Les Wizards: L'intégral - Ben Chevalier - E-Book

Les Wizards: L'intégral E-Book

Ben Chevalier

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Beschreibung

Contraint de rejoindre une Académie de magie pour apprendre à contrôler ses pouvoirs, Killian se retrouve loin de sa vie d'avant pour affronter cette épreuve. Cette organisation deviendra le bouclier qui protège l'humanité et changera la vie de bien des magiciens... Voyageant à travers le monde pour débusquer ses ennemis, il prendra peu à peu conscience de la beauté de la magie malgré les dangers qui se dressent face à lui. pourra-t-il, aidé de ses amis, briser le plus impitoyable complot que la Terre ait jamais connu?

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Seitenzahl: 1197

Veröffentlichungsjahr: 2020

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Remerciements

Ce n’est qu’une fois le travail terminé que l’on réalise l’ampleur de la tâche et le nombre de personnes qui ont participé, volontairement ou non, à la création d’un roman.

Pour commencer, merci à mes amis : Alexis, Armand, Guillaume, Nicolas, Sébastien, Michel, Michael et mon frère Antoine pour ces formidables nuits à faire des jeux de rôles. Ce fut la première pierre de la création, dans mon subconscient, des Wizards.

Merci à mes parents : ma mère qui en me laissant vivre mes passions a permis à mon esprit de créer le monde de Killian. Merci à mon père de m’avoir appris une chose importante dans la vie : « l’ambition d’un homme n’a d’égale que sa volonté et non l’inverse ».

Pour finir, merci à ma femme, Caroline, pour son soutien et son aide au quotidien. Pour m’avoir soutenu dans les épreuves et avoir transformé un rêve en réalité. Elle est mon Axelle… en mieux.

« Et, au premier jour, l’homme créa dieu… »

Sommaire

LIVRE 1: « L’enchanteur »

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Epilogue

LIVRE 2:« Princesses de l’Eau et de l’Ombre »

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Epilogue

LIVRE 3 : « La Furia et Le Dernier Divin »

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

LIVRE 1 « L’enchanteur »

Prologue

Tindarius regardait autour de lui. Une douzaine de mages, morts, gisaient à ses côtés. Il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en voyant la créature s’évertuer à sortir de sa nouvelle prison. Treize mages allaient mourir pour mettre fin à cette folie, car à n’en pas douter, sa fin était proche. Jamais il n’aurait pensé devoir utiliser autant d’énergie pour créer cette rune, la plus grande jamais invoquée. D’une vingtaine de mètres de diamètre, elle parcourait le sol sur un grand cercle de métal, formant ainsi une prison.

Ce qui perturba le plus Tindarius, c’était le silence. Voir cette créature titanesque frapper contre la barrière magique sans que cela ne fasse aucun bruit, un effet non prévu du sort, était à la fois ironique et apaisant. Un Malachor, créature d’un autre monde, échoué sur terre à cause d’un mage plus fou que les autres, avait décimé des milliers de vies. Mais sa quête de massacres s’arrêterait aujourd’hui.

Pour combien de temps ? La question le fit frissonner. Arrivera-t-elle un jour à se libérer ? Il ne restait pas beaucoup de temps à Tindarius pour un dernier prodige. Il planta son épée dans le sol et commença une incantation, simple et courte. Le Malachor se mit alors à « couler » lentement, comme dans des sables mouvants, ce qui ne fit que décupler la colère de la créature, la transformant en frénésie. Ce ne fut que lorsque la dernière griffe du monstre disparut sous la surface que le dernier mage encore en vie sur la terre tomba à genoux, du sang coulant de ses lèvres, son nez et ses yeux.

Il ne fut jamais aussi serein qu’au moment où la mort vint le chercher.

Chapitre 1

Killian rasait les murs pour aller à son travail. « Trop de monde, trop de monde » n’arrêtait-il pas de se répéter à lui-même. La rue était bondée de piétons, chose normale à huit heures du matin en plein centre-ville de Marseille. Il prit une profonde inspiration et traversa la rue, « vite, dépêche-toi » pensa-t-il mentalement. Jamais il n’avait été aussi stressé, même lorsque sa femme avait donné naissance à ses filles. Il allait devoir trouver une solution, ou de l’aide.

Cela faisait maintenant huit mois que la magie était revenue dans le monde. Voir la déchéance de toutes les croyances et religions que cette apparition avait provoquées l’avait beaucoup amusé au début. Pour un athée comme lui, ce n’était que justice. Croire en une force supérieure, tiens donc ! Les gens n’avaient-ils pas des yeux pour regarder ce que l’être humain était devenu ? Ce qu’il infligeait aux autres ? Aux animaux et à la nature ? Ne voyait-il pas les guerres et les massacres successifs, bien souvent perpétrés au nom de divers « Dieux » depuis des siècles ?

Depuis huit mois, des hommes et des femmes, partout dans le monde, de tous les âges, de toutes les classes sociales, développaient des capacités bien particulières. Les différents pays, grâce à leur gouvernement, leur dictature et autre moyen de contrôle, tentèrent de garder l’information secrète. Mais cela devint rapidement incontrôlable, les réseaux sociaux étant le grand ennemi du secret absolu.

La deuxième action fut de regrouper ces êtres à part dans des centres spécialisés, mais là aussi, les pays du monde entier connurent l’échec. La raison principale fut que nous n’étions pas dans un film d’Xmen. Etudier des êtres capables de faire monter la température d’une pièce à 2000 degrés ou de faire pousser un chêne sous un lit peut refroidir un grand nombre de scientifiques. La première chose que le monde apprit sur ces nouveaux mages fut que, dans les premiers mois suivant l’apparition de leurs pouvoirs, ils avaient beaucoup de mal à contrôler leurs émotions et, par conséquent, leur magie, déclenchant ainsi catastrophe sur catastrophe.

Les premiers mages proposèrent une solution : créer des académies où les mages seraient isolés et d’où ils ne pourraient sortir qu’une fois leurs capacités contrôlées. Depuis, lorsqu’un humain « découvrait ses pouvoirs », il devait informer l’académie la plus proche de chez lui. Puis cette personne disparaissait… La plupart n’en ressortaient jamais et pour ceux qui avaient la chance de revoir la lumière du jour, ils quittaient leur vie précédente, travail, famille, pour se consacrer au développement de leur académie.

Et maintenant, Killian ne plaisantait plus. En se levant la veille, il avait vu une…. Une quoi ? Une petite fée qui se dandinait sur sa cuillère et, à priori, ni sa femme ni l’une de ses trois filles ne pouvaient la voir. Puis elle avait disparu. Depuis, il en voyait régulièrement, sur un lustre, sur sa télévision et même sur le guidon de sa moto, ce qui lui fit tellement peur qu’il préféra prendre le bus pour se rendre à sa boutique. Axelle, sa femme, lui avait conseillé d’aller travailler normalement, faire comme si rien ne s’était passé et lui avait promis qu’ils chercheraient une solution plus tard. Ce qui l’inquiétait, c’était sa fille ainée qui s’était enfermée dans un farouche mutisme depuis qu’elle avait compris. Il faudrait qu’il lui parle dès ce soir.

Sa boutique était dans une petite ruelle proche du Vieux-Port. C’était un héritage de sa famille. Le local n’était pas vraiment lumineux, mais très grand. A l’époque, c’était un entrepôt pour du textile, mais Killian avait toujours aimé les objets anciens ou inhabituels et, à la mort de ses parents, il décida de créer « l’Anti Standard ! ». La plupart de ses amis avaient semblé sceptiques sur la réussite d’un tel concept.

Mais très rapidement, l’affaire eut du succès et Killian développa une vraie clientèle de néophytes, toujours à la recherche de cadeaux loufoques, de décoration vintage ou atypique pour leur logement. Il adorait son travail, pensa-t-il lorsqu’il souleva la grille et pénétra à l’intérieur. Ce bazar qu’il connaissait par cœur. Il parcourut l’entrepôt avec amour ce matin, touchant des objets par ici et par là, laissant son esprit vagabonder.

C’est en rentrant dans l’allée principale qu’il la vit pour la première fois : ce n’était pas une fée, elle était plus grande, comme une fille d’une dizaine d’années, mais avec un corps de femme. Comme les fées, elle était enveloppée d’une aura bleutée, rendant son contour flou, et elle ne produisait aucun son. Elle le regardait fixement, mais Killian était pétrifié, il songea qu’il ne pourrait jamais s’y faire.

- Bonjour ? lui dit-il le plus faiblement possible pour se donner un peu de courage.

Elle pencha la tête sur le côté et lui sourit, puis elle se retourna doucement sans le quitter du regard et commença à marcher lentement dans l’entrepôt, s’arrêtant quelques mètres plus loin.

- Tu veux que je te suive ? lui demanda-t-il en commençant à avancer. Elle sourit encore et lui fit signe que oui.

- Mais tu me comprends ? C’est super ! Ecoute, ne te vexe pas, mais j’adore ma vie et tout cela me perturbe énormément, tu ne pourrais pas faire ça ailleurs, ou choisir quelqu’un d’autre, vraiment, je ne veux pas tout perdre… s’il te plait.

La pression était tellement forte depuis vingt-quatre heures que cette toute petite phrase lui avait fait monter les larmes aux yeux.

L’apparition le regarda avec beaucoup de gentillesse, puis assez rapidement, se dirigea vers lui. Pour le coup, la panique l’envahit. Ce petit bout de femme éthérée se retrouva promptement à quelques centimètres de lui.

- OK, ne t’énerve pas.

Elle le regardait toujours gentiment et, sans prévenir, elle le prit dans ses bras. Killian se raidit de peur, mais rien d’autre ne se passa. Elle lui faisait un…câlin. Voilà, maintenant il faisait un câlin à une fée.

- Ça veut dire non, c’est ça ?

Elle leva la tête et lui fit un grand sourire.

- OK, dit-il d’un air résigné. Tu voulais me montrer quoi ?

Elle partit rapidement, elle ne marchait pas, mais elle virevoltait… elle avait l’air d’être de très bonne humeur et il faut bien admettre que cela était contagieux. Peut-être allait-il avoir des réponses ? Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi de cette façon-là ? Il était apaisant de réfléchir à ça, de se demander s’il y avait une vraie raison pour que ce soit lui ou si cela était un pur hasard.

La fée s’arrêta devant un joli meuble en bois sur lequel étaient accrochées trois épées que Killian avait rachetées à un vieux monsieur l’an dernier. Deux n’étaient que des armes de décoration, factices, mais assez jolies. La dernière devait être une épée assez ancienne, certainement une épée de type claymore, longue, utilisable à deux mains ou une seule pour quelqu’un de vraiment bien bâti.

Elle posa l’un de ses bras spectral sur cette dernière épée, amoureusement, fixant Killian. Il comprit instinctivement qu’elle cherchait à lui faire passer un message et tout naturellement, il décrocha l’épée. Elle était lourde, sacrément lourde…

Il avait peu de connaissances sur le sujet, mais se dit qu’il fallait vraiment être un colosse pour manier une telle arme, même à deux mains. Si seulement elle pouvait faire trois ou quatre kilos de moins tout en restant aussi solide, elle aurait été particulièrement dangereuse. D’ailleurs, une poignée légèrement plus longue aussi afin d’améliorer l’équilibrage n’aurait pas été un luxe pour son porteur.

Bref, cette arme était particulièrement banale. Si la fée voulait lui faire passer un message, elle n’avait pas choisi un objet très éloquent. A moins que… son analyse changea, l’arme n’était pas si lourde finalement et la garde était assez longue. Il songea qu’il n’était pas de bonne humeur ce matin et qu’il fallait vraiment qu’il arrête de tout voir en noir.

Killian reposa l’épée sur son socle et se tourna vers la fée. Il s’apprêtait à lui dire quelque chose, mais il resta interloqué : la petite fille n’était plus aussi petite, elle était aussi mieux proportionnée, ses membres étaient plus fins, mais paraissaient plus musclés, elle se regardait d’un air très satisfait. Tout à coup elle se précipita sur lui pour lui faire un nouveau câlin.

- Ne me dis pas que c’est moi, ce n’est pas possible, je n’ai rien fait !

Elle leva la tête et lui fit encore son grand sourire. Visiblement, il était bien responsable de son changement.

Pendant qu’il était perdu dans ses pensées, le corps de la fée s’évapora doucement, créant un petit nuage de fumée bleue qui s’introduisit à l’intérieur de la lame de l’épée.

- Bonjour ?

Killian se retourna vivement. Il aperçut quelqu’un à l’entrée de la boutique, pourtant il n’avait pas entendu la clochette.

- Bonjour, soyez le bienvenu à l’Anti Standard ! En quoi puis-je vous aider ?

L’homme avait la quarantaine, il portait un costume sombre avec une chemise grise. Il avait une barbe courte et bien taillée, une paire de lunettes rectangulaires. Il affichait une assurance naturelle.

- C’est bientôt l’anniversaire de mon fils et je cherche quelque chose d’original. Il a emménagé il y a quelques semaines dans un studio, pas très loin et on m’a fortement conseillé cette…échoppe.

Echoppe ? Le nom sonna bizarrement aux oreilles de Killian et il décida de rester vigilant vis-à-vis de cet individu. Il y avait quelque chose chez lui qui le dérangeait et il comprit rapidement que cette impression était contagieuse ; la fée était à nouveau là, sur le meuble, mais dans une posture très agressive, féline même.

- Puis-je vous proposer cette partie-là du magasin, elle plait généralement beaucoup aux jeunes ?

- Bien sûr, je vous suis.

L’homme marchait d’un pas assuré et vif. C’était un homme de bonne taille et qui paraissait plutôt musclé. Killian le dépassait néanmoins d’une bonne dizaine de centimètres et devait avoir dix ans de moins, ce qui ne l’empêcha pas d’être anxieux durant tout le trajet jusqu’à la fameuse partie de la boutique, c’est-à-dire cinq secondes.

- Voilà, vous avez ici un large choix de lecteurs mp3 au design très vintage, des affiches de films version géante…

- Une vraie mine d’or, en effet.

- Je vous laisse regarder. Si vous avez des questions, n’hésitez pas, je me ferai un plaisir de vous aider.

- Pas la peine, je vais prendre ceci, c’est parfait.

L’homme désigna une chaine hifi en forme de « jukebox » des années 60, avec de beaux chromes.

- Très bon choix ! Je vous fais un paquet cadeau, j’en ai pour trois minutes.

- Pas la peine, je la prends comme ça, on ne s’embarrasse pas avec ces formalités dans ma famille.

L’homme eut un rictus très particulier, comme pour lui-même.

- Comme vous voulez.

Le client paya Killian et prit le carton sous le bras.

- Merci beaucoup, je n’hésiterai pas à revenir.

- Merci à vous et bon anniversaire à votre fils.

Il se retourna et se dirigea vers la sortie. Mais il s’arrêta après quelques mètres, son regard était fixé sur l’épée. Killian frémit, quelque chose n’allait pas, l’homme donnait l’impression d’être très concentré.

- Elle est superbe. Comment l’avez-vous eu ?

- Je l’ai acheté à un vieux monsieur, en fait il vendait les trois.

L’inconnu marcha vers l’arme ; la fée montra instinctivement les dents, comme un animal, mais cet individu ne la voyait pas, comme le reste du monde, excepté Killian. Il prit l’épée dans sa main.

- Mince… factice, pourtant de loin…et même de près, elle donne l’impression d’être d’époque, mais elle est trop légère. C’est de l’aluminium ?

- Je suis désolé, je n’en ai aucune idée.

- C’est bluffant…

L’homme dévisagea Killian longuement avant de reposer l’épée.

- Belle imitation, je vous souhaite une bonne journée.

- A vous aussi.

Puis il sortit et Killian resta un moment immobile, son regard fixé sur la sortie. La fée commença à s’évaporer pour rentrer dans l’épée et, elle non plus, elle ne quitta pas la porte des yeux durant tout le processus.

La journée continua normalement et vers 19h, Killian se prépara à fermer boutique. Une fois la caisse cachée, les allées rangées et un coup de balai passé devant la porte d’entrée, il prit ses clefs pour fermer le rideau métallique de l’entrepôt. Au moment de le baisser, il aperçut la fée, elle le regardait d’un air particulièrement triste. Killian fut mal à l’aise devant ce petit être :

- Un souci ?

La fée secoua vivement la tête de haut en bas.

- Tu ne veux pas… rester seule ?

Elle continua son assentiment, mais un grand sourire se dessina sur son visage. Killian réfléchit rapidement, personne ne pouvait la voir, donc la ramener chez lui ne poserait pas vraiment de soucis ? Et peut-être pourrait-il en apprendre plus sur elle ou ses capacités ?

- OK viens, mais pas de blagues ? reste discr…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un grand bruit éclata juste devant lui, le projetant par terre. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits. Il avait des morceaux de verre sur sa veste et un horrible mal de crâne.

Mais ce n’était rien comparé à sa poitrine : il avait une entaille près de son pectoral gauche qui remontait jusqu’à la naissance de son bras. Il regarda autour de lui. Personne. La ruelle était vide.

Il prit son temps pour se relever et fut rassuré de voir que sa veste en cuir avait amorti une grosse partie du choc. Il saignait, mais ça n’avait pas l’air trop profond. En revanche, son cœur s’arrêta lorsqu’il vit la devanture de sa boutique : l’épée était encastrée dans la vitrine, pointée vers lui. Heureusement que la garde avait stoppé l’arme, sinon elle l’aurait empalé.

La fée était à côté de l’arme, regardant Killian en se frappant la tempe avec l’index. Cela signifiait sûrement : « Tu es débile ou quoi ?! ». C’est lui qui avait fait ça : « ok viens » avait-il dit. Il commençait à comprendre. La fée et l’épée ne faisaient qu’un, a priori. Et il avait un certain contrôle dessus.

Il retira l’épée de la vitrine et l’enveloppa dans une couverture. Le retour à la maison fut encore plus stressant que sa journée. Il était dans un bus avec une épée d’un mètre vingt sur ses genoux. De plus, la fée était à côté de lui dans le bus, elle regardait partout, comme si c’était la première fois qu’elle voyait le monde.

Killian arriva chez lui dix minutes plus tard, il ouvrit le portillon de sa maison afin de remonter l’allée. Il était épuisé et avait très mal à l’épaule. Ce fut un vrai soulagement de franchir la porte d’entrée. « On est vraiment bien chez soi » pensa-t-il immédiatement.

Sauf que… quelque chose n’allait pas, pas de bonsoir, pas de petites filles, en particulier la plus jeune, Laurana, pour se jeter sur lui en criant « Papaaaaaaaa !».

Il avança prudemment dans le couloir menant au salon, il trouva Axelle, sa femme, sur le canapé avec ses filles, très calmes, personne ne parlait.

- Bonsoir chérie, ça va ?

Elle n’osa pas répondre et lui désigna simplement du regard l’opposé de la pièce. Il se tourna lentement pour regarder dans la même direction qu’elle : une créature se tenait à côté de la table à manger. Elle était plus grande que lui, atteignant les deux mètres, avec un corps assez fin. Elle faisait penser à … un insecte, un mélange de fourmis et de sauterelles. Elle lui glaça le sang.

La fée était de nouveau là, collée à lui, s’excitant comme une folle en lui désignant l’épée qu’il tenait toujours sous son bras dans la couverture. La créature ne bougea pas, elle le fixait, mais ne montrait aucun signe d’agressivité.

- Chérie, tu vas doucement sortir par la cuisine avec les filles, je vais essayer de distraire cette chose. Prends la voiture et va chez tes parents.

Il sortit avec précaution l’épée de la couverture. Il vit la surprise de sa femme et de ses enfants quand il brandit l’arme devant lui. La créature, elle, ne bougeait toujours pas, mais le regardait avec un nouvel intérêt, sans montrer le moindre signe de peur.

- Posez ça, Killian, et dites à cette chose de se calmer.

Killian sursauta en découvrant dans l’encadrement de la cuisine son premier client de la journée. L’homme était adossé à la porte et le regardait très calmement, puis son regard passa sur la fée. Il la voyait !

- Sincèrement Killian, posez ça. Mon démon ne va pas rester calme très longtemps, il se maitrise pour le moment, mais je ne voudrais pas qu’il fasse peur à vos enfants.

- C’est déjà le cas, répliqua Axelle terrorisée.

Killian baissa lentement son arme en se tournant vers l’homme.

- Faites sortir cette chose de chez moi.

L’homme regarda Killian, puis sa créature et lui fit un signe de tête. Elle disparut dans les ombres.

- Merci.

- De rien, mais nous devons parler. Serait-il possible d’avoir du thé ? La question le prit au dépourvu.

- Qu’est-ce que vous faites chez moi ?!

Il s’aperçut à ce moment-là que tout le monde le regardait, sa femme avait des yeux ronds, ses filles aussi et l’inconnu sourit.

- Mon cher, vous avez un don pour transformer un doute en certitude.

Killian baissa lentement les yeux… son épée crépitait, des éclairs bleus dansaient sur la lame et la fée était dans le même état. De peur, il lâcha l’arme et elle redevint instantanément normale. Killian resta immobile, il était pétrifié.

- Asseyez-vous Killian, ma chère, puis-je insister pour une tasse de thé ? Vous devriez en faire pour vous aussi et mettez la télé pour les enfants afin que nous puissions discuter tranquillement.

Axelle se leva comme un robot et partit dans la cuisine. Killian alla embrasser ses enfants avec beaucoup de tendresse puis s’assit à table, le visage entre ses mains. Il entendit l’inconnu s’asseoir en face de lui. Sa femme revint quelques minutes plus tard avec un plateau, la bouilloire, trois tasses, du sucre et des cuillères.

- Earl Grey ? Ça vous ira ? La voix d’Axelle était méconnaissable. Killian ne savait pas si c’était la peur ou juste l’émotion.

- Parfait. Merci beaucoup.

Un lourd silence s’installa dans la pièce.

- La télé…pour les enfants, s’il vous plait.

Axelle alluma la télé. Killian releva la tête pendant qu’elle revenait s’asseoir à côté de lui et son visage se crispa, son épaule commençait à lui faire vraiment mal. L’inconnu s’en aperçut.

- Que s’est-il passé ? On vous a agressé ?

On pouvait clairement distinguer l’inquiétude dans sa voix.

- Non, un accident bête, c’est moi tout seul, avec cette épée.

Il désigna l’arme qui était restée par terre. L’homme enleva ses lunettes et regarda l’arme avec insistance, puis regarda Killian :

- Mon nom est Garance, je suis un recruteur de l’académie de magie de Lyon et j’ai détecté votre pouvoir hier. Je vous ai trouvé ce matin. J’ai préféré attendre ce soir pour vous parler librement afin de ne pas vous perturber et surtout pour que ma démarche soit la moins dangereuse pour vous comme pour votre famille.

- En amenant cette chose chez moi ? Killian regardait autour de lui en disant cela, s’attendant à voir le « démon » réapparaitre à tout moment.

- Cette chose s’appelle Mandibulum, mais appelez-la Mandy, c’est une fille.

- Alors c’est un….une…démon, démonette ? Garance sourit :

- Oui, on peut dire ça. C’est mon démon, mon obédience est la démonologie.

- Votre obédience ?

Garance recula sur sa chaise et commença à se gratter la barbe. Axelle était silencieuse, mais attentive.

- Lorsqu’un mage découvre ses pouvoirs, on appelle cela une naissance dans notre jargon, et chaque naissance octroie à son mage une obédience, un type de magie si vous préférez.

- OK, donc vous c’est les démons, et moi, les fées ?

Garance regarda Killian, il prit son temps et prépara bien sa réponse. Il savait que sa prochaine phrase pouvait le faire échouer, il n’aimait pas ce passage.

- Moi ce ne sont pas les démons, c’est UN démon. Mandy est mon démon, ma magie passe par elle, nous ne faisons qu’un.

- Mais moi je vois des fées… pas une seule.

- Mon problème vient de là Killian, je ne connais pas votre obédience, c’est la première fois que je vois un mage faire ce que vous avez fait et je n’avais jamais vu ce type de créature avant, dit Garance en désignant du menton la fée qui était assise sur l’épée. En plus ce n’est pas une fée, elles sont généralement petites, méchantes et réelles c’est-à-dire qu’elles sont faites de matière. Cette créature n’est pas « matérielle », je la placerais plutôt dans la catégorie des esprits. Vous dites en voir plusieurs ?

- Oui, mais c’est la première qui reste avec moi, les autres disparaissaient rapidement et elles étaient plus petites.

- Très bien, nous verrons cela plus tard même si j’ai hâte d’en apprendre plus.

Garance se tût un moment. Killian sentit un malaise s’installer. Axelle lui prit tendrement la main, elle avait les yeux rouges, elle était à la limite de craquer…lorsque Garance reprit la parole :

- Killian, vous savez qu’il y a une procédure…

- Non ! Killian se leva brusquement, renversant sa chaise.

Axelle mit ses mains sur sa bouche et les larmes se mirent à couler.

- Killian, asseyez-vous, je ne souhaite pas vous faire de mal, surtout pas devant votre femme et vos enfants… nous faisons cela pour votre bien, votre sécurité.

- Ma sécurité ! Vous vous foutez de moi ? Et qui va subvenir aux besoins de ma famille si je disparais ?! Je n’en ai rien à foutre de votre académie !

- Votre sécurité, je m’en fous ! C’est de leur sécurité que je parle !

Garance montrait du doigt ses enfants. Ses trois filles les regardaient, apeurées, la télé n’avait pas couvert les hurlements de Killian.

- Vous pouvez leur mentir autant que vous voulez, mais pas à moi ! Votre épaule, ce n’est pas un accident.

Killian le dévisagea. Comment savait-il ? Il n’avait vu personne dans la ruelle.

- Vous êtes très pâle Killian…. Asseyez-vous, s’il vous plait. Voilà, calmez-vous. Maintenant, je vais vous dire ce qu’il s’est passé : vous avez utilisé votre magie. Et comme à chaque fois, pour chacun d’entre nous à nos débuts, vous n’avez rien contrôlé et quand je vois votre état, je me dis qu’on n’est pas passé bien loin de la catastrophe.

Killian resta silencieux, il sentait lui aussi venir les larmes. Garance se leva et se dirigea vers la fenêtre, il se mit à regarder la noirceur de la nuit.

- Vous savez pourquoi je suis devenu recruteur ?

Garance avait dit cela d’une voix tendue, Killian en eut froid dans le dos.

- Non…

- J’avais un fils, il aurait eu 18 ans dans quelques jours.

Le ton de sa voix annonçait clairement qu’il avait vécu un drame.

- Lorsque j’ai découvert mes pouvoirs, vous n’imaginez pas mon état. J’étais chômeur, avec une vie bien triste. Ma femme m’avait quitté depuis cinq ans, me laissant avec un garçon, adorable. Il était ma vie. Je vous laisse imaginer ma tête lorsque je découvris Mandy dans un coin de ma chambre un matin. (Il eut un petit rire) Sacré choc ! Elle me suivait partout alors que j’essayais de lui échapper. Mais elle me fit comprendre, par l’esprit, ce qu’elle était. Il me fallut deux jours pour pouvoir la regarder sans être terrorisé. En revanche, mon fils n’était pas dégouté, il trouvait Mandy… attachante. Et d’un côté, il avait raison, elle l’est.

Garance fit une pause, sa voix tremblait sur la dernière phrase.

- Un démoniste a le contrôle total sur son démon, il peut lui imposer ce qu’il veut. Cinq jours plus tard, nous étions dans ma chambre tous les trois et je m’aperçus que Mandy avait des ailes cachées dans son dos. Je lui ai demandé de me les montrer et elle a refusé, j’ai pris cela pour un caprice alors… je lui ai ordonné. Les ailes de Mandy sont dans une matière s’assimilant à une lame de rasoir et elles se déploient par deux tendons qui ont la puissance d’une balle de revolver. Chacune des extrémités de ses ailes a transpercé les murs de ma chambre. Mon fils était sur la trajectoire…

Garance se retourna, il avait le visage fermé, celui d’un homme qui n’avait plus de larmes à verser. Il regarda dans un coin de la pièce, Mandy était là, courbée, elle produisait un bourdonnement. Il reprit la parole :

- Mandy ne faisait pas un caprice, elle me disait simplement qu’elle ne devait pas le faire à côté de mon fils. A l’époque, je ne maitrisais pas du tout son langage mental.

Killian et Axelle restaient silencieux.

- Je suis recruteur pour éviter à qui que ce soit de vivre ça. J’y consacre désormais ma vie. Je ne veux pas vous faire venir de force. Je veux protéger votre famille. C’est temporaire, ne croyez pas les médias, vous les retrouverez. L’académie s’occupera du côté financier, votre femme percevra une somme équivalente à votre rémunération pendant votre absence.

Killian réussit à sortir de sa torpeur :

- Combien de temps ?

- Ça va dépendre de vous. Nous sommes au début de la naissance de la magie, chaque personne s’adapte à un rythme différent. Nous obligeons les mages à réussir une épreuve pour sortir à nouveau de l’académie.

- Une épreuve ? De quel genre ? interrogea Axelle.

- Je n’ai pas le droit d’en donner la nature. De plus, les pouvoirs de Killian me sont inconnus. C’est sans danger et rien ne l’empêchera de la passer plusieurs fois, c’est comme un examen. En cas d’échec, un nouvel essai est possible un mois plus tard.

- Vous l’avez passée ?

- Non, je fais partie des membres fondateurs des académies. Mais je suis en mesure de réussir l’épreuve sans problème aujourd’hui. Nous avons mis en place ce système afin d’avoir la certitude que les mages ne causeraient plus « accidentellement » des catastrophes.

Killian sentit que Garance lui cachait quelque chose

- Il y a des catastrophes qui ne sont donc pas accidentelles ?

- C’est un sujet que nous évoquerons à l’académie, mais…oui. Certains mages ne voient pas les choses comme nous. En voyant votre blessure, j’ai cru qu’on vous avait attaqué afin de vous empêcher de rejoindre une académie.

- Il y a donc des mages… méchants ? Il y a une guerre secrète entre vous ? demanda Killian d’une façon ironique.

- Je préfère le mot conflit.

- Et pourquoi n’aurais-je pas envie de les rejoindre, eux ?

Garance sourit, il y avait presque de la sympathie dans son regard :

- Les « Corporems » n’acceptent que les mages de leur obédience et ils ont comme idéologie principale… l’éradication des non-mages.

Killian ne sut quoi répondre.

- Nous parlerons de cela plus tard, Killian, il faut que nous y allions. Justement pour éviter qu’un Corporem vous détecte et fasse connaissance avec votre famille. Elle est une faiblesse pour vous, elle vous rend vulnérable.

Killian regarda Axelle et ses enfants. Il y avait donc des mages qui pourraient en vouloir à leur vie… Son regard se déplaça sur la fée ou quel que soit ce qu’était cette créature.

- Elle peut venir avec moi ?

- Je n’ai pas vraiment la possibilité de l’en empêcher. Je ne peux rien contre elle.

- Je suis obligé de prendre l’épée pour qu’elle puisse venir.

- Très bien, elle pourra peut-être apporter des réponses. Sincèrement, je n’ai aucune idée de ce qu’elle est.

Killian tendit les doigts et tenta mentalement de parler à l’épée. La fée sourit d’un air carnassier, et l’arme vola vers lui avec une précision remarquable, atterrissant de façon parfaite dans sa main.

- Remarquable…

Garance était comme médusé par ce qu’il venait de voir.

- Ce n’est que de la télékinésie, dit Axelle qui avait du mal à comprendre l’admiration que Garance montrait devant les capacités de son mari.

- Nous verrons cela à l’académie, mais je pense que c’est autre chose. Killian, allez préparer vos affaires, je vais vous attendre dehors, prenez votre temps.

Garance se dirigea vers la sortie, ouvrit la porte d’entrée, puis se retourna vers Axelle :

- Il reviendra ma chère, vous avez ma parole.

Chapitre 2

L’académie de Lyon se situait à moins de 10 kilomètres de la ville. L’état français avait le premier proposé son soutien aux mages. Il avait octroyé à ces derniers un immense terrain abandonné, sur lequel était située une ancienne usine désaffectée avec un hangar.

Killian n’avait pas eu le droit à une visite, il avait juste aperçu les bâtiments, ainsi qu’un arbre, de taille prodigieuse, à quelques dizaines de mètres du bâtiment principal. On aurait dit l’arbre de Tule mais en deux fois plus large. Quant à la hauteur, il mesurait le double, dépassant même l’ancienne cheminée de l’usine.

Garance le conduisit à l’intérieur du hangar qui avait été reconditionné en logements. Après quelques minutes, il arriva devant une série de petites portes en bois. Il y en avait cinq. Son guide s’arrêta devant la dernière :

- Voilà votre chambre. Installez vos affaires et détendez-vous. On va venir vous chercher pour vous présenter au Conseil. Cela risque d’être un peu long, il faut du temps pour les réunir. On risque de ne pas se revoir avant un moment, alors je vous souhaite bonne chance.

- Vous ne restez pas ?

- Non. Vous allez être assimilé à un groupe de jeunes mages. On s’est aperçu qu’on progressait plus facilement ensemble. Mais il vous faut d’abord rencontrer le Conseil, c’est une formalité. J’ai l’assurance que vous êtes un mage, mais peut-être que quelqu’un du Conseil saura quelle est votre obédience.

- OK, vous avez un dernier conseil ? Et comment je peux contacter ma femme ?

- Restez vous-même, ne cherchez pas à les impressionner. Ils vont l’être déjà assez comme ça. Pour votre femme, vous allez être coupé de votre ancienne vie pour un moment… On interdit aux élèves d’avoir des contacts avec les personnes en dehors de l’académie.

- Quoi ? Mais pourquoi ?!

Garance se plaça devant lui et le saisit par les épaules :

- Pour que vous vous focalisiez sur votre magie. Votre unique objectif doit être cela. Maitrisez-la, assimilez-la, passez l’épreuve le plus vite possible. Faitesen une obsession. C’est à cette condition que vous reverrez votre femme justement, alors autant en faire votre motivation principale.

Killian était silencieux. Garance ne sut s’il s’était contrarié ou s’il réfléchissait. Il le laissa ainsi. Dans ses pensées.

L’installation dans sa chambre ne lui prit pas bien longtemps. La pièce était composée d’un lit une place, d’une armoire et d’un bureau. C’était plutôt sommaire. Une porte donnait sur une petite salle de bain, la plus simpliste du monde.

- Eh bien, on ne peut pas dire que la déco soit leur fort à ces gens-là.

- Et encore vous n’avez pas vu les repas !

Killian se retourna d’un coup, mais ne vit personne.

- Qui est là ?

Il y eu quelques secondes de silence, pesantes.

- Regarde en haut, à gauche de ta fenêtre, la grille d’aération.

- Je suis votre voisin de chambre, je m’appelle René.

- Bonjour René, moi c’est Killian. Ça fait du bien de parler à quelqu’un, c’est oppressant comme endroit.

- On est bien d’accord. Vous venez d’être recruté ?

- Oui.

- Vous avez déjà vu l’un des maîtres ?

- Vous parlez du Conseil ? Non pas encore.

Il y eu un moment de silence puis René reprit la parole :

- Ils vont réunir le Conseil ? Pour vous ?

- A priori. Pourquoi est-ce une mauvaise chose ?

- Vous avez causé une grosse catastrophe ?

- Pas que je sache, mais il semblerait que mon obédience ne soit pas connue, je ne vois que cette raison.

- Une nouvelle obédience ? Tiens donc. Hé ! Ambre, tu as entendu ?

Killian entendit une nouvelle voix, mais de trop loin, il n’arrivait pas à comprendre ce qu’ils se disaient. Il remarqua néanmoins que la dénommée Ambre n’avait pas le droit au vouvoiement.

- Vous arrivez à faire quoi avec vos pouvoirs ?

- Je ne sais pas vraiment, j’espère que le Conseil pourra m’en dire plus.

Killian n’était pas très fier de ce mensonge, mais il n’était pas prêt à faire confiance à n’importe qui ici. Il procèderait par étape, la première étant de voir le Conseil.

La porte de sa chambre s’ouvrit, ce qui le fit sursauter. Une femme se tenait dans l’encadrement. Elle devait avoir la quarantaine, brune, d’une rare beauté.

- Bonjour, mon nom est Terra. Le Conseil est prêt à vous recevoir, veuillez me suivre, dit-elle avec un fort accent, espagnol ou portugais.

- Terra ?

- C’est mon nom de mage, une fois l’épreuve passée, tu devras t’en trouver un. Suis-moi et prends ton épée.

Elle partit sans lui laisser le temps de répondre. Killian la suivit pendant de longues minutes. Ils traversèrent le hangar et rentrèrent dans le bâtiment principal de l’usine. Ils montèrent au sixième et dernier étage.

Elle le fit entrer dans une pièce, très éclairée. Il y avait de grandes fenêtres sur sa droite. Une chaise était placée au centre de la pièce, face à des tables disposées en « U ». Sept personnes, hommes et femmes, le regardaient. Terra se joignit à eux, formant ainsi le Conseil. Killian se plaça au centre de la pièce, mais ne s’assit pas.

- Bonjour Killian.

Celui qui venait de parler était un vieillard d’au moins quatre-vingts ans. Il n’avait plus de cheveux et il ne portait qu’une grande robe de prêtre, blanche.

- Bonjour.

Killian aurait dû être intimidé. Mais il préféra suivre le conseil de Garance. Se focaliser sur la réussite de l’épreuve et pour cela, il lui fallait des réponses.

- Ton recruteur nous a fait part de ton cas. Il semblerait que ton obédience lui soit inconnue. Pourrais-tu nous faire une démonstration mon garçon ?

Killian trouva cet homme agréable, franc et direct. Et il ne décela aucune arrogance dans ses propos. Il le regardait avec de grands yeux bleus qui dégageaient plus de sympathie que tous les autres réunis.

- Je vais faire ce que je peux, je ne sais pas exactement comment ça fonctionne.

- Prends ton temps, fais le vide et ne cherche pas du grandiose. Laisse juste la magie s’échapper de toi.

Killian réfléchit quelques instants avant de regarder l’épée qu’il tenait dans sa main. Il aurait aimé que le spectre ou la fée, bref peu importe son nom, apparaisse. Comme par magie, ce qui le fit sourire, l’être en question apparut, sortant de l’épée.

La réaction fut instantanée, l’ensemble du Conseil se figea.

- Qu’est-ce que cela ? dit le vieil homme qui semblait subjugué. Un fantôme ? Un spectre ?

- Elle est en fait… l’épée. J’ai, sans faire exprès, changé le poids et la taille de l’arme. Son apparence a changé en même temps. J’en ai conclu qu’elle était une sorte de représentation de l’esprit de l’objet…

- Je suis assez d’accord avec tes conclusions. Tu dis avoir un pouvoir sur la matière en elle-même ?

- Je ne maitrise pas vraiment le phénomène. Mais je vais essayer de vous montrer.

- Nous te regardons. Mais une fois de plus, ne cherche pas l’incroyable, ne prends pas de risque.

Killian se concentra, il essaya de visualiser l’arme dans sa tête. Il s’était déjà fait la réflexion que la lame était émoussée. Lui rendre un coup de jeune n’aurait pas été un luxe. Mais ceci aurait un effet visuel plutôt limité. Il décida de tenter de changer la poignée ainsi que la garde de l’arme, créant une tête de dragon au bout de l’arme et des ailes de dragon au-dessus de sa main.

La fée se crispa. De petits éclairs la parcoururent et quand ce fut fini, elle avait une belle paire d’ailes dans le dos ainsi qu’un visage plus reptilien. Killian baissa son regard sur l’épée. Elle était parfaite. Exactement comme dans son esprit. Il fut envahi par un vague sentiment de fierté, il semblait contrôler assez bien ses nouveaux pouvoirs finalement. En revanche, la tête lui tourna légèrement et l’un des mages s’en aperçut.

Ce dernier était grand, très maigre, des yeux petits et sombres rappelant ceux des vautours et sa tête était disproportionnée par rapport au reste de son corps.

- Assieds-toi, tu es victime d’un retour de sort.

Il ne se fit pas prier, l’effet était très désagréable. Il avait la nausée et il se sentait très faible. Il se concentra sur la conversation qui venait de naitre entre les membres du Conseil.

- C’est sans précédent. Il est évident que nous devons le garder ici. Vérifier si sa magie fonctionne comme la nôtre et lui faire passer l’épreuve si c’est le cas, dit le vieillard avec bienveillance.

- Sa magie est différente, il n’a pas eu besoin de se concentrer ou de parler pour lancer son sort. C’est surprenant, intervint Terra.

- Balivernes, il est comme nous. Regarde le retour de sort. Il s’est précipité et voilà le résultat.

Celui qui venait de parler était un homme aux cheveux roux, d’une carrure impressionnante, avec une énorme barbe, il était torse nu avec un immense tatouage de lance-flamme sur ses deux bras.

- Pour une fois, je suis d’accord avec toi Braise, ajouta le vieil homme. En revanche, il est doué. Etre capable de faire cela aussi vite… ton recruteur a fait mention d’autre chose. Tu pourrais faire cela avec d’autres objets ?

Killian releva la tête, il était pâle et la nausée ne voulait pas le quitter.

- Je pense que oui, mais cette épée a montré le désir de rester avec moi. J’ai pensé qu’en la gardant, j’obtiendrais peut-être des réponses.

Personne ne répondit. Il s’aperçut que tout le monde le fixait. Ils avaient tous une tête bizarre. Alors que lui se sentait mieux. C’est alors qu’il vit les deux mains spectrales de l’esprit de l’arme. Elles lui massaient le crâne, avec beaucoup de douceur. Il ne sentait absolument rien, excepté un engourdissement au niveau du visage. La sensation était très agréable, la nausée était partie. Lorsque son état s’était dégradé, il avait surpris la grande asperge rouler des yeux avant de dire au Conseil pour le retour de sort. Killian vit qu’il était dans le même état, il prit la parole :

- Elle l’a guéri ! Elle a annulé le retour de sort ?

Au moment où il finissait sa phrase, l’esprit tomba à genoux, fit un petit sourire à Killian et se dématérialisa pour rentrer dans l’épée. Ce dernier fut mal à l’aise. L’esprit était très pâle, presque blanc avant de se dématérialiser. Il n’avait pas eu envie de lui faire du mal.

- Ça suffit mon garçon. On va te reconduire à ta chambre et à partir de demain, tu commenceras ton entrainement avec le groupe. Tu ne me parais pas dangereux. Bienvenue parmi nous.

- Attends Lumio ! Il faut que nous comprenions ce qui vient de se passer. Un mage capable de soulager les retours de sort c’est … incroyable. Il faut que j’étudie cela au plus vite, je propose qu’on me l’envoie dès demain…

- J’ai dit ça suffit !

Killian sursauta. Il n’aurait jamais pensé que le vieux mage avait la capacité de hurler de cette façon. Il lui sembla même que la lumière de la pièce s’était intensifiée lorsqu’il avait crié.

- Nous avons créé cette académie pour arrêter d’être des rats de laboratoire ! Ce n’est pas pour recommencer ici. On vient déjà de l’arracher à sa famille et même si c’est pour son bien, je n’en éprouve aucun plaisir. Je ne tiens pas à enfermer les mages plus que nécessaires. C’est déjà bien assez compliqué comme ça. Ai-je été clair ?

L’asperge répondit par l’affirmative, mais il transpirait la peur. Les autres mages ne bronchèrent pas et Terra prit la parole :

- C’est moi l’instructeur demain normalement. Vu le cas atypique, peut-être devrais-tu prendre ma place Lumio ?

- Non, j’ai rendez-vous avec notre cher gouvernement. Je te fais confiance. Killian, nous allons vous raccompagner dans votre chambre. Profitez-en pour bien vous reposer. Demain sera certainement une journée difficile. Vous avez connu votre premier retour de sort et j’ai bien peur que ce ne soit ni le dernier ni le plus violent de la longue série qui vous attend.

Killian se ressaisit, prit son courage à deux mains avant de répondre :

- Pardonnez-moi, mais… j’ai aussi beaucoup de questions.

- Demain. Nous avons le temps. Terra pourra répondre à toutes tes questions. Sois patient, c’est un trait de caractère que tu devras développer si tu veux passer l’épreuve.

Killian sortit de la pièce accompagné de Terra. Le retour jusqu’ à sa chambre promettait d’être particulièrement silencieux. Ce qui ne lui convenait pas :

- Je suis désolé d’avoir créé une dispute entre vous.

- Ne le sois pas. Cela faisait un moment qu’on se disputait. Tu ne pouvais juste pas nous entendre.

- Vous délibériez mentalement ? Je n’ai donc pas assisté à toute la discussion ? - Non.

Vraisemblablement, elle n’en dirait pas plus sur le sujet.

- Vous étiez huit. Est-ce en rapport avec les obédiences ?

- Oui.

- Il y en a donc huit ?

- Non.

- Il y en a combien ?

- A priori neuf. Avec toi.

Killian se maudit d’être aussi stupide. En effet, il y avait désormais neuf obédiences avec la sienne. Peut-être qu’il siègerait un jour au Conseil puisqu’il était le seul de son ordre ?

- A part la mienne, quelles sont les différentes obédiences ?

- Il y a quatre obédiences élémentaires : le feu, l’air, l’eau et la terre. Cela représente environ cinquante pour cent des mages existants. Il y a ensuite les démonistes, comme ton recruteur, les mages blancs de la lumière, les Mentalus, celui qui voulait t’étudier et les Corporem.

- Aucun mage n’a réussi à développer deux obédiences ?

Terra s’arrêta et se retourna :

- Pourquoi faire ?

- Je ne sais pas, pour développer deux types de magie…ne pas être limité par une seule.

Elle le regarda fixement pendant de longues secondes avant de répondre :

- Ta question est perturbante. Personne ne se l’est jamais posée. On vit pour notre obédience. Je suis une mage de la terre et je n’aurais aucune envie d’apprendre à utiliser une autre forme de magie. C’est mon élément.

Elle reprit la marche. Mais Killian avait touché une corde sensible. Il garderait cela

pour plus tard. C’est à ce moment-là qu’ils arrivèrent devant la porte de sa chambre.

- Je vous laisse ici Killian. Ecoutez Lumio et reposez-vous. Demain nous commencerons votre entrainement afin de vous familiariser avec la magie. Même si, d’après ce que j’ai vu, vous avez de bonnes prédispositions naturelles. Ce qui n’est pas vraiment le cas de votre groupe…

- C’est-à-dire ?

- Disons qu’à ce rythme-là, ils ne sont pas près de nous quitter.

Elle lui fit un sourire forcé, lui tourna le dos et partit comme elle était venue. Killian se retrouva à nouveau seul. Il posa délicatement son épée sur son bureau.

- Elle est toujours aussi aimable à ce que je vois. Alors vous avez survécu ? C’était la voix de René.

- Il semblerait. Je dois commencer l’entrainement avec un groupe à partir de demain pour passer l’épreuve, si mon obédience le permet.

- Bon courage alors. Le groupe dont vous parlez : c’est nous.

- Vous ?

- Nous sommes quatre. On se présentera demain. On a beaucoup de mal avec notre magie. Peut-être qu’avec un membre en plus, on va s’améliorer.

- Cela fait longtemps que vous êtes ici ?

- Moi ? Non pas vraiment. Dix jours. Ambre est là depuis presque un mois. Elle est arrivée presque en même temps que Jacques. La petite est là depuis plus longtemps, mais je ne sais pas combien de temps exactement.

- La petite ?

- On ne connait pas son prénom, elle ne veut pas parler. Elle refuse aussi de s’entrainer. Je pense qu’elle veut rester ici. Un peu comme nous tous d’ailleurs…

- Vous ne voulez pas rentrer chez vous ?

- Je laisserai les autres vous raconter leur histoire. Pour ma part, j’étais prêtre. L’Église catholique nous a clairement reconnus comme des monstres. Il y a deux siècles, on m’aurait jeté sur le bûcher. Je ne suis plus autorisé à exercer ni à rentrer dans une église.

- J’imagine le choc. Vous n’avez jamais pensé que vos pouvoirs étaient l’œuvre de Dieu ?

- Je me pose encore la question. Nous avons attendu pendant des décennies un signe concret de Dieu. Quelque chose défiant les lois de la nature, qui imposerait aux hommes la foi divine. Maintenant que c’est là…je ne sais pas. Je n’ai pas le sentiment, en mon for intérieur que…

- Qu’IL est responsable de tout ceci.

- En effet.

- Dois-je vous appeler « mon père » ?

Killian avait essayé de ne pas dire cela d’un ton sarcastique. Mais il se dit qu’il n’avait pas vraiment réussi.

- Non. J’ai été banni de l’ordre. Maintenant je suis René, mage de lumière.

- Hé bien René, on va essayer de savoir ce qui nous arrive. Ne vous vexez pas, mais j’ai très envie de retrouver mon ancienne vie. Donc dès demain, en ce qui me concerne, c’est entrainement intensif.

- Ça veut dire que demain, on ne va pas vous voir longtemps.

- Pourquoi dites-vous cela ?

- Vous verrez demain. Juste un conseil. Ne forcez pas trop. Il y a ce qu’on appelle les retours de sort. Ça peut vous clouer au lit plusieurs heures.

- J’en ai eu un en effet tout à l’heure devant le Conseil. Je dois bien admettre que c’est très désagréable.

- Il devait être léger. Sinon vous ne seriez pas là à me parler. Vous devriez vous reposer pour être en forme demain.

- OK. Merci René, c’est ce que je vais faire. Alors on se voit demain ?

- A demain.

Killian s’en voulait un peu d’avoir encore menti à René. Mais le Conseil lui-même avait eu l’air très surpris de son rétablissement après le retour de sort. Il laissa passer quelques minutes, puis il sortit un gros pull de sa valise pour le coincer dans la bouche d’aération. Il se retourna et regarda en silence l’épée. Instantanément, l’esprit apparut.

- Salut ma grande, dit Killian en chuchotant. Tu as l’air d’aller mieux ? Elle lui sourit et lui fit signe que oui.

- Merci pour tout à l’heure. Grâce à toi, ils ne m’ont pas gardé longtemps. Merci aussi pour le retour de sort, tu n’avais pas du tout l’air bien après.

Elle balaya la remarque de la main. Comme si ce n’était rien pour elle.

- Dis-moi, es-tu l’épée ? Son esprit ?

Elle acquiesça.

- Ça, c’est un bon début. Est-ce que chaque objet a un esprit comme toi ?

Encore oui. Killian réfléchit un instant et se concentra sur le bureau en bois sur lequel était posée l’épée. Rien ne se produisit. Il s’assit sur la chaise, un peu désespéré et porta son regard sur le tiroir du meuble. Un petit esprit sorti de la poignée…en fer.

- Salut toi…

Le petit esprit le regardait et lui fit un grand sourire. Killian se tourna vers celui de l’épée qui le regardait en applaudissant.

- Merci, mais j’ai un bon professeur, lui dit-il en lui faisant un clin d’œil. Elle lui fit une révérence en souriant.

- Je sens que la nuit va être longue…

Chapitre 3

Toc toc toc…

Killian fut réveillé, il faisait jour dehors.

- Hé le nouveau, tu n’es pas venu pour faire la grasse matinée !

Il ne connaissait pas cette voix. Il regarda l’épée, l’esprit apparut aussitôt sous la forme d’un dragon de la taille d’un chien. Il sourit.

- Bon alors ? Y a quelqu’un ? Mais à qui était cette voix ?

- Oui, je suis là. C’est qui ?

- Je m’appelle Jacques, on va prendre le petit déjeuner. Tu nous rejoins ? C’est au fond à droite. Dépêche.

- Oui, j’arrive.

- OK.

Il entendit l’homme s’éloigner. Il devait être monstrueux pour faire autant de bruit en marchant. Il se prépara rapidement et observa sa chambre. Il avait quasiment tout modifié. Son petit lit en fer était désormais truffé d’ornement. C’était la même chose pour sa poignée de porte, les robinets de la salle de bain.

Mais le plus incroyable était l’épée. L’arme était devenue… majestueuse. Grande, fine, légère, mais très solide avec une lame très travaillée. L’esprit était couché dessus, il n’avait plus l’apparence d’une petite fille, mais d’un dragon. Ce dernier se leva et se dirigea vers la porte.

- Toi, tu as envie de venir avec moi, dit-il en souriant. La créature secoua vivement la tête de haut en bas.

- Ne t’inquiète pas ma belle. Tu ne me quittes pas d’une semelle. L’autre tordu serait capable de venir te voler pour t’étudier. Au fait, j’ai pensé te donner un nom, ça te dérange ?

Elle pencha la tête sur le côté

- Fangore ? Ça te va ?

Elle s’approcha doucement de lui, il se mit à genoux.

- Si ça ne te convient pas, on peut en trouver un autre, il y a aussi…

Killian se tut. Elle venait de frotter sa tête contre son torse. Elle finit par la caler contre son cou. Killian ne sentait rien physiquement. Mais il se dégageait de ce geste une grande tendresse.

- OK ma belle. Content que ça te plaise.

Ils sortirent tous les deux, traversèrent le couloir pour atteindre le réfectoire. La pièce était immense, elle devait faire un bon quart du hangar. Il y avait des tables et des chaises pour au moins deux-cents personnes.

En revanche, Killian ne compta qu’une trentaine d’individus installés. Par petits groupes de quatre, cinq ou six. Tout le monde le dévisageait, ou plutôt dévisageait Fangore. Un homme se leva d’une des tables pour se diriger vers lui. Il était immense, sa peau était noire, mais il avait des tatouages blancs qui dépassaient de sa chemise au niveau du torse. Il était chauve, ce qui accentuait le côté molosse du personnage. Il devait avoir la trentaine, comme lui-même.

- Bah alors, t’as du sang de marmotte ! Tu dois être Killian ? Le nouveau ?

- La nuit a été courte et oui c’est moi.

- Bienvenue à la grande académie de magie ! dit Jacques en levant les bras comme s’il présentait la tour Eiffel. Bon ce n’est pas si grandiose que ça, je te l’accorde. Allez, suis moi, mais avant que je te présente, tu peux me dire pourquoi y a un bébé dragon fantôme qui te suit ?

Killian aima instinctivement le personnage, il était enjoué. Ce qui manquait clairement dans l’ambiance générale de la salle.

- Elle vit dans mon épée. Elle s’appelle Fangore, répondit-il en lui montrant l’arme.

- La vache ! Elle est superbe ! Tu l’as trouvée où ? J’en n’ai jamais vu des comme ça … Bon j’arrête sinon j’en ai pour la journée avec mes questions, viens !

Ils marchèrent droit sur une table où étaient assis trois individus. Il y avait un homme d’une cinquantaine d’années, aux cheveux blancs et avec une barbe bien taillée. Il portait une paire de lunettes sur le bout du nez et lisait un livre.

Juste à côté, il y avait une jeune fille d’environ vingt-cinq ans, elle avait les cheveux rouges et un piercing sur le nez. Le plus choquant était sa tenue, un soutien-gorge et un short en cuir rouge. Elle était pieds nus.

La troisième personne était une petite fille. Elle lui fit tout de suite penser à Laurana, sa plus jeune fille, elle devait avoir sept ou huit ans. Elle était brune avec plein de fleurs dans les cheveux. Elle avait les yeux vert émeraude. Son attitude montrait clairement qu’elle ne voulait pas manger malgré l’insistance de celle qui devait sûrement s’appeler Ambre.

- Bonjour. Je m’appelle Killian.

Les trois personnages le regardèrent, ainsi que Fangore. L’homme l’observa avec sympathie :

- Bonjour Killian, c’est quand même plus sympa de se parler face à face non ?

- Je suis bien d’accord René. Et, Je suppose que tu es Ambre ?

- En effet. C’est quoi ça ?

Elle désigna Fangore qui venait de monter sur un banc pour s’asseoir à côté de la petite fille qui lui fit un grand sourire.

- C’est mon épée. Du moins son esprit.

- Alors c’est vrai ? Tu as une nouvelle obédience ?

- Vu comment tout le monde me regarde, je pense qu’on peut dire ça.

En effet, l’ensemble de la salle le fixait, et les messes basses allaient bon train. Killian s’assit à côté de Fangore qui essayait d’attraper un doigt de la petite fille. Le jeu avait l’air de beaucoup lui plaire. Killian fit une tentative d’approche avec elle :

- Elle s’appelle Fangore, et toi comment tu t’appelles… ?

Jacques allait intervenir lorsque…

- Emilie.

Ambre faillit lâcher sa tasse de café et René ferma tout doucement son livre sans arriver à fermer sa bouche.

- A peine arrivé et déjà il nous pond un miracle, dit Jacques en riant bien fort.

Ils regardèrent Emilie jouer avec Fangore pendant quelques instants. Killian aima instinctivement ce groupe. Ils avaient tous des caractères bien différents, mais Fangore s’était immédiatement sentie à l’aise, et lui aussi. Il sentit comme une vraie cohésion entre eux. Il avait envie d’en faire partie.

- Il y a du café ?

René lui répondit sans s’arrêter de regarder Emilie :

- Oui, il y a un distributeur de boissons chaudes, là-bas. Il y a aussi des viennoiseries.

Killian partit se servir en laissant l’épée sur la table. Lorsqu’il revint, Jacques l’examinait :

- Je peux la prendre ?

Fangore dressa l’oreille, observant Jacques. Mais elle ne bougea pas.

- Ça n’a pas l’air de la déranger. Mais fais attention… je l’ai aiguisée. Jacques prit l’épée, la surprise était visible dans ses yeux.

- Elle est super légère ? C’est quoi comme métal ? Elle parait très solide alors qu’elle ne pèse presque rien. Elle est en carbone ?

- Non, j’ai altéré la matière pour la rendre plus légère, mais aussi plus solide. Je n’ai pas réussi ne serait-ce qu’à rayer la lame depuis.

- Ah bon ? Tu permets ? Jacques s’adressait à Fangore.

Elle lui fit signe que oui puis alla se placer à côté de Killian. Il banda les muscles, une main sur la lame et l’autre sur la garde afin de tenter de tordre la lame. Sans succès. Néanmoins lorsqu’ il rendit l’arme à son propriétaire, il avait la main droite en sang.

- Mince, je t’avais dit de faire attention, la vache. C’est profond.

- T’inquiète. Jacques avait dit cela en lui faisant un clin d’œil.

Il se concentra quelques secondes et quand il rouvrit la main, celle-ci n’avait déjà plus rien.

- On a tous nos petits secrets hein ?

- Tu fais ça comment ? Killian était en admiration.

- Je suis un Corporem. Mon obédience, c’est mon corps. Je peux me provoquer des mutations et me guérir.

Killian recula d’un pas, assurant sa prise sur son arme.

- Du calme. René venait de se placer à côté de lui. Jacques n’est pas un Corporem en conflit avec l’académie.

- Ha, désolé. On ne m’a pas précisé qu’il y avait de bons corporems. Je te demande pardon.

- Pas de soucis, sache juste qu’il n’y a pas de mauvais corporems. Beaucoup des miens n’ont pas rejoint les académies car les mages de mon obédience ont servi pour des expériences. Les « libérés » en veulent beaucoup aux humains. Un grand nombre d’entre nous pense qu’il y a encore des corporems emprisonnés.

- Pourquoi as-tu préféré rejoindre une académie ?

- La plupart des nouveaux corporems le font. Je n’ai pas été enfermé ou soumis à des tests. Je n’ai pas leur haine et je ne les considère pas spécialement comme des frères. C’est tous ensemble qu’on fera avancer les choses. J’en ai la conviction.

- On a décidément beaucoup de choses à apprendre les uns des autres.

Tous se turent en voyant Terra avancer vers eux.

- Bonjour, tout le monde est prêt ?

- Oui m’dame, répondit Jacques. C’est toujours un plaisir de te voir.

Elle ne releva pas. Ambre se dirigea vers la sortie sans dire un mot.

- Le petit dragon peut venir avec nous ?

Emilie venait de poser la question tout naturellement, prenant Terra au dépourvu.

- Mais tu parles ?! s’exclama-t-elle en regardant René. C’est nouveau ?

- Il semblerait que l’arrivée de Killian, mais surtout de Fangore ait eu un effet bénéfique sur Emilie.

- Tu t’appelles Emilie alors ? Qui est Fangore ?

Se sentant concernée, elle sauta sur la table. Ne causant aucun bruit, mais imposant sa présence. Terra regarda en direction de Killian :

- C’est toi qui as fait ça ?

- Oui, c’est le même esprit qu’hier, je l’ai juste modifié cette nuit.

Elle porta instinctivement son regard sur l’épée. Killian n’arriva pas à définir l’expression de son visage, mais pour lui, il n’y avait rien de positif.

- Nous verrons cela plus tard.

Elle se tourna et partit dans la même direction qu’Ambre.

- Tu viens tout juste de nous rejoindre et tu as déjà réussi à faire parler Emilie et à agacer Terra. Je vais t’adorer toi.

Jacques emboita le pas à la jeune femme avec sa bonne humeur habituelle, suivi d’Emilie et René. Ce dernier avait du mal à ne pas rire.

Ils se retrouvèrent tous dehors, dans un grand champ au sud de l’usine. Terra les regroupa pour leur parler :

- Bien. On fait comme d’habitude. Je vais rester un moment avec Killian. Il doit avoir beaucoup de questions et comme vous le savez, les premiers jours sont perturbants quand on arrive à l’académie.

Ambre ne dit pas un mot et alla s’asseoir dans l’herbe une vingtaine de mètres plus loin. Sa tenue légère marquait ses formes qui étaient quasi parfaites.

- Elle n’a pas froid ? Il doit faire même pas dix degrés ?

Killian avait dit cela tout en la fixant pendant qu’elle s’éloignait.