Lettres des premiers temps - Chiara Lubich - E-Book

Lettres des premiers temps E-Book

Chiara Lubich

0,0

Beschreibung

Un recueil de lettres inédites datant des premières années du mouvement des Focolari.

Ce livre regroupe une cinquantaine de Lettres des premiers temps du mouvement des Focolari écrites par Chiara Lubich, entre 1943 et 1949. Pour la plupart inédites en français, ces lettres rédigées par une jeune institutrice d’Italie du Nord, en pleine tourmente de la seconde guerre mondiale, s’adressent à des jeunes filles et jeunes hommes de son âge, aux membres de sa famille, à des prêtres et religieux... À tout un ensemble de personnes avec qui elle entretient une relation profonde pour leur communiquer la grande découverte de sa vie : « Dieu m’aime immensément, et il en est de même pour toi ». Compte tenu de la gravité des circonstances, Chiara Lubich comprend très vite que cet amour est celui du Fils de Dieu qui atteint toute sa mesure dans le cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ? » Son langage est donc celui d’une jeune femme amoureuse de Dieu qui ne peut que transmettre sa passion.

Un ouvrage épistolaire dans lequel Chiara Lubich exprime à ses proches et ses connaissances tout son amour pour Dieu.

EXTRAIT

Mes petites sœurs,

Je voudrais me trouver à côté de chacune de vous et vous parler cœur à cœur, avec la délicatesse de Dieu, aller droit à votre cœur en vous disant ce qui occupe mon âme en ce moment :
Petite sœur, âme si belle, en toi aussi le Très-Haut a tracé un dessein d’amour.
Toi aussi, tu peux vivre pour quelque chose de grand dans la vie.
Crois-le : Dieu est en toi !
Ton âme en grâce est habitée par l’Esprit Saint, le Dieu qui sanctifie.
Rentre en toi-même, cherche Dieu, ton Dieu, celui qui vit en toi !
Oh, si tu connaissais celui que tu portes en toi !
Oh, si tu laissais tout pour lui !
Cette brève existence qui t’échappe et s’estompe un peu plus chaque jour, si tu la tournais vers Dieu !
Oh, si Dieu était Roi en toi, si toutes les ressources de ton âme et de ton corps étaient servantes de ce Roi, à son divin service !
Oh, si tu l’aimais de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toutes tes forces !
Alors... tu serais éprise de Dieu et tu passerais par le monde en annonçant une bonne Nouvelle !
Dieu existe ! Vis pour lui !
Dieu te jugera ! Vis pour lui !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Chiara Lubich, née en Italie en 1920, est la fondatrice du mouvement des Focolari. Elle a publié de nombreux livres centrés sur la spiritualité de l’unité et le dialogue entre religions et cultures. Elle et son œuvre ont reçu diverses reconnaissances, dont en 1996 le Prix UNESCO de l’Education pour la Paix et en 1998 le Prix Européen des Droits de l’homme. Nouvelle Cité est l’éditeur de tous les ouvrages de Chiara Lubich parus en France, notamment Pensée et Spiritualité, qui offre une synthèse thématique de ses écrits, et Vivre l’instant présent qui en est à sa troisième édition.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 247

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Chiara Lubich

Lettres

des premiers temps

(1943-1949)

Préface de François-Marie Léthel, ocd

Traduit de l’italien par Jean-Marie Wallet

Spiritualité

Nouvelle Cité

 

Titre original : Chiara Lubich, Lettere dei primi tempi, alle origini di una nuova spiritualità, © 2010, Città Nuova Editrice, Roma (Italie).

Les citations bibliques sont tirées de la Traduction Œcuménique de la Bible. Les citations bibliques en latin, fréquentes chez Chiara Lubich à l’époque de ces lettres, ont été données en français.

Introduction, présentation et choix des textes par Florence Gillet et Giovanni D’Alessandro.

Pages 68-69, photocopie d’une lettre autographe de Chiara Lubich.

Composition : Nouvelle Cité

Couverture : Anne-Charlotte Jouve

Illustration de couverture :

p. 1, Chiara Lubich en train d’écrire en s’appuyant sur le dos d’une de ses compagnes, © Centro Chiara Lubich, Rocca di Papa, Italie

© Nouvelle Cité 2010, pour l’édition papier

© Nouvelle Cité 2015 pour l’édition électronique

Domaine d’Arny – 91680 Bruyères-le-Châtel

ISBN édition papier : 978-2-85313-591-7

ISBN édition numérique : 978-2-85313-986-1

 

Sommaire

Préface

Introduction

Notes biographiques

1. Lettre (fin 1943-début 1944) aux jeunes filles du tiers ordre franciscain capucin de Trente

2. Lettre du 30 janvier 1944 à sa sœur Liliana

3. Lettre du 8 mars 1944 à Fosca Pellegrini

4. Lettre du 15 mars 1944 à Fosca Pellegrini

5. Lettre (1944 ?) aux jeunes du tiers ordre

6. Lettre du 16 avril 1944 à Elena Molignoni

7. Lettre du 7 juin 1944 à Elena Molignoni

8. Lettre de juin 1944 aux jeunes qui appartenaient au tiers ordre

9. Lettre de l’Avent 1944 à Duccia Calderari

10. Lettre (automne 1944 ?) à sa sœur Liliana

11. Lettre (novembre 1944 ?) à Rosetta Zanoni

12. Lettre du 8 décembre 1944 à Rosetta Zanoni

13. Lettre de Noël 1944 à Pierina Folgheraiter

14. Lettre de Noël 1944 à sa mère

15. Lettre du 1er janvier 1945 à sa sœur Liliana

16. Lettre du 9 janvier 1945 à sa sœur Liliana et à Chiarella

17. Lettre du 11 janvier 1945 à sa sœur Liliana

18. Lettre (début 1945 ?) à Vittoria Salizzoni (Aletta)

19. Lettre de 1945 (avant le 25 avril) à Vittoria Salizzoni (Aletta)

20. Lettre de la fin du mois de mars 1945 adressée à une destinataire inconnue

21. Lettre du 3 ou 4 avril 1945 à Fosca Pellegrini

22. Lettre du 10-12 avril 1945 à Fosca Pellegrini

23. Lettre du 15 avril 1945 à Fosca Pellegrini

24. Lettre du 22 avril 1945 à Fosca Pellegrini

25. Lettre du mois d’août 1945 à Fosca Pellegrini

26. Lettre du 30 octobre 1945 à Eli (Rosetta Zanoni ?)

27. Lettre du 29 novembre 1945 (?) à Anna Melchiori

28. Lettre du début 1946 à Anna Melchiori

29. Lettre du 3 octobre 1946 (?) à sœur Josefina et sœur Fidente

30. Lettre du 14 octobre 1946 à sœur Josefina et sœur Fidente

31. Lettre du 8 décembre 1946 adressée à un groupe de jeunes filles proches de Chiara

32. Lettre de Noël 1946 aux jeunes dont elle s’occupait

33. Lettre du 1er janvier 1947 aux jeunes dont elle s’occupait

34. Lettre du 5 janvier 1947 à sœur Josefina et sœur Fidente (?)

35. Lettre du 6 août 1947, écrite d’Assise au père Raffaele Massimei, ofm conv.

36. Lettre du 6 septembre 1947 à Carmelina et ses compagnes

37. Lettre du 6 septembre 1947 à Irene Maragliani et ses compagnes

38. Lettre du 6 novembre 1947 à un groupe de « jeunes et de moins jeunes »

39. Lettre du 13 mars 1948 au père Bonaventura da Malé, ofm cap.

40. Lettre du 30 mars 1948 au père Bonaventura da Malé, ofm cap.

41. Lettre d’avril 1948 aux jeunes qui étaient entrées dans les communautés des « focolari » ou qui se préparaient à y entrer

42. Lettre du 1er avril 1948 au père Valeriano Valeriani, ofm conv. et à ses confrères d’Assise

43. Lettre du 23 avril 1948 au père Raffaele Massimei, ofm conv.

44. Lettre du 29 avril 1948 à un groupe de quelques religieux

45. Lettre du 10 mai 1948 au père Raffaele Massimei, ofm conv.

46. Lettre du 11 mai 1948 au père Bonaventura da Malé, ofm. cap.

47. Lettre du 15 juin 1948 au père Raffaele Massimei, ofm conv.

48. Lettre du mois de juillet 1948 à tous les membres du Mouvement naissant

49. Lettre du 16 juillet 1948 à une inconnue

50. Lettre du 17 août 1948 à une religieuse

51. Lettre au père Bonaventura da Malé, ofm cap.

52. Lettre du 5 septembre à Carmelina d’Anagni

53. Lettre du 8 septembre 1948 au père Bonaventura da Malé, ofm cap.

54. Lettre du 23 octobre 1948 au père Raffaele Massimei, ofm conv.

55. Lettre du 4 novembre 1948 à un groupe de jeunes de la ville d’Anagni

56. Lettre du 27 décembre 1948 au père Bonaventura da Malé, ofm cap.

57. Lettre du 17 février 1949 à quatre religieux

58. Lettre du 4 mai 1949 à un groupe de Sardes

59. Lettre du 26 juin 1949 à don Giovanni Pinesi

60. Lettre de la fin du mois de juin 1949 à la communauté de Rome

Dans la même collection

Fin

 

Préface

Chiara Lubich est une grande mystique catholique de notre temps. Les lettres publiées dans cet ouvrage sont l’expression incandescente du cœur d’une jeune femme qui s’est donnée totalement et pour toujours à l’Amour de Jésus, pour le renouvellement de l’Église et le salut de tous les hommes. Prenant le nom de Chiara dans le tiers ordre franciscain, Silvia fait vœu de virginité le 7 décembre 1943, au cours de la dramatique période de la Seconde Guerre mondiale. De son « oui » jaillit une expérience mystique bouleversante, que nous pouvons découvrir dans ces pages de feu, en suivant son développement pendant une période de six années environ, jusqu’à l’été 1949, qui est justement la période de naissance du mouvement des Focolari. Ce sont des paroles de lumière et d’amour, d’une grande qualité doctrinale, qu’il faut interpréter dans le vaste espace ecclésial de la communion des saints et de ce que Jean-Paul II appelait la théologie vécue des saints (Novo millenio ineunte, n° 27).

Ainsi, en cette brève préface, je voudrais proposer quelques clés de lecture, d’un double point de vue. Avant tout, il faut considérer Chiara dans l’espace de la communion des saints, dans cette grande « ronde » peinte par fra Angelico, où les saints se donnent la main et nous donnent la main. Cela nous aidera à mieux voir la Réalité centrale contemplée, vécue et enseignée par Chiara à toute l’Église : Jésus abandonné et l’Unité, c’est-à-dire le grand mystère de l’Amour.

Dans la communion des saints

En ce qui concerne la communion des saints, la plus belle lumière nous a été offerte récemment par Benoît XVI, le 19 décembre 2009, dans le décret sur le miracle pour la béatification de Chiara Badano – appelée Chiara Luce, (Claire-Lumière), par Chiara Lubich –, qui sera la première bienheureuse du mouvement des Focolari, et les décrets sur les vertus héroïques de Pie XII et Jean-Paul II, les deux papes qui ont accompagné le cheminement ecclésial de la fondatrice du Mouvement du début jusqu’à la fin. Ces prochaines béatifications, d’abord de la jeune Chiara Luce, puis de ces deux grands papes, ouvrent à nos yeux les perspectives du mystère de l’Église comme mystère de communion et de sainteté. À la fin de sa vie, Chiara Lubich voyait dans cette jeune « Gen », morte à dix-huit ans en 1990, la réalisation la plus belle et la plus simple de l’Idéal du Mouvement. Maintenant, c’est l’Église elle-même qui en reconnaît officiellement la sainteté.

La jeune Chiara Luce est donc la première d’un groupe nombreux de « serviteurs de Dieu » (candidats à la béatification) issus du Mouvement. On reconnaît l’arbre à ses fruits et ce sont des fruits évidents de sainteté. Authentique mystique catholique, Chiara Lubich a toujours été en pleine communion avec l’Église, avec les évêques et avec les papes. On reste impressionné par son amour profond pour ceux qu’elle a pu connaître et rencontrer : le vénérable Pie XII, le bienheureux Jean XXIII, le serviteur de Dieu Paul VI, le vénérable Jean-Paul II, et cela sans aucune rupture ni discontinuité entre les périodes de l’avant et de l’après concile Vatican II.

Il faut encore remarquer que Chiara est exactement contemporaine de Jean-Paul II. Nés tous les deux en 1920, ils ont dit leur « oui » total au Seigneur au cours des années dramatiques de la Seconde Guerre mondiale, quand ils avaient un peu plus de vingt ans : Karol Wojtyla par son Totus Tuus, c’est-à-dire le don total et définitif de sa vie à Jésus à travers Marie – à la lumière du Traité de la vraie dévotion à Marie de saint Louis Marie Grignion de Montfort – et sa réponse à sa vocation sacerdotale, Chiara Lubich par sa consécration virginale dans le monde, pour faire naître une nouvelle famille de l’Église. Chez l’un comme chez l’autre, on trouve une splendide spiritualité christocentrique et mariale, profondément contemplative et apostolique, à la fois traditionnelle et moderne. Il existe une grande harmonie entre le Magistère de Jean-Paul II et le charisme de Chiara.

De façon particulière, Chiara est fille de saint François et sainte Claire d’Assise. La profonde racine franciscaine de sa vocation et de son charisme apparaît continuellement dans ces lettres. François et Claire sont les saints les plus cités, et de nombreuses lettres sont adressées à des membres de la grande famille franciscaine : des laïcs du tiers ordre, des religieuses, et surtout des pères capucins et conventuels. Chiara a pleinement assimilé la spiritualité franciscaine avec son merveilleux christocentrisme et son amour préférentiel pour le Pauvre crucifié, dans son climat de joie évangélique et de fraternité.

Sainte Catherine de Sienne est particulièrement présente dans ces lettres de Chiara, ce qui a une grande signification quant à sa vocation et sa mission dans l’Église et dans le monde. Ce sont en effet deux jeunes femmes – entre vingt et trente ans –, vierges consacrées dans le monde, qui ne sont pas des religieuses mais des laïques du tiers ordre : dominicain pour Catherine, franciscain pour Chiara. Femmes simples et humbles, elles possèdent la même parole de feu, extraordinairement puissante et libre, la même autorité charismatique, pour parler à tous, laïcs, religieux et prêtres, « au nom de Jésus crucifié et de la douce Marie ». Cette expression, qui introduit chacune des lettres de Catherine, convient parfaitement à celles de Chiara, de même que celle qui les termine : « Doux Jésus, Jésus Amour ». Les grands symboles catheriniens du feu et du sang se retrouvent dans les lettres de Chiara, surtout celui du feu, symbole principal de l’Esprit Saint et de la charité. Avec Marie et comme Marie « porteuse du feu » (Oraison 11), Catherine et ses fils « mettront le feu dans toute l’Italie » (cf. Lettre 261). Chiara cite plusieurs fois cette expression de Catherine (par exemple dans les lettres 9 et 46), et ainsi, à Rome, les focolarines « sont appelées des incendiaires » (lettre 60). De fait, la mission de Chiara et de ses compagnes est alors d’allumer une nouvelle flamme dans l’Église de Rome, spécialement au cours de la préparation de l’Année sainte (1950), non seulement pour l’Italie, mais pour le monde entier (lettre 46).

La ressemblance de Chiara avec Catherine apparaît particulièrement dans ses lettres aux pères franciscains Raffaele et Bonaventura, dans lesquelles elle exprime avec force sa maternité spirituelle envers les prêtres, pour les aider à grandir vers la sainteté. Écrivant au père Raffaele, provincial des franciscains conventuels, Chiara ne craint pas d’affirmer à propos de son âme : « Je tiens avec vous tous les rôles : celui de fille, de sœur et de mère » (lettre 45). De la même manière, Catherine appelait le père franciscain Lazzarino da Pisa : « très cher père et frère et enfant dans le Christ Jésus » (Lettre 225). Les lettres de Chiara, comme celles de Catherine, sont souvent d’authentiques traités spirituels (cf. lettre 29).

De toute évidence plus liée à sainte Catherine, patronne de l’Italie, Chiara apparaît aussi très proche de deux autres femmes Docteurs de l’Église : Thérèse d’Avila et Thérèse de Lisieux. Thérèse d’Avila est citée à propos de l’humilité comme fondement nécessaire de la charité (lettre 18). Il serait éclairant de comparer leur charisme de fondatrices, dans deux contextes différents. Thérèse de Lisieux n’est pas explicitement citée, mais la convergence est impressionnante quant au christocentrisme, au dynamisme missionnaire de l’amour, avec la même expression : « Aimer Jésus et le faire aimer », et surtout avec la même nouvelle compréhension de la Miséricorde infinie du Sauveur qui est source d’une espérance sans limites (cf. lettres 29, 35 et 52). Chez toutes ces saintes femmes on retrouve, dans la diversité des époques et des contextes, la force, la fécondité et l’originalité de la théologie féminine, expression du génie féminin tant estimé par Jean-Paul II.

Jésus abandonné et l’Unité : le grand mystère de l’Amour

Le thème central, continuel et, pourrait-on dire, le thème unique de ces lettres de Chiara, qui embrasse et unifie tous les autres, est toujours la Personne de Jésus, le mystère de Jésus, et surtout l’Amour de Jésus, pleinement manifesté et communiqué dans le grand mystère de sa passion rédemptrice, vrai centre de perspective de tous les mystères de notre foi : L’Unité dans la Trinité, la création et le salut, Marie et l’Église, la vocation universelle à la sainteté, la splendeur de la charité comme unique amour de Dieu et du prochain, etc. Avec des accents et des approfondissements nouveaux, Chiara représente de manière splendide la théologie de la Croix (theologia Crucis), qui est l’un des plus grands trésors de l’Église occidentale, contemplée et vécue par les saints, du moyen âge jusqu’à nos jours. C’est la théologie franciscaine, mais aussi celle des saints Anselme, Thomas d’Aquin, Catherine de Sienne, Jean de la Croix, Thérèse de Lisieux, Gemma Galgani, Padre Pio de Pietrelcina, etc.

Les expressions plus caractéristiques de Chiara, dans son nouvel approfondissement de la théologie de la Croix, sont Jésus abandonné et l’Unité. C’est le grand thème sans cesse développé et orchestré dans les lettres, selon de splendides modulations toujours nouvelles. Jésus abandonné est la source et le fondement de l’Unité. En effet, « l’Idéal le plus grand qu’un cœur humain puisse désirer – l’Unité – n’est qu’un rêve vague et une chimère si ceux qui veulent cet Idéal n’ont pas dans leur cœur comme seul tout Jésus abandonné par tous, même par son Père » (lettre 57).

La même vérité est exprimée de la façon la plus belle dans une lettre au père Bonaventura : « Le livre de Lumière, que le Seigneur écrit dans mon âme, comporte deux aspects : une page lumineuse d’un mystérieux amour : Unité. Une page de mystérieuse douleur : Jésus abandonné. Ce sont les deux aspects d’une même médaille. À tous, je montre la page Unité. Pour moi et pour ceux qui sont en première ligne de l’Unité, notre seul tout est Jésus abandonné. […] Aux autres l’Unité, à nous l’abandon. Oui, parce que l’épouse se doit de ressembler à l’époux » (lettre 40, avec pour signature : « Chiara de Jésus abandonné »). Pour elle, comme pour sainte Claire d’Assise, être Épouse du Christ signifie « embrasser le Christ Pauvre » dans les plus grandes souffrances de sa passion (Deuxième lettre de Claire à Agnès de Prague). C’est répondre à la folie de son amour pour nous, cet amour qui l’a poussé à « épouser » jusqu’au bout notre humanité blessée par le péché, pour la sauver et la sanctifier, et ce dans toutes les personnes humaines. Ainsi chaque personne, appelée à la sainteté, est appelée à être épouse du Christ dans l’Église, et pas seulement la femme consacrée dans le célibat. En ce sens, Chiara écrit à sa sœur Liliana qui se prépare au mariage : « Tu épouses comme moi l’Amour crucifié et abandonné ! » (lettre 15).

Le « cri » de Jésus crucifié : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46) est l’expression extrême de son Amour à travers sa plus grande souffrance. Pour Chiara, ce cri est inséparable de ce qui suit : l’abandon confiant de Jésus entre les mains du Père (Lc 23,46) et sa grande prière sacerdotale (Jn 17) : « Son âme d’Homme-Dieu, pleine de la plus grande souffrance que ciel et terre connaissent :la souffrance d’un Dieu abandonné par Dieu, qui pourtant n’hésite pas un instant à l’offrir à son Père : “Père, entre tes mains, je remets mon esprit”. Qu’il en soit toujours ainsi pour nous. Et sais-tu ce que répondra Jésus à ton offrande ? “Tout ce qui est à moi est à toi”. Il te donnera tout, toute la plénitude de sa joie » (lettre 23). L’épouse de Jésus crucifié et abandonné expérimente cette mystérieuse coexistence en lui de la plus grande douleur et du plus grand bonheur (la béatitude). Sur ce point, Chiara rejoint Catherine de Sienne et Thérèse de Lisieux, citées par Jean-Paul II dans Novo millenio ineunte (n° 27).

Chiara approfondit le mystère de la Rédemption comme l’admirable et dramatique « échange » entre Jésus et nous tous, pécheurs. Pour nous, lui qui était sans péché est devenu péché, afin que nous devenions en lui Justice de Dieu (cf. 2 Co 5,21). Les Pères et Docteurs de l’Église (Maxime le confesseur, Jean Damascène, Thomas d’Aquin) ont beaucoup réfléchi sur cette mystérieuse « appropriation » de notre péché réellement vécue par Jésus Rédempteur, Tête du Corps mystique, qui a pris sur lui et en lui tout le péché de ses membres, c’est-à-dire de tous les hommes, afin que tous puissent recevoir sa grâce. Avec audace et une grande sûreté théologique, Chiara pénètre de manière nouvelle dans les profondeurs de ce mystère, privilégiant la parole Unité – plutôt que la classique « union » des mystiques – à partir des paroles de l’Évangile qui sont pour elle comme « le testament » de Jésus : Que tous soient un (Jn 17,11), « Père saint… qu’ils soient un comme nous sommes un » (lettre 29). Ainsi le péché est-il caractérisé essentiellement comme « désunité » avec Dieu et avec le frère. Et c’est cette « désunité », que Jésus abandonné a réellement prise dans son Cœur pour nous donner son Unité d’Amour avec le Père, dans l’Esprit Saint (cf. lettre 39).

Ainsi la charité, qui est en même temps le plus grand commandement de Jésus et le plus grand don de son Esprit, opère vraiment l’unité avec Dieu et avec les frères. Dans les textes de Chiara, on est impressionné par l’omniprésence de Jésus. C’est toujours lui qui aime et qui est aimé, parce que d’une certaine façon il est toujours présent dans le frère, en chaque frère, même le plus lointain, le plus pécheur, dans lequel il fait entendre son cri de « désunité ». Certes il est présent « au milieu » (cf. Mt 18,20) des frères qui sont dans l’unité (lettre 36), mais c’est pour attirer tous les autres dans la même unité. Dans ces textes, il n’est pas encore question du dialogue œcuménique et interreligieux, mais on y trouve clairement la grande dynamique de la charité sans frontières du Rédempteur et Bon Pasteur, qui privilégie le frère le plus désuni, le plus éloigné, la brebis perdue de l’Évangile (cf. lettres 39, 40, 42). Ainsi se développe une splendide spiritualité de l’amour, du véritable amour qui est don total de soi à Dieu et aux autres. C’est toute la radicalité de l’Évangile, sans aucun sentimentalisme (lettres 24, 53, 54, 55).

Chaque jour, cet amour trouve sa nourriture dans la communion eucharistique et dans la parole de Dieu, inséparablement. Ici, l’enseignement de Chiara est lumineux et d’une grande actualité dans sa façon d’unir profondément dans le quotidien le pain de vie et la parole de vie, l’eucharistie et l’Évangile (cf. lettres 27, 28, 46, 50).

La présence de Marie dans ces lettres est très belle et profonde. Davantage cachée au début, la Vierge se manifeste progressivement comme la mère de l’Unité. Sa mission maternelle consiste à former Jésus en nous (lettre 46) et à nous garder dans l’unité de son amour. (lettre 36). On y trouve aussi un autre aspect de la spiritualité mariale que Jean-Paul II, avec Louis Marie Grignion de Montfort, caractérise comme « l’identification mystique avec Marie, entièrement tournée vers Jésus » (Lettre aux familles montfortaines). Chiara en fait déjà l’expérience, mais de manière collective avec les focolarines les plus proches, qu’elle appelle « Unité Marie » (lettre 49). Ainsi c’est déjà l’« Œuvre de Marie » qui est en train de naître.

Fr. François-Marie Léthel, ocd

Professeur à la Faculté pontificale de théologie Teresianum (Rome)

Prélat-Secrétaire de l’Académie pontificale de théologie

 

Introduction

Aux nombreux ouvrages de Chiara Lubich publiés quand elle était encore en vie, s’ajoute aujourd’hui un recueil posthume de lettres. Le caractère typique de ce genre littéraire est particulièrement adapté pour dévoiler la personnalité de leur auteur. Les lecteurs apprécieront de découvrir ou mieux connaître sa personne, son histoire, ses désirs les plus profonds.

Touchée quand elle était toute jeune par les événements tragiques de la Seconde Guerre mondiale, Chiara sort de la guerre avec une expérience spirituelle singulière et donne naissance à la « spiritualité de l’unité » propre au mouvement des Focolari, dont elle est la fondatrice. L’aspect de « communion » de la vie chrétienne reçoit, à travers elle, une forte impulsion, reconnue et appréciée par l’Église.

Comme il est encore prématuré de penser à la publication intégrale de ses lettres, celles qui sont publiées dans ce livre ont été choisies parmi les lettres des années 1943 à 1949, période où le charisme de l’unité ou spiritualité de l’unité est en train de se former.

Les destinataires de ces écrits sont les membres de sa famille, puis les personnes qu’elle a connues quand elle était jeune enseignante, tertiaire franciscaine et, au fur et à mesure que grandissait son expérience avec ses compagnes­ et que la vie se développait jusqu’à devenir un Mouvement, des prêtres, des religieux et religieuses, des groupes entiers, rencontrés au cours de ses voyages à travers la péninsule.

Chiara sait s’identifier aux autres avec intelligence, un amour concret et personnel, mais aussi avec tendresse, compréhension et encouragement, toujours pour le bien de ses interlocuteurs. Elle entraîne les autres sans faire mystère de son unique Idéal, Dieu, qu’elle aime et veut faire aimer.

Chiara écrit ces lettres alors qu’elle a entre 23 et 29 ans. L’évolution est évidente et, dans les brèves introductions aux lettres, nous indiquons ce qui est nouveau ainsi que les expressions qui apparaissent pour la première fois. Il est toutefois encore trop tôt pour définir son parcours spirituel, même si on distingue déjà dans ses lettres les principaux thèmes de sa spiritualité.

Les étapes principales du cheminement spirituel de Chiara apparaissent en filigrane tout au long de ce livre.

C’est d’abord la découverte de Dieu Amour. Chiara se sent aimée par lui « immensément » (voir Notes biographiques, pp. 22-23). Puis elle découvre Jésus abandonné, expression la plus grande de l’amour de Dieu pour nous. Elle le choisit comme « le tout de sa vie » (voir Notes biographiques, p. 23). Viennent ensuite la vie de la Parole, l’unité, demandée par Jésus au Père dans sa prière : « Que tous soient un, comme toi et moi » (Jn 17,13).

Il est étonnant qu’une personne aussi jeune puisse posséder une telle sagesse, une telle expérience de vie, une telle compréhension du christianisme, mais nous savons qu’elle-même, parlant de sa correspondance, affirmait un jour : « Quelqu’un me poussait. »

La simplicité de son langage, son originalité et sa lucidité, unies au feu qui la dévorait, font effectivement penser à une aide particulière de Dieu.

La culture religieuse qu’il nous est donné d’entrevoir est la culture traditionnelle de l’époque. En outre, Chiara connaît bien les classiques italiens, mais surtout, ce qui est insolite, on perçoit chez elle une fréquentation régulière de l’Évangile et de l’Écriture, et ses écrits sont imprégnés de la Parole de Dieu, qui fait partie intégrante de sa pensée et guide sa vie.

Sa clarté de vue et son ouverture se remarquent notamment dans ses lettres à sa sœur Liliana, surtout celle du 30 janvier 1944 (lettre 2), où elle l’éclaire sur la place à donner à Dieu dans la vie, que l’on soit marié ou non.

Il est frappant de constater combien, au fur et à mesure que les années passent, cette amante de Dieu, captivée par son époux, « Jésus abandonné », semble céder la place à l’Esprit, comme par exemple dans ses lignes sur l’unité, qui culminent dans cette définition : « L’unité est… Jésus », sur la manière d’atteindre l’unité, sur la façon de communiquer aux autres la passion de l’unité.

Il est émouvant de lire les lettres qu’elle écrit à des jeunes chez qui elle entrevoit des possibilités spirituelles particulières et de voir avec quel soin et quelle assiduité elle les suivait, inspirée par l’Esprit.

Il n’y a pas de doute que la lumière lui était donnée par Dieu peu à peu, depuis cette phrase écrite à Elena Molignoni : « Si tu devais ne plus rien savoir de moi » (lettre 7), puis celle à sa maman : « Si dans la vie ta Silvia devait mourir la première » (lettre 14), jusqu’à cette prise de conscience : « C’est une Grande Mission que mon Amour m’a appelée à accomplir » (lettre 15). Non seulement, car le 14 octobre 1946, elle peut écrire : « Vous savez que mon champ d’action s’étend jusqu’aux confins de la terre » (lettre 30).

Un aspect très intéressant est le rapport épistolaire de Chiara avec des religieux qu’elle a connus au fur et à mesure que le Mouvement s’affirmait dans l’Église, à partir de 1945. En Maître, experte dans ce qui concerne Dieu, tout en respectant le rôle de ses interlocuteurs dans l’Église, Chiara n’hésite pas à donner des conseils, à les reprendre, à les guider, à leur dévoiler toute la lumière que Dieu lui donne. Elle leur parle de « l’époux », Jésus abandonné, comme la porte qui ouvre à Dieu, le secret pour atteindre l’unité, l’unité qui est l’intuition première et le fondement de tout le Mouvement.

Lancée dans une authentique « divine aventure », poussée par l’Esprit Saint, elle en arrive à des affirmations qui ne sont compréhensibles que dans la logique d’un rapport très étroit entre l’action de Dieu et la réponse de l’âme : « Je sens qu’avec la lumière de Jésus je peux dissoudre toutes les ténèbres en vous » (lettre 53), « Frères, Dieu nous a donné un idéal qui sera le salut du monde ! » (lettre 44).

Si Chiara a une telle conscience de la tâche à laquelle elle se sent appelée, elle possède aussi la certitude que Dieu opère uniquement sur son néant : « Notre jeunesse et notre si petite expérience dans l’Amour… » (lettre 22). De même en affirmant : « Dieu ne pouvait choisir que moi pour ce travail… » (lettre 35), elle n’hésite pas à se ranger parmi « les personnes les plus sottes, les plus inutiles, les plus misérables » (lettre 29).

Originale l’invitation de Chiara, dans ses contacts avec les personnes qu’elle suit, à considérer l’exposition de ses propres péchés à Jésus comme une excellente possibilité d’union à Dieu (lettre 29).

Nous ne saurions oublier le rôle que la vie de la Parole a tenu dans l’expérience de Chiara et du mouvement des Focolari : « Nous avons compris que le monde a besoin d’une cure… d’Évangile, car seule la Bonne Nouvelle peut lui donner à nouveau la vie qui lui manque » (lettre 50).

Un autre élément de ces lettres, souvent mis de côté dans les traités de spiritualité, est le rappel que la vie est brève et qu’il faut commencer rapidement la « course », quand on est jeune, parce que les choses deviennent plus difficiles ensuite. Elle suggère donc de vivre le « moment présent » : « Le temps passe en un éclair et, entre les mains, nous n’avons que l’instant qui fuit » (lettre 5). Une pratique qui a une grande valeur pour la vie spirituelle et qui est source de paix et de progrès dans le cheminement vers Dieu.

Enfin, le fil conducteur de chacune des pages de ce livre est le mot « Idéal », que Chiara n’hésite pas à définir comme « le plus beau, celui que la mort ne brise pas, mais qu’elle rend gigantesque » (lettre 4), « qu’aucun autre idéal ne peut égaler » (lettre 12).

Le langage de ces lettres est rapide, concis, essentiel. Il est toujours clair et compréhensible. Habitée par un véritable feu intérieur, Chiara est capable d’écrire, d’après ce que nous en savons, des dizaines de lettres par jour, partout où elle se trouve, en montagne par exemple, au crayon, avant d’entrer dans un abri antiaérien. Elle veut faire aimer Dieu et ne s’attarde pas sur les détails, de sorte que, dans ses lettres, les corrections sont rares et qu’on trouve de légères imperfections linguistiques. Cela vient de la fougue avec laquelle elle écrivait, utilisant chaque instant à sa disposition.

Il serait intéressant, à ce propos, d’étudier les quelques lettres manuscrites qui nous sont restées. L’écriture de Chiara, sa façon d’écrire tantôt sereine, tantôt pleine de fougue, de souligner telle ou telle expression, de passer de caractères très petits et réguliers à de grands caractères et aux majuscules pour insister sur un concept, donnent à ces lettres une dimension supplémentaire, qui n’apparaît pas dans ce livre, sauf par l’emploi de l’italique. Seule une édition critique pourra faire apprécier complètement un tel style. Un exemple de lettre autographe se trouve pp. 68-69.

Pour conclure, ces pages ne sont ni un traité, ni le fruit d’une élaboration intellectuelle, et elles n’ont jamais été écrites en vue d’une publication. Néanmoins, par leur force prophétique, elles témoignent d’une expérience spirituelle parmi les plus élevées du xxe siècle. Elles nous permettent de connaître Chiara Lubich un peu mieux : amoureuse et confiante en l’amour de Dieu pour chaque être humain, certaine que chacun est appelé à la sainteté. Non seulement, mais sachant le rôle important qu’elle a eu dans le domaine ecclésial, œcuménique et interreligieux et qui pourrait nous faire ressentir une grande distance avec elle, nous la découvrons très proche de nous, « l’une de nous ». En même temps, elle est convaincante quand elle affirme : « Dans cette vie, qui passe en un éclair, une seule chose a de la valeur, une seule chose qu’il nous faut demander à Dieu :de l’aimer » (lettre 14). Le corollaire logique de cette demande est la poursuite de son Idéal d’unité du monde comme un objectif que chacun peut avoir et qui est la vocation de chaque chrétien.

Nos remerciements vont aussi à Michel Vandeleene qui a assuré une grande partie du travail préparatoire de ce livre. Nous remercions aussi le Centre Chiara Lubich, en particulier Eli Folonari, Silvana Veronesi et Marco Tecilla, tous trois parmi les premiers compagnons de Chiara, pour les conseils qu’ils nous ont prodigués au cours de l’élaboration du livre. Notre gratitude va aussi à Luisa Del Zanna, responsable des archives du mouvement des Focolari, qui nous a donné accès aux documents originaux. Et, sans la permission des destinataires de ces lettres ou de leurs héritiers, cette publication n’aurait pas été possible. Qu’ils en soient remerciés.

Florence Gillet

Giovanni D’Alessandro