Les chanteurs - Mariam Sarkissian - E-Book

Les chanteurs E-Book

Mariam Sarkissian

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Beschreibung

Dans l’atelier parisien de Madame Suzanne, cantatrice sur le déclin et professeure de chant de renom, les jeunes chanteurs lyriques se réunissent pour une séance de travail collective : cours de chant et de technique vocale, où ils s’écoutent mutuellement. La soprano Clémence, le ténor Victor et le baryton Franck n’y chanteront finalement que brièvement, se faisant interrompre par des envies de confessions intimes et des visites et performances diverses, que Madame Suzanne tentera de maîtriser avec plus ou moins de succès…




À PROPOS DE L'AUTRICE

Mariam Sarkissian, ayant grandi dans l’environnement théâtral de ses parents, scénographe et metteur en scène, a été témoin de toutes les étapes de la création de spectacles. Elle a développé un amour pour les répétitions, observant les nuances émotionnelles et les interactions dramatiques qui s’y déroulaient. Plus tard, devenue chanteuse lyrique puis professeure de chant, elle a naturellement commencé à écrire des saynètes inspirées de son expérience. "Les chanteurs" est son premier projet dramatique.

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Mariam Sarkissian

Les Chanteurs

Théâtre

© Lys Bleu Éditions – Mariam Sarkissian

ISBN :979-10-422-0902-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Je tiens à remercier Saré, Michèle Kahn, Anne Frèches, Luda Nekrassov et Alain Duault pour avoir été mes premiers lecteurs, ainsi que Ruben Vardanyan pour les portraits de Madame Suzanne et de ses élèves.

Personnages

MADAME SUZANNE (MS) – professeure de chant

CLÉMENCE – chanteuse lyrique, soprano

VICTOR – chanteur lyrique, ténor

FRANCK – chanteur lyrique, baryton

CONSTANTIN – jeune psychologue, chanteur débutant

MAXIME – performeur et chanteur (contre-ténor et baryton)

NOUVEL ÉLÈVE – chanteur lyrique, ténor

L’action se passe à Paris, dans l’atelier de MADAME SUZANNE, au début du XXIe siècle.

Salle de travail de l’atelier. Sur la gauche – un piano à queue ; sur la droite – un imposant canapé avec une table basse et un grand fauteuil ; au fond à droite – une porte d’entrée ; au fond au centre – une grande baie vitrée. Les murs sont tapissés de tableaux : gravures, aquarelles, huiles, portraits, paysages…

CONSTANTIN est assis sur le canapé, feuilletant une partition. Un grand sac jaune est posé sur le canapé à côté de lui. Une bouteille d’eau est posée par terre à sa gauche. FRANCK est assis dans le fauteuil avec une partition sur les genoux. Trois tasses de thé, une corbeille contenant des bonbons et un carnet sont posés sur la petite table basse. VICTOR se tient au centre, accoudé sur le couvercle du piano à queue devant un jeu d’échecs. Un panier de pommes est posé sur le piano.

L’orchestre lointain et invisible joue très lentement, très mal et en boucle les premières mesures de l’ouverture des « Noces de Figaro » de Mozart.

MS : (Depuis les coulisses côté cour d’une voix grave chantante.) Constantin, veux-tu un thé ?

CONSTANTIN : (Se redresse et répond avec une voix assez aiguë.) Merci, Madame ! J’ai tout ce qu’il faut ! (Prend la bouteille et boit une gorgée.)

Entre MS avec une tasse de thé à la main, en y remuant bruyamment une petite cuillère. MS traverse la scène en chantonnant et s’assoit au piano. Le son de l’orchestre lointain disparaît progressivement.

MS : (S’adresse à CONSTANTIN d’une voix grave bien projetée.) Je suis ravie que tu puisses rester pour notre séance de travail collective. (Pose la tasse sur le piano.) Ah oui, je voulais te dire : il faut absolument que tu apprennes à parler en activant ta nouvelle résonnance naturelle. (Se lève et pose la main sur la poitrine.) Fini la voix de garçon ! Il faut maintenant accepter d’avoir une voix de grand, même en parlant ! (Avec un grand sourire.) D’accord ?

CONSTANTIN : (En souriant, avec une voix aiguë.) Oui, Madame ! (Tousse, confus, puis, tente de parler dans le grave.) Bien entendu, Madame !

MS : Mais oui ! N’adoucis pas ta belle voix grave, sers-toi de la poitrine, n’aie pas peur ! (Repose la main sur la poitrine.) Ça t’aidera énormément pour le chant. Vas-y, montre-moi un peu : (Inspire et déclame d’une voix de poitrine profonde.) a-a-a-a ! À toi !

CONSTANTIN : (Se lève précipitamment, inspire profondément et répète l’exercice d’une voix grave bien timbrée.) A-a-a-a !

MS : Très bien, encore ! A-a-a-a !

CONSTANTIN : A-a-a-a !

MS : Oui ! Encore ! A-a-a-a !

CONSTANTIN : A-a-a-a !

MS : Magnifique ! Vas-y, dis-moi quelque chose !

CONSTANTIN :(Tousse légèrement, puis déclame d’une voix grave bien projetée, avec un sourire charmeur et un élan artistique exagéré, la main posée sur la poitrine.) Oui, Madame, je ferai tout pour apprivoiser cette capricieuse résonnance grave et la garder à jamais dans sa nouvelle cage !

MS : (Avec satisfaction, en souriant.) Haha, parfait ! Et qui sait, un jour, tu chanteras peut-être (Lentement et avec une voix très grave.)les rôles de basse…

CONSTANTIN : (Excité, à nouveau d’une voix aiguë.) Oh, oui ! J’adore… !

MS : (Soupire désespérément et se rassoit. Pause. D’une voix bien timbrée.) Victor ! (VICTOR lève la tête et se redresse.) Bien dormi après la grosse journée d’hier ? Il paraît que tu as merveilleusement bien chanté, bravo, tenore ! J’ai eu notre cher Alain au téléphone : il est enchanté, il a dit que c’était l’un des meilleurs concerts de la saison ! Je suis sûre qu’il te réinvitera. Vas-y, raconte !

VICTOR :(Soupire. Parle d’une voix timbrée assez aiguë.) Oh… c’était… difficile. J’ai horreur de prendre l’avion le jour du concert… mais je dois avouer que le vol me procure un certain influx nerveux… une sorte d’excitation plutôt positive… je ne sais pas à quoi c’est dû… Chaque vol ressemble à une petite préparation à la mort : on quitte la terre, on monte au ciel, on a un peu froid… Un entraînement, en quelque sorte… (Pensif, continue à déplacer les figures sur l’échiquier.) J’avais tellement mal dormi la veille – évidemment, c’était la pleine lune… Ma pauvre tête débordait de pensées négatives absurdes qui grouillaient comme des cafards… Je somnolais dans l’avion, mais les oreilles bouchées m’angoissent tellement que si je n’arrive pas à les déboucher, je commence littéralement à suffoquer… C’était épuisant… Et, bien sûr, j’étais complètement cassé à la répétition, j’étais dans un état…

MS : (Se met de la crème sur les mains et l’étale. D’une voix monotone.) Cet état où on ne sait plus si on a envie d’éternuer ou de fondre en larmes ?

VICTOR : Exactement ! Et l’orchestre, disons-le franchement, ne m’aidait point : qu’est-ce qu’il était lent ! Le chef prenait des tempi improbables ! Je ne savais pas que je ressemble à Jessye Norman1 en fin de carrière… (Déplace une figure.) Et mon oreille absolue, qui a subi des dommages sans intérêt ! La clarinette était trop basse, mais bon, loin d’être catastrophique, et la flûte était trop haute, évidemment… Et c’est confirmé pour de bon : j’ai horreur de me tenir à côté du chef et d’avoir l’orchestre dans le dos !

MS : (Se remet de la crème sur les mains et l’étale.)Oh, mais, tu la retrouveras bientôt ta salle d’opéra ! Avec l’orchestre dans sa fosse natale bien profonde et le chef à sa distance de sûreté habituelle…

VICTOR : (Soupire.) Qu’est-ce que c’est dur les concerts… Sur scène, les courants d’air étaient terribles, j’étais obligé de mettre mon nœud papillon vert en cachemire…(Pause. Se redresse, change de ton et de posture. En souriant.) Mais globalement, ça s’est très très bien passé… !

MS : (Sarcastique.) Tant mieux ! Encore une expérience positive… C’est à qui ? (D’une voix grave. Invite FRANCK au centre d’un grand geste.) Franck, l’arène est à toi !

L’orchestre lointain recommence à jouer très lentement, très mal et en boucle les premières mesures de l’ouverture des « Noces de Figaro ». FRANCK se lève et se met à côté du piano. VICTOR s’assoit à sa place dans le fauteuil et prend l’une des tasses posées sur la petite table.

MS : Dis-moi, cher Franck : comment se passent tes répétitions ? Es-tu un Figaro heureux ?

FRANCK : (Soupire. Parle d’une voix assez grave. Le son de l’orchestre s’éloigne et se rapproche tout au long de son monologue.) Comment dire… Imaginez juste le tableau : on répète depuis plus de quatre heures la même scène des Noces, on est tous épuisés, mous, niveau motivation – zéro…