un ordre logique pour eux, noir en priorité, mais ils viendront quand même.

 

Pour faire simple, les verts sont les commerçants, ils s’occupent de tout ce qui est commerce, boutiques et magasins pour apporter aux autres factions ce dont ils ont besoin.

 

Les jaunes quant à eux sont très peu, ils sont nos soigneurs, de père en fils ils sont médecins, même si dans chacune des factions nous pouvons retrouver également des médecins. Surtout chez les noirs qui aiment tout contrôler et ne rien devoir demander aux autres factions.

 

Et enfin les gris, disons que nous sommes l’équilibre de tout ça. Nous ne cherchons jamais le conflit et au contraire préférons fuir en cas de querelle. Nous sommes au service des noirs, blancs et rouges principalement. Les gris sont des personnes sincères et profondément gentilles. Un peu trop parfois, c’est pour ça que nous sommes des super bons à tout faire, à dire oui à tout sans rechigner. Nos vies sont régies par tout un tas de lois, de règles en tout genre. Certaines sont vraiment absurdes pour moi, mais c’est comme ça, je dois vivre avec et fermer ma bouche pour ne créer aucun conflit ni représailles.

Parmi nous, il y a aussi ceux qu’on appelle les rejetés de la société, les sans familles, sans amis et avec des dons insignifiants. Ils font tous les sales boulots que personne ne souhaite faire. Personne ne voulait d’eux donc notre côté bon samaritain nous a contraints à les accueillir. Nous sommes vraiment très nombreux, tout simplement parce que nos parents n’ont pas le droit d’utiliser de contraception. Ils doivent avoir au minimum deux enfants sinon c’est très mal vu. Et dès l’âge de 11 ans, les enfants sont envoyés dans des familles pour commencer à y travailler. Entre leurs naissances et leurs 11 ans, ils aident leurs mères dans les champs. Nous n’avons pas le droit de savoir lire et encore moins d’être cultivés. Le peu de familles qui sont cultivées sont celles qui gagnent très bien leur vie pour des gris et qui ont par chance l’électricité et une télévision dans leurs maisons. J’ai 24 ans et je n’ai jamais eu l’occasion dans allumer une. Je me contente de nettoyer celle de mes employeurs.

Mes parents quand j’étais encore très jeune m’ont expliqué pourquoi ce système plutôt étrange pour moi a été créé. Notre monde aurait pu s’éteindre comme de nombreux autres. Une femme issue des noirs est tombée amoureuse d’un homme rouge mais les conséquences ont été catastrophiques. Une lignée familiale a été détruite. L’équilibre qui dure ainsi depuis 1000 ans ne doit pas être rompu. On est habitué ainsi et personne ne cherche à outrepasser ça. On se tient à nos règles.

John travaille pour une famille verte depuis 8 ans déjà. Il est très content de son métier et de ce qu’il gagne. Il me promet d’acquérir un logement rapidement et qu’on s’installe enfin ensemble. Nous devons avoir un logement à notre nom pour se marier, et être mariés pour vivre ensemble. Et à partir de ce jour, je n’aurai plus le droit de travailler pour quelqu’un, je devrai m’occuper des champs comme toutes les femmes mariées qui n’ont pas encore d’enfants en bas âge à s’occuper.

De mon côté j’ai commencé à travailler à 11 ans, et depuis mes 14 ans je suis dans la même famille. Une famille noire, je pense qu’ils sont dans les quinze premiers au niveau rang hiérarchique. Je travaille bien évidemment bénévolement, les femmes n’ont pas le droit de toucher d’argent. Je suis nourrie sur place chaque jour midi et soir. Justement il est 7 h 30 et je m’y rends. J’aime prendre mon temps le matin, respirer l’air frais et regarder le soleil se lever. Je ne peux pas dire que j’aime mon travail, mais au moins ça m’occupe en attendant de retrouver ma famille qui passe aussi leurs journées à travailler.

Mon rôle dans cette famille c’est de préparer le repas. Ils sont vraiment très nombreux, et pour que tout soit prêt pour 12 h 30 tapante je dois commencer à 9 h. Ils ne mangent que des produits que je dois cultiver moi-même dans leurs jardins. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Pour dépanner je fais un peu de ménage aussi de temps en temps dans leur bibliothèque qui est juste immense. Ça me laisse du temps pour lire un peu. Si des personnes apprenaient que je sais lire, je pourrais recevoir une bonne correction et je pourrais finir sans famille et sans le droit de me marier un jour. Les gris, comme je l’ai déjà dit, n’ont pas le droit de savoir lire, nous ne devons pas être cultivés, nous ne devons pas savoir des choses ou être plus intelligents que notre patron, ils ne veulent pas qu’un jour nous puissions nous rebeller.

Mon chef direct qui est employé ici depuis 30 ans et qui est le seul à pouvoir côtoyer de près les propriétaires des lieux, m’informe que je vais devoir venir bien plus tôt demain, car ils font une réception à partir de midi et qu’ils ont prévu 200 personnes, et surtout me dit ce que la famille attend comme menu.

 

Ma journée est finie, je suis exceptionnellement partie plus tôt, car j’ai une course à faire. Je suis sur le chemin du retour et je fais un petit détour par le centre de la ville pour récupérer un ingrédient manquant pour demain, lorsque je passe près d’une petite ruelle, une quinzaine de personnes sont là en train de se battre. Je remarque alors que deux personnes, un gars blond et une fillette ne font pas partie du même camp. Mince, ils sont sûrement en danger, seuls face à tous les autres. Je sais que je n’ai pas le droit de m’approcher, j’en suis plus que consciente, mais c’est plus fort que moi. Je suis à quelques mètres quand je vois une boule de feu arriver droit sur la fillette pendant que le blond s’occupe de repousser plusieurs rouges.

 

— Non ! dis-je en hurlant, tout en faisant un mouvement de bras. La boule de feu dévie et atterrit sur le mur ainsi que tous les rouges présents.

« Oh non, mon dieu ! C’est moi qui ai ? » Je regarde partout autour de nous et il n’y a personne d’autre.

 

Le blond se retourne et se met à me fixer, son visage change littéralement, un mélange entre la surprise et la joie que je sois intervenue.

 

— Pars vite, des bleus arrivent, lance le mec en me fixant.

Je pars alors en courant en oubliant ma course au passage. J’arrive essoufflée chez moi, par chance, personne n’est là, je n’aurais donc pas à me justifier. C’est vraiment moi qui ai fait ça ? Comment est-ce possible ? Je fais les cent pas dans mon salon pendant des heures, j’essaye de me calmer en préparant le dîner, mais rien n’y fait.

 

Ce n’est qu’un mauvais rêve, ce n’est pas possible. Qu’est-ce que j’ai fait ? Mes parents finissent par rentrer et nous passons à table. Un silence règne pendant notre repas, un silence qui devient pesant.

 

— Tu as l’air ailleurs ce soir Blake, sort mon père.
— Demain je dois cuisiner pour 200 personnes, c’est une réception, je vais devoir me lever plus tôt.
— Ah oui, pas trop dur le menu ?

 

Mince l’épice manquante, c’est encore ouvert à cette heure-ci ?

Je regarde ma montre et j’ai encore juste le temps pour arriver avant la fermeture. Je me lève après avoir expliqué à mes parents et fonce à toutes jambes. J’essaye de ne pas passer près de la ruelle des fois que j’aperçoive quelque chose qui me fasse regretter mon choix.

 

J’arrive pile-poil et je récupère l’ingrédient manquant.

 

Le lendemain j’arrive à 6 h chez mes patrons et me mets à la tâche. Au fil des cuissons et préparations, je récupère ce dont j’ai besoin dehors. L’entrée et les amuse-bouche sont terminés, ainsi que l’accompagnement de la viande qui, quant à elle, cuit tranquillement et qui sera prête au moment de la servir. Je suis à fond dans ma cuisine quand quelqu’un rentre. Par chance la porte fait tellement de bruit quand elle s’ouvre que je suis certaine que je pourrais l’entendre du grenier. Je baisse la tête et patiente qu’on me demande quelque chose.

 

— Bonjour, lance une voix masculine.

Il attend une réponse, là ? Non, mais, qu’il se dépêche, j’ai du boulot moi. Je pense patienter depuis presque une minute.

 

— Vous désirez quelque chose, Monsieur ?

Je me mords les lèvres aussi fortement que je peux pour me punir d’avoir parlé. Je ferme les yeux en espérant ne pas me faire engueuler.

 

— Quelqu’un a renversé son vin sur la nappe dans le salon.

Je fais un signe de la tête et après avoir baissé la cuisson de mes plats je récupère ce qu’il faut et pars nettoyer.

 

— Merci, me dit l’homme quand je passe à côté de lui.

Oh mon dieu, il a dit merci ? Ou je rêve ? Pas le temps d’obtenir une explication rationnelle que je suis déjà en train de frotter cette foutue tache. Je ne pourrai pas en enlever davantage malheureusement. Je commence à retourner en cuisine quand quelqu’un me percute violemment en reculant et manquant de me faire tomber. Des bras me rattrapent de justesse et mes yeux ne peuvent s’empêcher de croiser les yeux noirs de la personne un court instant.

 

— Merci, dis-je, pas très fort, mais à voix haute quand même.

Un silence se fait ressentir après que j’ai eu le malheur de dire merci, tu n’es qu’une pauvre conne.

 

— Mlle Leonisse ! hurle Madame Andrews, furieuse.

Elle me parle tellement sèchement que je pense que je vais en prendre pour mon grade. Je me retourne et baisse la tête. Je ne regarde pas, mais je sens que tous les yeux sont rivés sur moi.

 

— Est-ce que c’est nous qui vous avons appris à parler ? Ou même laisser espérer pouvoir le faire ? me demande ma patronne.

Je dis non de la tête.

 

— Elle a juste été polie Elisabeth, si Nicolasse avait été moins maladroit, il ne lui aurait pas reculé dessus, dit la voix de l’homme qui est venu me chercher en cuisine.

Il est en train de prendre ma défense ?

 

— C’est à elle de regarder où elle va, retourne en cuisine l’empoté, tu as intérêt à te rattraper sur ta cuisine, sinon tu dégages, lance ma patronne.

Je dis oui de la tête et retourne rapidement en cuisine. Je reprends mon travail en cours et essaye d’oublier au mieux ce mauvais moment. Pourquoi tu as parlé ? Au moins ils n’ont pas vu que tu as osé le regarder dans les yeux. Je serais incapable de reconnaître cet homme, seuls ses yeux resteront dans ma mémoire. Il a pris ma défense et jamais je ne pourrai le remercier.

 

Je suis dans le jardin pour récupérer des fruits pour le dessert quand quelqu’un s’adresse à moi. Décidément ! Une voix que je ne connais pas, mais je suis certaine que ce n’est pas celle de tout à l’heure, du coup je dois garder la tête rivée au sol.

 

— Lève-toi ! me demande l’homme.

J’obéis et reste de dos, je commence à avoir peur quand il me demande de me tourner et de le regarder. Je ne peux évidemment pas faire ça, je n’ai pas le droit. Je me retourne tout de même et patiente. Je l’entends alors s’approcher de moi. J’ai un mouvement de recul quand il est tout près.

 

— Lève la tête, insiste le mec.

Je n’ai même pas le droit de lui parler. Il est sérieux là ? Vu la remontrance que j’ai reçue tout à l’heure, hors de question que je parle. Il répète une troisième fois la même chose et je n’obéis toujours pas.

 

— Tu as pourtant osé regarder tout à l’heure Odonelle, ajoute le mec.

Je vois alors sa main se rapprocher de moi, il la pose sur mon menton et m’oblige à lever les yeux. Mon cœur s’accélère quand je reconnais le visage de l’homme. Le blond de la ruelle. Mon dieu, c’était un noir et pas un blanc. Tu as fait une énorme connerie là. Leur fierté de trouver plus fort qu’eux pourrait me conduire à être exclue de ma lignée.

 

— Comment tu t’appelles ? me demande le blondinet.

Je ferme les yeux et respire profondément.

 

— Blake, Monsieur.
— Original pour une grise.

Je ne réponds pas et rebaisse les yeux.

 

— Tu n’aurais jamais dû faire ça hier, tu en es consciente ?

Je dis oui de la tête.

— Mais je ne dirai rien, car sans ton intervention, ma petite sœur serait morte.
— Et pour les gardiens ?

Je me mords les lèvres d’avoir osé parler.

 

— Je leur ai dit qu’il m’avait attaqué et que je me suis défendu.
— Merci.
— Tu as du caractère, mais tes patrons ne vont pas digérer l’affront de tout à l’heure.
— J’ai seulement remercié la personne qui m’a aidée, c’est tout.

Je l’entends alors rire très légèrement.

 

— Oui, mais tu n’as pas le droit de parler.
— Arrêtez de vous adresser à moi alors.

De nouveau, ma répartie semble le faire sourire. Il a toujours sa main sur mon visage. Je recule et reprends mon travail. Je le vois alors s’éloigner de moi et j’en profite pour rattraper les quelques minutes de perdues. J’espère que personne ne nous a vus… Car là, je perds de suite mon travail.

La réception se passera plutôt bien, enfin d’après Egber, mon collègue employé de maison depuis 30 ans. Je suis en plein dans ma vaisselle quand il vient dans ma direction avec une drôle de tête.

 

— Le patron veut te voir.
— Quoi ? Quand ?
— Maintenant, il m’a dit de terminer ton travail.
— Sérieux, mais pourquoi ?
— Ne le fais pas attendre, vas-y !

Mon dieu, il va me virer pour tout à l’heure ? Je quitte la cuisine après m’être rincé les mains et avoir retiré mon tablier. J’ai terriblement peur. J’entends plusieurs voix dans le séjour. Je m’approche et attends patiemment qu’on m’invite à rentrer.

 

— Approchez-vous, me dit Monsieur Andrews.

Je m’avance tout en gardant la tête baissée. De nouveau je patiente et attends de savoir ce que j’ai bien pu faire.

 

— Vous allez partir dès maintenant et vous ne reviendrez plus travailler ici.

Et merde, le repas n’a pas plu et n’a pas pu rattraper mon erreur. Blake ne pleure pas, s’il te plaît. Je meurs d’envie de lever les yeux et demander pourquoi, mais bien sûr je n’ai pas le droit d’ouvrir ma foutue bouche. Je fais un simple geste de tête et commence à reculer.

 

— Attendez !

Je me stoppe et attends.

 

— Vous allez travailler pour une autre famille. Les Lucas !
— Quoi ? Pourquoi ?
— Nous t’emmenons avec nous de suite, récupère tes affaires et rejoins-nous dans le parking, me dit la voix d’un homme mûr que je ne connais pas.

Je dis oui de la tête et quitte le séjour. Je retourne en cuisine et dis au revoir à Egber après lui avoir expliqué que je change de famille. La famille m’attend bien sur le parking, il semble rester deux voitures. Je remarque alors la petite fille de la veille qui patiente tout en me regardant.

 

— Tu vas monter avec notre fils, il va te ramener dans notre manoir. Mais avant, tu vas devoir récupérer des affaires chez toi, quand tu travailles pour nous tu vis avec nous, à temps plein, ajoute l’homme.

Je ne vais plus vivre avec mes parents ? Ce n’est pas possible… Et John je le verrai quand du coup ?

 

— C’est compris ? me demande mon nouveau patron.

Je dis oui de la tête et contourne la voiture. Je suis censée monter à l’avant ou à l’arrière ? Je n’ai quasiment jamais eu l’occasion de monter en voiture, seuls les noirs et les familles les plus aisées et puissantes, blancs et rouges, en possèdent.

Il m’invite à prendre place à l’avant et je m’exécute. Je me retrouve seule avec lui, sans témoin, j’espère qu’il va me parler et me rassurer, je suis morte de peur. Il démarre et file rapidement.

 

— Tu habites dans les maisons en bois près du fleuve ?

Je dis oui de la tête tout en regardant mes chaussures.

 

— Je n’entends pas dans ton esprit, il va falloir me parler.

Je n’ai pas le droit, il est au courant ou pas ?

 

— Quand tu es seule avec moi, tu as le droit de parler, je ne compte pas le répéter.

Mais oui bien sûr, tu as bien dû parler à tes parents de mon sauvetage pour qu’ils me prennent dans leur maison.

 

— Réponds, insiste le blond.

Il me connaît mal, mon côté têtu.

 

— Blake, parle !

Je relève la tête et surtout les yeux et nos regards se mélangent. C’est la première fois qu’un noir prononce mon prénom, comme si j’étais de son camp.

 

— Oui, j’habite là-bas.
— Parfait.

Nous roulons dans un pur silence. Il se gare dans une grande allée et me dit qu’il patiente ici. Quand je quitte la voiture, tout un tas de personnes regardent dans ma direction. Haha ouais, un beau blond me ramène chez moi, enfin ramener est un grand mot, il m’accompagne pour récupérer mes affaires. Je suis rapidement arrêtée par une voix très familière. Je me retourne et John arrive dans ma direction.

Il me prend dans ses bras et m’embrasse. Je recule rapidement, car ça me gêne que le blond puisse me regarder.

 

— Tu as déjà fini ta journée ? me demande mon fiancé.
— Oui, je change de patron et je viens chercher mes affaires.
— Pour commencer, pourquoi tu changes de famille ?
— Je pense que j’ai fait une bêtise.
— C’est-à-dire ?
— J’ai failli tomber John, un homme m’a rattrapée et par réflexe j’ai dit merci.
— Tu as laissé un noir poser ses mains sur toi ?
— Il m’a juste rattrapée et m’a lâchée aussitôt.
— Et pourquoi tu as besoin d’affaires ?
— Cette nouvelle famille souhaite que j’habite sur place.
— Quoi ? Tu n’es pas sérieuse là !
— Si très, désolée je n’ai pas le temps, le fils de mon patron m’attend dans sa voiture.

John se retourne rapidement et je le vois lancer un regard mauvais.

 

— Non John, ne fais pas ça, tu vas le provoquer.
— Tu vas vivre avec le blondinet là ?
— Avec sa famille, oui.

J’entends la portière de la voiture s’ouvrir et je sens les problèmes imminents.

 

— John ferme-la, s’il te plaît.
— Blake...
— Tais-toi s’il te plaît, pour moi.
— Je vous attends, il serait bien de vous dépêcher, lance le blondinet.

Je dis oui de la tête et reprends mon chemin. John me suit dans l’allée et rentre avec moi dans ma maison.

 

— Blake, refuse !
— Comme si c’était possible !
— On avance notre date de mariage alors.
— Ce n’est qu’un boulot.
— Je ne le sens pas.
— Tu te fais des films juste parce qu’il y a un mec de notre âge qui vit sous ce toit.
— Comment tu sais qu’il a notre âge, tu l’as regardé ?

Hey mince, quelle conne :

 

— Je l’ai regardé rapidement dans la voiture, je n’aurais pas dû, je sais…
— N’y va pas, sinon je romps nos fiançailles !
— Tu es sérieux là ?
— Très !
— Tu n’as pas le droit de me dire ça, jusqu’à ce que je sois mariée, j’avais le droit de travailler, tu me l’avais promis !
— Pas s’il y a un risque que tu me reviennes enceinte de lui.
— Tu crois que je vais te tromper ? C’est un noir, il n’en a rien à faire d’une pauvre grise comme moi !
— Blake, tu crois que personne n’a voulu de toi avant moi pourquoi ?
— Je ne comprends pas.
— Parce que tu as un côté trop rebelle, et ta beauté fait peur aux hommes, tu ne ressembles tellement pas à un gris, tu t’es vue dans un miroir ?
— Pourquoi tu es avec moi alors ?
— Parce que j’ai appris à te connaître et que je sais que sous peu tu seras définitivement à moi. Donc reste !
— Il ne se passera rien là-bas, crois-moi.
— Ce sont tous des coureurs qui mettent les petites jeunes enceintes et ensuite nous les rendent malheureuses…

Je le pousse alors avec méchanceté et l’oblige à quitter ma maison. Je fonce dans ma chambre et emballe mes affaires. Je laisse un message vocal à mes parents et les informe que je viendrai dès que possible. Je ne me suis même pas rendu compte que je pleurais, John vient de me quitter sans me laisser la chance de lui montrer qu’il devait avoir confiance en moi. Je ne suis pas une idiote naïve. Il faut que je sois vierge le jour de mon mariage sous peine d’être exclue, je ne le sais que trop bien.

Je n’ai pas besoin de regarder si le blond est toujours dehors que je reconnais de loin ses chaussures impeccables et son pantalon. Il est assis sur le capot de sa voiture et patiente. Je le vois alors se redresser et ouvrir la portière arrière et prendre mon sac pour le déposer.

 

— En voiture, on va chez moi !

Je dis oui de la tête et monte à l’avant. Nous roulons depuis quelques minutes à peine quand il se met à me parler de nouveau.

 

— C’était ton fiancé ?
— Oui.

Je sens ma voix rocailleuse, je pleure toujours…

 

— Il va avoir des problèmes, tu en es consciente ?
— Et moi aussi si je ne me tais pas !
— Tu as du caractère.

Ça, je ne le sais que trop bien…

— Pourquoi tu pleures ?

Ne rêve pas, je ne vais pas te le dire…

 

— Blake !

Je tourne la tête pour regarder dehors pour qu’il comprenne que je ne compte pas répondre…

 

— Ok.

Nous roulons une bonne demi-heure, je me rends compte que je ne pourrai pas retourner voir mes parents aussi facilement que ça. Je suis encore plus triste pour le coup. Nous arrivons enfin et le blond m’invite à sortir de la voiture et récupérer mon sac. Il m’accompagne jusqu’au salon où sont ses parents. Je vois une personne en robe qui approche.

 

— Bonjour, je suis Madame Lucas, et je serai ta nouvelle patronne. Je vais te montrer où tu vas travailler ainsi que tes quartiers privés. Personne n’a le droit d’y aller sans ton accord. Et rassure-toi, personne n’ira jamais. Tu es très douée en cuisine alors je vais te laisser principalement à cette tâche, ici nous sommes deux fois moins alors tu auras moins de temps à passer en cuisine. Nous n’avons pas de jardin à cultiver, nous achetons tout dans les champs que les gris cultivent. Il y a Adam qui fera les courses tous les deux jours, à toi de lui donner une liste. Tu devras faire du ménage aussi. Le dimanche sera ton jour de repos, tu pourras aller chez tes parents si tu le souhaites, ou rester dans ta chambre, ou encore profiter des jardins du manoir ou de la piscine. Nous t’autorisons à nous parler si vraiment tu n’as pas le choix ou pour nous remercier.

Je me mets à sourire en comprenant pourquoi elle me dit ça.

 

— Tant que ça ne devient pas familier. Je veux être appelée Madame Lucas quand tu parles de moi ou que tu t’adresses à moi. As-tu une question ?

Je dis oui de la tête…

 

— Tu veux savoir pourquoi tu es ici ?

Je fais une nouvelle fois un signe de tête et patiente…

 

— Pour avoir sauvé ma fille, et peut-être même mon fils.

Il l’a donc répété !

 

— Je veux te surveiller pour savoir si tu risques un jour de nous trahir en disant que mon fils n’a pas réussi à se défendre seul, même si aucun de nous n’aurait pu. Il est tombé sur une famille de rouges qui jouent avec l’esprit, et ils ont réussi, en s’y mettant à plusieurs, à bloquer les pouvoirs de Lélio. Je ne veux pas savoir pourquoi tu as été capable d’expulser ces personnes et ça ne sortira jamais d’ici.

 

Il s’appelle donc Lélio, le blond…

— Suis-moi maintenant !

Elle me fait faire le tour du manoir et termine par ma chambre. C’est juste immense ici, je pense me perdre au départ. Mais je me sens déjà plus à l’aise qu’avec mes anciens patrons. Je repense alors à la façon dont cette maman s’est exprimée, elle ne m’a pas dit merci, mais sa voix si douce et reconnaissante voulait en dire tout autant. Elle me laisse dans ma chambre afin que je m’installe. Elle me demande juste de préparer le dîner qui va commencer dans deux heures et ensuite j’aurai ma soirée et surtout ma journée de demain. En 10 ans je n’ai jamais eu un seul jour de congé, les rares fois où je n’ai pas pu aller travailler j’étais malade et c’est ma mère qui a pris le relais. Je range les quelques habits que j’ai et le cadre photo de mes parents et moi petite, la seule photo que j’ai d’eux. La pièce est quand même plus moderne que je pouvais l’imaginer. J’ai un lit double avec des draps qui sentent le propre, une grande fenêtre qui donne sur le jardin. Les murs sont peints de couleur taupe et blanc. Ça apporte un peu plus de lumière à la pièce. En rentrant de suite à droite il y a une porte qui mène à des WC indépendants, et la seconde porte est celle pour la salle de bains. Une armoire à gauche du lit et une coiffeuse à gauche en rentrant. Je souris en me rendant compte qu’ici je n’aurai pas à m’éclairer à la bougie, puis je m’amuse avec l’interrupteur quelques instants avant de quitter ma chambre.

 

Je gagne la cuisine en espérant me souvenir de son emplacement. Quand je la trouve enfin, il y a déjà quelqu’un. Je baisse rapidement la tête en ignorant si c’est un membre de la famille ou un employé.

 

— Je suis un gris, rassure-toi !
— Bonjour.
— Adam.
— Le fameux Adam… Blake.

Il me sourit en entendant mon prénom.

 

— Je sais très bien.

Je m’avance près des frigos et regarde le contenu.

 

— Je suis censé t’aider pour ce soir, vu que tu n’as pas eu le temps de préparer quelque chose.
— C’est gentil. Tu sais s’ils ont des allergies, des régimes alimentaires particuliers ?
— Non, aucun.
— Parfait, merci.

Je sors un poulet ainsi que des carottes, pommes de terre et haricots et je prépare un poulet rôti avec une jardinière de légumes et des pommes de terre rissolées aux herbes fraîches. C’est la première employée avec qui j’ai travaillé quand j’ai eu 11 ans qui m’a appris à cuisiner. Elle est morte quand j’ai eu 14 ans et c’est pour ça que j’ai dû changer de patron, je ne peux pas travailler dans une famille seule si je suis mineure. Nous sommes majeurs à 16 ans pour un gris. Chez la famille Andrews j’ai travaillé deux ans avec une collègue qui elle a dû partir, car elle s’est mariée. J’ai eu la chance de tomber sur deux femmes super sympas qui m’ont appris beaucoup de choses. En 2 h et avec l’aide d’Adam, tout est prêt. J’ai même pu faire une tarte aux pommes.

Adam prend les plateaux et file servir. Quand il revient avec les plateaux vides, j’ai terminé la vaisselle. Nous attendons les restes de poulets et légumes pour nous mettre à notre tour à table. Cette cuisine est vraiment magnifique, couleurs gris, blanc et jaune. Le sol est en béton ciré blanc. J’ignore qui a eu l’idée de la faire ainsi, mais j’adore.

Tout le mur de droite en rentrant donne sur le jardin, et les nombreuses baies vitrées nous permettent d’y aller et surtout donnent de la lumière à la pièce. Je pense que la cuisine doit faire au moins cinq fois la taille de ma maison, enfin celle de mes parents. Le plan de travail est immense sans parler de la gazinière. Je pense que je vais vraiment bien me plaire ici.

Une petite heure après c’est enfin à notre tour de manger.

 

— Tu travailles ici depuis longtemps ?
— 8 ans.
— D’accord.
— Et toi tu étais où avant ?
— J’ai travaillé 10 ans pour une autre famille et maintenant je vais travailler pour eux.
— Encore longtemps ?
— Je pense oui !
— Pas de fiancé ?
— C’est compliqué…
— Désolé. En tout cas ton poulet est délicieux !
— Merci.

Nous achevons notre repas dans le silence et je poursuis avec la vaisselle. Je décide de préparer la pâte pour faire une brioche demain matin pour le petit déjeuner ainsi que de la pâte feuilletée pour faire des croissants.

 

— Tu ne travailles pas demain, Blake.
— Ça ne m’empêche pas de préparer le petit déjeuner !
— Ils ne vont plus pouvoir se passer de toi ici !
— J’espère…

J’entoure ce dont j’ai besoin sur la liste de courses dédiée au gris et que j’aimerais cuisiner pour les deux prochains jours tout compris. Je l’accroche sur le frigo et monte me coucher.

Ma chambre fait au moins le double de celle chez mes parents. Je n’ai pas à me plaindre. Je devrais être stressée, malheureuse, en larmes pour ce qui m’arrive, mais je déteste tellement John de m’avoir fait ça que je n’ai pas envie de m’apitoyer sur mon sort. Ça me montre d’une certaine façon qui il est…

 

Je suis dans cette maison depuis un mois maintenant, j’ai pris mes marques, j’ai eu des compliments sur mon comportement et sur la propreté du manoir. Les repas sont pour les membres de la famille parfaitement équilibrés et les quantités adaptées, aucun gaspillage, et la variation des menus leur convient tout à fait. Je n’ai pas vraiment croisé Lélio, à part les jours de repos d’Adam quand je n’ai d’autres choix que de déposer moi-même les plats. Le manoir n’a plus aucun secret pour moi à présent. Et je profite de l’absence de la famille pour aller me poser à la bibliothèque. La pièce est juste immense, j’ignore combien il y a de livres, mais tous les murs en sont remplis. La pièce doit être aussi grande que la cuisine, que je trouvais déjà majestueuse. Les murs sont de couleur crème. Je me pose dans un coin de la pièce, sur l’un des fauteuils gris. J’ai envie de continuer à m’entraîner à lire un peu. Je suis là depuis une petite heure déjà et à fond dans un livre. Il y a encore tellement de mots que je ne connais pas, du coup l’histoire est compliquée à comprendre. J’essaye de me concentrer, mais je bloque régulièrement. Ça parle d’une héroïne avec un don qu’elle essaye d’apprendre à utiliser, elle est médium et vient de perdre son meilleur ami. Elle rejoint une école malgré elle ou elle fait de drôles de connaissances.

 

— Tu n’essayes pas de lire j’espère ? me demande Lélio.

Je sursaute et laisse échapper le livre. Mince. Il est plus rapide que moi et le ramasse en premier.

 

— Fais attention, ces livres coûtent très cher !
— Je suis désolée Monsieur, vraiment désolée…

Je commence à m’éloigner quand il me rattrape par le bras et me tire contre lui. Mon cœur s’emballe littéralement à ce contact. Il pose sa main sur mon menton et le soulève.

 

— Tu sais lire ?
— Non bien sûr que non !
— Blake, aucun mensonge entre nous !
— Désolée, je voulais juste regarder…

Je m’extirpe de son étreinte et quitte les lieux. J’espère qu’il ne va pas le répéter, j’ai appris petit à petit en regardant des livres de débutant avec des mots sous des images, j’ai commencé à les mémoriser et au fil des années je réussis pas trop mal à déchiffrer un mot sur deux.

 

Deux semaines que Lélio m’a surprise dans la bibliothèque, je n’ai eu aucun commentaire ni réflexion, finalement il garde peut-être certaines choses pour lui. Nous sommes samedi soir et je suis de nouveau seule dans le manoir. Adam est rentré chez lui et la famille est de sortie dans une réception chez mes anciens patrons.J’ai envie de profiter de cette fameuse piscine, ils ne seront pas rentrés avant minuit au moins et là il est à peine 19 h. J’enchaîne les longueurs et finis par sortir de l’eau pour m’asseoir sur le rebord de la piscine quand je vois Lélio juste là, à quelques mètres de moi en train de m’observer. Mon cœur s’affole en me demandant depuis combien de temps il est ici. J’attrape ma serviette et m’enveloppe dedans. À part ma mère, personne ne m’a jamais vue aussi peu vêtue, j’ai terriblement honte.

 

— Tu peux continuer à profiter de la piscine, me dit Lélio.

Je dis non de la tête et commence à sortir de là. Je n’ai pas d’autre choix que de passer à côté de lui.

 

— Tu pars parce que je suis ici ?

Je dis un oui de la tête.

 

— Dans ce cas, je te laisse et je viendrai nager plus tard.

Je dis non de la tête et m’éloigne.

 

— J’insiste Blake !
— Restez Monsieur, je vais aller en cuisine et attendre pour savoir si vous avez besoin de quelque chose.

Il ne répond rien et me laisse partir. Je sors quelques composants pour préparer en amont la pâte à crêpes, demain je n’aurai qu’à les faire cuire.

Quand je vois la porte s’ouvrir et Lélio entrer, je suis à la fois contente et complètement stressée. Il est torse nu et en bas de survêtement, une serviette sur les épaules. Il ne connaît pas les tee-shirts ?

Il s’installe sur un tabouret et me fixe.

 

— Vous avez faim, Monsieur ?
— Très !
— Vous voulez quelque chose en particulier ?
— Quelque chose de rapide.
— Croque-madame ?
— Parfait.

Je m’attelle à la préparation et en moins de 15 min l’assiette est servie.

— Tu as déjà mangé ?
— Non.
— Dans ce cas, accompagne-moi ! Je ne me suis rien préparé en même temps…

Je dis non de la tête.

 

— Tu sais obéir des fois ?
— Je mangerai après Monsieur.

Je le vois se lever et récupérer une assiette dans un placard puis la poser devant moi. Il coupe le croque-madame en deux et me met la moitié dans une assiette.

 

— Mange !
— C’était pour vous Monsieur.
— Je n’aime pas manger seul !

Je m’installe et nous mangeons dans le silence. Jusqu’à ce qu’il arrive à me surprendre :

 

— Tu me montres comment préparer des madeleines ?
— Comment ?
— J’ai envie de connaître la recette et savoir en préparer seul.
— Vous n’êtes pas censé toucher à la cuisine, vous avez des servants pour ça.
— Et alors ? J’ai envie de savoir quand même !
— Vous voulez apprendre maintenant ?
— Oui.

Je sors les ingrédients qu’il me faut et lui demande de prendre place. Il s’exécute dans chaque pas pour la préparation de la pâte puis de la cuisson. 35 min après elles sont prêtes et il semble très content de lui. Nous en goûtons une et en effet il a très bien réussi. Il me fait alors un grand sourire. J’avoue être gênée de le regarder comme je le fais et encore plus de lui parler. Je reprends la préparation pour le petit déjeuner de demain quand je le vois quitter la pièce. Il revient 5 min après avec des dossiers. Il s’installe sur le bar et se met à travailler. Il va vraiment étudier ici ?

 

— J’aime bien avoir de la compagnie quand je travaille mes cours.
— Je vais essayer de ne pas faire trop de bruit alors.
— Ne t’inquiète pas pour moi !

Je prépare une salade de fruits, je veux que les fruits macèrent bien dans le jus, ainsi que du jus de multi-fruits. Je vois bien que Lélio regarde régulièrement dans ma direction. J’essaye de ne pas être déconcentrée dans mon travail. Une bonne heure après j’ai tout terminé.

 

— Souhaitez-vous une tisane peut-être, Monsieur ?

Il relève la tête et me sourit. Je baisse aussitôt la mienne, gênée. Faut vraiment arrêter de le regarder, tu n’as pas le droit et tu le sais.

 

— Non merci.
— Autre chose ?
— Non plus.

Ok je me tais, mais moi je veux bien une tisane. Je m’en prépare une et je m’installe de l’autre côté du bar en le regardant travailler. Bien évidemment quand il relève les yeux, je fais comme si je regardais ma tasse. Les minutes s’enchaînent et nous restons là dans un silence reposant. Lélio est blond aux yeux bleus, il est plutôt grand et mince. Je ne sais pas s’il fait attention à s’entretenir ou s’il est de nature comme moi à ne pas grossir.

 

— Voilà fini, plus qu’à le rendre demain.

Je souris sans savoir vraiment quoi faire…

 

— C’est un essai qui compte pour ma moyenne, si je ne le rends pas, j’aurai zéro !
— Ne l’oubliez pas demain, alors.
— Non, ça ne risque pas.

Il me sourit et range ses affaires puis me tend la main. Je le regarde et ne comprends pas pourquoi il fait ça…

 

— Viens avec moi !
— Ou ça ?
— Viens !
— Ok.

Je lui tends la mienne et le laisse me guider. Nous montons au-dessus de la maison sur les toits et nous installons sur une espèce de balcon. Une vue magnifique s’étend devant nous, ça me coupe le souffle. Les étoiles dans le ciel brillent par milliers.

 

— J’aime bien venir ici, c’est tellement…
— Reposant, dis-je en souriant.
— Voilà.

Je le vois me regarder, mais je préfère regarder l’horizon.

 

— Tu es bien parmi nous ?
— Ma famille me manque beaucoup et…
— Ton fiancé aussi, je suppose…

Je me redresse avant de fondre en larmes devant lui. Je redescends et fonce dans ma chambre. J’espère de tout cœur qu’il ne vienne pas me rejoindre. Et par chance il ne le fera pas. Il a dû comprendre que j’avais besoin d’être seule. Je prends une douche et me couche. Au réveil je suis toute déprimée, et j’ai du mal à sortir du lit. Je n’ai pas vraiment le choix en même temps, nous sommes vendredi et je dois préparer le petit déjeuner un peu plus tôt pour Madame Lucas. Je m’habille rapidement et quitte ma chambre pour gagner la cuisine.

 

Adam est installé et a sorti tout ce dont j’ai besoin pour préparer la table. Quand je m’approche, je reconnais la pile de dossiers de Lélio. Je regarde rapidement et vois les feuilles qu’il a écrites hier devant moi. Hey mince, il l’a vraiment oublié. Je prends la pile de documents et fonce dans le salon en espérant voir Mr et Madame Lucas, et surtout Lélio. Madame est seule et semble surprise par ma précipitation.

— Désolée de vous déranger Madame Lucas, mais votre fils a oublié son essai.
— Je n’ai pas le temps de lui apporter. Il a cours dans 30 min, foncez lui apporter.

Je dis oui de la tête et attends d’avoir un peu plus d’informations.

 

— Prends un vélo de la remise !

Je ne perds pas de temps, après m’avoir donné l’adresse et une autorisation de me rendre là-bas, je fonce aussi vite que possible. Heureusement que je sais en faire. À vélo j’en ai pour 20 minutes, et pour peu aussi que je ne le trouve pas facilement.

Quand j’arrive, je suis dévisagée de partout, je ne peux pas regarder par terre, il faut que je le trouve. Une tête blonde, ça doit se voir de loin. J’avance dans cette immense allée et à plusieurs mètres de moi je vois bien une tête blonde de dos. Je reconnais les chaussures ! Je m’approche en regardant au maximum mes pieds. Je relève les yeux au dernier moment quand je ne suis qu’à quelques mètres de lui…

 

— Tiens qu’est-ce que c’est que ça ? demande un mec qui accompagne Lélio.
— Tu t’es perdue, ma jolie ? demande un autre.

Je vois Lélio se retourner et j’en profite pour sortir les papiers et lui tendre. J’aurais bien aimé voir sa réaction, savoir s’il est content que je sois ici alors que je n’ai pas le droit et que je risque ma vie d’une certaine façon. Il les prend et je commence à reculer quand une main m’agrippe et me colle contre un mur. La personne qui me retient contre ma volonté n’est pas Lélio.

 

— Ne repars pas aussi vite, nous allons nous amuser un petit peu tous les deux avant, dit le deuxième m’ayant parlé.
— Tu comptes la prendre contre ce mur ? lui demande le premier.
— Et pourquoi pas ?

Quoi, il est sérieux là ?

 

— Elle risque d’être bannie de son clan, la pauvre petite chose, ajoute le premier.
— On empêchera juste qu’une autre personne aussi idiote et insignifiante qu’elle ne naisse. Ils sont tellement bêtes que je me demande comment ils font pour survivre !

Quel abruti ce mec ce n’est pas possible. Je continue à fixer mes pieds en espérant qu’un miracle arrive. Une de ses mains tient toujours mes poignets fermement et avec l’autre il commence à me caresser le haut du corps. Quand sa main se pose sur mon menton et qu’il m’oblige à lever la tête, j’ai de plus en plus peur…

 

— C’est que tu as de très jolis yeux pour une débile !

Je le vois commencer à avancer sa bouche de la mienne quand j’ai ce mouvement de recul. Je tourne la tête par pur réflexe. Il me reprend le menton avec force et m’oblige à rester immobile.

 

— Tu dois être encore plus stupide que je le pensais pour désobéir à un noir.

Une montée de rage m’envahit et je ne peux m’empêcher de retirer sa main avec force, je le regarde droit dans les yeux et lui lance un regard mauvais. Je le vois alors avancer une main rapidement de mon visage lorsque Lélio le retient :

 

— Stop, si quelqu’un doit jouer avec elle, c’est moi. Elle m’appartient vu qu’elle travaille pour ma famille, dit Lélio, en regardant son ami avec un petit sourire.
— Elle mérite une bonne correction là, elle m’a défié, lance le mec qui me tient toujours contre le mur.
— Elle a juste eu peur d’avoir ta langue dans sa bouche, je pense que je ressentirais la même chose. Laisse-moi lui montrer qui commande ici. À moi elle n’a pas le droit de refuser, sinon les conséquences seront terribles pour elle.

Le mec recule et Lélio se place devant moi. Il compte vraiment m’embrasser ? Il avance sa bouche vers mon oreille et se met à chuchoter tellement doucement…

 

— Tu n’aurais pas dû le repousser, maintenant tu as intérêt à obéir sinon tu vas prendre cher.

Je dis oui de la tête et attends de voir ce qu’il compte vraiment faire. Il attrape mes poignets avec force, ce qui me provoque un léger gémissement de douleur. Il place mes mains au-dessus de ma tête et il se colle contre moi puis me pousse davantage contre le mur. Je m’en veux tout d’un coup, j’aurais dû écouter John, j’aurais dû accepter sa proposition de se marier de suite et tant pis si on n’a qu’une toute petite maison. Même pour l’autre connard j’aurais dû le laisser faire. Au pire j’aurais eu sa langue dans ma bouche, dans moins de deux minutes ses cours commencent. Je me serais barrée. Là je vais devoir vivre sous le toit de quelqu’un qui m’aura embrassée de force.

Je ne peux m’empêcher de regarder le sol. Lui non plus ne semble pas apprécier ça, car il remonte mon visage. Il plonge son regard dans le mien, je n’arrive pas à donner un sens à cette façon de m’observer. Est-ce qu’il est désolé ? En colère ? Ou juste il n’en a rien à faire ?