Les misérables - Victor Hugo - E-Book

Les misérables E-Book

Victor Hugo

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Beschreibung

Les misérables est un roman de Victor Hugo paru en 1862.
Dans ce roman emblématique de la littérature française qui décrit la vie de miséreux dans Paris et la France provinciale du XIXe siècle, l’auteur s’attache plus particulièrement au destin du bagnard Jean Valjean. C’est un roman historique, social et philosophique dans lequel on retrouve les idéaux du romantisme et ceux de Victor Hugo concernant la nature humaine.
Résumé
L’action se déroule en France au cours du premier tiers du XIXe siècle, entre la bataille de Waterloo (1815) et les émeutes de juin 1832. On y suit, sur cinq tomes, la vie de Jean Valjean, de sa sortie du bagne jusqu’à sa mort. Autour de lui gravitent les personnages, dont certains vont donner leur nom aux différents tomes du roman, témoins de la misère de ce siècle, misérables eux-mêmes ou proches de la misère : Fantine, Cosette, Marius, mais aussi les Thénardier (dont Éponine, Azelma et Gavroche) ainsi que le représentant de la loi, Javert.

 

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SOMMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE FANTINE

LIVRE PREMIER

UN JUSTE

I. M. MYRIEL

II. M. MYRIEL DEVIENT MONSEIGNEUR BIENVENU

III. À BON ÉVÊQUE DUR ÉVÊCHÉ

IV. LES ŒUVRES SEMBLABLES AUX PAROLES

V. QUE MONSEIGNEUR BIENVENU FAISAIT DURER TROP LONGTEMPS SES SOUTANES

VI. PAR QUI IL FAISAIT GARDER SA MAISON

VII. CRAVATTE

VIII. PHILOSOPHIE APRÈS BOIRE

IX. LE FRÈRE RACONTÉ PAR LA SŒUR

X. L’ÉVÊQUE EN PRÉSENCE D’UNE LUMIÈRE INCONNUE

XI. UNE RESTRICTION

XII. SOLITUDE DE MONSEIGNEUR BIENVENU

XIII. CE QU’IL CROYAIT

XIV. CE QU’IL PENSAIT

LIVRE DEUXIÈME

LA CHUTE

I. LE SOIR D’UN JOUR DE MARCHÉ

II. LA PRUDENCE CONSEILLÉE À LA SAGESSE

III. HÉROÏSME DE L’OBÉISSANCE PASSIVE

IV. DÉTAILS SUR LES FROMAGERIES DE PONTARLIER

V. TRANQUILLITÉ

VI. JEAN VALJEAN

VII. LE DEDANS DU DÉSESPOIR

VIII. L’ONDE ET L’OMBRE

IX. NOUVEAUX GRIEFS

X. L’HOMME RÉVEILLÉ

XI. CE QU’IL FAIT

XII. L’ÉVÈQUE TRAVAILLE

XIII. PETIT-GERVAIS

LIVRE TROISIÈME

EN L’ANNÉE 1817

I. L’ANNÉE 1817

II. DOUBLE QUATUOR

III. QUATRE À QUATRE

IV. THOLOMYÈS EST SI JOYEUX QU’IL CHANTE UNE CHANSON ESPAGNOLE

V. CHEZ BOMBARDA

VI. CHAPITRE OÙ L’ON S’ADORE

VII. SAGESSE DE THOLOMYÈS

VIII. MORT D’UN CHEVAL

IX. FIN JOYEUSE DE LA JOIE

LIVRE QUATRIÈME

CONFIER, C’EST QUELQUEFOIS LIVRER

I. UNE MÈRE QUI EN RENCONTRE UNE AUTRE

II. PREMIÈRE ESQUISSE DE DEUX FIGURES LOUCHES

III. L’ALOUETTE.

LIVRE CINQUIÈME

LA DESCENTE

I. HISTOIRE D’UN PROGRÈS DANS LES VERROTERIES NOIRES

II. MADELEINE

III. SOMMES DÉPOSÉES CHEZ LAFFITTE

IV. M. MADELEINE EN DEUIL

V. VAGUES ÉCLAIRS À L’HORIZON

VI. LE PÈRE FAUCHELEVENT

VII. FAUCHELEVENT DEVIENT JARDINIER À PARIS

VIII. MADAME VICTURNIEN DÉPENSE TRENTE-CINQ FRANCS POUR LA MORALE

IX. SUCCÈS DE MADAME VICTURNIEN

X. SUITE DU SUCCÈS

XI. CHRISTUS NOS LIBERAVIT

XII. LE DÉSŒUVREMENT DE M. BAMATABOIS

XIII. SOLUTION DE QUELQUES QUESTIONS DE POLICE MUNICIPALE

LIVRE SIXIÈME

JAVERT

I. COMMENCEMENT DU REPOS

II . COMMENT JEAN PEUT DEVENIR CHAMP

LIVRE SEPTIÈME

L’AFFAIRE CHAMPMATHIE

I. LA SŒUR SIMPLICE

II. PERSPICACITÉ DE MAÎTRE SCAUFFLAIRE

III. UNE TEMPÊTE SOUS UN CRÂNE

IV. FORMES QUE PREND LA SOUFFRANCE PENDANT LE SOMMEIL

V. BÂTONS DANS LES ROUES

VI. LA SŒUR SIMPLICE MISE À L’ÉPREUVE

VII. LE VOYAGEUR ARRIVÉ PREND SES PRÉCAUTIONS POUR REPARTIR

VIII. ENTRÉE DE FAVEUR

IX. UN LIEU OÙ DES CONVICTIONS SONT EN TRAIN DE SE FORMER

X. LE SYSTÈME DE DÉNÉGATIONS

XI. CHAMPMATHIEU DE PLUS EN PLUS ÉTONNÉ

LIVRE HUITIÈME

CONTRE-COUP

I. DANS QUEL MIROIR M. MADELEINE REGARDE SES CHEVEUX

II. FANTINE HEUREUSE

III. JAVERT CONTENT

IV. L’AUTORITÉ REPREND SES DROITS

V. TOMBEAU CONVENABLE

DEUXIÈME PARTIE COSETTE

LIVRE PREMIER

WATERLOO

I. CE QU’ON RENCONTRE EN VENANT DE NIVELLES

II. HOUGOMONT

III. LE 18 JUIN 1815

IV. A

V. LE « QUID OBSCURUM » DES BATAILLES

VI. QUATRE HEURES DE L’APRÈS-MIDI

VII. NAPOLÉON DE BELLE HUMEUR

VIII. L’EMPEREUR FAIT UNE QUESTION AU GUIDE LACOSTE

IX. L’INATTENDU

X. LE PLATEAU DE MONT-SAINT-JEAN

XI. MAUVAIS GUIDE À NAPOLÉON, BON GUIDE À BULOW

XII. LA GARDE

XIII. LA CATASTROPHE

XIV. LE DERNIER CARRÉ

XV. CAMBRONNE

XVI. QUOT LIBRAS IN DUCE ?

XVII. FAUT-IL TROUVER BON WATERLOO ?

XVIII. RECRUDESCENCE DU DROIT DIVIN

XIX. LE CHAMP DE BATAILLE LA NUIT

LIVRE DEUXIÈME

LE VAISSEAU L’ORION

I. LE NUMÉRO 24601 DEVIENT LE NUMÉRO 9430

II. OU ON LIRA DEUX VERS QUI SONT PEUT-ÊTRE DU DIABLE

III. QU’IL FALLAIT QUE LA CHAÎNE DE LA MANILLE EÛT SUBI UN CERTAIN TRAVAIL PRÉPARATOIRE POUR ÊTRE AINSI BRISÉE D’UN COUP DE MARTEAU

LIVRE TROISIÈME

ACCOMPLISSEMENT DE LA PROMESSE FAITE À LA MORTE

I. LA QUESTION DE L’EAU À MONTFERMEIL

II. DEUX PORTRAITS COMPLÉTÉS

III. IL FAUT DU VIN AUX HOMMES ET DE L’EAU AUX CHEVAUX

IV. ENTRÉE EN SCÈNE D’UNE POUPÉE

V. LA PETITE TOUTE SEULE

VI. QUI PEUT-ÊTRE PROUVE L’INTELLIGENCE DE BOULATRUELLE

VII. COSETTE CÔTE À CÔTE DANS L’OMBRE AVEC L’INCONNU

VIII. DÉSAGRÉMENT DE RECEVOIR CHEZ SOI UN PAUVRE QUI EST PEUT-ÊTRE UN RICHE

IX. THÉNARDIER À LA MANŒUVRE

X. QUI CHERCHE LE MIEUX PEUT TROUVER LE PIRE

XI. LE NUMÉRO 9430 REPARAÎT ET COSETTE LE GAGNE À LA LOTERIE

LIVRE QUATRIÈME

LA MASURE GORBEAU

I. MAITRE GORBEAU

II. NID POUR HIBOU ET FAUVETTE

III. DEUX MALHEURS MÊLÉS FONT DU BONHEUR

IV. LES REMARQUES DE LA PRINCIPALE LOCATAIRE

V. UNE PIÈCE DE CINQ FRANCS QUI TOMBE À TERRE FAIT DU BRUIT

LIVRE CINQUIÈME

À CHASSE NOIRE MEUTE MUETTE

I. LES ZIGZAGS DE LA STRATÉGIE

II. IL EST HEUREUX QUE LE PONT D’AUSTERLITZ PORTE VOITURES

III. VOIR LE PLAN DE PARIS DE 1727

IV. LES TÂTONNEMENTS DE L’ÉVASION

V. QUI SERAIT IMPOSSIBLE AVEC L'ÉCLAIRAGE AU GAZ

VI. COMMENCEMENT D’UNE ÉNIGME

VII. SUITE DE L’ÉNIGME

VIII. L’ÉNIGME REDOUBLE

IX. L’HOMME AU GRELOT

X. OÙ IL EST EXPLIQUÉ COMMENT JAVERT A FAIT BUISSON CREUX

LIVRE SIXIÈME

LE PETIT-PICPUS

I. PETITE RUE PICPUS, NUMÉRO 62

II. L’OBÉDIENCE DE MARTIN VERGA

III. SÉVÉRITÉS

IV. GAITÉS

V. DISTRACTIONS

VI. LE PETIT COUVENT

VII. QUELQUES SILHOUETTES DE CETTE OMBRE

VIII. POST CORDA LAPIDES

IX. UN SIÈCLE SOUS UNE GUIMPE

X. ORIGINE DE L’ADORATION PERPÉTUELLE

XI. FIN DU PETIT-PICPUS

LIVRE SEPTIÈME

PARENTHÈSE

I. LE COUVENT, IDÉE ABSTRAITE

II. LE COUVENT, FAIT HISTORIQUE

III. À QUELLE CONDITION ON PEUT RESPECTER LE PASSÉ

IV.LE COUVENT AU POINT DE VUE DES PRINCIPES

V. LA PRIÈRE

VI. BONTÉ ABSOLUE DE LA PRIÈRE

VII. PRÉCAUTIONS À PRENDRE DANS LE BLAME

VIII. FOI, LOI

LIVRE HUITIÈME

LES CIMETIÈRES PRENNENT CE QU’ON LEUR DONNE

I. OU IL EST TRAITÉ DE LA MANIÈRE D’ENTRER AU COUVENT

II. FAUCHELEVENT EN PRÉSENCE DE LA DIFFICULTÉ

III. MÈRE INNOCENTE

IV. OÙ JEAN VALJEAN A TOUT À FAIT L’AIR D’AVOIR LU AUSTIN CASTILLEJO

V. IL NE SUFFIT PAS D’ÊTRE IVROGNE POUR ÊTRE IMMORTEL

VI. ENTRE QUATRE PLANCHES

VII. OU L’ON TROUVERA L’ORIGINE DU MOT : NE PAS PERDRE LA CARTE

VIII. INTERROGATOIRE RÉUSSI

IX. CLÔTURE

TROISIÈME PARTIE MARIUS

LIVRE PREMIER

PARIS ÉTUDIÉ DANS SON ATOME

I. PARVULUS

II. QUELQUES-UNS DE SES SIGNES PARTICULIERS

III. IL EST AGRÉABLE

IV. IL PEUT ÊTRE UTILE

V. SES FRONTIÈRES

VI. UN PEU D’HISTOIRE

VII. LE GAMIN AURAIT SA PLACE DANS LES CLASSIFICATIONS DE L’INDE

VIII. OÙ ON LIRA UN MOT CHARMANT DU DERNIER ROI

IX. LA VIEILLE ÂME DE LA GAULE

X. ECCE PARIS, ECCE HOMOS

XI. RAILLER, RÉGNER

XII. L’AVENIR LATENT DANS LE PEUPLE

XIII. LE PETIT GAVROCHE

LIVRE DEUXIÈME

LE GRAND BOURGEOIS

I. QUATREVINGT-DIX ANS ET TRENTE-DEUX DENTS

II. TEL MAÎTRE, TEL LOGIS

III. LUC-ESPRIT

IV. ASPIRANT CENTENAIRE

V. BASQUE ET NICOLETTE

VI. OÙ L’ON ENTREVOIT LA MAGNON ET SES DEUX PETITS

VII. RÈGLE : NE RECEVOIR PERSONNE QUE LE SOIR

VIII. LES DEUX NE FONT PAS LA PAIRE

LIVRE TROISIÈME

LE GRAND-PÈRE ET LE PETIT-FILS

I. UN ANCIEN SALON

II. UN DES SPECTRES ROUGES DE CE TEMPS-LA

III. REQUIESCANT

IV. FIN DU BRIGAND

V. L’UTILITÉ D’ALLER À LA MESSE POUR DEVENIR RÉVOLUTIONNAIRE

VI. CE QUE C’EST QUE D’AVOIR RENCONTRÉ UN MARGUILLIER

VII. QUELQUE COTILLON

VIII. MARBRE CONTRE GRANIT

LIVRE QUATRIÈME

LES AMIS DE L’A B C

I. UN GROUPE QUI A FAILLI DEVENIR HISTORIQUE

II. ORAISON FUNÈBRE DE BLONDEAU, PAR BOSSUET

III. LES ÉTONNEMENTS DE MARIUS

IV. L’ARRIÈRE-SALLE DU CAFÉ MUSAIN

V. ÉLARGISSEMENT DE L’HORIZON

VI. RES ANGUSTA

LIVRE CINQUIÈME

EXCELLENCE DU MALHEUR

I. MARIUS INDIGENT

II. MARIUS PAUVRE

III. MARIUS GRANDI

IV. M. MABEUF

V. PAUVRETÉ, BONNE VOISINE DE MISÈRE

VI. LE REMPLAÇANT

LIVRE SIXIÈME

LA CONJONCTION DE DEUX ÉTOILES

I. LE SOBRIQUET, MODE DE FORMATION DES NOMS DE FAMILLE

II. LUX FACTA EST

III. EFFET DE PRINTEMPS

IV. COMMENCEMENT D’UNE GRANDE MALADIE

V. DIVERS COUPS DE FOUDRE TOMBENT SUR MAME BOUGON

VI. FAIT PRISONNIER

VII. AVENTURE DE LA LETTRE U LIVRÉE AUX CONJECTURES

VIII. LES INVALIDES EUX-MÊMES PEUVENT ÊTRE HEUREUX

IX. ÉCLIPSE

LIVRE SEPTIÈME

PATRON-MINETTE

I. LES MINES ET LES MINEURS

II. LE BAS-FOND

III. BABET, GUEULEMER, CLAQUESOUS ET MONTPARNASSE

IV. COMPOSITION DE LA TROUPE

LIVRE HUITIÈME

MAUVAIS PAUVRE

I. MARIUS CHERCHANT UNE FILLE EN CHAPEAU RENCONTRE UN HOMME EN CASQUETTE

II. TROUVAILLE

III. QUADRIFRONS

IV. UNE ROSE DANS LA MISÈRE

V. LE JUDAS DE LA PROVIDENCE

VI. L’HOMME FAUVE AU GÎTE

VII. STRATÉGIE ET TACTIQUE

VIII. LE RAYON DANS LE BOUGE

IX. JONDRETTE PLEURE PRESQUE

X. TARIF DES CABRIOLETS DE RÉGIE : DEUX FRANCS L’HEURE

XI. OFFRES DE SERVICE DE LA MISÈRE À LA DOULEUR

XII. EMPLOI DE LA PIÈCE DE CINQ FRANCS DE M. LEBLANC

XIII. SOLUS CUM SOLO, IN LOCO REMOTO NON COGITABUNTUR ORARE PATER NOSTER

XIV. OÙ UN AGENT DE POLICE DONNE DEUX COUPS DE POING À UN AVOCAT

XV. JONDRETTE FAIT SON EMPLETTE

XVI. OÙ L’ON RETROUVERA LA CHANSON SUR UN AIR ANGLAIS À LA MODE EN 1832

XVII. EMPLOI DE LA PIÈCE DE CINQ FRANCS DE MARIUS

XVIII. LES DEUX CHAISES DE MARIUS SE FONT VIS-À-VIS

XIX. SE PRÉOCCUPER DES FONDS OBSCURS

XX. LE GUET-APENS

XXI. ON DEVRAIT TOUJOURS COMMENCER PAR ARRÊTER LES VICTIMES

XXII. LE PETIT QUI CRIAIT AU TOME DEUX

QUATRIÈME PARTIE L’IDYLLE RUE PLUMET ET L'ÉPOPÉE RUE SAINT-DENIS

LIVRE PREMIER

QUELQUES PAGES D’HISTOIRE

I. BIEN COUPÉ

II. MAL COUSU

III. LOUIS-PHILIPPE

IV. LÉZARDES SOUS LA FONDATION

V. FAITS D’OÙ L’HISTOIRE SORT ET QUE L’HISTOIRE IGNORE

VI. ENJOLRAS ET SES LIEUTENANTS

LIVRE DEUXIÈME

ÉPONINE

I. LE CHAMP DE L’ALOUETTE

II. FORMATION EMBRYONNAIRE DES CRIMES DANS L’INCUBATION DES PRISONS

III. APPARITION AU PÈRE MABEUF

IV. APPARITION À MARIUS

LIVRE TROISIÈME

LA MAISON DE LA RUE PLUMET

I. LA MAISON À SECRET

II. JEAN VALJEAN GARDE NATIONAL

III. FOLIIS AC FRONDIBUS

IV. CHANGEMENT DE GRILLE

V. LA ROSE S’APERÇOIT QU’ELLE EST UNE MACHINE DE GUERRE

VI. LA BATAILLE COMMENCE

VII. À TRISTESSE, TRISTESSE ET DEMIE

VIII. LA CADÈNE

LIVRE QUATRIÈME

SECOURS D’EN BAS PEUT ÊTRE SECOURS D’EN HAUT

I. BLESSURE AU-DEHORS, GUÉRISON AU DEDANS

II. LA MÈRE PLUTARQUE N’EST PAS EMBARRASSÉE POUR EXPLIQUER UN PHÉNOMÈNE

LIVRE CINQUIÈME

DONT LA FIN NE RESSEMBLE PAS AU COMMENCEMENT

I. LA SOLITUDE ET LA CASERNE COMBINÉES

II. PEURS DE COSETTE

III. ENRICHIES DES COMMENTAIRES DE TOUSSAINT

IV. UN CŒUR SOUS UNE PIERRE

V. COSETTE APRÈS LA LETTRE

VI. LES VIEUX SONT FAITS POUR SORTIR À PROPOS

LIVRE SIXIÈME

LE PETIT GAVROCHE

I. MÉCHANTE ESPIÈGLERIE DU VENT

II. OÙ LE PETIT GAVROCHE TIRE PARTI DE NAPOLÉON LE GRAND

III. LES PÉRIPÉTIES DE L’ÉVASION

LIVRE SEPTIÈME

L’ARGOT

I. ORIGINE

II. RACINES

III. ARGOT QUI PLEURE ET ARGOT QUI RIT

IV. LES DEUX DEVOIRS : VEILLER ET ESPÉRER

LIVRE HUITIÈME

LES ENCHANTEMENTS ET LES DÉSOLATIONS

I. PLEINE LUMIÈRE

II. L’ÉTOURDISSEMENT DU BONHEUR COMPLET

III. COMMENCEMENT D’OMBRE

IV. CAB ROULE EN ANGLAIS ET JAPPE EN ARGOT

V. CHOSES DE LA NUIT

VI. MARIUS REDEVIENT RÉEL AU POINT DE DONNER SON ADRESSE À COSETTE

VII. LE VIEUX CŒUR ET LE JEUNE CŒUR EN PRÉSENCE

LIVRE NEUVIÈME

OÙ VONT-ILS ?

I. JEAN VALJEAN

II. MARIUS

III. M. MABEUF

LIVRE DIXIÈME

LE 5 JUIN 1832

I. LA SURFACE DE LA QUESTION

II. LE FOND DE LA QUESTION

III. UN ENTERREMENT : OCCASION DE RENAÎTRE

IV. LES BOUILLONNEMENTS D’AUTREFOIS

V. ORIGINALITÉ DE PARIS

LIVRE ONZIÈME

L’ATOME FRATERNISE AVEC L’OURAGAN

I. QUELQUES ÉCLAIRCISSEMENTS SUR LES ORIGINES DE LA POÉSIE DE GAVROCHE INFLUENCE D’UN ACADÉMICIEN SUR CETTE POÉSIE

II. GAVROCHE EN MARCHE

III. JUSTE INDIGNATION D’UN PERRUQUIER

IV. L’ENFANT S’ÉTONNE DU VIEILLARD

V. LE VIEILLARD

VI. RECRUES

LIVRE DOUZIÈME

CORINTHE

I. HISTOIRE DE CORINTHE DEPUIS SA FONDATION

II. GAITÉS PRÉALABLES

III. LA NUIT COMMENCE À SE FAIRE SUR GRANTAIRE

IV. ESSAI DE CONSOLATION SUR LA VEUVE HUCHELOUP

V. LES PRÉPARATIFS

VI. EN ATTENDANT

VII. L’HOMME RECRUTÉ RUE DES BILLETTES

VIII. PLUSIEURS POINTS D’INTERROGATION À PROPOS D’UN NOMMÉ LE CABUC QUI NE SE NOMMAIT PEUT-ÊTRE PAS LE CABUC

LIVRE TREIZIÈME

MARIUS ENTRE DANS L’OMBRE

I. DE LA RUE PLUMET AU QUARTIER SAINT-DENIS

II . PARIS À VOL DE HIBOU

III. L’EXTRÊME BORD

LIVRE QUATORZIÈME

LES GRANDEURS DU DÉSESPOIR

I. LE DRAPEAU. — PREMIER ACTE

II. LE DRAPEAU. — DEUXIÈME ACTE

III.GAVROCHE AURAIT MIEUX FAIT D’ACCEPTER LA CARABINE D’ENJOLRAS

IV. LE BARIL DE POUDRE

V. FIN DES VERS DE JEAN PROUVAIRE

VI. L’AGONIE DE LA MORT APRÈS L’AGONIE DE LA VIE

VII. GAVROCHE PROFOND CALCULATEUR DES DISTANCES

LIVRE QUINZIÈME

LA RUE DE L’HOMME-ARMÉ

I. BUVARD, BAVARD

II. LE GAMIN ENNEMI DES LUMIÈRES

III. PENDANT QUE COSETTE ET TOUSSAINT DORMENT

IV. LES EXCÈS DE ZÈLE DE GAVROCHE

CINQUIÈME PARTIE

JEAN VALJEAN

LIVRE PREMIER

LA GUERRE ENTRE QUATRE MURS

I. LA CHARYBDE DU FAUBOURG SAINT-ANTOINE ET LA SCYLLA DU FAUBOURG DU TEMPLE

II. QUE FAIRE DANS L’ABÎME À MOINS QUE L’ON NE CAUSE

III. ÉCLAIRCISSEMENT ET ASSOMBRISSEMENT

IV. CINQ DE MOINS, UN DE PLUS

V. QUEL HORIZON ON VOIT DU HAUT DE LA BARRICADE

VI. MARIUS HAGARD, JAVERT LACONIQUE

VII. LA SITUATION S’AGGRAVE

VIII. LES ARTILLEURS SE FONT PRENDRE AU SÉRIEUX

IX. EMPLOI DE CE VIEUX TALENT DE BRACONNIER ET DE CE COUP DE FUSIL INFAILLIBLE QUI A INFLUÉ SUR LA CONDAMNATION DE 1796

X. AURORE

XI. LE COUP DE FUSIL QUI NE MANQUE RIEN ET QUI NE TUE PERSONNE

XII. LE DÉSORDRE PARTISAN DE L’ORDRE

XIII. LUEURS QUI PASSENT

XIV. OÙ ON LIRA LE NOM DE LA MAÎTRESSE D’ENJOLRAS

XV. GAVROCHE DEHORS

XVI. COMMENT DE FRÈRE ON DEVIENT PÈRE

XVII. MORTUUS PATER FILIUM MORITURUM EXPECTAT

XVIII. LE VAUTOUR DEVENU PROIE

XIX. JEAN VALJEAN SE VENGE

XX. LES MORTS ONT RAISON ET LES VIVANTS N’ONT PAS TORT

XXI. LES HÉROS

XXII. PIED À PIED

XXIII. ORESTE À JEUN ET PYLADE IVRE

XXIV. PRISONNIER

LIVRE DEUXIÈME

L’INTESTIN DE LÉVIATHAN

I. LA TERRE APPAUVRIE PAR LA MER

II. L’HISTOIRE ANCIENNE DE L’ÉGOUT

III. BRUNESEAU

IV. DÉTAILS IGNORÉS

V. PROGRÈS ACTUEL

VI. PROGRÈS FUTUR

LIVRE TROISIÈME

LA BOUE, MAIS L’ÂME

I. LE CLOAQUE ET SES SURPRISES

II. EXPLICATION

III. L’HOMME FILÉ

IV. LUI AUSSI PORTE SA CROIX

V. POUR LE SABLE COMME POUR LA FEMME IL Y A UNE FINESSE QUI EST PERFIDIE

VI. LE FONTIS

VII. QUELQUEFOIS ON ÉCHOUE OÙ L’ON CROIT DÉBARQUER

VIII. LE PAN DE L’HABIT DÉCHIRÉ

IX. MARIUS FAIT L’EFFET D’ÊTRE MORT À QUELQU’UN QUI S’Y CONNAÎT

X. RENTRÉE DE L’ENFANT PRODIGUE DE SA VIE

XI. ÉBRANLEMENT DANS L’ABSOLU

XII. L’AÏEUL

LIVRE QUATRIÈME

JAVERT DÉRAILLÉ

JAVERT DÉRAILLÉ

LIVRE CINQUIÈME

LE PETIT-FILS ET LE GRAND-PÈRE

I. OÙ L’ON REVOIT L’ARBRE À L’EMPLÂTRE DE ZINC

II. MARIUS, EN SORTANT DE LA GUERRE CIVILE, S’APPRÊTE À LA GUERRE DOMESTIQUE

III. MARIUS ATTAQUE

IV. MADEMOISELLE GILLENORMAND FINIT PAR NE PLUS TROUVER MAUVAIS QUE M. FAUCHELEVENT SOIT ENTRÉ AVEC QUELQUE CHOSE SOUS LE BRAS

V. DÉPOSEZ PLUTÔT VOTRE ARGENT DANS TELLE FORÊT QUE CHEZ TEL NOTAIRE

VI. LES DEUX VIEILLARDS FONT TOUT, CHACUN À LEUR FAÇON, POUR QUE COSETTE SOIT HEUREUSE

VII. LES EFFETS DE RÊVE MÊLÉS AU BONHEUR

VIII. DEUX HOMMES IMPOSSIBLES À RETROUVER

LIVRE SIXIÈME

LA NUIT BLANCHE

I. LE 16 FÉVRIER 1833

II. JEAN VALJEAN A TOUJOURS SON BRAS EN ÉCHARP

III. L’INSÉPARABLE

IV. IMMORTALE JECUR

LIVRE SEPTIÈME

LA DERNIÈRE GORGÉE DU CALICE

I. LE SEPTIÈME CERCLE ET LE HUITIÈME CIEL

II. LES OBSCURITÉS QUE PEUT CONTENIR UNE RÉVÉLATION

LIVRE HUITIÈME

LA DÉCROISSANCE CRÉPUSCULAIRE

I. LA CHAMBRE D’EN BAS

II!. AUTRE PAS EN ARRIÈRE

III. ILS SE SOUVIENNENT DU JARDIN DE LA RUE PLUMET

IV. L’ATTRACTION ET L’EXTINCTION

LIVRE NEUVIÈME

SUPRÊME OMBRE, SUPRÊME AURORE

I. PITIÉ POUR LES MALHEUREUX, MAIS INDULGENCE POUR LES HEUREUX

II. DERNIÈRES PALPITATIONS DE LA LAMPE SANS HUILE

III. UNE PLUME PÈSE À QUI SOULEVAIT LA CHARRETTE FAUCHELEVENT

IV. BOUTEILLE D’ENCRE QUI NE RÉUSSIT QU’À BLANCHIR

V. NUIT DERRIÈRE LAQUELLE IL Y A LE JOUR

VI. L’HERBE CACHE ET LA PLUIE EFFACE

NOTES

LETTRE À M. DAELLI ÉDITEUR DE LA TRADUCTION ITALIENNE DES MISÉRABLES, À MILAN

Notes

VICTOR HUGO

LES MISÉRABLES

5 TOMES

ROMAN

Émile Testard, 1890 (p. NP).

Raanan Éditeur

Livre numérique 716| édition 2

Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

Hauteville-House, 1862.

PREMIÈRE PARTIE FANTINE

LIVRE PREMIER

UN JUSTE

I. M. MYRIEL

En 1815, M. Charles-François-Bienvenu Myriel était évêque de Digne. C’était un vieillard d’environ soixante-quinze ans ; il occupait le siégé de Digne depuis 1806.

Quoique ce détail ne touche en aucune manière au fond même de ce que nous avons à raconter, il n’est peut-être pas inutile, ne fût-ce que pour être exact en tout, d’indiquer ici les bruits et les propos qui avaient couru sur son compte au moment où il était arrivé dans le diocèse. Vrai ou faux, ce qu’on dit des hommes tient souvent autant de place dans leur vie et souvent dans leur destinée que ce qu’ils font. M. Myriel était fils d’un conseiller au parlement d’Aix ; noblesse de robe. On contait que son père, le réservant pour hériter de sa charge, l’avait marié de fort bonne heure, à dix-huit ou vingt ans, suivant un usage assez répandu dans les familles parlementaires. Charles Myriel, nonobstant ce mariage, avait, disait-on, beaucoup fait parler de lui. Il était bien fait de sa personne, quoique d’assez petite taille, élégant, gracieux, spirituel ; toute la première partie de sa vie avait été donnée au monde et aux galanteries.

La révolution survint, les événements se précipitèrent ; les familles parlementaires, décimées, chassées, traquées, se dispersèrent. M. Charles Myriel, dès les premiers jours de la révolution, émigra en Italie. Sa femme y mourut d’une maladie de poitrine dont elle était atteinte depuis longtemps. Ils n’avaient point d’enfants. Que se passa-t-il ensuite dans la destinée de M. Myriel ? L’écroulement de l’ancienne société française, la chute de sa propre famille, les tragiques spectacles de 93, plus effrayants encore peut-être pour les émigrés qui les voyaient de loin avec le grossissement de l’épouvante, firent-ils germer en lui des idées de renoncement et de solitude ? Fut-il, au milieu d’une de ces distractions et de ces affections qui occupaient sa vie, subitement atteint d’un de ces coups mystérieux et terribles qui viennent quelquefois renverser, en le frappant au cœur, l’homme que les catastrophes publiques n’ébranleraient pas en le frappant dans son existence et dans sa fortune ? Nul n’aurait pu le dire ; tout ce qu’on savait, c’est que, lorsqu’il revint d’Italie, il était prêtre.

En 1804, M. Myriel était curé de B. (Brignolles). Il était déjà vieux, et vivait dans une retraite profonde.

Vers l’époque du couronnement, une petite affaire de sa cure, on ne sait plus trop quoi, l’amena à Paris. Entre autres personnes puissantes, il allait solliciter pour ses paroissiens M. le cardinal Fesch. Un jour que l’empereur était venu faire sa visite à son oncle, le digne curé, qui attendait dans l’antichambre, se trouva sur le passage de sa majesté. Napoléon, se voyant regarder avec une certaine curiosité par ce vieillard, se retourna, et dit brusquement :

— Quel est ce bonhomme qui me regarde ?

— Sire, dit M. Myriel, vous regardez un bonhomme, et moi je regarde un grand homme. Chacun de nous peut profiter.

L’empereur, le soir même, demanda au cardinal le nom de ce curé, et quelque temps après M. Myriel fut tout surpris d’apprendre qu’il était nommé évêque de Digne.

Qu’y avait-il de vrai, du reste, dans les récits qu’on faisait sur la première partie de la vie de M. Myriel ? Personne ne le savait. Peu de familles avaient connu la famille Myriel avant la révolution.

M. Myriel devait subir le sort de tout nouveau venu dans une petite ville où il y a beaucoup de bouches qui parlent et fort peu de têtes qui pensent. Il devait le subir, quoiqu’il fût évêque et parce qu’il était évêque. Mais, après tout, les propos auxquels on mêlait son nom n’étaient peut-être que des propos ; du bruit, des mots, des paroles, moins que des paroles, des palabres, comme dit l’énergique langue du midi.

Quoi qu’il en fût, après neuf ans d’épiscopat et de résidence à Digne, tous ces racontages, sujets de conversation qui occupent dans le premier moment les petites villes et les petites gens, étaient tombés dans un oubli profond. Personne n’eût osé en parler, personne n’eût osé s’en souvenir.

M. Myriel était arrivé à Digne accompagné d’une vieille fille, mademoiselle Baptistine, qui était sa sœur et qui avait dix ans de moins que lui.

Ils avaient pour tout domestique une servante du même âge que mademoiselle Baptistine, et appelée madame Magloire, laquelle, après avoir été la servante de M. le curé, prenait maintenant le double titre de femme de chambre de mademoiselle et femme de charge de monseigneur.

Mademoiselle Baptistine était une personne longue, pâle, mince, douce ; elle réalisait l’idéal de ce qu’exprime le mot « respectable » ; car il semble qu’il soit nécessaire qu’une femme soit mère pour être vénérable. Elle n’avait jamais été jolie ; toute sa vie, qui n’avait été qu’une suite de saintes œuvres, avait fini par mettre sur elle une sorte de blancheur et de clarté, et, en vieillissant, elle avait gagné ce qu’on pourrait appeler la beauté de la bonté. Ce qui avait été de la maigreur dans sa jeunesse était devenu, dans sa maturité, de la transparence ; et cette diaphanéité laissait voir l’ange. C’était une âme plus encore que ce n’était une vierge. Sa personne semblait faite d’ombre ; à peine assez de corps pour qu’il y eût là un sexe ; un peu de matière contenant une lueur ; de grands yeux toujours baissés ; un prétexte pour qu’une âme reste sur la terre.

Madame Magloire était une petite vieille, blanche, grasse, replète, affairée, toujours haletante, à cause de son activité d’abord, ensuite à cause d’un asthme.

À son arrivée, on installa M. Myriel en son palais épiscopal avec les honneurs voulus par les décrets impériaux qui classent l’évêque immédiatement après le maréchal de camp. Le maire et le président lui firent la première visite, et lui de son côté fit la première visite au général et au préfet.

L’installation terminée, la ville attendit son évêque à l’œuvre.

II. M. MYRIEL DEVIENT MONSEIGNEUR BIENVENU

Le palais épiscopal de Digne était attenant à l’hôpital.

Le palais épiscopal était un vaste et bel hôtel bâti en pierre au commencement du siècle dernier par monseigneur Henri Puget, docteur en théologie de la faculté de Paris, abbé de Simore, lequel était évêque de Digne en 1712. Ce palais était un vrai logis seigneurial. Tout y avait grand air, les appartements de l’évêque, les salons, les chambres, la cour d’honneur, fort large, avec promenoirs à arcades, selon l’ancienne mode florentine, les jardins plantés de magnifiques arbres. Dans la salle à manger, longue et superbe galerie qui était au rez-de-chaussée et s’ouvrait sur les jardins, monseigneur Henri Puget avait donné à manger en cérémonie, le 29 juillet 1714, à messeigneurs Charles Brûlart de Genlis, archevêque prince d’Embrun, Antoine de Mesgrigny, capucin, évêque de Grasse, Philippe de Vendôme, grand-prieur de France, abbé de Saint-Honoré de Lérins, François de Berton de Crillon, évêque baron de Vence, César de Sabran de Forcalquier, évêque seigneur de Glandève, et Jean Soanen, prêtre de l’Oratoire, prédicateur ordinaire du roi, évêque seigneur de Senez. Les portraits de ces sept révérends personnages décoraient cette salle, et cette date mémorable, 29 juillet 1714, y était gravée en lettres d’or sur une table de marbre blanc.

L’hôpital était une maison étroite et basse, à un seul étage, avec un petit jardin.

Trois jours après son arrivée, l’évêque visita l’hôpital. La visite terminée, il fit prier le directeur de vouloir bien venir jusque chez lui.

— Monsieur le directeur de l’hôpital, lui dit-il, combien en ce moment avez-vous de malades ?

— Vingt-six, monseigneur.

— C’est ce que j’avais compté, dit l’évêque.

— Les lits, reprit le directeur, sont bien serrés les uns contre les autres.

— C’est ce que j’avais remarqué.

— Les salles ne sont que des chambres, et l’air s’y renouvelle difficilement.

— C’est ce qui me semble.

— Et puis, quand il y a un rayon de soleil, le jardin est bien petit pour les convalescents.

— C’est ce que je me disais.

— Dans les épidémies, nous avons eu cette année le typhus, nous avons eu la suette miliaire il y a deux ans, cent malades quelquefois, nous ne savons que faire.

— C’est la pensée qui m’était venue.

— Que voulez-vous, monseigneur ? dit le directeur, il faut se résigner.

Cette conversation avait lieu dans la salle à manger-galerie du rez-de-chaussée.

L’évêque garda un moment le silence, puis il se tourna brusquement vers le directeur de l’hôpital.

— Monsieur, dit-il, combien pensez-vous qu’il tiendrait de lits rien que dans cette salle ?

— Dans la salle à manger de monseigneur ? s’écria le directeur stupéfait.

L’évêque parcourait la salle du regard et semblait y faire avec les yeux des mesures et des calculs.

— Il y tiendrait bien vingt lits ! dit-il, comme se parlant à lui-même ; puis élevant la voix : — Tenez, monsieur le directeur de l’hôpital, je vais vous dire. Il y a évidemment une erreur. Vous êtes vingt-six personnes dans cinq ou six petites chambres. Nous sommes trois ici, et nous avons place pour soixante. Il y a erreur, je vous dis. Vous avez mon logis, et j’ai le vôtre. Rendez-moi ma maison. C’est ici chez vous.

Le lendemain, les vingt-six pauvres malades étaient installés dans le palais de l’évêque, et l’évêque était à l’hôpital.

M. Myriel n’avait pas de bien, sa famille étant ruinée par la révolution. Sa sœur touchait une rente viagère de cinq cents francs qui, au presbytère, suffisait à sa dépense personnelle. M. Myriel recevait de l’état comme évêque un traitement de quinze mille francs. Le jour même où il vint se loger dans la maison de l’hôpital, M. Myriel détermina l’emploi de cette somme, une fois pour toutes, de la manière suivante. Nous transcrivons ici une note écrite de sa main.

NOTE POUR RÉGLER LES DÉPENSES DE MA MAISON.

Pour le petit séminaire :

quinze cents livres.

Congrégation de la mission :

cent livres.

Pour les lazaristes de Montdidier :

cent livres.

Séminaire des missions étrangères à Paris :

deux cents livres.

Congrégation du Saint-Esprit :

cent cinquante livres.

Établissements religieux de la Terre-Sainte :

cent livres.

Sociétés de charité maternelle :

trois cents livres.

En sus, pour celle d’Arles :

cinquante livres.

Œuvre pour l’amélioration des prisons :

quatre cents livres.

Œuvre pour le soulagement et la délivrance des prisonniers :

cinq cents livres.

Pour libérer des pères de famille prisonniers pour dettes :

mille livres.

Supplément au traitement des pauvres maîtres d’école du diocèse :

deux mille livres.

Grenier d’abondance des Hautes-Alpes :

cent livres.

Congrégation des dames de Digne, de Manosque et de Sisteron, pour l’enseignement gratuit des filles indigentes :

quinze cents livres.

Pour les pauvres :

six mille livres.

Ma dépense personnelle :

mille livres.

Total :   

quinze mille livres.

Pendant tout le temps qu’il occupa le siège de Digne, M. Myriel ne changea rien à cet arrangement. Il appelait cela, comme on voit, avoir réglé les dépenses de sa maison.

Cet arrangement fut accepté avec une soumission absolue par mademoiselle Baptistine. Pour cette sainte fille, M. de Digne était tout à la fois son frère et son évêque, son ami selon la nature et son supérieur selon l’église. Elle l’aimait et elle le vénérait tout simplement. Quand il parlait, elle s’inclinait ; quand il agissait, elle adhérait. La servante seule, madame Magloire, murmura un peu. M. l’évêque, on l’a pu remarquer, ne s’était réservé que mille livres, ce qui, joint à la pension de mademoiselle Baptistine, faisait quinze cents francs par an. Avec ces quinze cents francs, ces deux vieilles femmes et ce vieillard vivaient.

Et quand un curé de village venait à Digne, M. l’évêque trouvait encore moyen de le traiter, grâce à la sévère économie de madame Magloire et à l’intelligente administration de mademoiselle Baptistine.

Un jour, il était à Digne depuis environ trois mois, l’évêque dit :

— Avec tout cela je suis bien gêné !

— Je le crois bien ! s’écria madame Magloire, monseigneur n’a seulement pas réclamé la rente que le département lui doit pour ses frais de carrosse en ville et de tournées dans le diocèse. Pour les évêques d’autrefois c’était l’usage.

— Tiens ! dit l’évêque, vous avez raison, madame Magloire.

Il fit sa réclamation.

Quelque temps après, le conseil général, prenant cette demande en considération, lui vota une somme annuelle de trois mille francs, sous cette rubrique : Allocation àM. l’évêque pour frais de carrosse, frais de poste, et frais de tournées pastorales.

Cela fit beaucoup crier la bourgeoisie locale, et, à cette occasion, un sénateur de l’empire, ancien membre du conseil des cinq-cents favorable au dix-huit brumaire et pourvu près de la ville de Digne d’une sénatorerie magnifique, écrivit au ministre des cultes, M. Bigot de Préameneu, un petit billet irrité et confidentiel dont nous extrayons ces lignes authentiques :

« — Des frais de carrosse ! pourquoi faire dans une ville de moins de quatre mille habitants ? Des frais de tournées ? à quoi bon ces tournées d’abord ? ensuite comment courir la poste dans ces pays de montagnes ? Il n’y a pas de routes. On ne va qu’à cheval. Le pont même de la Durance à Château-Arnoux peut à peine porter des charrettes à bœufs. Ces prêtres sont tous ainsi. Avides et avares. Celui-ci a fait le bon apôtre en arrivant. Maintenant il fait comme les autres. Il lui faut carrosse et chaise de poste. Il lui faut du luxe comme aux anciens évêques. Oh ! toute cette prêtraille ! Monsieur le comte, les choses n’iront bien que lorsque l’empereur nous aura délivrés des calotins. À bas le pape ! (les affaires se brouillaient avec Rome). Quant à moi, je suis pour César tout seul. Etc., etc. »

La chose, en revanche, réjouit fort madame Magloire. — Bon, dit-elle à mademoiselle Baptistine, monseigneur a commencé par les autres, mais il a bien fallu qu’il finît par lui-même. Il a réglé toutes ses charités. Voilà trois mille livres pour nous. Enfin !

Le soir même, l’évêque écrivit et remit à sa sœur une note ainsi conçue :

FRAIS DE CARROSSE ET DE TOURNÉES.

Pour donner du bouillon de viande aux malades de l’hôpital :

quinze cents livres.

Pour la société de charité maternelle d’Aix :

deux cent cinquante livres.

Pour la société de charité maternelle de Draguignan :

deux cent cinquante livres.

Pour les enfants trouvés :

cinq cents livres.

Pour les orphelins :

cinq cents livres.

Total :          

trois mille livres.

Tel était le budget de M. Myriel.

Quant au casuel épiscopal, rachats de bans, dispenses, ondoiements, prédications, bénédictions d’églises ou de chapelles, mariages, etc., l’évêque le percevait sur les riches avec d’autant plus d’âpreté qu’il le donnait aux pauvres.

Au bout de peu de temps, les offrandes d’argent affluèrent. Ceux qui ont et ceux qui manquent frappaient à la porte de M. Myriel, les uns venant chercher l’aumône que les autres venaient y déposer. L’évêque, en moins d’un an, devint le trésorier de tous les bienfaits et le caissier de toutes les détresses. Des sommes considérables passaient par ses mains ; mais rien ne put faire qu’il changeât quelque chose à son genre de vie et qu’il ajoutât le moindre superflu à son nécessaire.

Loin de là. Comme il y a toujours encore plus de misère en bas que de fraternité en haut, tout était donné, pour ainsi dire, avant d’être reçu ; c’était comme de l’eau sur une terre sèche ; il avait beau recevoir de l’argent, il n’en avait jamais. Alors il se dépouillait.

L’usage étant que les évêques énoncent leurs noms de baptême en tête de leurs mandements et de leurs lettres pastorales, les pauvres gens du pays avaient choisi, avec une sorte d’instinct affectueux, dans les noms et prénoms de l’évêque, celui qui leur présentait un sens, et ils ne l’appelaient que monseigneur Bienvenu. Nous ferons comme eux, et nous le nommerons ainsi dans l’occasion. Du reste, cette appellation lui plaisait. — J’aime ce nom-là, disait-il. Bienvenu corrige monseigneur.

Nous ne prétendons pas que le portrait que nous faisons ici soit vraisemblable ; nous nous bornons à dire qu’il est ressemblant.

III. À BON ÉVÊQUE DUR ÉVÊCHÉ

M. l’évêque, pour avoir converti son carrosse en aumônes, n’en faisait pas moins ses tournées. C’est un diocèse fatigant que celui de Digne. Il a fort peu de plaines et beaucoup de montagnes, presque pas de routes, on l’a vu tout à l’heure ; trente-deux cures, quarante et un vicariats et deux cent quatre-vingt-cinq succursales. Visiter tout cela, c’est une affaire. M. l’évêque en venait à bout. Il allait à pied quand c’était dans le voisinage, en carriole quand c’était dans la plaine, en cacolet dans la montagne. Les deux vieilles femmes l’accompagnaient. Quand le trajet était trop pénible pour elles, il allait seul.

Un jour, il arriva à Senez, qui est une ancienne ville épiscopale, monté sur un âne. Sa bourse, fort à sec dans ce moment, ne lui avait pas permis d’autre équipage. Le maire de la ville vint le recevoir à la porte de l’évêché et le regardait descendre de son âne avec des yeux scandalisés. Quelques bourgeois riaient autour de lui. — Monsieur le maire, dit l’évêque, et messieurs les bourgeois, je vois ce qui vous scandalise ; vous trouvez que c’est bien de l’orgueil à un pauvre prêtre de monter une monture qui était celle de Jésus-Christ. Je l’ai fait par nécessité, je vous assure, et non par vanité.

Dans ces tournées, il était indulgent et doux, et prêchait moins qu’il ne causait. Il n’allait jamais chercher bien loin ses raisonnements et ses modèles. Aux habitants d’un pays il citait l’exemple du pays voisin. Dans les cantons où l’on était dur pour les nécessiteux, il disait : — Voyez les gens de Brabançon. Ils ont donné aux indigents, aux veuves et aux orphelins le droit de faire faucher leurs prairies trois jours avant tous les autres. Ils leur rebâtissent gratuitement leurs maisons quand elles sont en ruine. Aussi est-ce un pays béni de Dieu. Durant tout un siècle de cent ans, il n’y a pas eu un meurtrier.

Dans les villages âpres au gain et à la moisson, il disait : — Voyez ceux d’Embrun. Si un père de famille, au temps de la récolte, a ses fils à l’armée et ses filles en service à la ville, et qu’il soit malade et empêché, le curé le recommande au prône ; et le dimanche, après la messe, tous les gens du village, hommes, femmes, enfants, vont dans le champ du pauvre homme lui faire sa moisson, et lui rapportent paille et grain dans son grenier. — Aux familles divisées par des questions d’argent et d’héritage, il disait : — Voyez les montagnards de Devolny, pays si sauvage qu’on n’y entend pas le rossignol une fois en cinquante ans. Eh bien, quand le père meurt dans une famille, les garçons s’en vont chercher fortune, et laissent le bien aux filles, afin qu’elles puissent trouver des maris. — Aux cantons qui ont le goût des procès et où les fermiers se ruinent en papier timbré, il disait : — Voyez ces bons paysans de la vallée de Queyras. Ils sont là trois mille âmes. Mon Dieu ! c’est comme une petite république. On n’y connaît ni le juge, ni l’huissier. Le maire fait tout. Il répartit l’impôt, taxe chacun en conscience, juge les querelles gratis, partage les patrimoines sans honoraires, rend des sentences sans frais ; et on lui obéit, parce que c’est un homme juste parmi des hommes simples. — Aux villages où il ne trouvait pas de maître d’école, il citait encore ceux de Queyras : — Savez-vous comment ils font ? disait-il. Comme un petit pays de douze ou quinze feux ne peut pas toujours nourrir un magister, ils ont des maîtres d’école payés par toute la vallée, qui parcourent les villages, passant huit jours dans celui-ci, dix dans celui-là, et enseignent. Ces magisters vont aux foires, où je les ai vus. On les reconnaît à des plumes à écrire qu’ils portent dans la ganse de leur chapeau. Ceux qui n’enseignent qu’à lire ont une plume, ceux qui enseignent la lecture et le calcul ont deux plumes ; ceux qui enseignent la lecture, le calcul et le latin ont trois plumes. Ceux-là sont de grands savants. Mais quelle honte d’être ignorants ! Faites comme les gens de Queyras.

Il parlait ainsi gravement et paternellement ; à défaut d’exemples inventant des paraboles, allant droit au but, avec peu de phrases et beaucoup d’images, ce qui était l’éloquence même de Jésus-Christ, convaincu et persuadant.

IV. LES ŒUVRES SEMBLABLES AUX PAROLES

Sa conversation était affable et gaie. Il se mettait à la portée des deux vieilles femmes qui passaient leur vie près de lui ; quand il riait, c’était le rire d’un écolier.

Madame Magloire l’appelait volontiers Votre Grandeur. Un jour il se leva de son fauteuil et alla à sa bibliothèque chercher un livre. Ce livre était sur un des rayons d’en haut. Comme l’évêque était d’assez petite taille, il ne put y atteindre. Madame Magloire, dit-il, apportez-moi unechaise. Ma Grandeur ne va pas jusqu’à cette planche.

Une de ses parentes éloignées, madame la comtesse de Ô, laissait rarement échapper une occasion d’énumérer en sa présence ce qu’elle appelait « les espérances » de ses trois fils. Elle avait plusieurs ascendants fort vieux et proches de la mort dont ses fils étaient naturellement les héritiers. Le plus jeune des trois avait à recueillir d’une grand’tante cent bonnes mille livres de rentes ; le deuxième était substitué au titre de duc de son oncle ; l’aîné devait succéder à la pairie de son aïeul. L’évêque écoutait habituellement en silence ces innocents et pardonnables étalages maternels. Une fois pourtant, il paraissait plus rêveur que de coutume, tandis que madame de Lô renouvelait le détail de toutes ces successions et de toutes ces « espérances ». Elle s’interrompit avec quelque impatience : — Mon Dieu, mon cousin ! mais à quoi songez-vous donc ? — Je songe, dit l’évêque, à quelque chose de singulier qui est, je crois, dans saint Augustin : « Mettez votre espérance dans celui auquel on ne succède point. »

Une autre fois, recevant une lettre de faire part du décès d’un gentilhomme du pays, où s’étalaient en une longue page, outre les dignités du défunt, toutes les qualifications féodales et nobiliaires de tous ses parents : — Quel bon dos a la mort ! s’écria-t-il. Quelle admirable charge de titres on lui fait allègrement porter, et comme il faut que les hommes aient de l’esprit pour employer ainsi la tombe à la vanité !

Il avait dans l’occasion une raillerie douce qui contenait presque toujours un sens sérieux. Pendant un carême, un jeune vicaire vint à Digne et prêcha dans la cathédrale. Il fut assez éloquent. Le sujet de son sermon était la charité. Il invita les riches à donner aux indigents, afin d’éviter l’enfer, qu’il peignit le plus effroyable qu’il put, et de gagner le paradis, qu’il fit désirable et charmant. Il y avait dans l’auditoire un riche marchand retiré, un peu usurier, nommé M. Géborand, lequel avait gagné deux millions à fabriquer de gros draps, des serges, des cadis et des gasquets. De sa vie M. Géborand n’avait fait l’aumône à un malheureux. À partir de ce sermon, on remarqua qu’il donnait tous les dimanches un sou aux vieilles mendiantes du portail de la cathédrale. Elles étaient six à se partager cela. Un jour, l’évêque le vit faisant sa charité et dit à sa sœur avec un sourire : — Voilà monsieur Géborand qui achète pour un sou de paradis.

Quand il s’agissait de charité, il ne se rebutait pas même devant un refus, et il trouvait alors des mots qui faisaient réfléchir. Une fois, il quêtait pour les pauvres dans un salon de la ville ; il y avait là le marquis de Champtercier, vieux, riche, avare, lequel trouvait moyen d’être tout ensemble ultra-royaliste et ultra-voltairien. Cette variété a existé. L’évêque, arrivé à lui, lui toucha le bras : — Monsieur le marquis, il faut que vous me donniez quelque chose. Le marquis se retourna, et répondit sèchement : — Monseigneur, j’ai mes pauvres. — Donnez-les-moi, dit l’évêque.

Un jour, dans la cathédrale, il fit ce sermon :

« Mes très chers frères, mes bons amis, il y a en France treize cent vingt mille maisons de paysans qui n’ont que trois ouvertures, dix-huit cent dix-sept mille qui ont deux ouvertures, la porte et une fenêtre, et enfin trois cent quarante mille cabanes qui n’ont qu’une ouverture, la porte. Et cela, à cause d’une chose qu’on appelle l’impôt des portes et fenêtres. Mettez-moi de pauvres familles, des vieilles femmes, des petits enfants, dans ces logis-là, et voyez les fièvres et les maladies ! Hélas ! Dieu donne l’air aux hommes, la loi le leur vend. Je n’accuse pas la loi, mais je bénis Dieu. Dans l’Isère, dans le Var, dans les deux Alpes, les hautes et les basses, les paysans n’ont pas même de brouettes, ils transportent les engrais à dos d’hommes ; ils n’ont pas de chandelles, et ils brûlent des bâtons résineux et des bouts de corde trempés dans la poix résine. C’est comme cela dans tout le pays haut du Dauphiné. Ils font le pain pour six mois, ils le font cuire avec de la bouse de vache séchée. L’hiver, ils cassent ce pain à coups de hache et ils le font tremper dans l’eau vingt-quatre heures pour pouvoir le manger. — Mes frères, ayez pitié ! voyez comme on souffre autour de vous. »

Né provençal, il s’était facilement familiarisé avec tous les patois du midi. Il disait : — Eh bé ! moussu, sès sagé ? comme dans le bas Languedoc. — Onté anaras passa ? comme dans les basses Alpes. — Puerte un bouen moutou embe un bouen froumage grase, comme dans le haut Dauphiné. Ceci plaisait beaucoup au peuple et n’avait pas peu contribué à lui donner accès près de tous les esprits. Il était dans la chaumière et dans la montagne comme chez lui. Il savait dire les choses les plus grandes dans les idiomes les plus vulgaires. Parlant toutes les langues, il entrait dans toutes les âmes.

Du reste, il était le même pour les gens du monde et pour les gens du peuple.

Il ne condamnait rien hâtivement, et sans tenir compte des circonstances. Il disait : Voyons le chemin par où la faute a passé.

Étant, comme il se qualifiait lui-même en souriant, un ex-pécheur, il n’avait aucun des escarpements du rigorisme, et il professait assez haut, et sans le froncement de sourcil des vertueux féroces, une doctrine qu’on pourrait résumer à peu près ainsi :

« L’homme a sur lui la chair, qui est tout à la fois son fardeau et sa tentation. Il la traîne et lui cède.

« Il doit la surveiller, la contenir, la réprimer, et ne lui obéir qu’à la dernière extrémité. Dans cette obéissance-là, il peut encore y avoir de la faute ; mais la faute, ainsi faite, est vénielle. C’est une chute, mais une chute sur les genoux, qui peut s’achever en prière.

« Être un saint, c’est l’exception ; être un juste, c’est la règle. Errez, défaillez, péchez, mais soyez des justes.

« Le moins de péché possible, c’est la loi de l’homme. Pas de péché du tout est le rêve de l’ange. Tout ce qui est terrestre est soumis au péché. Le péché est une gravitation. »

Quand il voyait tout le monde crier bien fort et s’indigner bien vite : — « Oh ! oh ! disait-il en souriant, il y a apparence que ceci est un gros crime que tout le monde commet. Voilà les hypocrisies effarées qui se dépêchent de protester et de se mettre à couvert. »

Il était indulgent pour les femmes et les pauvres sur qui pèse le poids de la société humaine. Il disait : — Les fautes des femmes, des enfants, des serviteurs, des faibles, des indigents et des ignorants sont la faute des maris, des pères, des maîtres, des forts, des riches et des savants.

Il disait encore : — À ceux qui ignorent, enseignez-leur le plus de choses que vous pourrez ; la société est coupable de ne pas donner l’instruction gratis : elle répond de la nuit qu’elle produit. Cette âme est pleine d’ombre, le péché s’y commet. Le coupable n’est pas celui qui fait le péché, mais celui qui fait l’ombre.

Comme on voit, il avait une manière étrange et à lui de juger les choses. Je soupçonne qu’il avait pris cela dans l’évangile.

Il entendit un jour conter dans un salon un procès criminel qu’on instruisait et qu’on allait juger. Un misérable homme, par amour pour une femme et pour l’enfant qu’il avait d’elle, à bout de ressources, avait fait de la fausse monnaie. La fausse monnaie était encore punie de mort à cette époque. La femme avait été arrêtée émettant la première pièce fausse fabriquée par l’homme. On la tenait, mais on n’avait de preuves que contre elle. Elle seule pouvait charger son amant et le perdre en avouant. Elle nia. On insista. Elle s’obstina à nier. Sur ce, le procureur du roi avait eu une idée. Il avait supposé une infidélité de l’amant, et était parvenu, avec des fragments de lettres savamment présentés, à persuader à la malheureuse qu’elle avait une rivale et que cet homme la trompait. Alors, exaspérée de jalousie, elle avait dénoncé son amant, tout avoué, tout prouvé. L’homme était perdu. Il allait être prochainement jugé à Aix avec sa complice. On racontait le fait, et chacun s’extasiait sur l’habileté du magistrat. En mettant la jalousie en jeu, il avait fait jaillir la vérité par la colère, il avait fait sortir la justice de la vengeance. L’évêque écoutait tout cela en silence. Quand ce fut fini, il demanda :

— Où jugera-t-on cet homme et cette femme ?

— À la cour d’assises.

Il reprit : — Et où jugera-t-on monsieur le procureur du roi ?

Il arriva à Digne une aventure tragique. Un homme fut condamné à mort pour meurtre. C’était un malheureux pas tout à fait lettré, pas tout à fait ignorant, qui avait été bateleur dans les foires et écrivain public. Le procès occupa beaucoup la ville. La veille du jour fixé pour l’exécution du condamné, l’aumônier de la prison tomba malade. Il fallait un prêtre pour assister le patient à ses derniers moments. On alla chercher le curé. Il paraît qu’il refusa, en disant : Cela ne me regarde pas. Je n’ai que faire de cette corvée et de ce saltimbanque ; moi aussi je suis malade ; d’ailleurs ce n’est pas là ma place. On rapporta cette réponse à l’évêque qui dit : — Monsieur le curé a raison. Ce n’est pas sa place, c’est la mienne.

Il alla sur le champ à la prison, il descendit au cabanon du « saltimbanque » ; il l’appela par son nom, lui prit la main et lui parla. Il passa toute la journée auprès de lui, oubliant la nourriture et le sommeil, priant Dieu pour l’âme du condamné et priant le condamné pour la sienne propre. Il lui dit les meilleures vérités, qui sont les plus simples. Il fut père, frère, ami, évêque pour bénir seulement. Il lui enseigna tout, en le rassurant et en le consolant. Cet homme allait mourir désespéré. La mort était pour lui comme un abîme. Debout et frémissant sur ce seuil lugubre, il reculait avec horreur. Il n’était pas assez ignorant pour être absolument indifférent. Sa condamnation, secousse profonde, avait en quelque sorte rompu çà et là autour de lui cette cloison qui nous sépare du mystère des choses et que nous appelons la vie. Il regardait sans cesse au-dehors de ce monde par ces brèches fatales, et ne voyait que des ténèbres. L’évêque lui fit voir une clarté.

Le lendemain, quand on vint chercher le malheureux, l’évêque était là. Il le suivit et se montra aux yeux de la foule en camail violet et avec sa croix épiscopale au cou, côte à côte avec ce misérable lié de cordes.

Il monta sur la charrette avec lui, il monta sur l’échafaud avec lui. Le patient, si morne et si accablé la veille, était rayonnant. Il sentait que son âme était réconciliée et il espérait Dieu. L’évêque l’embrassa, et, au moment où le couteau allait tomber, il lui dit : « — Celui que l’homme tue, Dieu le ressuscite ; celui que les frères chassent retrouve le Père. Priez, croyez, entrez dans la vie ! le Père est là. » Quand il redescendit de l’échafaud, il avait quelque chose dans son regard qui fit ranger le peuple. On ne savait ce qui était le plus admirable de sa pâleur ou de sa sérénité. En rentrant à cet humble logis, qu’il appelait en souriant son palais, il dit à sa sœur : Je viens d’officier pontificalement.

Comme les choses les plus sublimes sont souvent aussi les moins comprises, il y eut dans la ville des gens qui dirent, en commentant cette conduite de l’évêque : C’est de l’affectation. Ceci ne fut du reste qu’un propos de salons. Le peuple, qui n’entend pas malice aux actions saintes, fut attendri et admira.

Quant à l’évêque, avoir vu la guillotine fut pour lui un choc, et il fut longtemps à s’en remettre.

L’échafaud, en effet, quand il est là, dressé et debout, a quelque chose qui hallucine. On peut avoir une certaine indifférence sur la peine de mort, ne point se prononcer, dire oui et non, tant qu’on n’a pas vu de ses yeux une guillotine ; mais, si l’on en rencontre une, la secousse est violente, il faut se décider et prendre parti pour ou contre. Les uns admirent, comme de Mariste ; les autres exècrent, comme Beccaria. La guillotine est la concrétion de la loi ; elle se nomme vindicte ; elle n’est pas neutre, et ne vous permet pas de rester neutre. Qui l’aperçoit frissonne du plus mystérieux des frissons. Toutes les questions sociales dressent autour de ce couperet leur point d’interrogation. L’échafaud est vision. L’échafaud n’est pas une charpente, l’échafaud n’est pas une machine, l’échafaud n’est pas une mécanique inerte faite de bois, de fer et de cordes. Il semble que ce soit une sorte d’être qui a je ne sais quelle sombre initiative ; on dirait que cette charpente voit, que cette machine entend, que cette mécanique comprend, que ce bois, ce fer et ces cordes veulent. Dans la rêverie affreuse où sa présence jette l’âme, l’échafaud apparaît terrible et se mêlant de ce qu’il fait. L’échafaud est le complice du bourreau ; il dévore ; il mange de la chair, il boit du sang. L’échafaud est une sorte de monstre fabriqué par le juge et par le charpentier, un spectre qui semble vivre d’une espèce de vie épouvantable faite de toute la mort qu’il a donnée.

Aussi l’impression fut-elle horrible et profonde ; le lendemain de l’exécution et beaucoup de jours encore après, l’évêque parut accablé. La sérénité presque violente du moment funèbre avait disparu ; le fantôme de la justice sociale l’obsédait. Lui qui d’ordinaire revenait de toutes ses actions avec une satisfaction si rayonnante, il semblait qu’il se fît un reproche. Par moments, il se parlait à lui-même, et bégayait à demi-voix des monologues lugubres. En voici un que sa sœur entendit un soir et recueillit : — Je ne croyais pas que cela fût si monstrueux. C’est un tort de s’absorber dans la loi divine au point de ne plus s’apercevoir de la loi humaine. La mort n’appartient qu’à Dieu. De quel droit les hommes touchent-ils à cette chose inconnue ?

Avec le temps, ces impressions s’atténuèrent, et probablement s’effacèrent. Cependant on remarqua que l’évêque évitait désormais de passer sur la place des exécutions.

On pouvait appeler M. Myriel à toute heure au chevet des malades et des mourants. Il n’ignorait pas que là était son plus grand devoir et son plus grand travail. Les familles veuves ou orphelines n’avaient pas besoin de le demander, il arrivait de lui-même. Il savait s’asseoir et se taire de longues heures auprès de l’homme qui avait perdu la femme qu’il aimait, de la mère qui avait perdu son enfant. Comme il savait le moment de se taire, il savait aussi le moment de parler. Ô admirable consolateur ! il ne cherchait pas à effacer la douleur par l’oubli, mais à l’agrandir et à la dignifier par l’espérance. Il disait : — « Prenez garde à la façon dont vous vous tournez vers les morts. Ne songez pas à ce qui pourrit. Regardez fixement. Vous apercevrez la lueur vivante de votre mort bien-aimé au fond du ciel. » Il savait que la croyance est saine. Il cherchait à conseiller et à calmer l’homme désespéré en lui indiquant du doigt l’homme résigné, et à transformer la douleur qui regarde une fosse en lui montrant la douleur qui regarde une étoile.

V. QUE MONSEIGNEUR BIENVENU FAISAIT DURER TROP LONGTEMPS SES SOUTANES

La vie intérieure de M. Myriel était pleine des mêmes pensées que sa vie publique. Pour qui eût pu la voir de près, c’eût été un spectacle grave et charmant que cette pauvreté volontaire dans laquelle vivait M. l’évêque de Digne.

Comme tous les vieillards et comme la plupart des penseurs, il dormait peu. Ce court sommeil était profond. Le matin, il se recueillait pendant une heure, puis il disait sa messe, soit à la cathédrale, soit dans sa maison. Sa messe dite, il déjeunait d’un pain de seigle trempé dans le lait de ses vaches. Puis il travaillait.

Un évêque est un homme fort occupé ; il faut qu’il reçoive tous les jours le secrétaire de l’évêché, qui est d’ordinaire un chanoine, presque tous les jours ses grands-vicaires. Il a des congrégations à contrôler, des privilèges à donner, toute une librairie ecclésiastique à examiner, paroissiens, catéchismes diocésains, livres d’heures, etc., des mandements à écrire, des prédications à autoriser, des curés et des maires à mettre d’accord, une correspondance cléricale, une correspondance administrative, d’un côté l’état, de l’autre le saint-siège, mille affaires.

Le temps que lui laissaient ces mille affaires, et ses offices, et son bréviaire, il le donnait d’abord aux nécessiteux, aux malades et aux affligés ; le temps que les affligés, les malades et les nécessiteux lui laissaient, il le donnait au travail. Tantôt il bêchait dans son jardin, tantôt il lisait et écrivait. Il n’avait qu’un mot pour ces deux sortes de travail : il appelait cela jardiner. « L’esprit est un jardin », disait-il.

Vers midi, quand le temps était beau, il sortait et se promenait à pied dans la campagne ou dans la ville, entrant souvent dans les masures. On le voyait cheminer seul, tout à ses pensées, l’œil baissé, appuyé sur sa longue canne, vêtu de sa douillette violette ouatée et bien chaude, chaussé de bas violets dans de gros souliers, et coiffé de son chapeau plat qui laissait passer par ses trois cornes trois glands d’or à graine d’épinards.

C’était une fête partout où il paraissait. On eût dit que son passage avait quelque chose de réchauffant et de lumineux. Les enfants et les vieillards venaient sur le seuil des portes pour l’évêque comme pour le soleil. Il bénissait et on le bénissait. On montrait sa maison à quiconque avait besoin de quelque chose.

Çà et là, il s’arrêtait, parlait aux petits garçons et aux petites filles et souriait aux mères. Il visitait les pauvres tant qu’il avait de l’argent ; quand il n’en avait plus, il visitait les riches.

Comme il faisait durer ses soutanes beaucoup de temps, et qu’il ne voulait pas qu’on s’en aperçût, il ne sortait jamais dans la ville autrement qu’avec sa douillette violette. Cela le gênait un peu en été.

En rentrant il dînait. Le dîner ressemblait au déjeuner.

Le soir, à huit heures et demie, il soupait avec sa sœur, madame Magloire debout derrière eux et les servant à table. Rien de plus frugal que ce repas. Si pourtant l’évêque avait un de ses curés à souper, madame Magloire en profitait pour servir à monseigneur quelque poisson des lacs ou quelque fin gibier de la montagne. Tout curé était un prétexte à bon repas ; l’évêque se laissait faire. Hors de là, son ordinaire ne se composait guère que de légumes cuits dans l’eau et de soupe à l’huile. Aussi disait-on dans la ville : Quand l’évêque ne fait pas chère de curé, il fait chère de trappiste.

Après son souper, il causait pendant une demi-heure avec mademoiselle Baptistine et madame Magloire ; puis il rentrait dans sa chambre et se remettait à écrire, tantôt sur des feuilles volantes, tantôt sur la marge de quelque in-folio. Il était lettré et quelque peu savant. Il a laissé cinq ou six manuscrits assez curieux ; entre autres une dissertation sur le verset de la Genèse : Au commencement l’esprit de Dieu flottait sur les eaux. Il confronte avec ce verset trois textes ; le verset arabe qui dit : Les vents de Dieu soufflaient ; Flavius Josèphe qui dit :