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Les Amours jaunes est l'unique recueil de poésie du « poète maudit » Tristan Corbière, publié en 1873 chez Glady frères éditeurs à Paris, et comprenant la quasi-totalité de son œuvre poétique. Composé de 101 poèmes de tailles et de formes très diversifiées, il est publié à compte d'auteur deux ans avant la mort du poète, à l'âge de 29 ans, et passe totalement inaperçu à l'époque.
|Wikipédia|
Extrait
FLEUR D’ART
Oui — Quel art jaloux dans Ta fine histoire !
Quels bibelots chers ! — Un bout de sonnet,
Un cœur gravé dans ta manière noire,
Des traits de canif à coups de stylet. —
Tout fier mon cœur porte à la boutonnière
Que tu lui taillas, un petit bouquet
D’immortelle rouge — Encor ta manière —
C’est du sang en fleur. Souvenir coquet.
Allons, pas de pleurs à notre mémoire !
— C’est la mâle-mort de l’amour ici...
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À MARCELLE
LE POÈTE ET LA CIGALE
ÇA ?
PARIS
ÉPITAPHE
LES AMOURS JAUNES
À L’ÉTERNEL MADAME
FÉMININ SINGULIER
BOHÊME DE CHIC
GENTE DAME
1 SONNET
SONNET À SIR BOB
STEAM-BOAT
PUDENTIANE
APRÈS LA PLUIE
À UNE ROSE
À LA MÉMOIRE DE ZULMA
BONNE FORTUNE et FORTUNE
À UNE CAMARADE
UN JEUNE QUI S’EN VA
INSOMNIE
LA PIPE AU POÈTE
LE CRAPAUD
FEMME
DUEL AUX CAMÉLIAS
FLEUR D’ART
PAUVRE GARÇON
DÉCLIN
BONSOIR
LE POÈTE CONTUMACE
SÉRÉNADE DES SÉRÉNADES
SONNET DE NUIT
GUITARE
RESCOUSSE
TOIT
LITANIE
CHAPELET
ÉLIZIR D’AMOR
VÉNERIE
VENDETTA
HEURES
CHANSON EN SI
PORTES ET FENÊTRES
GRAND OPÉRA
PIÈCE À CARREAUX
RACCROCS
LAISSER-COURRE
À MA JUMENT SOURIS
À LA DOUCE AMIE
À MON CHIEN POPE
À UN JUVÉNAL DE LAIT
À UNE DEMOISELLE
DÉCOURAGEUX
RAPSODIE DU SOURD
FRÈRE ET SŒUR JUMEAUX
LITANIE DU SOMMEIL
IDYLLE COUPÉE
LE CONVOI DU PAUVRE
DÉJEUNER DE SOLEIL
VEDER NAPOLI POI MORI
VÉSUVES ET Cie
SONETO A NAPOLI
À L’ETNA
LE FILS DE LAMARTINE et DE GRAZIELLA
LIBERTÀ |2 |
HIDALGO !
PARIA
ARMOR
PAYSAGE MAUVAIS
NATURE MORTE
UN RICHE EN BRETAGNE
SAINT TUPETU de TU-PE-TU
LA RAPSODE FORAINE et LE PARDON DE SAINTE ANNE
CRIS D’AVEUGLE
LA PASTORALE DE CONLIE
GENS DE MER
POINT N’AI PAS FAIT UN TAS D’OCÉANS
MATELOTS
LE BOSSU BITOR
LE RENÉGAT
AURORA
LE NOVICE EN PARTANCE et SENTIMENTAL
LA GOUTTE
BAMBINE
CAP’TAINE LEDOUX
LETTRE DU MEXIQUE
LE MOUSSE
AU VIEUX ROSCOFF
LE DOUANIER
LE NAUFRAGEUR
À MON CÔTRE LE NÉGRIER
LE PHARE
LA FIN
RONDELS POUR APRÈS
SONNET POSTHUME
RONDEL
DO, L’ENFANT DO…
MIRLITON
PETIT MORT POUR RIRE
MALE-FLEURETTE
À MARCELLE
LA CIGALE ET LE POÈTE
Notes
TRISTAN CORBIÈRE
LES AMOURS JAUNES
RECUEIL DE POÈMES
Glady | 1873
Raanan Éditeur
Livre numérique 483 | édition 1
Un poète ayant rimé, IMPRIMÉ Vit sa Muse dépourvue De marraine, et presque nue : Pas le plus petit morceau De vers… ou de vermisseau. Il alla crier famine Chez une blonde voisine, La priant de lui prêter Son petit nom pour rimer. (C’était une rime en elle)
— Oh ! je vous paîrai, Marcelle, Avant l’août, foi d’animal ! Intérêt et principal. — La voisine est très prêteuse, C’est son plus joli défaut : — Quoi : c’est tout ce qu’il vous faut ? Votre Muse est bien heureuse… Nuit et jour, à tout venant, Rimez mon nom.... Qu’il vous plaise ! Et moi j’en serai fort aise. Voyons : chantez maintenant.
What ?…
(Shakespeare.)
Des essais ? — Allons donc, je n’ai pas essayé ! Étude ? — Fainéant je n’ai jamais pillé. Volume ? — Trop broché pour être relié… De la copie ? — Hélas non, ce n’est pas payé ! Un poëme ? — Merci, mais j’ai lavé ma lyre. Un livre ? — …Un livre, encor, est une chose à lire !… Des papiers ? — Non, non, Dieu merci, c’est cousu ! Album ? — Ce n’est pas blanc, et c’est trop décousu. Bouts-rimés ? — Par quel bout ?… Et ce n’est pas joli ! Un ouvrage ? — Ce n’est poli ni repoli. Chansons ? — Je voudrais bien, ô ma petite Muse !… Passe-temps ? — Vous croyez, alors, que ça m’amuse ? — Vers ?… vous avez flué des vers… — Non, c’est heurté. — Ah, vous avez couru l’Originalité ?…
— Non… c’est une drôlesse assez drôle, — de rue — Qui court encor, sitôt qu’elle se sent courue. — Du chic pur ? — Eh qui me donnera des ficelles ! — Du haut vol ? Du haut-mal ? — Pas de râle, ni d’ailes ! — Chose à mettre à la porte ? — …Ou dans une maison De tolérance. — Ou bien de correction ? — Mais non ! — Bon, ce n’est pas classique ? — À peine est-ce français ! — Amateur ? — Ai-je l’air d’un monsieur à succès ? Est-ce vieux ? — Ça n’a pas quarante ans de service… Est-ce jeune ? — Avec l’âge, on guérit de ce vice. … ÇA c’est naïvement une impudente pose ; C’est, ou ce n’est pas çà : rien ou quelque chose… — Un chef-d’œuvre ? — Il se peut : je n’en ai jamais fait. — Mais, est-ce du huron, du Gagne, ou du Musset ? — C’est du… mais j’ai mis là mon humble nom d’auteur, Et mon enfant n’a pas même un titre menteur. C’est un coup de raccroc, juste ou faux, par hasard… L’Art ne me connaît pas. Je ne connais pas l’Art.
Préfecture de police, 20 mai 1873
Bâtard de Créole et Breton, Il vint aussi là — fourmilière, Bazar où rien n’est en pierre, Où le soleil manque de ton. — Courage ! On fait queue… Un planton Vous pousse à la chaîne — derrière ! — … Incendie éteint, sans lumière ; Des seaux passent, vides ou non. — Là, sa pauvre Muse pucelle Fit le trottoir en demoiselle, Ils disaient : Qu’est-ce qu’elle vend ? — Rien. — Elle restait là, stupide, N’entendant pas sonner le vide Et regardant passer le vent…
Là : vivre à coups de fouet ! — passer En fiacre, en correctionnelle ; Repasser à la ritournelle, Se dépasser, et trépasser !… — Non, petit, il faut commencer Par être grand — simple ficelle — Pauvre : remuer l’or à la pelle ; Obscur : un nom à tout casser !… Le coller chez les mastroquets, Et l’apprendre à des perroquets Qui le chantent ou qui le sifflent… — Musique ! — C’est le paradis Des mahomets et des houris, Des dieux souteneurs qui se giflent !
« Je voudrais que la rose, — Dondaine ! « Fût encore au rosier, — Dondé ! »
Poète. — Après ?… Il faut la chose : Le Parnasse en escalier, Les Dégoûteux, et la Chlorose, Les Bedeaux, les Fous à lier…. L’Incompris couche avec sa pose, Sous le zinc d’un mancenillier ; Le Naïf « voudrait que la rose,Dondé ! fût encore au rosier ! » « La rose au rosier, Dondaine ! » — On a le pied fait à sa chaîne. « La rose au rosier »… — Trop tard ! — … « La rose au rosier »… — Nature ! — On est essayeur, pédicure, Ou quelqu’autre chose dans l’art !
J’aimais… — Oh, ça n’est plus de vente ! Même il faut payer : dans le tas, Pioche la femme ! — Mon amante M’avait dit : « Je n’oublierai pas… » … J’avais une amante là-bas Et son ombre pâle me hante Parmi des senteurs de lilas… Peut-être Elle pleure… — Eh bien : chante, Pour toi tout seul, ta nostalgie, Tes nuits blanches sans bougie… Tristes vers, tristes au matin !… Mais ici : fouette-toi d’orgie ! Charge ta paupière rougie, Et sors ton grand air de catin !
C’est la bohème, enfant : Renie Ta lande et ton clocher à jour, Les mornes de ta colonie Et les bamboulas au tambour. Chanson usée et bien finie, Ta jeunesse… Eh, c’est bon un jour !… Tiens : — C’est toujours neuf — calomnie Tes pauvres amours… et l’amour. Évohé ! ta coupe est remplie ! Jette le vin, garde la lie… Comme ça. — Nul n’a vu le tour. Et qu’un jour le monsieur candide De toi dise — Infect ! Ah splendide ! — … Ou ne dise rien. — C’est plus court.
Évohé ! fouaille la veine ; Évohé ! misère : Éblouir ! En fille de joie, à la peine Tombe, avec ce mot-là. — Jouir ! Rôde en la coulisse malsaine Où vont les fruits mal secs moisir, Moisir pour un quart-d’heure en scène… — Voir les planches, et puis mourir ! Va : tréteaux, lupanars, églises, Cour des miracles, cour d’assises : — Quarts-d’heure d’immortalité ! Tu parais ! c’est l’apothéose !!!… Et l’on te jette quelque chose : — Fleur en papier, ou saleté. —
Donc, la tramontane est montée : Tu croiras que c’est arrivé ! Cinq-cent-millième Prométhée, Au roc de carton peint rivé. Hélas : quel bon oiseau de proie, Quel vautour, quel Monsieur Vautour Viendra mordre à ton petit foie Gras, truffé ?… pour quoi — Pour le four !… Four banal !… — Adieu la curée ! — Ravalant ta rate rentrée, Va, comme le pélican blanc, En écorchant le chant du cygne, Bec-jaune, te percer le flanc !… Devant un pêcheur à la ligne.
Tu ris. — Bien ! — Fais de l’amertume. Prends le pli, Méphisto blagueur. De l’absinthe ! et ta lèvre écume… Dis que cela vient de ton cœur. Fais de toi ton œuvre posthume. Châtre l’amour… l’amour — longueur ! Ton poumon cicatrisé hume Des miasmes de gloire, ô vainqueur ! Assez, n’est-ce pas ? va-t’en ! Laisse Ta bourse — dernière maîtresse — Ton revolver — dernier ami… Drôle de pistolet fini ! … Ou reste, et bois ton fond de vie, Sur une nappe desservie…
Sauf les amoureux commençans ou finis qui veulent commencer par la fin il y a tant de choses qui finissent par le commencement que le commencement commence à finir par être la fin la fin en sera que les amoureux et autres finiront par commencer à recommencer par ce commencement qui aura fini par n’être que la fin retournée ce qui commencera par être égal à l’éternité qui n’a ni fin ni commencement et finira par être aussi finalement égal à la rotation de la terre où l’on aura fini par ne distinguer plus où commence la fin d’où finit le commencement ce qui est toute fin de tout commencement égale à tout commencement de toute fin ce qui est le commencement final de l’infini défini par l’indéfini — Égale une épitaphe égale une préface et réciproquement
(Sagesse des nations)
Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse. S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il se laisse : — Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse. —
Il ne naquit par aucun bout, Fut toujours poussé vent-de-bout, Et fut un arlequin-ragoût, Mélange adultère de tout. Du je-ne-sais-quoi. — Mais ne sachant où ; De l’or, — mais avec pas le sou ; Des nerfs, — sans nerf. Vigueur sans force ; De l’élan, — avec une entorse ; De l’âme, — et pas de violon ; De l’amour, — mais pire étalon. — Trop de noms pour avoir un nom. — Coureur d’idéal, — sans idée ; Rime riche, — et jamais rimée ; Sans avoir été, — revenu ; Se retrouvant partout perdu. Poète, en dépit de ses vers ; Artiste sans art, — à l’envers, Philosophe, — à tort à travers. Un drôle sérieux, — pas drôle. Acteur, il ne sut pas son rôle ;
Peintre : il jouait de la musette ; Et musicien : de la palette. Une tête ! — mais pas de tête ; Trop fou pour savoir être bête ; Prenant pour un trait le mot très. — Ses vers faux furent ses seuls vrais. Oiseau rare — et de pacotille ; Très mâle … et quelquefois très fille ; Capable de tout, — bon à rien ; Gâchant bien le mal, mal le bien. Prodigue comme était l’enfant Du Testament, — sans testament. Brave, et souvent, par peur du plat, Mettant ses deux pieds dans le plat. Coloriste enragé, — mais blême ; Incompris… — surtout de lui-même ; Il pleura, chanta juste faux ; — Et fut un défaut sans défauts. Ne fut quelqu’un, ni quelque chose Son naturel était la pose.
Pas poseur, — posant pour l’unique ; Trop naïf, étant trop cynique ; Ne croyant à rien, croyant tout. — Son goût était dans le dégoût. Trop crû, — parce qu’il fut trop cuit, Ressemblant à rien moins qu’à lui, Il s’amusa de son ennui, Jusqu’à s’en réveiller la nuit. Flâneur au large, — à la dérive, Épave qui jamais n’arrive… Trop Soi pour se pouvoir souffrir, L’esprit à sec et la tête ivre, Fini, mais ne sachant finir, Il mourut en s’attendant vivre Et vécut, s’attendant mourir. Ci-gît, — cœur sans cœur, mal planté, Trop réussi — comme raté.
Mannequin idéal, tête-de-turc du leurre, Éternel Féminin !… repasse tes fichus ; Et viens sur mes genoux, quand je marquerai l’heure, Me montrer comme on fait chez vous, anges déchus. Sois pire, et fais pour nous la joie à la malheure, Piaffe d’un pied léger dans les sentiers ardus. Damne-toi, pure idole ! et ris ! et chante ! et pleure, Amante ! Et meurs d’amour !… à nos moments perdus. Fille de marbre ! en rut ! sois folâtre !… et pensive. Maîtresse, chair de moi ! fais-toi vierge et lascive… Féroce, sainte, et bête, en me cherchant un cœur… Sois femelle de l’homme, et sers de Muse, ô femme, Quand le poète brame en Âme, en Lame, en Flamme ! Puis – quand il ronflera — viens baiser ton Vainqueur !
Éternel Féminin de l’éternel Jocrisse ! Fais-nous sauter, pantins nous payons les décors ! Nous éclairons la rampe… Et toi, dans la coulisse, Tu peux faire au pompier le pur don de ton corps. Fais claquer sur nos dos le fouet de ton caprice, Couronne tes genoux !… et nos têtes dix-cors ; Ris ! montre tes dents ! mais… nous avons la police, Et quelque chose en nous d’eunuque et de recors. … Ah tu ne comprends pas ?… — Moi non plus — Fais la belle Tourne : nous sommes soûls ! Et plats : Fais la cruelle ! Cravache ton pacha, ton humble serviteur !… Après, sache tomber ! — mais tomber avec grâce — Sur notre sable fin ne laisse pas de trace ! … — C’est le métier de femme et de gladiateur. —
Ne m’offrez pas un trône ! À moi tout seul je fris, Drôle, en ma sauce jaune De chic et de mépris. Que les bottes vernies Pleuvent du paradis, Avec des parapluies… Moi, va-nu-pieds, j’en ris ! — Plate époque râpée, Où chacun a du bien ; Où, cuistre sans épée, Le vaurien ne vaut rien ! Papa, — pou, mais honnête, — M’a laissé quelques sous, Dont j’ai fait quelque dette, Pour me payer des poux !
Son habit, mis en perce, M’a fait de beaux haillons Que le soleil traverse ; Mes trous sont des rayons Dans mon chapeau, la lune Brille à travers les trous, Bête et vierge comme une Pièce de cent sous ! — Gentilhomme !… à trois queues : Mon nom mal ramassé Se perd à bien des lieues Au diable du passé ! Mon blason, — pas bégueule, Est, comme moi, faquin : — Nous bandons à la gueule,Fond troué d’arlequin. — Je pose aux devantures Où je lis : — DÉFENDU DE POSER DES ORDURES — Roide comme un pendu !
Et me plante sans gêne Dans le plat du hasard, Comme un couteau sans gaine Dans un plat d’épinard. Je lève haut la cuisse Aux bornes que je voi : Potence, pavé, suisse, Fille, priape ou roi ! Quand, sans tambour ni flûte, Un servile estafier Au violon me culbute, Je me sens libre et fier !… Et je laisse la vie Pleuvoir sans me mouiller. En attendant l’envie De me faire empailler. — Je dors sous ma calotte, La calotte des cieux ; Et l’étoile palotte Clignotte entre mes yeux.