Une spiritualité de communion - Chiara Lubich - E-Book

Une spiritualité de communion E-Book

Chiara Lubich

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Beschreibung

Un ouvrage accessible et synthétique pour mieux découvrir la philosophie de Chiara Lubich.

Dans cette brève synthèse de la spiritualité de l’unité, ou spiritualité de communion, née d’entretiens récents avec des membres du mouvement des Focolari, Chiara Lubich illustre la nouveauté du chemin évangélique communautaire qui lui a été peu à peu révélé. Cette expérience spirituelle manifeste un changement fondamental dans l’histoire de la spiritualité chrétienne. Nous passons du primat de l’individu à l’équilibre entre personne et communion. Cette démarche correspond tout à fait aux attentes du Concile Vatican II qui a changé la manière de voir de l’Église catholique dans bien des domaines. Mais cela rejoint également les attentes profondes des femmes et des hommes d’aujourd’hui, les signes des temps qui permettent d’espérer en l’avenir de l’humanité.

Un regard moderne sur la spiritualité chrétienne, envisagée dans la communion plutôt que l'individualisme.

EXTRAIT

Aller vers Dieu ensemble

« Il existe bien, continue J. Castellano, une spiritualité communautaire, ecclésiale, du corps mystique. [...] On en parle en général comme d’un courant de spiritualité de notre époque, qui est aussi celle de la redécouverte de l’Église. Ce que les Focolari apportent en plus par la spiritualité collective est une façon de voir et une pratique de la communion, de la vie ecclésiale, selon le modèle du corps mystique, dans laquelle on trouve à la fois la réciprocité du don personnel et la dimension de l’unité. Or quand on trouve des intuitions ou des affirmations chez les auteurs d’aujourd’hui sur cette dimension de la théologie et de la spiritualité, on constate aussi qu’il leur manque la façon concrète de la proposer comme mode de vie et de l’incarner dans une expérience, comme celle des Focolari : des choses les plus simples, comme “tenir Jésus au milieu de nous”, qui est le maximum et le minimum, jusqu’aux dimensions les plus complexes.

« Il existe dans l’histoire de la spiritualité quelques exemples d’une expérience de spiritualité collective, de réciprocité dans le don, mais bien peu en vérité. [...] Cependant ces rares expériences n’ont pas été proposées en tant qu’enseignement ni en tant que spiritualité à vivre au quotidien par le plus grand nombre.

« Certes la spiritualité centrée sur l’inhabitation trinitaire existe bien, mais au niveau individuel. Les auteurs ne tirent pas normalement la conséquence de cette inhabitation et n’ont pas conscience d’une communion entre les personnes qui ont la même grâce. [...] Ils n’arrivent pas au point de dire, comme dans le mouvement des Focolari : si la Trinité est en moi et en toi, alors la Trinité est parmi nous, nous sommes dans une relation trinitaire. [...] Notre relation est sur le modèle de la Trinité ou, mieux, c’est la Trinité qui vit en nous cette relation. » Voilà ce que m’écrivait Jesús Castellano.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Chiara Lubich, née en Italie en 1920, est la fondatrice du mouvement des Focolari. Elle a publié de nombreux livres centrés sur la spiritualité de l’unité et le dialogue entre religions et cultures. Elle et son œuvre ont reçu diverses reconnaissances, dont en 1996 le Prix UNESCO de l’Education pour la Paix et en 1998 le Prix Européen des Droits de l’homme. Nouvelle Cité est l’éditeur de tous les ouvrages de Chiara Lubich parus en France, notamment Pensée et Spiritualité, qui offre une synthèse thématique de ses écrits, et Vivre l’instant présent qui en est à sa troisième édition.

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Chiara Lubich

Une spiritualité

de communion

Préface du cardinal Miloslav Vlk,

archevêque de Prague

Spiritualité

Nouvelle Cité

Titre original :Una via nuova, la spiritualità dell’unità,© Città Nuova Editrice 2002, Via degli Scipioni, 265 – 00192 Rome.

Traduction :Jean-Marie Wallet, avec l’aide de Florence Gillet.

Avertissement :Les citations de la Bible sont prises dans la TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) et dans la nouvelle traduction de la Bible (Bayard).

Composition : Jean-Marie Wallet

Couverture : Jean-Pierre Pitrel

Illustration de couverture : p. 4, portrait de Chiara Lubich (© Centro Santa Chiara, Rome)

© Nouvelle Cité 2004, pour l’édition française papier

© Nouvelle Cité 2015, pour l’édition numérique

Domaine d’Arny – 91680 Bruyères-le-Châtel

ISBN 2-85313-459-8

Sommaire

Préface

Première partie

Lignes générales

1. Une nouvelle spiritualité,collective

2. Les grands axes de laspiritualité collective

Deuxième partie

Les couleurs de l’arc-en-ciel

Introduction

1. L’amour est communion

2. L’amour rayonne

3. L’amour élève

4. L’amour guérit

5. L’amour crée l’harmonie

6. L’amour engendrela sagesse

7. L’amour unit

Du même auteur, aux mêmes éditions

Sur la pensée de Chiara Lubich, aux mêmes éditions

Dans la même collection

Fin

Préface

En méditant ce livre de Chiara Lubich sur la spiritualité de l’unité, une conviction de foi se fait jour, avec évidence, en moi, celle que nous transmet l’Écriture :« Oui, l’Esprit du Seigneur remplit la terre et, comme il contient l’univers, il a connaissance de chaque son »(Sg 1,7).

Souvent, de nos jours, nous sommes troublés et comme effrayés par les ombres qui semblent menacer l’humanité. Pourtant, si nous laissons l’Esprit Saint éclairer notre cœur et ouvrir nos yeux, l’espérance et la joie nous inondent. L’Esprit est la force de Dieu qui agit. Et nous, si nous lisons les signes des temps (cf. Mt 16,3), nous apercevons sa présence active partout dans le monde qui nous entoure.« Il est nécessaire que soient valorisés et approfondis les signes d’espérance inscrits en ces derniers moments de ce siècle »,nous a rappelé Jean-Paul II à l’approche du nouveau millénaire (Tertio millenio adveniente,46).

Avec une vigueur particulière, l’Esprit se manifeste dans la vie de l’Église. En son sein, au cours des dernières décennies, il s’est montré de multiples façons l’artisan du renouvellement. Je pense ici en particulier à son souffle puissant pendant le concile Vatican II. Et à ces modèles concrets de vie nouvelle qu’il a suscités, avant et après cet événement historique, dans les mouvements d’Église modernes, qui apparaissent toujours davantage non seulement comme les signes certains de ce nouveau printemps de l’Église que les derniers papes annonçaient, mais aussi comme le remède aux grands maux qui affligent le monde d’aujourd’hui. Ce n’est donc pas le hasard si Jean-Paul II nous a invités à« découvrir à nouveau la présence et l’action de l’Esprit Saint dans l’Église ».

Ce livre est le témoignage fascinant d’une telle perspective et d’une telle espérance. La méditation de ces pages denses rappelle spontanément le passage de l’évangéliste Jean où Jésus promet que l’Esprit consolateur guidera le peuple de Dieu« à la vérité tout entière »(Jn 16,13) et manifestera l’Évangile du Christ dans le temps et l’espace.

Profondément marqué par tant de contradictions dramatiques et pourtant si riche de courants de renouvellement, tout le xxe siècle apparaît envahi par l’action de l’Esprit Saint, à commencer par les mouvements biblique, patristique et liturgique qui ont préparé le concile Vatican II et remis les chrétiens à nouveau en contact avec leurs origines. Ainsi ont-ils pu retrouver l’intensité des origines du christianisme et l’authenticité de la vie des premières communautés chrétiennes.

Parmi ces élans de renouvellement, rappelons l’encyclique Mystici Corporis, qui a permis à Pie XII, en 1943, de présenter à nouveau à tout le peuple de Dieu cette réalité de communion entre les frères avec le Christ pour tête.

Une coïncidence, qui n’est pas sans importance, fait que cette même année, sous les bombardements de la seconde guerre mondiale, naît à Trente le « charisme de l’unité », qui entraîne Chiara Lubich et ses premières compagnes à « se tourner solennellement vers les autres », à se mettre, sans réserve, au service de leur prochain et à explorer l’art de « se sanctifier ensemble ». Vingt ans avant le concile, s’ouvre ainsi une voie spirituelle qui répondra de manière providentielle à la demande de Vatican II d’un style de vie ecclésial nouveau et aidera l’Église à aller avec enthousiasme à la rencontre du monde d’aujourd’hui pour apporter Jésus vivant à tous les hommes.

Si nous considérons ce charisme, comme celui des autres mouvements d’Église, en même temps que le renouvellement apporté par le concile, nous pouvons dire que, bien longtemps avant que soit utilisé le terme de mondialisation, l’Esprit Saint avait déjà commencé à susciter dans le cœur des hommes une alternative plus vraie : la « mondialisation de l’amour », c’est-à-dire l’idée d’une fraternité universelle, qui voit tous les hommes et toutes les femmes avant tout comme enfants d’un même Père, par conséquent dignes du même amour.

Seul un amour à la dimension du monde, tel qu’il est souligné et promu par la spiritualité de communion proposée dans cet ouvrage, peut offrir les nouvelles énergies vitales pour la culture moderne. En effet, cette culture, après avoir oublié ses racines spirituelles au cours du long processus de sécularisation qui a suivi la révolution française, perd de plus en plus la force qui lui serait nécessaire pour sauvegarder la dignité de la personne humaine et se trouve aujourd’hui dans une impasse.

Je suis certain que la vie du Ressuscité présent au milieu de femmes et d’hommes unis dans la réciprocitéde l’amour sera non seulement la source d’un renouvellement efficace de l’Église, mais aussi le remède capable de guérir les crises du monde que nous connaissons, causées principalement par les diverses formes de division. Cette vie du Christ présent au milieu de ceux qui sont unis en son nom est le « plus » qu’apporte la spiritualité de l’unité par rapport aux autres voies spirituelles davantage orientées à l’individu.

Avec lucidité, le concile Vatican II a présenté, en effet, l’Église commesigne et instrument de l’unité de tout le genre humain(cf. LG 1). Plongeant ses racines dans la vie des trois personnes de la Trinité (cf. LG 4), le peuple de Dieu est appelé à être le modèle de toute la communauté humaine et son premier service à la famille humaine doit être d’apporter dans le monde la communion. « Faire de l’Église la maison et l’école de la communion :tel est le grand défi,écrivait récemment Jean-Paul II,qui se présente à nous dans le millénaire qui commence, si nous voulons être fidèles au dessein de Dieu et répondre aussi aux attentes profondes du monde »(Novo millenio ineunte, 43).

Une spiritualité de communion, comme le demande le pape pour toute l’Église au seuil du nouveau millénaire, n’est pas une simple variante de son style de vie. Elle est une nécessité absolue, l’instrument indispensable pour que l’Église puisse accomplir ce qui est sa véritable raison d’être sur la terre.

Le premier pas àaccomplir est donc de créer partout des cellules vivantes de l’Église-communion. C’est là, en même temps, le point de départ de la nouvelle évangélisation : d’abord nous évangéliser nous-mêmes. Or s’évangéliser revient à pénétrer toujours plus dans la communion, c’est-à-dire dans la vie trinitaire.

Tous les thèmes classiques de la spiritualité chrétienne, que les pages de ce livre mettent en lumière dans leur dimension communautaire, en commençant par Dieu-Amour, la volonté de Dieu, Marie et l’Esprit Saint, sont les étapes fondamentales au long de cet itinéraire spirituel. Cependant, c’est surtout le binôme de« l’unitéet Jésus abandonné »,« les deux faces d’une même médaille », qui représente l’aspect le plus original de cette vision du mystère chrétien.

Savoir étreindre Jésus abandonné est la condition nécessaire pour« “donner une place” à son frère, en portant “les fardeaux les uns des autres”(Ga 6,2) et en repoussant les tentations égoïstes »(Novo millenio ineunte, 43). La conséquence de cette attitude, si elle devient réciproque, est la présence de Jésus au milieu, authentique« château extérieur »(cf. pp. 28 et suivantes), à la manière du« château intérieur »de la grande Thérèse d’Avila, ainsi complété. Ce château extérieur ne pourra certes pas demeurer l’apanage des Focolari, car il est d’une importance vitale pour rendre non seulement la structure ecclésiale, mais aussi le corps social tout entier, compacts et vivants.

Avec la spiritualité de communion, parfois aussi appelée « collective » parce qu’elle nous conduit à être « un » en Christ (cf. Ga 3,28), les temps sont mûrs pour nous projeter avec déterminationà l’extérieur de l’Église. En suivant la voie de la communion et de l’unité, nous vivons en effet la plénitude de notre baptême, c’est-à-dire que nous pénétrons dans la vie du Père, du Fils et de l’Esprit Saint et devenons ainsi des chrétiens adultes, capables de prodiguer la vie trinitaire dans l’Église et dans toute la société.

Que pourrions-nous attendre d’autre d’une existence chrétienne authentique ? En vivant la spiritualité de communion, on évite le danger des extrémismes : celui de se conformer à l’immanentisme de la culture actuelle comme celui de se réfugier dans un spiritualisme stérile. « En prêtant à Dieu notre humanité », nous avons la possibilité de donner vie à une sainteté populaire et d’inonder de divin le monde en vivant chaque jour l’amour qui élève, qui guérit, qui crée la famille, etc., avec tout ce qui en découle de bénéfique pour l’Église et la société civile.

Peuà peu, d’une semence de rien du tout, naissent des projets de grande importance.

L’amour qui est communion a fait naître ces dernières années des centaines d’entreprises qui, dans leur fonctionnement, suivent les principes d’une économie de communion, modèle original d’une activité de production, qui suscite l’intérêt des spécialistes.

De l’amour qui rayonne sont nées jusqu’à maintenant une vingtaine de « Mariapolis permanentes », comme de modernes petites « cités sur la montagne », qui offrent le témoignage d’une société animée par la loi de l’amour évangélique.

L’amour qui crée l’harmonie, au sens le plus large, amène à montrer à travers de nouvelles expressions artistiques que Dieu n’est pas seulement bonté et vérité, mais beauté.

L’amour qui engendre la sagesse aide à mettre en valeur l’enseignement contenu dans le charisme de l’unité, pour relire à sa lumière la théologie, la philosophie, la psychologie ainsi que toutes les sciences, de façon à progresser vers une nouvelle synthèse du savoir humain, en cette époque post-moderne où la connaissance a éclaté en mille morceaux.

L’amour –« étincelle qui inspire tout ce qui se fait sous le nom de Focolari »(Jean-Paul II) – produit tout cela et bien plus encore là où, dans le monde entier, sont arrivées cette spiritualité et cette vie de communion.

Ainsi ce livre nous fait-il toucher du doigt les grands « projets » de l’Esprit Saint pour le renouvellement du monde. De tels projets nous ouvrent des horizons au-delà de tout ce que nous pouvions imaginer, néanmoins nous entrevoyons leurs premiers effets concrets. C’est un motif de gratitude et de joie immense pour ceux qui, au cours de leur vie, ont rencontré et suivi d’une façon ou d’une autre la spiritualité de l’unité. Là où elle est à l’œuvre, la présence du Dieu proche – l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous – et l’action de l’Esprit Saint sont particulièrement évidentes dans l’Église et dans la société d’aujourd’hui. Il nous incombe de remercier le Père pour ce don, dont nous sommes les témoins à l’aube du troisième millénaire.

Quel est mon souhait pour ce livre ? Qu’il devienne nourriture pour la vie de beaucoup et contribue ainsi à embellir l’Église afin qu’elle puisse être signe de bonheur au milieu des hommes, pour le salut du monde et la gloire de Dieu.

Que Marie, qui a donné son nom à l’Œuvre d’où jaillit cette spiritualité de l’unité, soit pour nous tous celle qui indique la voie.

Prague, 8 septembre 2002

Miloslav Card.Vlk,

Archevêque de Prague

Première partie

1. Une nouvelle spiritualité,

collective

Je voudrais m’entretenir avec vous de l’aspect spirituel du Mouvement et, plus particulièrement, de sa spiritualité dans ce qu’elle a de plus caractéristique : le fait qu’elle est communautaire ou, mieux encore, collective, comme l’affirmait Paul VI.

Splendeur des spiritualités

Au cours des deux mille ans qui ont suivi la venue de Jésus, les Églises ont vu naître en leur sein, dans la mesure où elles ont été fidèles aux paroles du Seigneur et à l’inspiration de l’Esprit Saint, de belles expériences, profondes et riches de vie spirituelle. L’épouse du Christ s’est ainsi vue petit à petit ornée des perles les plus précieuses, des joyaux les plus rares, qui ont formé et formeront encore bien des saints.

Jésus est le Verbe incarné. Quant à l’Église, elle est, dans la plénitude de toutes les expériences spirituelles de l’histoire, un Évangile déployé dans le temps et dans l’espace.

Aller vers Dieu individuellement

Un élément est commun à ces spiritualités : chacun va vers Dieu individuellement.

Les études et travaux effectués par nos spécialistes à ce sujet mettent en évidence que c’est la première fois qu’apparaît dans l’Église une spiritualité comme la nôtre, une spiritualité dite de l’unité, qui met l’accent sur la dimension communautaire de la vie chrétienne.

Ils précisent que, s’il y a eu dans le passé des expériences assez proches, elles sont dues à ceux qui choisissaient l’amour comme fondement de la vie spirituelle.

On peut évoquer ainsi de manière toute spéciale Basile de Césarée, pour qui le premier commandement, celui qui touche à l’amour de Dieu, et le deuxième, qui touche à l’amour du prochain, étaient mis à la base de la vie de sa communauté. Il y a surtout Augustin d’Hippone, pour qui l’amour réciproque et l’unité étaient les valeurs suprêmes. De fait, nous nous sentons particulièrement proches de lui.

Néanmoins Jesús Castellano, spécialiste de théologie spirituelle, remarque que « dans l’histoire de la spiritualité chrétienne il est d’usage d’affirmer soit : “Le Christ est en moi, il vit en moi” – ce qui correspond à la perspective d’une spiritualité individuelle, de la vie en Jésus-Christ – soit : “Le Christ est présent dans nos frères” – ce qui correspond à la perspective de la charité. Pourtant il manque en général une étape décisive, qui revient à découvrir que, si le Christ est en moi et dans l’autre, alors le Christ en moi aime le Christ qui est en l’autre et réciproquement […], de sorte qu’il y a à la fois donner et recevoir 1 ».

Je voudrais ajouter que l’amour réciproque est recommandé par diverses règles de grands fondateurs 2.

Aller vers Dieu ensemble

« Il existe bien, continue J. Castellano, une spiritualité communautaire, ecclésiale, du corps mystique. […] On en parle en général comme d’un courant de spiritualité de notre époque, qui est aussi celle de la redécouverte de l’Église. Ce que les Focolari apportent en plus par la spiritualité collective est une façon de voir et une pratique de la communion, de la vie ecclésiale, selon le modèle du corps mystique, dans laquelle on trouve à la fois la réciprocité du don personnel et la dimension de l’unité. Or quand on trouve des intuitions ou des affirmations chez les auteurs d’aujourd’hui sur cette dimension de la théologie et de la spiritualité, on constate aussi qu’il leur manque la façon concrète de la proposer comme mode de vie et de l’incarner dans une expérience, comme celle des Focolari : des choses les plus simples, comme “tenir Jésus au milieu de nous” 3, qui est le maximum et le minimum, jusqu’aux dimensions les plus complexes.

« Il existe dans l’histoire de la spiritualité quelques exemples d’une expérience de spiritualité collective, de réciprocité dans le don, mais bien peu en vérité. […] Cependant ces rares expériences n’ont pas été proposées en tant qu’enseignement ni en tant que spiritualité à vivre au quotidien par le plus grand nombre.

« Certes la spiritualité centrée sur l’inhabitation trinitaire existe bien, mais au niveau individuel. Les auteurs ne tirent pas normalement la conséquence de cette inhabitation et n’ont pas conscience d’une communion entre les personnes qui ont la même grâce. […] Ils n’arrivent pas au point de dire, comme dans le mouvement des Focolari : si la Trinité est en moi et en toi, alors la Trinité est parmi nous, nous sommes dans une relation trinitaire. […] Notre relation est sur le modèle de la Trinité ou, mieux, c’est la Trinité qui vit en nous cette relation 4. » Voilà ce que m’écrivait Jesús Castellano.

Une exigence actuelle

En même temps, des théologiens contemporains ont pressenti une spiritualité communautaire pour notre époque, tandis que le concile Vatican II en rappelait la nécessité.

Karl Rahner, lorsqu’il parle de la spiritualité de l’Église de l’avenir, la voit dans la « communion fraternelle où il sera possible à tous de faire la même expérience fondamentale de l’Esprit ». Il affirme aussi : « Nous qui sommes des anciens, nous nous sommes comportés de manière individualiste sur le plan spirituel, du fait de nos origines et de notre formation. […] S’il est une expérience de l’Esprit faite en commun et considérée comme telle, […] il est clair qu’il s’agit de l’expérience de la première Pentecôte dans l’Église. Un tel événement, pensons-nous, n’a assurément pas consisté en la réunion fortuite d’un certain nombre de mystiques individualistes, mais en l’expérience de l’Esprit faite par la communauté. […] Il me semble, poursuit Rahner, que dans une spiritualité de l’avenir l’élément de la communion spirituelle fraternelle, d’une spiritualité vécue ensemble, jouera un rôle plus déterminant. Lentement, mais avec décision, il nous faut avancer dans cette voie 5. »

Le concile Vatican II porte son attention sur l’Église en tant que corps du Christ et peuple rassemblé dans le lien d’amour de la Trinité. Ainsi « modifie-t-il, écrit De Fiores, le sens de la spiritualité et de la pastorale dans l’Église. La perfection et le salut individuels, sur lesquels ont tant insisté les prédicateurs et les auteurs spirituels, sont libérés de toute préoccupation individualiste. […] Une exigence est ressentie […] : celle de vivre intensément les liens de la fraternité évangélique jusqu’à former des communautés sur le modèle de la communauté primitive dont le livre desActes des apôtresfait un idéal 6 ».

Paul VI disait déjà quand il était cardinal que, désormais, le ponctuel doit devenir habituel et que les saints extraordinaires cèdent le pas, en quelque sorte, à la sainteté du peuple, au peuple de Dieu qui se sanctifie 7.

À notre époque, où la réalité de la communion est ainsi mise en lumière, on cherche le royaume de Dieu, certes en chacun, mais surtout au milieu des personnes.

Premières annonces d’une spiritualité « collective »

Quelles sont les caractéristiques de notre spiritualité communautaire ?

Voyons d’abord comment elle est née, ce qui l’a annoncée dans notre histoire.

Le premier épisode révélateur est sans doute le souhait que nous avons exprimé au plus fort de la guerre : si nous devions mourir, notre désir à toutes était de reposer dans une même tombe. Sur cette tombe aurait été gravé : « Nous connaissons, pour y avoir cru, l’amour que Dieu manifeste au milieu de nous » (1 Jn 4,16).

Cette foi dans l’amour nous a fait commencer une vie nouvelle en aimant de mille façons ceux qui étaient dans le besoin 8.

Une telle expérience nous a vite éclairées : pour être chrétiennes, il fallait aimer chaque frère rencontré.

Nous nous sommes donc lancées, nous, les premières focolarines, à aimer le prochain, ce qui nous a conduites à mettre en pratique le commandement nouveau de Jésus et à conclure une sorte de pacte entre nous : « Je suis prête à mourir pour toi, et moi pour toi… ». Et toutes pour chacune.

Par la suite, ce pacte a été reconnu comme le fondement sur lequel tout le Mouvement a été construit, car il manifeste ce qui en est sa nature : l’amour réciproque – jusqu’à être prêt à donner la vie – faisait naître une spiritualité collective.

Voilà l’événement fondamental des premiers jours de notre histoire. Il a eu comme conséquence la communion spirituelle de nos expériences et la communion des biens.

Cet amour réciproque allait nous entraîner jusqu’à nous faire faire l’expérience de l’unité.

Il y a eu aussi l’épisode de la cave 9où, en pleine guerre, nous avons lu le testament de Jésus, qui nous est apparu comme lachartede ce qui allait naître.

L’amour pour nos frères était si radical et total qu’il nous faisait perdre de vue tout autre objectif, même celui de la sainteté, comme on l’entendait alors. La recherche d’une sainteté personnelle n’aurait pas été exempte d’amour-propre, d’égoïsme, alors que nous étions appelées à une vie nouvelle. La sainteté personnelle devait venir de l’unité vécue entre toutes.

Puis viennent les premières idées sur l’unité fraternelle.

De 1947 date cette définition de l’unité, donnée après en avoir fait l’expérience : « Oh ! L’unité ! L’unité ! Quelle merveille divine ! Nos paroles sont trop pauvres pour exprimer ce qu’elle est : elle est Jésus ! »

Exigences du passé

Au cours des siècles passés, les hommes ont souvent pensé qu’ils pouvaient aller à Dieu seuls. C’est encore une conséquence de cette lointaine période de l’histoire où la ferveur primitive, qui avait vu se constituer la communauté de Jérusalem en un seul cœur et une seule âme, a diminué et les persécutions ont cessé. Alors les chrétiens se sont imaginé qu’ils pouvaient sauvegarder leur foi en se retirant dans le désert. C’est l’époque des anachorètes.

Si ce fait a protégé bien des principes chrétiens et a fait des saints parmi les anachorètes, souvent l’idée de la valeur des frères dans la vie spirituelle a été perdue. L’homme a même été considéré comme un obstacle pour aller à Dieu.

Apa Arsène affirmait : « Fuis les hommes et tu seras sauvé 10 » ou encore : « Je ne peux être en même temps avec Dieu et avec les hommes 11 ».

Bien des siècles plus tard on trouve des enseignements similaires. Dans le célèbre livre,L’Imitation de Jésus Christ,il y a cette phrase : « Les plus grands saints, quand ils le pouvaient, évitaient la société des hommes et choisissaient de vivre pour Dieu, dans le secret. Quelqu’un a dit :Chaquefois que je me suis trouvé parmi les hommes, j’en suis revenu moins homme[…]. Celui qui se détache des amis et connaissances, Dieu l’approche avec ses saints anges 12. »

Il s’agit là de spiritualités« individuelles », même si le mystère du corps mystique fait qu’elles ne sont pas exclusivement individuelles, car ce que vit une personne a toujours des répercussions sur les autres. En outre ces chrétiens offraient à Dieu de longues prières et de rudes pénitences pour leurs frères.

Nécessités présentes

Aujourd’hui, les temps ont changé. L’Esprit Saint appelle avec force les hommes à marcher ensemble, à devenir un seul cœur et une seule âme avec tous ceux qui le désirent.

Ce même Esprit Saint a poussé les Focolari, vingt ans avant le Concile, à s’engager ainsi envers les hommes.

Selon la spiritualité de l’unité, on va vers Dieu en passant par les frères.

« Le frère, Dieu, moi », disions-nous. Nous allons à Dieu avec les hommes, avec nos frères nous marchons d’un même pas. On peut même dire que c’est à travers les hommes que nous allons à Dieu.

Moyens offerts par les spiritualités individuelles

Quelle est cependant la différence entre une spiritualité individuelle et une spiritualité communautaire ou collective ?

Les spiritualités davantage orientées à l’individu présentent en général à celui qui s’y engage des exigences précises :

– La solitude et la fuite des créatures pour atteindre l’union mystique avec la Trinité en soi. C’est un aspect classique du chemin de Thérèse d’Avila, qui s’efforce de s’unir au Seigneur au centre de son cœur, là où il habite.

– Le silence est exigé pour protéger la solitude.

– Pour se tenir à l’écart des hommes, le voile et la clôture sont employés, ainsi qu’un habit particulier.

– Pour imiter la passion du Christ, les pénitences les plus variées et les plus dures sont utilisées, ainsi que les veilles et les jeûnes.

– Souvent on se soumet, par l’obéissance, à un supérieur.

– Des vœux de chasteté et de pauvreté sont prononcés.

– De longues périodes sont ménagées pour se retirer seul à prier et méditer.

Moyens offerts par la spiritualité collective

Les frères

Certes, dans la voie collective, on trouve aussi la solitude et le silence, pour bien entendre la voix de Dieu en soi, mettre en pratique l’invitation de Jésus à s’enfermer dans sa chambre pour prier et se plonger dans l’union à Dieu, comme il le faisait lui-même sur la montagne, et éviter les paroles inutiles. On fuit aussi les autres, quand ils conduisent au péché. En général néanmoins, on pratique l’accueil des frères, on aime le Christ dans les frères, en chaque frère, le Christ qui vit en lui ou qui peut renaître en lui grâce à l’aide que nous lui apportons. Nous voulons nous unir avec eux dans le nom de Jésus, de façon que sa présence soit garantie au milieu de nous (cf. Mt 18,20).

Dans les spiritualités individuelles, on se trouve comme dans un jardin magnifique – l’Église –, où on observe et admire surtout une fleur : la présence de Dieu en soi. Dans une spiritualité collective, on aime et on admire toutes les fleurs du jardin, chaque présence du Christ dans les personnes. Et on aime le Christ présent en chacun, comme on l’aime en soi-même.

Et, comme cette voie ne saurait être seulement communautaire, mais qu’elle est aussi pleinement personnelle – de fait, nous nous présenterons seuls au jugement de Dieu –, l’expérience générale montre que, quand nous sommes seuls, après avoir aimé nos frères, nous trouvons l’union à Dieu. À peine ouvrons-nous un livre pour méditer que Dieu désire s’entretenir avec nous.

Par conséquent, on peut dire que ceux qui vont vers leurs frères comme il convient, c’est-à-dire en aimant comme l’Évangile nous le demande, se retrouvent davantage Christ, davantage homme.

La parole

Comme nous cherchons à être unis avec nos frères, nous aimons la parole de manière toute spéciale, car elle est moyen de communication.

Dans le mouvement des Focolari, nous parlons d’abord pour « nous faire un 13 » avec nos frères, en employant la « technique de l’unité 14 », jusqu’à ce que ces frères se sachent aimés et trouvent le courage, à leur tour, d’aimer et d’emprunter, eux aussi, cette voie collective.

Les responsables s’entretiennent personnellement avec les autres membres, afin de s’assurer qu’ils persévèrent sur la voie de la perfection – car celui qui ne progresse pas régresse – ainsi que pour éclairer, conseiller et instruire. Se dépouillant toujours d’eux-mêmes, ils comptent sur l’Esprit Saint pour leur suggérer le mot juste pour chacun.

Les membres des communautés échangent entre eux, afin de se communiquer leurs expériences dans la mise en pratique de la parole de vie 15 et dans leur vie spirituelle. Ils ont conscience que le feu s’éteint quand il n’est pas communiqué et que leur communion d’âme a une grande valeur spirituelle. Laurent Justinien en donne une belle explication : « Rien au monde en effet ne rend davantage gloire à Dieu et ne le rend plus digne de louange que l’humble échange fraternel de dons spirituels: la charité acquiert vigueur de tels dons, car elle ne peut fleurir dans la solitude […]. C’est le précepte du