Les ombres vagabondes - Laurent Grenier - E-Book

Les ombres vagabondes E-Book

Laurent Grenier

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Beschreibung

Inspiré de faits réels, "Les ombres vagabondes" nous entraîne dans les méandres d’une relation mère-fille marquée par la douleur et le sacrifice. Dans ce roman lyrique, Gabrielle, une quadragénaire désabusée par les épreuves de la vie, dissimule ses propres souffrances derrière un silence lourd, craignant de ternir l’image d’une mère aimante aux yeux de sa fille, Chloé. Persuadée que son éloignement est la seule solution pour protéger cet amour fragile, elle fait le choix déchirant de s’effacer, laissant Chloé, en pleine tourmente, affronter sa maladie. Dans cette lutte entre l’amour et le renoncement, ces deux âmes égarées trouveront-elles la force de se retrouver avant qu’il ne soit trop tard ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Laurent Grenier poursuit son chemin littéraire en solitaire après la parution de deux précédents ouvrages coécrits avec son père et publiés aux éditions Le Lys Bleu : "Les cahiers d’Enzo" en 2020 et "Aubert de Rouen" en 2022. Avec son ouvrage, "Les ombres vagabondes", inspiré par sa femme Marie, il s’engage dans une nouvelle entreprise.

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Seitenzahl: 291

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Laurent Grenier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les ombres vagabondes

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Laurent Grenier

ISBN : 979-10-422-4608-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À Marie, mon amour

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte.

Albert Cohen

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le voyage est-il une fuite, une curiosité, une quête ou un repli ? C’est lorsqu’on n’attend rien que tout arrive…

 

 

 

 

 

1

 

 

 

Antoine se love dans les bras de Morphée. De fortes turbulences secouent l’appareil, pas assez pour troubler son idylle…

Il dort de ce sommeil profond qui fait renaître au réveil. J’aimerais avoir cette chance…

Enfant, mon père m’appelait « son p’tit fantôme ». Chaque soir, quand arrivait l’heure du coucher, une énergie électrique m’envahissait. Aucun marchand de sable, moutons, berceuse ou gentils farfadets ne pouvait enrayer mon ardeur. Les paupières écarquillées, guidée par une irrésistible frénésie, je déambulais dans un dédale de couloirs imaginaires, m’égarais dans d’inextricables labyrinthes, aux confins de mondes extravagants.

 

***

 

Décidément, je préfère le plancher des vaches.

— Voulez-vous boire quelque chose ?
— Non merci.

L’hôtesse est vraiment charmante. J’ai toujours eu un faible pour les brunes… J’appréhende mes retrouvailles avec Laura… Elle râle quand je pars, me fait la gueule quand je rentre.

— On est où ? me demande Antoine en ouvrant un œil.
— Qu’est-ce que j’en sais mon pauvre, regarde par le hublot !
— Ha, ha ! elle est bonne !
— Rendors-toi, je te réveillerai en arrivant !

Sacré Antoine… J’ai bien aimé travailler en sa compagnie, mais il est temps pour lui de tirer sa révérence… Toutes ces années sur le terrain, ça use… Et puis la vie de famille en prend un coup… Il n’a pas vu grandir ses gosses…

Laura en veut un… pas moi ! Sur l’oreiller, j’ai eu la mauvaise idée de le laisser entendre que c’était possible… mais sur l’oreiller tout est possible. Je ne suis pas capable d’assumer cette responsabilité une fois de plus…

Vraiment, cette hôtesse a des yeux magnifiques… elle me tue ! J’espère que Richard a quelque chose pour moi. Je n’ai qu’une envie : repartir… Lisbonne, c’était bien, mais un peu court.

Ça y est, l’avion amorce la descente vers Paris… J’ai le trac.

 

 

 

 

 

2

 

 

 

Il est midi, le ciel s’est couvert. J’aime la grisaille, la fraîcheur et la pluie.

Je n’ai pas précisé l’heure de mon arrivée à Laura… Je vais filer chez moi, je la verrai demain… Idem pour Richard. De toute façon, on s’est déjà presque tout dit au téléphone, rien ne presse…

Cette fois, je ne dois pas manquer mon rendez-vous avec ma fille, elle ne me pardonnerait pas un autre impair. Je ne sais pas comment m’y prendre avec elle…

C’est ma faute. Je ne sais pas aimer… Laura me rabâche qu’il faut donner pour recevoir. On ne m’a pas appris.

 

***

 

Je longe les quais de Seine… Voilà maintenant plusieurs années que j’habite à Paris. J’aime cette ville. Mes voyages à l’étranger renforcent l’idée que c’est le plus bel endroit au monde. Laura et moi vivons ensemble depuis quatre ans. Enfin ! Elle chez elle et moi chez moi ! Jusqu’alors, cette façon de fonctionner nous convenait parfaitement, mais depuis quelques mois, mes trop nombreuses absences pèsent sur son moral. Elle s’est mise dans la tête que nous pourrions partager le même toit, le sien.

Avoir une vie de couple « classique » implique de supporter le quotidien et la promiscuité. La cohabitation suppose des compromis, des concessions, donc une privation de liberté ! Pourrais-je encore aller et venir à ma guise, faire ce que je veux, ce dont j’ai envie ?

Une péniche passe silencieusement, j’entends au loin un grondement sourd… À l’abri de la bruine, sous une arche du Pont-Neuf, des gars s’improvisent musiciens en tapant en cadence sur des bidons…

Ça me rappelle le rythme des tambourinaires de Bujumbura.

 

 

 

 

 

3

 

 

 

Qu’il est bon de retrouver son chez-soi !

J’habite dans le 1er arrondissement, sur l’île de la Cité, un appartement au quatrième et dernier étage. C’est petit, mais confortable.

Là-haut, c’est mon nid comme j’aime l’appeler. Mon refuge.

Il n’y vient jamais personne puisque j’ai le don de mettre les autres mal à l’aise ! On me dit « spéciale » parce que je suis très souvent mal dans ma peau ! Il est vrai que je suis une nature plutôt taiseuse, qui a toujours le sentiment d’être jugée. Je ne suis pourtant pas indifférente, j’ai juste un problème pour communiquer ! Plaire à tout prix est au-dessus de mes forces. Je ne sais pas faire semblant ! Cette propension qu’ont la plupart des gens à croire et à faire croire qu’ils sont heureux m’agace singulièrement ! Combien jouent la comédie, se mentent à eux-mêmes ? Je ne peux me résoudre à être comme l’on voudrait que je sois.

 

Je déferai ma valise plus tard.

Je vais passer par le square de la Place-Dauphine avant de retrouver Chloé, j’aime tellement cet endroit… À Paris, il y a bien des lieux à découvrir. Si l’on connaît les chemins de traverse, c’est un régal.

Je n’arrive pas à faire passer cette boule que j’ai dans l’estomac… Ma fille veut que je lui parle… mais je n’ai pas les mots.

 

***

 

Elle est assise au fond de la brasserie.

— Salut, tu es en retard !
— J’ai pris par les jardins, c’est plus sympa. Tu as l’air en forme ?

Elle semble irritée. Je prends un air faussement décontracté.

— Ça va ?
— Ça va, ça va ! On pourrait se voir ailleurs que dans les bars quand même, quand est-ce que tu m’invites chez toi ?
— On est aussi bien ici, non ?
— Peut-être, mais j’aimerais bien savoir où tu vis quand même !
— Ça finira par arriver, je n’ai jamais beaucoup de temps, tu sais, le boulot !
— Quel rapport avec le boulot qu’on aille chez toi ou pas ? À chaque fois, c’est la même chose, la même rengaine. Tu n’as que ce mot-là à la bouche… le boulot, le boulot ! Et moi dans tout ça, tu ne m’écoutes pas, tu ne penses qu’à toi ! On fait toujours comme toi, tu décides, c’est vrai quoi ! Franchement, ça me saoule ! Tu me saoules… Tu sais quoi, j’me tire, voilà ! T’avais qu’à être à l’heure ! Salut !

Furieuse, Chloé se lève d’un bond.

— Attends !

Maladroitement en voulant la retenir, j’accroche la lanière de son sac dont le contenu se répand sous les tables.

— Putain ! mais c’est pas vrai, tu le fais exprès ou quoi ? T’es vraiment nulle !

Elle entasse ses affaires, pêle-mêle dans son sac, se relève.

— Chloé, excuse-moi, reste s’il te plaît !
— Salut !

Je reste plantée comme une idiote. Encore une occasion manquée. Gaby t’a déconné, vraiment t’en loupes pas une !

 

***

 

Toute la soirée, j’ai essayé de la joindre sur son portable. Rien à faire. Son père, que j’ai eu un peu plus tard au téléphone m’a dit qu’elle était très en colère contre moi. Ça, je l’avais deviné !

Ah ! Denis ! Je ne sais pas comment j’ai fait pour avoir une môme avec elle… Enfin si, je sais ! J’avais à peine dix-huit ans, je passais ma licence de langues étrangères. Ce n’était pourtant pas un foudre de guerre et pour moi, c’était la première fois… Franchement pas de bol ! Je ne rêvais que de voyages, d’aventures, et je me suis retrouvée en cloque ! Quand je m’en suis rendu compte, il était trop tard… J’ai fait face pendant deux ans pour avoir bonne conscience, deux années à supporter ce que je ne voulais absolument pas vivre. Un matin de trop, j’ai craqué, j’ai pris mes affaires et suis partie en les laissant tous les deux…

Depuis que Chloé et moi avons repris contact, mes retours de voyages sont encore plus compliqués. Je dois assumer mes actes et ses conséquences. Malheureusement, je souffre d’une inaptitude totale à les gérer.

Demain, j’irai voir Richard, je crois qu’il y a un pot de prévu à la rédaction pour le départ en retraite d’Antoine. Je me demande bien qui va le remplacer.

 

 

 

 

 

4

 

 

 

La journée s’annonce chargée. J’essaierai de rappeler Chloé plus tard. D’abord, Laura. Richard m’a dit qu’une surprise m’attendait. J’espère qu’elle sera bonne. Je m’attends à tout avec lui…

Il fait bon, je vais marcher et prendre par la promenade. La voie piétonne va jusqu’au centre et rejoint le quartier Notre-Dame. C’est par là que Laura réside, vers l’ancienne rue des Chanoinesses.

Il y a une légende qui raconte que dans cette rue à une certaine époque, Cabard et Miquelon, l’un barbier, l’autre pâtissier, avaient organisé un commerce bien lucratif. Le premier égorgeait de jeunes étudiants, le second en faisait du pâté… Pas très ragoûtant !

C’était, il y a fort longtemps, si cela est vrai !

 

***

 

Finalement, je vais passer voir Richard. Après tout, Laura peut attendre, je resterai avec elle ce soir… enfin si elle est disposée !

La rue Monge où se trouvent les bureaux n’est pas si loin… Je continue ma balade à pied. J’en profite. Je n’ai pas de voiture. À Paris, ce n’est pas nécessaire… trop compliqué. Les transports en commun et les taxis me suffisent. Je prends le temps de m’asseoir sur un banc, j’aime observer les gens dans la rue.

Déjà neuf heures. Richard m’attend.

 

***

 

— Entrez !
— Salut mon gros ! dis-je en passant la tête dans l’encadrement de la porte du bureau.
— Gaby ! Comment vas-tu ? Je t’ai déjà dit qu’on ne disait pas gros, mais enveloppé !

Il se lève et on se tombe dans les bras. Enfin, plutôt moi dans les siens… car je suis loin de pouvoir faire le tour de sa taille.

Richard est mon rédacteur en chef. Il est comme un père pour moi. C’est lui qui m’a permis de commencer le métier de reporter. Je sortais de l’institut de journalisme. Après un stage d’été, il m’a embauchée comme pigiste. Puis de permanente, je suis devenue titulaire. Je lui dois beaucoup. Il m’a tout appris. Il est d’une générosité incroyable. C’est la seule personne avec qui je suis à peu près moi-même, je ne sais pas pourquoi ? Peut-être parce qu’il est complètement décomplexé… Ce qu’on pense de lui, il s’en fiche…

— Alors, Lisbonne ? dit-il en mordant dans son burger.
— Tu as lu mon article ?
— Ouais, pas mal ! Ça manque un peu de piquant à mon goût !
— Toi et tes épices, tu auras des problèmes un jour ! dis-je en m’esclaffant.
— Ouais, mourir de ça ou d’autre chose !
— C’est quand le pot d’Antoine ?
— Demain. D’ailleurs à ce sujet, je voulais te parler de son remplaçant. Oh, merde ! Quel idiot ! j’ai fait une tâche sur ma cravate, attends-moi une minute, je reviens !

Je suis vraiment impatiente de savoir qui sera mon nouveau binôme ! Douze ans que je travaillais avec Antoine. Les photos sur les murs me rappellent de sacrés souvenirs ! Celle-ci en 2011 au Soudan, et celle-là en 2009. Quelle horreur ! On a beaucoup parlé du Rwanda à l’époque, mais au Burundi, nous y étions, Antoine et moi. Il fallait avoir le cœur bien accroché ! Le mot d’ordre, c’était de bien respecter les règles de sécurité et de rester à sa place tout en étant au plus près de l’action… Antoine était bon pour se faufiler partout ! Un vrai serpent ! J’ai beaucoup appris avec lui aussi.

 

— Voilà, ni vu ni connu ! dit Richard en entrant dans le bureau.
— Quand est-ce que tu vas te mettre au régime ?
— Quand les poules auront des dents… Bon, soyons sérieux deux minutes ! Je voulais te parler du remplaçant d’Antoine. D’un commun accord avec la direction, j’ai décidé de prendre quelqu’un en free-lance, de donner la chance à un jeune.
— Un jeune ? C’est ça, ta surprise ! Tu me balances quelqu’un d’inexpérimenté dans les pattes ?
— Ce n’est pas n’importe qui !
— Ah ! tu le connais ?
— Oui, c’est mon neveu.
— Et alors qu’est-ce que ça change ?
— Ça change, que je lui fais entièrement confiance. La même confiance que je t’ai accordée, il y a quatorze ans maintenant !

Ses yeux ronds me fixent, je ne peux que céder devant cet homme que je respecte.

— Tu crois vraiment que c’est le candidat idéal ?
— C’est un passionné. Il peut apporter un œil nouveau sur tes sujets. J’ai vu ses clichés, c’est vraiment original !
— Mais tu ne peux quand même pas l’envoyer tout de suite au casse-pipe ?
— Bien sûr que non. Ne t’inquiète pas, c’est un malin, qui n’a pas froid aux yeux, tu verras. Il va te plaire. Vous allez former une super équipe tous les deux, j’en suis sûr !
— Bon, si tu le dis. Quand est-ce que je le rencontre ?
— Je lui ai demandé de venir demain au pot d’Antoine, vous ferez connaissance !
— Ok Richard, c’est toi le boss.
— Ah, si j’étais le boss, mon petit, mon bureau serait deux fois plus grand, avec un bar et un frigo !
— Je te reconnais bien là, dis-je en souriant. Tu aurais aussi bien pu me parler de grosse bagnole ! Mais non, on revient toujours à la même chose, hein !
— Que veux-tu, mon ange, faut bien nourrir la bête ! dit-il en se frottant le ventre.

 

***

 

La pluie s’est remise à tomber. Un taxi me dépose dans une brasserie où j’aime aller. J’y ai mes petites habitudes. En buvant mon café, je repense à Richard et notre conversation. J’espère que cela va bien se passer avec son neveu… Il ne m’a même pas dit son nom !

 

***

 

Je savais que le départ d’Antoine me perturberait. Merde ! je n’ai vraiment pas envie de jouer les nounous !

En fait, je n’avais pas vingt-deux, mais vingt-quatre ans quand je suis partie la première fois sur le terrain ! Je venais d’être titularisée. Je m’en souviens, c’était au Niger, pour la signature des accords de paix entre les rebelles touareg et le gouvernement. Je n’avais pas encore été sous le feu, je n’en menais pas large. Heureusement, Antoine avait été rassurant et de bon conseil.

C’est à toi maintenant ma vieille de prendre un jeunot sous ton aile… Eh oui, c’est comme ça, la roue tourne ! Franchement, je ne m’en sens pas capable… Allez, allez, du calme Gaby, du calme… Tu verras ça quand ce sera le moment !

Ça y est, ça recommence… les palpitations, l’anxiété ! Il y a deux ans, j’ai chuté du haut d’un escalier en colimaçon à cause de ce genre de stress. Black out total ! Dans ces cas-là, la meilleure protection est de perdre connaissance. Je m’en suis tirée avec des contusions, une minerve, et la dent de devant cassée nette ! J’ai eu chaud, j’aurais pu finir paralysée. Finir ma vie dans un fauteuil, non merci ! Inconcevable ! Le dentiste qui s’est occupé de moi m’a parlé de possible crise catatonique. Une soi-disant manifestation de la schizophrénie. Je n’ai pas bien compris le rapport sur le moment, même s’il est vrai que j’ai des tocs et que je me parle à voix haute. Régulièrement dans ma tête, les éléments se déchaînent, passent du calme à la tempête. Mon arrière-arrière-grand-mère a fini dans un asile… J’y pense parfois.

Je respire fort, souffle, retrouve mon calme. De nouveau, j’entends le brouhaha tamisé de la brasserie, j’aime l’ambiance à cette heure-ci, je m’y sens bien quand il n’y a pas trop d’affluence. Allez ! un petit café et je vais retrouver Laura qui doit m’attendre même si elle ne l’avouera pas.

Dehors, le ciel continue de pleurer. Tant mieux. Je cours jusqu’à l’entrée de la station en abritant mes cheveux à l’aide d’une revue. Je vais encore friser comme un mouton. Tant pis.

Le métro n’est pas mon moyen de locomotion préféré. J’évite la plupart du temps. Dans ces tunnels oppressants, je ne peux m’empêcher d’y voir le va-et-vient incessant de bipèdes lobotomisés courant après le temps, fonçant vers le néant…

 

 

 

 

 

5

 

 

 

Enfin, le quartier Notre-Dame, je sonne à la porte. Personne ne répond. Mince ! elle n’est pas là. Ce n’est pas grave, j’ai les clés. Il y a une odeur terrible d’eau de javel dans les escaliers, la femme de ménage n’y est pas allée de main morte !

Vraiment, je ne comprends pas, comment une fille aussi féminine, peut être aussi désordonnée ! Ce n’est pas que c’est sale, non ! Mais l’appartement est sens dessus dessous. Y en a partout ! Je pose mon sac, relève mes manches… mets une machine en route, attaque le repassage.

Ça me détend !

Laura est comme ça. Une tête en l’air dans un corps bien fait. Une beauté singulière qui lui vient de ses origines créoles. Rien ne sert de courir ! dit-elle sans cesse. Jamais inquiète ! C’est probablement sa désinvolture qui m’a attirée la première fois. Sa façon de danser… Elle avait les yeux fermés, les mouvements de son corps dégageaient une sensualité discrète. À travers sa robe moulante, j’imaginais le galbe de ses courbes, la douceur de sa peau… Vendeuse en lingerie fine, elle passe son temps libre à courir les boutiques à la recherche des meilleures affaires. Une femme dans toute sa splendeur !

Voilà, j’ai fini. J’espère qu’elle se sera levée du bon pied, qu’on passe un bon moment !

Les CD s’entassent sur ses étagères. Nous n’avons vraiment pas les mêmes goûts en matière de musique. Heureusement, j’ai toujours mon MP3 sur moi pour écouter ce que j’aime, Pink Floyd, Lana Del Rey, Nirvana… Toutes les années de ma petite enfance ont été bercées par le son du groupe Queen, que mon père adorait. Du coup, je suis devenue fan absolue. Même s’il n’est plus, dès que la voix de Freddie Mercury s’élève vers le ciel, je sais qu’il est là près de moi…

 

***

 

Dix-sept heures déjà ! J’ai piqué du nez… Laura n’est toujours pas là. Peut-être que je pourrais lui préparer quelque chose à manger ? Qu’est-ce qu’il t’arrive Gaby, toi la piètre cuisinière ! Aurais-tu des choses à te faire pardonner ? Mais non, voyons, arrête ! C’est juste pour lui faire plaisir, c’est tout ! Laisse-moi !

L’intérieur du frigo est à l’image de l’appartement, bordélique ! Tout est mélangé, il y a des dates périmées. Pommes de terre, œufs, fromage, poivrons… et bah voilà, je vais lui préparer une tortilla à ma façon ! J’espère que ce sera une bonne surprise pour elle ? J’ai toujours une appréhension ! Logiquement, avoir quelqu’un dans sa vie doit être rassurant ! Ce n’est pas le cas pourtant… Ma mère s’est conduite comme une garce avec mon père… Comment pourrais-je ne pas craindre de m’engager ? Du coup, je suis sur la réserve, garde mes distances, pour ne pas souffrir… ni faire souffrir.

C’est mon téléphone qui sonne ? Où j’ai mis mon sac ? Cela doit être Laura…

— Allô ?
— Gabrielle ?
— Ha ! c’est toi grand-mère, comment vas-tu ? Désolée, j’ai complètement oublié de vous appeler… Oui, tout va bien… Vous aussi ? Bon, d’accord… Oui ! C’est promis, je passerai vous voir avant de repartir, je te rappelle… je vous embrasse… bye !

Josiane et Lucien, mes chers grands-parents, eux sont l’exception qui confirme la règle ! Ils représentent le couple idéal, mon image d’Épinal.

À la mort de mon père, ma mère m’a ignorée… abandonnée. Ils m’ont recueillie, se sont occupés de moi. J’irai les voir la semaine prochaine, sans faute !

Mais qu’est-ce qu’elle fout Laura ? J’aurais dû la prévenir que je venais… J’entends des bruits de pas dans l’escalier, la clé dans la serrure. Je gueule : « C’est ouvert ! » Elle apparaît dans l’entrée. Son ensemble fleuri met son teint métissé en valeur. Un grand sourire éclaire son visage tandis qu’elle dépose ses sacs aux logos des grandes marques.

J’ai de la chance, elle a l’air d’être de bonne humeur ! D’une démarche féline, elle se dirige vers moi, les yeux pétillants.

— J’ai fait du shopping.
— Je vois, je vois…

Nous nous enlaçons timidement comme deux adolescentes qui se découvrent.

— Tu as faim ? dis-je tout heureuse de lui annoncer que j’ai préparé à dîner.
— Oui, un peu.

Quelques mots troublent nos longs silences. Le temps de s’apprivoiser à nouveau. Je ne veux pas la brusquer comme il m’est arrivé de le faire quelques fois. Ne pas lui dire tout de suite que je repars d’ici dix jours… L’ambiance est détendue, profitons du moment !

 

***

 

Je m’habille et sors discrètement de la chambre. Laura sait que j’aime me lever tôt. C’est jour de marché dans le quartier. Les marchands installent leurs stands dans le petit matin brumeux. Je laisse un mot sur la table de la cuisine à côté de son bol. J’ai des choses à faire, des notes à mettre au propre…

 

***

 

Pour me rendre au pot de départ d’Antoine, je fais un détour par le Jardin des Plantes. J’aime ces îlots de verdure en pleine ville, ils me rassurent, me permettent de faire le plein d’oxygène. J’ai toujours une grande appréhension de me retrouver dans la cohue, l’excitation et le bruit. L’idée de perdre la tête me terrifie…

Adolescente, j’ai tenté de mettre fin à mes jours. À cette période, je ne me trouvais déjà pas particulièrement belle ni intéressante, les garçons m’ignoraient. J’étais torturée par des questions sans réponses… je ne comprenais pas pourquoi mon père s’était autant accroché à ma mère, ce monstre sans cœur ! Je pestais contre tout, ruminais une violente colère, trimballais une rage qui me faisait détester la terre entière.

Un jour d’absolue inconscience, je me suis rendue au cabanon du jardin de mon grand-père là où il faisait ses confitures. Je m’y suis enfermée, j’ai tout calfeutré, et j’ai ouvert la valve de la bouteille de gaz…

Inquiet de ne pas me voir rentrer, Lucien a eu un pressentiment, s’est précipité à la cabane où il m’a trouvée, inanimée. Pendant longtemps, j’ai été partagée par un double sentiment. Je ne savais pas, si je devais lui en vouloir ou le remercier de m’avoir sauvée. Il m’a avoué par la suite ne pas savoir comment lui était venue l’idée de se précipiter au cabanon. C’était un endroit où je n’allais jamais. Quelques semaines plus tard, j’ai obtenu mon bac lettres et philo.

À l’aube de la quarantaine, je ne sais pas comment je vais… Je m’accroche à mon métier, peut-être un peu trop sans doute.

 

 

 

 

 

6

 

 

 

Toute la rédaction est là. Je m’en doutais. Antoine est une personne sympathique, très appréciée. Richard est au fond de la salle. Il lève la main, me fait signe de le rejoindre. Une bonne inspiration, et je me jette dans la fosse aux lions. Le temps de saluer les uns, les autres, et le tournis me gagne…

— Salut cocotte ! Ça ne va pas, tu es toute pâle ?
— Borderline Richard… on peut sortir dans le couloir s’il te plaît ?

Il me prend par le bras, me soutient jusqu’à la porte. Je suis à deux doigts de tomber dans les pommes… c’est à chaque fois la même chose. La chaleur, le monde. Les émotions me submergent j’étouffe…

À l’instar d’une actrice qui devient une autre dès lors qu’elle entend « Moteur », ce genre de malaise n’arrive jamais lorsque je suis en mode reportrice.

— Ça va mieux ? me demande Richard, qui n’en est pas à mon premier malaise.
— Merci, je sens que je remonte la pente ! Où est Antoine ? Je ne l’ai pas encore vu ?
— Oh ! Il est le héros ce soir… il trinque avec tout le monde. Avec tout ce qu’il a descendu, je crains que lui ait du mal à la remonter la pente ! me dit-il en s’esclaffant.
— Tu es bête ! Ton neveu est là ?
— Non, il n’est pas encore arrivé. Tu veux boire quelque chose ? Whisky, Gin… ?
— Sûrement pas, gros malin ! Apporte-moi un jus d’orange s’il te plaît. Merci.

Effectivement, Antoine est là, son verre à la main, qui fait le tour de l’assistance. Je crois que Richard a raison, on va sûrement le ramasser à la petite cuiller.

Il vient vers moi.

— Hey, Gaby, tu te caches ou quoi ? Viens trinquer, dis donc ?
— J’attends Richard, j’avais un peu chaud.
— Bon alors, c’est fini, nous deux ! On faisait une bonne équipe pourtant, hein ! Tu vas me manquer, tu sais ! On était comme un couple… En fait, j’ai p’tête passé plus de temps avec toi qu’avec ma femme hein, j’ai pas compté, mais c’est possible ? Heureusement que Jacqueline est pas jalouse… Remarque, j’étais p’tête pas ton genre ! Non ! Allez j’rigole ! En tous cas, moi j’dis qu’on a fait du bon boulot, ça, c’est sûr ! Hein, Richard, dis-le qu’on a fait du bon boulot !
— Oh, que oui ! On va te regretter, mais bon tu viendras nous rendre une petite visite de temps en temps… entre deux parties de pêche…
— Oh, non, dites-moi pas que vous m’avez offert un attirail à poissons, j’ai horreur de ça !

Le temps d’une gorgée, Antoine est déjà reparti au bar. Richard me fait signe que son neveu est arrivé. Je m’étais mise dans la tête que j’aurais à faire à un gamin dépourvu de charisme, mais je suis tout de suite conquise, par sa poignée de main ferme et engagée.

— Heureux de vous rencontrer… Mon oncle m’a beaucoup parlé de vous…
— En bien, j’espère ! dis-je sottement.

Il me regarde droit dans les yeux. Je ne sais pas quoi dire. Les siens sont d’un bleu azur. Il paraît avoir trente ans, tant il dégage de la maturité. Ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais. Je crois que je tenais absolument à avoir une impression négative. Peut-être qu’au fond j’étais jalouse de me rendre compte que mon tour était passé.

— Vous reprenez un verre ?
— Oui, merci. Un jus d’orange.

Une fois éloigné, Richard me demande :

— Alors, pas mal le gamin, non ?
— J’avoue que je suis surprise par son aplomb !
— Tu verras, c’est un bon gars… je suis convaincu que ça va aller !
— Tenez votre verre ! me dit Hugo, de retour.
— Merci, jeune homme, dis-je d’un ton légèrement agacé, mais je crois qu’il va falloir tout de suite cesser de me vouvoyer… j’ai l’air si vieille que ça ?

Il a un je-ne-sais-quoi de malicieux. Il me sourit, moqueur.

— Bon les enfants, je vous laisse faire plus ample connaissance, je retourne à l’abreuvoir, j’ai le gosier sec… réunion au bureau mercredi prochain à huit heures… OK ?
— OK Richard, on y sera ! dis-je en le saluant.

Si Hugo est aussi malin que le prétends son oncle, peut-être que je ne perdrai pas trop au change ! Si cela peut combler son manque d’expérience ! Fils unique, il n’a pas d’amoureuse pour le moment… J’ai l’impression que c’est important pour lui de me le dire. Tant mieux ! Il n’aura rien d’autre pas à penser qu’à son boulot. L’anxiété me gagne de nouveau, j’ai envie de partir, lui promet que nous aurons le temps de faire connaissance plus tard, rendez-vous mercredi au bureau. Je vais téléphoner à Laura, lui dire que je ne viendrai pas ce soir. Programme perso. Prendre un bon bain, puis un plateau-repas devant un film.

 

 

 

 

 

7

 

 

 

Trente-six années me séparent du jour de ma naissance. Il y a de nombreux points sur lesquels je pourrais m’attarder sur les inconvénients d’être du « sexe faible », la liste est longue ! D’autres diraient le « beau sexe », mais non, je n’aime pas ce corps de femme et tout ce que cela représente et suggère ! Mais être dans la peau d’un homme est-il plus enviable ? Vivre est un fardeau. Et vivre sans exister est pire encore ! Je veux dire par exister, ne pas seulement se contenter d’un travail, d’une maison, de gamins et partir en vacances, non ! Exister comme les grands Hommes. Penser, créer, apporter une pierre à l’édifice de l’humanité ! Pour bon nombre de personnes, la médiocrité de l’existence est une réalité. Combien souffrent de misère physique et morale ? Combien sont sans éducation, sans avenir ? Combien sont victimes de guerres, de pauvreté, et de maladies ! Pourquoi ? Dans ces conditions, à quoi cela sert-il de vivre, quel est le but ? Je fais partie de ces êtres insignifiants qui ne laisseront pas de traces. Au fond, peu importe que je sois un homme ou une femme, je ne fais que passer et je ne m’attarderai pas. L’idée du déclin du corps et de l’esprit m’est insupportable. Vieillir, pour arriver à quoi finalement ? Attendre d’être décrépie et gâteuse au point de perdre la tête, et toute considération ? Autant partir en pleine conscience et en bonne santé ! On ne choisit pas de naître, mais on peut décider de sa fin. Je ne crains pas la mort.

Encore là messagerie ! Chloé ne m’a toujours pas rappelée… Quelle tête de mule !

Il fait bon dehors… J’ai envie de prendre la route, de mettre la musique à fond… Allez Stop Gaby ! Arrête de cogiter, tu as trois jours devant toi, va voir tes grands-parents, ça fait au moins huit mois que tu n’es pas allée à St Nazaire ! Tu as raison, je leur ai promis ! Je suis contente de les revoir. Mais Laura ? Que va dire Laura ? Elle va être furieuse encore une fois ? Tant pis, tu lui laisseras un message ! T’en fais pas pour ça !

 

Le temps passe, mon grand-père vieillit. Il est affligé, rongé par je ne sais quels remords. Le monde dans lequel il vit lui fait peur. Il cherche des raisons pour excuser les Hommes de tous les malheurs qui les accablent : « Ils sont ce qu’ils sont, dit-il, on n’y peut rien. On n’est pas toujours responsable de ce qui nous arrive, de qui on est, de ce qu’on fait ! » Peut-être se parle-t-il à lui-même en essayant de comprendre pourquoi à dix-huit ans, sa fille est partie sans un mot. Je crois qu’ils ne se sont jamais revus. Sa souffrance est grande. Josiane à sa manière traîne aussi cette douleur, mais ne laisse rien paraître. Ils m’ont tout donné pendant les huit années où j’ai vécu chez eux. Je leur dois beaucoup.

 

***

 

J’ai loué une voiture puissante et confortable, tant qu’à faire. J’appuie sur le champignon, elle a du répondant, au diable les radars. J’aime la vitesse quand c’est moi qui conduis…

Je me sens exaltée en revenant sur les lieux de mon enfance, l’émotion me gagne à chaque fois. Ça me fait toujours plaisir de retrouver le quartier résidentiel, le bord de mer. Ces endroits me rappellent tant de choses. La maison n’a pas changé. Si ! Le portail est nouveau. L’ancien ne fermait plus.

César vient m’accueillir. Il a la démarche d’un chien usé par le temps, n’a plus la force d’aboyer pour exprimer sa joie. Les bêtes, comme les Hommes, vieillissent…

Lucien a entendu le bruit du moteur et sort à ma rencontre. Ses épaules sont voûtées, ses cheveux, blancs. Pourtant, il a toujours le même regard caressant de mon enfance, des larmes perlent sur ses joues… Immédiatement, il m’entoure de son affection, me demande si je vais bien, si je ne suis pas trop fatiguée par la route, si je veux boire quelque chose…

Josiane est là, aussi. Elle ne dit rien, mais ouvre ses bras et je me précipite pour la serrer contre moi. Être une mère c’est nourrir son enfant, l’habiller, l’éduquer. Être maman, c’est le cajoler, l’embrasser l’aimer… Elle a été cette maman que je n’ai pas eue et que je ne sais pas être.

 

Je dépose mon bagage dans la petite chambre. Ici, le temps s’est arrêté. Le même décor, les mêmes odeurs qu’avant. Le bureau où je faisais mes devoirs est toujours là, piqué de coups de compas, marques de mes colères. Un sentiment de joie mêlé de tristesse s’empare de moi. Le passé a une odeur étrange, me pousse dehors, respirer le grand air.

Devant l’hôtel de la plage où ont été tournées les scènes des Vacances de M. Hulot, la statue de bronze de son héros scrute l’horizon. Une grande fierté pour les habitants de Saint-Marc-sur-Mer. Je crois avoir vu le film des dizaines de fois avec mon grand-père…

 

Tout de suite, l’oxygène fait son effet. Je me sens mieux. J’aime entendre le ressac de l’océan. Il m’apaise. La côte est magnifique, sableuse par moment, rocheuse à d’autres. Une succession de pointes et de falaises entrecoupées de criques cachent de petites plages où nous allions nous baigner mes grands-parents et moi. Cet endroit me réconforte. Je pourrais marcher pendant des heures sans ne penser à rien. Oublier, Paris, et les autres… J’ai promis à Laura de l’amener ici un jour. Mais je ne l’ai toujours pas fait. Comme si je voulais garder pour moi, ce jardin secret. Il est temps que je rentre…

Ça sent bon dans la cuisine. Josiane a mis les petits plats dans les grands. C’est son plaisir. Sur le buffet de la salle à manger, il y a des photos de moi, gamine. Je souris et pourtant il y a quelque chose de triste sur ce visage enfantin. On ne distingue pas ce qu’il y a autour tellement mon regard attire l’objectif. Une terrible solitude se lit dans la profondeur de mes yeux noirs.

Tout en haut, derrière une série de mesures en étain, se cache un petit cadre. Un homme et une femme tiennent une fillette par la main. Je reconnais mes grands-parents et leur fille… Ma mère.

 

***

 

Je m’en doutais. Laura a rappelé, vexée. Comment lui expliquer ? Je fonctionne comme ça… À l’envie. Elle le sait pourtant ! Elle m’a traitée d’égoïste… J’assume.