Marie, fleur de l'humanité - Chiara Lubich - E-Book

Marie, fleur de l'humanité E-Book

Chiara Lubich

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Beschreibung

Des méditations passionnantes autour du modèle spirituel de Marie

Marie, fleur de l’humanité, première disciple du Christ, Parole de Dieu en actes, mère ouverte sur toute l’humanité dans sa diversité, si grande et pourtant si proche, elle est si belle, Marie. « On ne saurait parler d’elle: on la chante » écrit dans un de ses plus beaux textes de méditation, Chiara Lubich , fondatrice du mouvement des Focolari également connu dans l’Église catholique sous le nom d’Œuvre de Marie.

À la suite de Chiara Lubich laissons-nous guider par Jésus qui, du tabernacle devant lequel elle lui demandait pourquoi il ne l’avait pas laissée sur terre comme il le fit pour lui-même dans l’Eucharistie, répondit : « Je ne l’ai pas laissée parce que je voudrais la revoir en toi (en vous). Même si vous n’êtes pas immaculés, mon amour vous purifiera, vous rendra vierges. Et vous ouvrirez un cœur de mère à l’humanité qui, aujourd’hui comme alors, a soif de Dieu et de sa mère. »

Loin des clichés d’une piété vieillie, ce livre dévoile en Marie la plus belle des fleurs de l’humanité et la propose simplement comme modèle.

EXTRAIT

Marie est la femme le plus fréquemment citée dans l’Évangile. Plus que n’importe quelle autre femme dans l’histoire, elle a été une source d’inspiration,
une lumière et une consolation pour de nombreuses personnes. On ne compte plus les filles qui, à travers les siècles, ont porté son nom. Impossible, aussi, de compter les prières qui lui sont adressées. Sa présence et son intervention à des moments critiques ont marqué l’histoire de plusieurs pays. Il suffit de penser à ce que la Vierge de Guadalupe, la « Morenita », apparue en 1531 à Juan Diego, a signifié et signifie aujourd’hui encore pour les Mexicains et pour toute l’Amérique latine.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Chiara Lubich (1920-2008) est la fondatrice du mouvement des Focolari, diffusé à travers le monde entier. Son charisme de l’unité touche et transforme la vie de milliers de personnes de toutes cultures et religions.

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INTRODUCTION

Marie est la femme le plus fréquemment citée dans l’Évangile. Plus que n’importe quelle autre femme dans l’histoire, elle a été une source d’inspiration, une lumière et une consolation pour de nombreuses personnes. On ne compte plus les filles qui, à travers les siècles, ont porté son nom. Impossible, aussi, de compter les prières qui lui sont adressées. Sa présence et son intervention à des moments critiques ont marqué l’histoire de plusieurs pays. Il suffit de penser à ce que la Vierge de Guadalupe, la « Morenita », apparue en 1531 à Juan Diego, a signifié et signifie aujourd’hui encore pour les Mexicains et pour toute l’Amérique latine.

Dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, le charme de Marie a inspiré des poésies et des chants, dont l’Acathiste, une hymne très ancienne de l’Église d’Orient, et l’empreinte que la figure de Marie a laissée dans la culture au deuxième millénaire n’échappe à personne. Pensons, par exemple, aux louanges que lui adresse saint Bernard dans le dernier chant du Paradis de Dante : « Vierge mère, fille de ton Fils », ou encore au magnifique commentaire de Martin Luther sur le Magnificat. Pensons encore aux innombrables fresques, peintures, retables et statues que l’on trouve dans les églises et les galeries d’art aux quatre coins du monde, sans parler des sublimes icônes mariales de la tradition orthodoxe.

En dépit de la laïcisation qui caractérise notre époque par rapport à d’autres, Marie demeure aujourd’hui encore une référence. Les sanctuaires marials ne cessent de drainer de grandes foules. Pour donner ne serait-ce qu’un exemple, en Inde, la basilique de Sainte-Marie du Mont de Bandra, dans une banlieue de Mumbai, ne désemplit pas : des chrétiens, mais également des hindous et des musulmans s’y pressent constamment. D’ailleurs, le Coran cite explicitement Marie à 34 reprises. Sa figure est présente jusque dans la musique, le cinéma, la littérature et les arts plastiques. La chanson « Magnificent » du groupe de musique U2 s’inspire du Magnificat. Dans « La Passion du Christ », Mel Gibson a fait du regard adressé par la Vierge à son fils Jésus l’élément dramatique principal de son film 1. Dans les différentes régions du monde, nous trouvons des représentations modernes de la Vierge, comme par exemple dans les œuvres d’Ismaël Saincilus (Haïti), Balagtas (Philippines), Andy Warhol (États-Unis) et dans le projet « Jésus Mafa » au Cameroun.

Marie demeure l’objet d’une grande attention et vénération, ce qui suscite néanmoins de nombreuses critiques, notamment envers le culte marial : la dévotion traditionnelle envers la Vierge serait trop influencée par la culture patriarcale et cléricale. Ces voix affirment ainsi que Marie est présentée comme une femme soit trop soumise, soit trop distante de nous, gratifiée de titres prestigieux et singuliers qui lui confèrent des privilèges.

Cependant, depuis quelques décennies, une volonté de revoir la réflexion sur Marie se fait jour. On le constate par exemple avec le concile Vatican II, qui a présenté Marie non plus isolément, mais au sein du peuple de Dieu et comme modèle de l’Église. Parallèlement, sur le plan œcuménique, différentes Églises chrétiennes redécouvrent aujourd’hui Marie, après plusieurs siècles durant lesquels son rôle a donné lieu à des controverses en raison d’exagérations qui semblaient éclipser le primat de Jésus-Christ, unique médiateur 2.

Et nous en arrivons à l’expérience d’une femme de notre temps, qui ne se souciait nullement de présenter une réflexion actualisée sur la figure de Marie. Pourtant, elle l’a fait redécouvrir et comprendre sous un angle novateur, à travers son expérience spirituelle qui a entraîné des millions d’hommes et de femmes, des catholiques, mais aussi des personnes de différentes Églises et religions. Il s’agit de Chiara Lubich (1920-2008), fondatrice du mouvement des Focolari, personnalité dotée d’un charisme qui a marqué le XXe siècle et qui est destiné à se prolonger au-delà. Tel un pinceau dans la main d’un peintre, Chiara Lubich, reconnaissant humblement qu’elle n’était « rien », a été, avec toute sa créativité, choisie par Dieu pour donner naissance à un mouvement qui allait recevoir le nom d’« Œuvre de Marie » au moment de son approbation officielle par l’Église catholique. Cela a débouché sur une expérience prophétique qui nous fait découvrir sous un jour nouveau combien Marie reste actuelle.

Marie est bel et bien un point essentiel de la spiritualité de l’unité qui caractérise le mouvement des Focolari, et bien plus encore : elle constitue le cœur de la pensée et de la spiritualité de Chiara Lubich. Tout au long de sa vie et dans chacun de ses écrits, on sent le « parfum » de la présence, tout en finesse et jamais ostentatoire, de Marie, la mère de Dieu, son « style ». Car, comme elle l’a expliqué à ceux qui voulaient la suivre dans son cheminement spirituel : « Ma vocation, qui est aussi la vôtre, consiste, plus qu’à s’entretenir avec Marie […], à vivre Marie, à être Marie, à l’imiter et, surtout, à la faire revivre en nous 3. » Et aussi : « Marie est la mère de notre Mouvement, ce qui veut tout dire. Dieu nous l’a donnée et nous l’avons toujours perçue ainsi. De la même façon qu’instinctivement “maman” est le premier mot qu’un nourrisson apprend, depuis sa naissance le Mouvement – nous y voyons un effet de l’Esprit Saint – est incapable de se définir lui-même par un nom autre que celui de Marie : “Œuvre de Marie” 4. »

Cet ouvrage 5 propose un recueil de textes sur Marie, qui illustrent la façon dont Chiara l’a contemplée en diverses occasions et à différents moments de sa vie. Nous avons choisi à cet effet des écrits variés, publiés ou inédits, des notes de journal intime, des méditations, des extraits de conversations avec différents interlocuteurs et de pensées exprimées lors de télé-réunions 6.

Bien que Chiara Lubich désigne la mère de Jésus comme le « silence » sur lequel Dieu peut parler et se raconter, la figure de Marie telle qu’elle se dessine dans ces textes ne se distingue pas par une soumission passive ou une attitude servile. En même temps, Marie, expression d’une disponibilité « passive » et d’une promptitude « active » à faire la volonté de Dieu et à aimer, représente pour Chiara un modèle de vie qui peut entraîner tout le monde. Plus spécifiquement, elle nous présente Marie sous un angle nouveau, comme le modèle d’un cheminement spirituel en communion, mettant en relief un dynamisme marial de la foi et de l’amour qui nous pousse à laisser vivre et même à « faire naître » Jésus non seulement « au-dedans » de nous, mais aussi « entre » nous, dans nos relations ; une dimension qui s’accorde très bien avec la culture contemporaine.

Un thème revient constamment dans la pensée de Chiara : Marie doit être davantage aimée et « vécue » qu’étudiée (même si, par ailleurs, elle encourageait à en approfondir la connaissance intellectuelle). C’est pourquoi, dans ce livre, nous essayons d’offrir au lecteur des ressources pouvant l’aider à « revivre » Marie, telle que Chiara l’a toujours présentée dès ses premières découvertes dans les années 1940. En guise d’orientation générale, nous avons choisi de retracer les différentes phases de sa relation à Marie tout au long de sa vie, telles qu’on peut les identifier, bien que de façon approximative.

Précisons toutefois que l’événement principal qui a fait entrer dans le cœur et dans l’esprit de Chiara les éléments fondamentaux constituant, pour ainsi dire, sa pensée sur Marie, c’est son expérience mystique appelée le Paradis 1949 et qu’elle décrit comme l’« entrée officielle » de Marie dans sa spiritualité et dans son Œuvre. Si l’on veut saisir la figure de Marie telle que Chiara l’a comprise et vécue, on ne saurait passer à côté de cette expérience mystique fortement trinitaire, christologique, anthropologique, sociale et cosmologique.

Par conséquent, Marie représente pour Chiara Lubich bien plus qu’un objet de dévotion, même si elle multiplie les manifestations d’amour envers la Vierge. Lors de ses voyages, elle visite les divers sanctuaires marials : Fatima, Lourdes, Einsiedeln en Suisse, Częstochowa en Pologne, le sanctuaire de la Vierge de Guadalupe au Mexique… Elle s’est arrêtée à de nombreuses occasions devant la Pietà de Michel-Ange pour contempler la figure de Marie au pied de la croix, en qui elle a toujours vu le sommet de la foi et de l’amour. En récitant le chapelet, elle a tiré des différents mystères de quoi éclairer son existence et celle de tous ceux qui l’accompagnaient dans le « saint voyage » de la vie.

Cependant, en contemplant Marie, Chiara envisageait son rôle dans l’économie du salut dans son ensemble, qu’elle décrit de façon synthétique comme un chemin à travers l’histoire vers la réalisation du testament de Jésus : « Que tous soient un » (Jn 17,21). Reprenant à son compte les paroles de Jean-Paul II, elle affirme que Marie fait « partie intégrante de l’économie de la communication de la Trinité au genre humain 7. » Il importe de ne pas perdre de vue cette vaste perspective qui était la sienne car, sans cela, ce livre prend le risque de déformer et de minimiser la figure de Marie, point fondamental de la spiritualité de l’unité.

Depuis longtemps déjà, la « hiérarchie des vérités » est présentée comme la clé de lecture indispensable pour comprendre n’importe quel aspect particulier de la foi. Autrement dit, tout doit être considéré et expliqué à la lumière de deux points centraux : le mystère de Dieu trine et le mystère du Christ, l’incarnation qui atteint son point culminant dans le mystère pascal. C’est cette perspective que nous retrouvons chez Chiara, en parfait accord avec le concile Vatican II, qui recommande de « s’abstenir avec le plus grand soin, quand la dignité unique de la mère de Dieu est en cause, à la fois de tout excès contraire à la vérité et non moins d’une étroitesse injustifiée 8. »

Ayant posé ceci, nous pouvons souligner certaines caractéristiques de Marie, que Chiara fait ressortir de façon extrêmement originale :

Marie et la Parole de Dieu. Si Jésus est la Parole de Dieu incarnée, affirme-t-elle, Marie est la Parole de Dieu vécue. Elle est entièrement « revêtue », pétrie de la Parole de Dieu. Elle est, en ce sens, le modèle que doit suivre tout chrétien appelé à « reproduire » le Christ, la Vérité, la Parole avec la personnalité que Dieu a donnée à chacun. Il s’agit incontestablement d’une piste intéressante pour l’œcuménisme.

Marie, mère de Dieu. Marie, comme la création tout entière, est « contenue » dans la Trinité ; cependant, l’incarnation nous fait comprendre que Dieu, qui est Amour, s’est « rapetissé devant elle » par amour, afin que, en tant que mère de Dieu, elle puisse le contenir : « Le ciel contient le soleil ! Marie contient Dieu ! », affirme Chiara avec stupeur. Marie vit ainsi une étreinte universelle à laquelle nous pouvons nous aussi participer en quelque sorte, toutes proportions gardées.

Marie, la fille parfaite du Père. Considérant le dynamisme de l’incarnation et le « oui » de Marie, Chiara la contemple comme le « chef-d’œuvre » de Jésus, son « œuvre la plus grande ». En marchant à la suite de Celui qui a dit : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi, je vous ai aimés » (Jn 15,9), Marie devient la « fille parfaite du Père ».

Marie au pied de la croix. Sur le Calvaire, Marie prononce un second « oui » à Dieu. Par le premier, à l’annonce de l’ange, elle avait accepté de devenir la mère de Jésus. Lors du second, au pied de la croix, Dieu lui demande de renoncer à cette maternité pour accueillir Jean à la place de Jésus et, à travers lui, toute l’humanité. Chiara comprend que ce second « fiat » est lourd de sens et de conséquences pour la vie de l’Église et de l’Œuvre naissante. De Marie au pied de la croix, elle apprend à suivre le chemin de sainteté, qui passe par le fait de « savoir perdre » jour après jour tout ce qui n’est pas Dieu, afin de vivre « solennellement » l’instant présent ; en outre, en contemplant Marie, elle découvre comment participer à sa maternité spirituelle envers l’humanité.

Marie et l’Esprit Saint. Dans un texte que nous reproduisons plus loin, Chiara parle de Marie comme de la « gardienne secrète de l’Esprit en elle ». Elle affirme encore que « l’Esprit Saint grandissait en elle ». Marie a trouvé dans l’Esprit Saint « repos et réconfort, force et audace, capacité à vivre quand plusieurs morts l’auraient écrasée 9 ». Elle peut ainsi nous apprendre comment nous laisser guider par l’Esprit Saint.

Marie et l’Église. En étudiant les effets de la Pentecôte sur Marie, Chiara devine les changements qui se sont produits en elle après qu’elle a dû renoncer à son Fils, au pied de la croix. Marie, qui participe désormais du « Christ rédempteur », devient un « autre Christ ». Pensons à cette affirmation de l’apôtre Paul : « Avec le Christ, je suis un crucifié ; je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi » [Ga 2,19-20]). Avec Lui et en Lui, on peut considérer que Marie est intimement liée à la communication de l’Esprit Saint. Pour cette raison – l’iconographie chrétienne, qui la représente au centre du cénacle de la Pentecôte, l’a d’ailleurs bien saisi –, Marie joue un rôle essentiel en aidant l’Église à entrer de plain-pied dans la réalisation du projet de Dieu sur elle : être Jésus en étant, comme elle, totalement ouverts à Dieu et ouverts les uns aux autres. Chiara décrit Marie comme « une fontaine qui coule pour tous, où chacun peut se désaltérer. Pleinement maternelle 10 ». Lors du Synode des évêques, en 1987, elle affirme : « On aime [Marie] comme mère et, dans un certain sens, on veut la revivre afin que l’Église sente, même en ce siècle, sa présence dans son cœur 11… » Dans la même ligne, elle promeut inlassablement la spiritualité de communion afin d’augmenter l’apport en vitalité et en sainteté du profil marial à l’Église. Chiara se réjouissait de voir que sa façon de comprendre Marie était bien reçue au sein d’autres Églises et même par des représentants de nombreuses autres religions, parce qu’elle percevait que cela contribuait à préparer « l’Église de demain 12 ».

Marie, modèle de la révolution évangélique. À de nombreuses occasions, Chiara parle de son Œuvre comme d’une révolution d’amour dans le monde, et elle ne cesse de désigner Marie comme le modèle de cette révolution. Pour de multiples raisons, Marie est « la plus grande contestatrice qui ait jamais existé après Jésus ». Dans ce sens, Chiara conçoit le Magnificat entre autres comme le manifeste d’une révolution sociale ; elle est convaincue que revivre Marie ne pourra que provoquer une transformation du monde.

Marie, humanité et création réalisées. En contemplant Marie « insérée comme une créature rare et unique dans la Trinité », Chiara comprend que Marie est la « fleur de l’humanité », la « création qui se fait fleur ».

Marie montée au Ciel. Pour Chiara, Marie au Ciel, qui « dans son corps a emporté le créé au Paradis », est l’icône et le chemin pour toute personne appelée à s’engager concrètement à renouveler le monde. Le corps glorifié de Marie est le symbole de toutes les expressions humaines où l’amour divin fait son chemin jusqu’à s’incarner : dans le domaine social, dans l’économie, l’art, l’éducation, la santé…

La voie de Marie. Chiara considère le cheminement spirituel de ceux qui s’engagent à vivre l’Évangile avec les autres, à la lumière de la « voie de Marie » dans ses différentes étapes, de l’annonciation à la crucifixion, puis à la résurrection et à la glorification. Tout ceci se reflète d’une façon ou d’une autre dans notre cheminement et peut être éclairé par l’attitude de Marie lorsqu’elle vivait ces moments.

Comme on le devine à partir de cette ébauche rapide, le thème de Marie dans la pensée et la spiritualité de Chiara est riche et varié. Il se prête à de nombreux approfondissements et il est, à notre sens, extrêmement actuel. Évoquant l’époque qui est la nôtre, le célèbre philosophe français Jean Guitton a déclaré peu avant de mourir : « Je suis convaincu que l’heure de Marie est arrivée et que l’Esprit Saint souffle avec force dans cette direction. Les chrétiens du XXIe siècle comprendront Marie en la voyant au sein de la Trinité… Le XXIe siècle sera le siècle de Marie 13. »

Nous espérons que le lecteur appréciera le choix des textes que nous avons rassemblés dans cet ouvrage. Nous sommes bien conscients du fait que les diverses cultures où il sera lu possèdent des sensibilités différentes par rapport à Marie : certaines soulignent davantage l’un ou l’autre aspect, d’autres moins. Quoi qu’il en soit, nous vous conseillons de lire ces textes à titre de méditation, afin que résonne, dans le cœur de chacun, l’invitation que Jésus, depuis la croix, a adressée au disciple qu’il aimait : « Voici ta mère ! » (Jn 19,27). Depuis cette heure-là, nous dit le quatrième évangile, « le disciple la prit chez lui ». Ainsi, il l’associa à ce qui lui appartenait, comme Chiara l’a fait de façon exemplaire en vivant la spiritualité évangélique qu’elle avait reçue de Dieu.

Brendan LEAHY – Judith POVILUS

(1) Cf. « La Passione di Cristo vista attraverso gli occhi di Maria », in Tracce 31 (2004), n° 4, pp. 82-84.

(2) Cf. Document sur le dialogue entre anglicans et catholiques romains ARCIC II, « Mary : Grace and Hope in Christ » (2004). Traduction française : « Marie : grâce et espérance dans le Christ », www.vatican.va.

(3) C. LUBICH, « Réponses aux questions des jeunes qui se préparent à la vie en focolare », Loppiano, 18 mai 1978, in Archives Chiara Lubich.

(4) ID., « Discours aux évêques amis du mouvement des Focolari », Rocca di Papa, 24 janvier 1978, in Città Nuova, 22 (1978), n° 13, p. 40.

(5) Nous adressons nos plus vifs remerciements au Centre Chiara Lubich ainsi qu’à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont collaboré à cet ouvrage s’inscrivant à la suite d’un recueil précédent, publié sous la direction de l’auteure elle-même : C. LUBICH, Marie, transparence de Dieu, Nouvelle Cité 2003.

(6) À partir de 1980, Chiara Lubich a organisé des liaisons téléphoniques avec des milliers de membres du Mouvement vivant sur les cinq continents. Lors de ce rendez-vous, d’abord tous les quinze jours puis une fois par mois, elle avançait avec eux dans ce qu’elle appelait le « saint voyage ».

(7) « Maria in prospettiva trinitaria », in Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIX (1996) 1, Cité du Vatican 1998, p. 47, cité d’après C. Lubich lors de son discours à l’Université Saint-Thomas de Manille, 14 janvier 1997, in Dottorati honoris causa conferiti a Chiara Lubich, Città Nuova, Rome 2016, pp. 86-87.

(8)Lumen gentium, n° 67.

(9) Cf. C. LUBICH, Pensieri, Città Nuova, Rome (1961) 19956, p. 48.

(10) C. LUBICH, Méditations, Nouvelle Cité (1959) 2016, p. 123.

(11) C. LUBICH, « Discours à la VIIe assemblée ordinaire du Synode des évêques », in La voce dei Laici al Sinodo, Conseil pontifical pour les laïcs, Éd. du Vatican, 1988, p. 176.

(12) C. LUBICH, « Discours aux évêques amis du mouvement des Focolari », Rocca di Papa, 24 janvier 1978, cit.

(13) Entretien publié à titre posthume, cité d’après P. Coda sous l’entrée « Mariologia » in Dizionario del Cristianesimo, sous la direction de P. Coda et G. Filoramo, UTET, Turin 2006, p. 665.

- I -UNE « PRÉSENCE SILENCIEUSE »Marie lors des « premiers temps »

Lorsqu’un nouveau mouvement apparaît dans l’Église, ce n’est pas l’aboutissement d’un projet préparé de longue date : il découle spontanément d’une redécouverte de l’Évangile. Ainsi, commentant un jour les cinq premières années du mouvement des Focolari, Chiara Lubich décrit comment elle-même et ses premiers compagnons de route avaient identifié très tôt certains points fondamentaux de la nouvelle spiritualité évangélique qui était en train de naître : Dieu Amour, la volonté de Dieu, Jésus dans le frère, le commandement nouveau, Jésus abandonné, Jésus au milieu de nous, l’unité. Ce qui frappe, dans cette synthèse, c’est que Marie ne soit pas citée parmi les points fondamentaux de la nouvelle spiritualité. Et pourtant, les membres du Mouvement naissant étaient bien catholiques ! Il se trouve que, dans le climat spirituel de l’époque, Marie était surtout un objet de piété dévotionnelle, certes suggestive dans la forme, mais « limitée », comme Chiara l’affirmera elle-même.

Plus tard, en réfléchissant sur l’histoire du Mouvement, Chiara comprend de quelle façon l’Esprit Saint a formé les premiers membres du Mouvement, en recourant à la même pédagogie qu’avec l’Église : laisser Marie dans l’ombre dans unpremier temps, afin de mieux mettre en valeur le fils qu’elle allait avoir et qui était Dieu.

En 1949, lors de l’extraordinaire expérience de lumière de cet été-là, dont il sera question dans le prochain chapitre, Chiara acquerra une nouvelle compréhension de Marie, à partir de la spiritualité communautaire dont les contours se dessinaient peu à peu. En attendant, avant 1949 et même dès 1943, année considérée comme celle de la naissance du Mouvement, on perçoit comment Chiara et le Mouvement naissant pressentent déjà qu’ils auront beaucoup à voir avec Marie.

1 – À L’AUBE DU MOUVEMENT DES FOCOLARI

Deux expériences particulières sont révélatrices du rapport de Chiara à Marie à l’aube du Mouvement. Elle a vécu la première en 1939 à Loreto, un sanctuaire marial ancien dans le centre de l’Italie, où elle s’était rendue pour un cours de formation avec l’Action catholique. La seconde a eu lieu quelques années plus tard, lors d’un bombardement à Trente.

Extrait d’une conversation avec des évêques amis du mouvement des Focolari

Castel Gandolfo, 16 février 1987

Là [à Loreto], j’ai compris que le Seigneur avait préparé, pour une nouvelle famille spirituelle au sein de l’Église, une voie nouvelle que nous avons appelée la « quatrième voie » : le Focolare.

Dans le sanctuaire de Loreto, j’ai eu l’intuition qu’une longue suite de personnes consacrées s’engagerait sur cette voie. Oui, Marie était présente, dès cet instant, de sa présence silencieuse, et attendait tous ceux qui devaient la suivre dans son œuvre 14.

Une Marie conforme au cœur de Dieu

Cependant, je dois préciser quelle vision nous avions de Marie avant de commencer à comprendre un peu, grâce au charisme que l’Esprit Saint nous a donné, les vérités de notre foi la concernant. Pour nous, d’une manière générale, la mère de Jésus était objet de dévotion et de tendresse ; elle était celle auprès de qui nous étions sûrs de trouver refuge et protection, la Vierge qu’on honore surtout durant le mois de mai, celle qu’on invoque, une très grande figure qui a fasciné et continue de fasciner les artistes de tous les temps.

Plus tard, la spiritualité nouvelle qui prenait forme a élargi notre vision limitée de Marie – celle d’une statuette au visage pur et gracieux, apportant beauté et douceur dans notre vie chrétienne. Elle nous a donné une Marie plus conforme au cœur de Dieu.

La douleur de ne plus pouvoir réciterle « Je vous salue Marie »

À la naissance du Mouvement, durant la guerre de 1939-1945, à Trente, j’ai eu personnellement une intuition nouvelle concernant Marie. Cela s’est produit sous un terrible bombardement, qui aurait pu nous être fatal.

Couverte de la poussière qui avait envahi l’abri, je me suis relevée, comme par miracle. Au milieu des cris qui s’élevaient autour de nous, j’ai dit à mes compagnes : « Au moment où nous étions en danger, j’ai éprouvé au fond de mon cœur une douleur aiguë : j’ai pensé que plus jamais je ne pourrais dire le “Je vous salue Marie” sur cette terre. »

Ce « Je vous salue Marie » pourrait résonner ainsi

J’étais alors incapable de saisir la signification de mes paroles et de la douleur que j’avais ressentie. Mais peut-être exprimaient-elles inconsciemment l’idée que, si nous restions en vie, nous pourrions, avec la grâce de Dieu, rendre gloire à Marie à travers l’œuvre qui était sur le point de naître.

Aujourd’hui, à distance de toutes ces années, il me semble que ce « Je vous salue Marie » pourrait résonner ainsi :

« Je te salue Marie, pleine de grâce » : réjouis-toi, Marie, car des grâces nouvelles s’apprêtent à descendre en abondance sur la terre, en ce vingtième siècle.

« Le Seigneur est avec toi » : le Seigneur est à l’œuvre pour te donner une gloire nouvelle.

« Tu es bénie entre toutes les femmes » : tu reçois maintenant de nouvelles bénédictions de la part de tes enfants et des nombreux chrétiens qui, jusqu’alors, n’avaient pas voulu ou n’avaient pas pu te connaître.

« Et Jésus, le fruit de tes entrailles, est béni » : partout dans le monde, partout où tu apparaîtras dans ton œuvre, ton Fils présent au milieu de toi fleurira à nouveau.

« Sainte Marie, mère de Dieu, prie pour nous, pécheurs » : pécheurs, et cependant choisis, en cette heure, pour être le calice où tu te rends présente à nouveau sur la terre.

« Maintenant » : oui, en cet instant présent si précieux où, comme une mère et une éducatrice, tu nous enseignes à tous, petits et grands, comment vivre.

« Et à l’heure de notre mort » : cette mort, tu l’as si bien gravée en nos cœurs, dans la furie de la guerre, qu’elle devient, pour nous et pour tous ceux qui, à notre exemple, se sont mis à ta suite, le motif d’un nouvel élan vers la vie, la seule vraie vie.

« Amen » : qu’il en soit ainsi pour tous les siècles, comme il en a été jusqu’à aujourd’hui, et comme il en sera pour une suite de siècles sans fin.

2 – « NOS RÉFÉRENCES À MARIE ÉTAIENT NOMBREUSES »