Les écorchés de la vie - Nelly Topscher - E-Book

Les écorchés de la vie E-Book

Nelly Topscher

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Beschreibung

Entre amour éconduit et rejet familial, Nathan et Mathilde semblent attirer les infortunes ! Mais ils n'ont pas dit leur dernier mot...

Montréal, 1998. Nathan, la trentaine, procureur de la couronne, débute sa carrière prometteuse avec un important procès. Lors d’une soirée, il rencontre une jeune femme aussi jolie que sauvage.
Karen, infirmière, résistera à toutes les tentatives de séduction du jeune homme, refusant de tomber amoureuse pour ne pas avoir à affronter ses propres démons.
Rouen, 2003. Mathilde, étudiante en droit, grandit avec la haine farouche que lui vouent sa mère et surtout son frère. Seuls l’amour et le soutien sans faille de son père lui permettront de tenir le cap et de se construire.
Dans ce premier tome, suivez, en parallèle, les histoires de Nathan et Mathilde dans deux pays et deux époques distinctes.

Effectuez un voyage à travers le temps et découvrez les histoires touchantes de Nathan et Mathilde, pour qui la persévérance et l'amour sont les seules possibilités de salut.

EXTRAIT

— M Dulac, je suis le médecin qui s’est occupé de votre fille, fit-il. Malgré sa voix douce, Bruno sursauta. Les traits encore striés de larmes, cet homme portait tout le poids de l’horreur qu’il venait de vivre sur son visage.
— Comment va Mathilde ?
— Elle dort et j’ai soigné ses blessures. Certaines plaies étaient assez profondes, mais rien de trop méchant. Pour les brûlures nous devons faire attention à l’infection, mais j’ai bon espoir que rien ne dégénère.
— Je peux voir ma fille ?
— Dans quelques minutes, mais avant, je dois parler avec vous de ce qui lui est arrivé.
Bruno hocha la tête et suivit le médecin dans son bureau. Les deux hommes se jaugèrent du regard, tous les deux fatigués par leur journée et avec des tas de questions en tête.
— Je suppose que votre fille ne s’est pas fait tout cela toute seule, attaqua le médecin.
— Mon fils est à l’origine de son état.
— Je ne connais rien du caractère de votre fille, mais ce qu’elle a vécu ce soir risque d’être difficile à gérer pour elle.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nelly Topscher - Agée de 44 ans, j’ai trois passions dans la vie : l’écriture, la lecture et le droit. Après une longue pause pour construire ma vie professionnelle et privée, j’ai eu envie de reprendre l’écriture en participant à des concours de nouvelles. Et l’addiction qu’est l’écriture est revenue et cette fois ne me quittera plus !
J’ai ressorti mes très nombreuses notes et mes vieux manuscrits de mes tiroirs avec l’envie de véritablement leur donner vie.
Retour vers l’amour est donc mon premier roman publié. Il a vu le jour lors d’un stage en commissariat dans le cadre de mes études de droit. Les anecdotes policières ont été lues, vues ou entendues lors de ces semaines d’immersion dans ce milieu. Mêlant mon imagination fertile à la réalité d’une jolie histoire vécue également lors de ce stage, Retour vers L’amour est une romance qui me ressemble.

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LES ÉCORCHÉS DE LA VIE

Tome 1

 

 

 

Nelly TOPSCHER

 

 

Romance Dramatique

Editions « Arts En Mots »Illustration graphique : © Val

 

 

Chapitre 1

 

Montréal, automne 1998

 

Les rues de Montréal étaient déjà recouvertes d’une légère couche de neige en cette année. L’hiver allait être rude. Les premières neiges arrivaient généralement en décembre. Le conducteur n’eut toutefois aucune difficulté à arriver dans le centre-ville. Il se gara, récupéra ses affaires et le carton qu’il avait amené, puis monta les quelques marches qui le séparaient de l’appartement de son frère. L’homme sourit sachant qu’il allait surprendre son cadet qui n’était sûrement pas encore rentré.

Il utilisa le double des clés et siffla de découragement en découvrant le capharnaüm où vivait le locataire du petit appartement. Il pensa à leur mère qui se serait déjà ruée sur un balai et autre plumeau à poussière.

Steven déposa ce qui encombrait ses bras, poussant les nombreux papiers posés sur la table, mais tout en veillant à ne rien mélanger. Il vérifia l’heure et se dit qu’il avait le temps de redonner visage humain à l’appartement. Il ouvrit le frigo, en vérifia la propreté et y rangea les victuailles qu’il avait apportées. Si son frère ne faisait aucun effort sur le rangement, il veillait à ce que l’endroit reste propre. Les deux garçons avaient été ainsi éduqués par leurs parents et ils s’en félicitaient dans leur vie d’adulte.

Il rangea ensuite le reste de la pièce qui tenait lieu de salon et de bureau. Il jeta un œil à certaines notes délaissées par son puîné, et trouva le peu qu’il lut très prometteur. Il passa ensuite à la chambre qu’il aéra malgré les frimas du dehors en cet après-midi déjà bien entamé.

Une fois qu’il eut fini de jouer les fées du logis, il se fit un café et alluma la télévision. Il se plongea dans un reportage sur l’histoire vraie qui avait inspiré le téléfilm « Le pardon » qui allait être diffusé dans les prochains jours.

L’affaire datant de 1979 avait fait grand bruit et beaucoup aujourd’hui essayaient de comprendre comment ces parents endeuillés par la mort de leurs deux enfants avaient pu pardonner au meurtrier. Steven ne vit pas le temps passer et fut sorti de son programme par le bruit des clés dans la porte d’entrée. Nathan rentrait enfin. Steven l’entendit ronchonner en découvrant l’appartement rangé. Il savait, avant même de le voir, que son aîné avait débarqué dans son antre. Ce dernier se leva en éteignant la télévision.

— Je peux te demander ce que tu viens faire chez moi ? demanda Nathan, très content de le voir.

— Je voulais voir comment tu survivais à cette période intense.

— Tu n’étais pas obligé de ranger mon appartement.

— En tous les cas ce n’est pas Alice qui le fait, balança Steven en faisant allusion à la petite-amie du moment de son cadet. Nathan soupira en levant les yeux au ciel. Il savait que son frère n’aimait pas la jeune femme. Entre eux, vingt secondes avaient suffi pour se détester.

— Tu sais bien qu’entre elle et moi ce n’est pas sérieux. Puis bon, pour être honnête, elle commence à m’énerver, donc je ne pense pas que notre relation va durer encore bien longtemps. Mais là j’ai tellement de boulot que je vais attendre pour gérer une séparation.

Steven sourit de toutes ses dents à son frère. Il était ravi de la nouvelle. Il n’aurait plus à croiser longtemps la bimbo au bras de son frère. Il savait que Nathan n’était pas vraiment amoureux et ne voyait en Alice qu’une femme avec qui il passait du bon temps, mais c’était plus fort que lui, il ne la supportait pas.

Nathan s’écroula sur le canapé, éreinté alors que Steven lui servait un café. Les deux hommes se fixèrent intensément, toujours très proches et sur la même longueur d’onde malgré leurs cinq années de différence.

— Il me reste trois jours pour parfaire mon dossier, fit Nathan soudain anxieux.

Procureur de la couronne, il avait débuté quelques mois auparavant et devant son réel potentiel un gros dossier venait de lui être confié à presque trente ans.

Il savait que c’était surtout une façon de le tester de la part des procureurs bien plus aguerris que lui. C’était aussi le moyen qu’il avait pour s’imposer et forcer la confiance. Ayant fait tous ses stages avec le même procureur, il avait été logiquement embauché à la fin de son cursus.

— Tu as qui en face en défense ? interrogea son frère, exerçant le métier d’avocat à Québec.

Nathan lui donna le nom et son aîné ne put s’empêcher de faire la moue. L’avocat en question était craint de tous et obtenait régulièrement des peines minimes et le plus souvent des absolutions, au grand dam du ministère public.

Sur son dossier, Nathan avait tout de même réussi à obtenir une enquête préliminaire et le juge l’avait suivi dans tous ses chefs d’accusation. C’était déjà un bon point face à cet avocat retors. Il se préparait donc maintenant pour le procès qui allait se dérouler quatre jours plus tard.

Nathan s’était relevé et tendit ses dernières notes à son frère qui se garda bien de lui dire qu’il y avait déjà jeté un œil à son arrivée. S’ils n’exerçaient pas les mêmes fonctions, Nathan savait que Steven saurait le conseiller comme personne. Les frères Beaulieu étaient nés avec une véritable passion pour le droit alors qu’aucun de leurs parents ou membres de leur famille n’avait opté pour une carrière juridique. C’est tout naturellement que Steven s’était dirigé vers l’avocature tandis que Nathan, lui, s’était vu procureur dès son plus jeune âge. L’avocat étudia plus attentivement les notes de son frère. Le meurtre d’une personne âgée prenait son frère aux tripes et Steven dut lui rappeler qu’en tant que procureur il n’était pas là pour défendre la victime, mais les intérêts de la société. Il lui fit reprendre plusieurs paragraphes le poussant à rester le plus neutre possible. Ils s’accordèrent pour dire et penser qu’au final ils étaient tous les deux avocats et que c’est bien la mémoire de la victime que Nathan défendrait. La différence avec le pur rôle d’avocat c’est que cela ne devait point paraître dans son discours.

— Finalement, tu vois que j’ai bien fait de venir, lança Steven, jugeant qu’ils avaient bien travaillé. Nathan le remercia et souffla un peu. La seule présence de son frère le rassurait. Ils avaient toujours été très proches et Steven avait toujours pris son rôle de protecteur au sérieux. Ce dernier avait deviné à la voix de son cadet la veille au téléphone qu’il angoissait beaucoup face au challenge qu’il devait relever et tout naturellement il s’était organisé pour venir le soutenir en posant des congés.

Le téléphone cellulaire de Nathan vibra et il décrocha rapidement. Alice était à l’autre bout du fil, mais Nathan déclina sa proposition de la voir le soir pour préférer rester avec son frère. La jeune femme n’insista pas, elle savait qu’elle ne pouvait pas rivaliser avec la complicité fraternelle. Steven apprécia le geste de son frère, mais comprit aussi que ce dernier n’avait pas vraiment envie de voir sa blonde du moment.

Les deux frères passèrent une soirée des plus tranquilles sans parler travail. Steven, très amoureux de sa compagne, annonça à son frère qu’il comptait la demander en mariage ce qui ravit énormément le procureur. Il appréciait beaucoup celle qu’il considérait comme sa belle-sœur depuis déjà un long moment. Il se prit à rêver lui aussi de trouver celle qui lui donnerait envie de s’engager. Il papillonnait depuis un bon moment, se posait depuis quelques mois avec Alice, mais savait bien que très vite, il serait à nouveau célibataire.

En attendant de prendre sa décision, il revit Alice avant son procès pour une folle nuit de corps à corps qui lui permit de se détendre avant la grosse journée qui l’attendait. Il était obligé de reconnaître que même s’il ne voyait pas en Alice la femme de sa vie, elle avait le mérite d’aimer la bagatelle et leurs étreintes étaient toujours de très bons moments pour les deux amants. Toutefois, Nathan gardait de leurs derniers rendez-vous torrides un goût amer car il rêvait, désormais, de vibrer autant du cœur que du corps pour une femme.

Le procès se passa comme il l’espérait. L’avocat de la défense lui donna du fil à retordre, mais malgré son manque d’expérience face à ce dernier, le jeune procureur avait tenu bon. Au troisième jour, Nathan prit un avantage certain dans ses contre-interrogatoires des témoins de la défense et parvint durant quelques minutes à faire perdre de sa superbe à l’avocat. Steven, présent dans la salle, jubila intérieurement. Il avait récemment eu maille à partir dans un procès civil face à l’avocat et le voir se faire remettre à sa place par son frère le rendit extrêmement heureux.

Le lendemain, au moment du verdict, il observa attentivement les journalistes présents dans la salle et couvrant ce gros procès. Nathan rentra dans la cour des grands quand le juge prononça une peine exemplaire, ayant suivi tout ce qu’avait porté Nathan avec brio.

Steven observa son frère qui recevait les félicitations de ses supérieurs pour avoir passé le test haut la main. Il sut une nouvelle fois que Nathan avait choisi cette carrière comme une vocation et il allait exceller dans son domaine. Il sourit. S’il était un très bon orateur dans le prétoire, il eut nettement plus de mal à gérer la cohue de journalistes. Le procureur qui avait fini de le former prit le relais et l’aida un peu à échapper aux vautours férus de sensations fortes.

Au bout d’un moment Nathan put enfin rejoindre son frère qui partagea son bonheur du travail bien fait et de la réussite.

— Je vais pouvoir rentrer chez moi tranquille, p’tit frère. Tu n’as plus besoin de moi.

— J’aurai toujours besoin de toi.

Ils se sourirent, complices comme toujours. Jamais aucune rancœur fraternelle n’avait ponctué leur enfance et, devenus adultes, ils étaient toujours très proches, même si chacun d’eux menait sa barque comme il l’entendait.

Alice se pointa dans la salle d’audience désormais vide. Elle était greffière dans un autre service et avait attendu que Nathan finisse pour se montrer. Le couple ne s’affichait pas vraiment devant leurs collègues du tribunal. Nathan l’embrassa au bord des lèvres et de manière distraite. Steven lui dit bonjour par politesse, mais sans joie aucune. Il la détailla un peu alors qu’elle minaudait devant Nathan. Même s’il ne la trouvait pas digne de son cadet, il reconnaissait qu’elle était plutôt jolie.

Elle proposa d’aller dîner et y engloba Steven. Surpris, il accepta et vit un regard de soulagement dans les yeux bruns de Nathan. Ce dernier n’avait visiblement pas envie d’un tête-à-tête en amoureux.

Le dîner fut placé sous un monologue de la jeune femme qui ne supportait pas les silences. À plusieurs reprises, Nathan se montra un brin agressif dans ses réponses, mais Alice ne semblait pas vouloir comprendre le message.

Lorsqu’elle partit aux toilettes, Nathan fixa son aîné avec un sourire en coin.

— Je ne la supporte plus.

— Il est temps de rompre, Nathan. Puis, je pense que tu seras vite remplacé dans son cœur et dans son lit, fit Steven, moqueur, en la voyant répondre aux avances d’un autre homme qui venait de l’accoster au bar devant lequel elle repassait. Nathan ne répondit pas, mais son frère comprit au regard qu’il lui lança que sa décision était devenue irrévocable.

Les deux hommes déposèrent la jeune femme chez elle. Nathan promit de venir la voir le lendemain et regagna l’appartement avec son frère. Ils discutèrent tard dans la nuit du premier succès de Nathan. Ils avaient fait de même quand Steven avait gagné sa première grosse affaire. Ils refaisaient le monde au travers de leurs carrières respectives.

Le lendemain, Steven reprit la route pour Laval et cette fois c’est Nathan qui lui promit de venir le voir rapidement.

Le procureur de la couronne se reposa un peu puis se rendit chez Alice. La jeune femme l’accueillit féline comme jamais. Elle chercha à l’embrasser, mais il la repoussa gentiment. Il ancra son regard brun dans les prunelles bleues de sa compagne et se détesta une seconde de ce qu’il allait devoir faire.

— Alice je ne sais pas comment te dire ça sans passer pour un salaud, mais je ne veux plus continuer avec toi cette relation.

Nathan se trouvait très maladroit. Il venait d’assurer un procès et défendre une cause difficile, mais l’exercice qu’il vivait, à cet instant précis, était pour lui le pire de tous. Il fut un peu rassuré de ne voir aucune larme perler aux yeux d’Alice.

— Nous passons de bons moments ensemble, Nathan. Je ne comprends pas que tu veuilles que nous arrêtions.

— Il est là le souci. Nous n’avons que du bon temps au lit. Nous ne partageons pas grand-chose d’autre et je pense que tu en es consciente. Ce n’est pas le couple dont je rêve.

— Je ne suis pas assez bien pour toi et ton frère, cracha Alice, se défendant par l’agressivité.

— Laisse Steven en dehors de nous. Il n’est en rien dans ma décision.

— Il ne m’a jamais aimée de toutes les manières.

— Et c’est réciproque, me semble-t-il. Alors, cesse ton petit jeu immédiatement.

Nathan s’était durci et Alice comprit qu’il ne servirait à rien de le provoquer, ou de lui demander de réviser son jugement.

— Dégage de chez moi, fit-elle alors, mauvaise. Nathan n’insista pas et tourna les talons après avoir repéré que les prunelles de la jeune femme venaient de changer de couleur. Il l’entendit éclater en sanglots une fois la porte refermée. Appuyé contre un mur, il ferma les yeux quelques instants. Il culpabilisait un peu, mais se sentait également soulagé d’un grand poids.

Il rentra chez lui peu après et téléphona à Steven. Ce dernier réconforta son petit frère, comprenant qu’il n’était pas facile pour lui de rompre. D’habitude, ses aventures ne duraient pas assez longtemps pour créer un réel attachement. Là, il avait dû trancher dans le vif et imposer la séparation.

— Je l’ai fait pleurer, Steven. Je m’en veux.

— Ça va passer et elle va s’en remettre. Tu as vu, comme moi, son attitude. Elle séduira un autre homme très vite.

— Oui, sûrement. Et toi tu en es où avec Hélène ?

— J’allais te l’annoncer. Elle a dit oui. Je vais donc convoler en justes noces dans quelques mois.

Steven s’en voulut un peu de lui annoncer son mariage alors qu’il venait de rompre, mais il connaissait assez bien Nathan pour savoir qu’il devait le dévier de cette culpabilité. Son cadet avait une vision bien plus romantique que lui de la vie amoureuse. Nathan cherchait depuis longtemps celle qui l’accompagnerait toute sa vie. Steven, lui, était bien plus pragmatique et ne croyait pas en l’amour éternel. Il aimait Hélène, cela il en était certain, mais ne pouvait pas garantir qu’il en serait de même toute sa vie durant. En revanche, les frères Beaulieu avaient la volonté commune de se stabiliser dans leur vie privée.

Chapitre 2

 

Rouen, été 2003

 

La jeune femme sortit du grand bâtiment le sourire aux lèvres en ce milieu d’après-midi. Trois jours après son anniversaire, elle venait d’être admise en licence en droit avec la mention très bien. C’était bien plus que ce qu’elle avait espéré et elle se déclara très fière d’elle.

Elle s’éloigna un peu du grand bâtiment en verre et chercha son portable dans son sac. Elle n’eut pas le temps de le récupérer que ce dernier se mit à vibrer. Elle sourit. Son interlocuteur avait lu dans ses pensées, comme bien souvent.

— Salut papa, j’allais t’appeler.

— Les résultats sont affichés ?

— Peut-être bien que oui, peut-être bien que non !

— Arrête de me faire languir. Faut que tu ménages ton père, Mathilde, taquina l’homme amusé. Il n’avait pas à entendre la nouvelle, il l’avait déjà devinée au son enjoué de la voix de sa fille. Mathilde lui confirma la nouvelle et lui annonça sa mention. S’il était quasiment sûr du succès de sa fille, il ne s’attendait pas à une telle réussite. Père et fille exultèrent vraiment. Elle avait énormément révisé et méritait amplement son admission.

— Papa, tu comptes rentrer tard ce soir ? demanda Mathilde, en faisant signe à sa bande de copines de l’attendre.

— Vers 18 h 30, ma chérie.

Bruno soupira à l’autre bout du fil, devant son ordinateur. Il se doutait que Mathilde ne rentrerait pas immédiatement chez eux tant qu’elle ne serait pas certaine qu’il ne tarderait pas de trop. Il était le seul sur qui elle pouvait compter. Le seul qui arrivait encore à la rassurer.

Elle lui confirma qu’elle allait rester un peu en ville avec ses copines, qu’elle essaierait de voir son petit-ami avant d’envisager l’idée de retrouver sa mère et son frère à la maison. Il ne répondit rien, s’en voulant un peu de ne pas arriver à gérer l’angoisse qui la tenaillait depuis toujours face à sa mère qui ne l’aimait guère et son frère qui la détestait. Les deux menaient la vie dure à la jeune femme qui se tenait, depuis toute gamine, à l’écart, mais qui ne pouvait pas empêcher les déferlantes de rage incontrôlées et injustifiées sur elle.

Ils raccrochèrent et Mathilde rejoignit ses copines. Les cinq filles avaient réussi leur année sans avoir à passer au rattrapage. L’été serait donc très serein. Seule Mathilde savait que le sien serait actif. Elle avait réussi à se trouver un job d’été sur les deux mois, évitant ainsi, avec l’accord de son père, la semaine de vacances familiales. C’était désormais au-dessus de ses forces.

Son père essayait tant bien que mal de garder sa famille à flot, mais il en avait de plus en plus assez des brimades que sa fille subissait. Sa femme était à nouveau tombée en dépression, ce qui jouait sur le caractère de leur fils aîné, très proche de leur mère.

Pendant que Mathilde allait profiter du reste de son après-midi pour se détendre après sa période d’examens, son père se fit très pensif dans son bureau. Son collègue le fixa et lui proposa une pause cigarette qui leur permettrait de discuter loin des autres. Bruno s’entendait avec tous, mais seul Philippe était devenu son ami avec le temps.

Les deux hommes sortirent dans la petite cour, devenue le fumoir de l’entreprise. Bruno tira sa première taffe en se disant pour la énième fois qu’il devrait arrêter à nouveau. Il avait tenu une année sans tabac, mais avait replongé quand son épouse avait, elle-même, rebasculé dans une grosse dépression. Leur vie de couple n’était que des montagnes russes au gré des internements de sa femme. Ils s’étaient mariés à vingt ans amoureux, aujourd’hui ils en avaient presque quarante-cinq et Bruno s’interrogeait beaucoup sur ce qu’étaient devenus ses sentiments envers Suzanne.

Il restait avec elle par habitude, mais maintenant les enfants grands, il songeait de plus en plus à la quitter. Plus qu’à son fils, il pensait surtout à Mathilde qu’il adorait et qui le lui rendait bien. Jimmy, lui, était en conflit permanent avec son père. Conflit que la relation fusionnelle que Suzanne avait avec Jimmy alimentait énormément.

Bruno s’épancha un peu vers Philippe. Il lui parla des regards que son fils posait sur sa fille et qui lui déplaisaient depuis quelque temps.

— Tu te fais des films, car c’est compliqué entre vous tous actuellement. Puis tu m’as dit que Jimmy a toujours eu des drôles de comportements envers Mathilde quasiment depuis sa naissance. Tu es juste à cran et tu t’imagines des choses.

— Peut-être oui.

— Tu as pris une décision concernant ta femme ? interrogea doucement Philippe.

— Sa psy pense que ce n’est pas le bon moment pour lui annoncer une séparation.

— Ce ne sera jamais le bon moment et tu le sais, Bruno. Va bien falloir que tu penses à toi à un moment donné.

— Je ne tiendrai plus longtemps. Je regarde attentivement les mutations. Si j’ai une belle opportunité, je pars avec Mathilde.

Il en avait parlé de très nombreuses fois avec sa fille qui était prête à le suivre tant qu’elle ne restait pas avec sa mère et son frère. Elle avait de plus en plus peur de lui sans qu’il y ait pour autant plus de brimades, ou de gestes de la part de ce dernier. Elle le trouvait de plus en plus violent dans ses paroles ou réactions. Elle frissonnait à chaque fois qu’il la regardait. Par instinct, elle évitait de rester seule avec lui.

En recherche d’emploi qui ne paraissait pas des plus actives, Jimmy passait de très nombreuses heures à la maison. Le comportement câlin qu’il avait avec sa mère la mettait très mal à l’aise et elle essayait de rester le plus loin possible de ce couple mère-fils qui, de toute manière, se suffisait à lui seul.

De tout temps, elle avait connu sa mère en dépression. Du plus loin qu’elle se souvenait, elle n’avait jamais eu l’image d’une mère aimante. Elle était dans l’incapacité de se remémorer être dans les bras de sa mère, jouer avec elle, ou rire avec elle. Tous ses souvenirs, elle les avait uniquement avec son père.