Magie blanche en famille - Magus - E-Book

Magie blanche en famille E-Book

Magus

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  • Herausgeber: Ligaran
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2015
Beschreibung

Extrait : "Ce petit tour a sa place au commencement d'une séance de prestidigitation. On se figure parfois, Messieurs, que la baguette magique est toujours prête à accomplir des prodiges : c'est une erreur. Avant chaque séance, le physicien doit la préparer, la charger de fluide... Aujourd'hui je vais cette opération en votre présence."

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Préface

Il est peu de divertissements aussi attrayants qu’une séance de Physique amusante : grands et petits enfants trouvent un plaisir extrême à suivre le prestidigitateur dans les régions fantastiques du merveilleux, où les vieux contes de fées entendus autrefois, deviennent des réalités, où l’on voit s’accomplir les choses les plus invraisemblables, où l’on assiste à des transformations merveilleuses, où s’opèrent, en un mot, des prodiges tels que seule peut en réaliser la baguette magique d’un sorcier.

Qui n’a porté envie au talent des prestidigitateurs en renom et n’a souhaité de posséder le secret de leurs tours qui semblent en contradiction avec les lois immuables de la nature ? Voici que les corps opaques deviennent transparents, les solides impalpables ; la pesanteur n’existe plus ; les objets inanimés se mettent d’eux-mêmes en mouvement ; là où rien n’avait été mis, on trouve quelque chose, puis, boîtes, machines, animaux, personnages même s’évanouissent subitement au souffle du magicien.

Aussi la prestidigitation a-t-elle toujours été en faveur, et les heureux du monde ne comptent pas l’or pour attirer dans leurs salons les modernes sorciers, dignes émules et successeurs des Robert-Houdin, des Bosco, des Pinetti, des Comte, des Olivier, des Cazeneuve, des Philippe et autres, qui ont fait preuve parfois d’un véritable génie dans leurs inventions.

Pourquoi les spectacles de Magie blanche, ce passe-temps si agréable, resteraient-ils l’apanage de quelques privilégiés ? Pourquoi cet art de produire des illusions, et dont les secrets sont gardés avec un soin si jaloux par ceux qui les possèdent, ne serait-il pas mis à la portée de tous en notre époque de vulgarisation ?

Lorsque, dans une réunion de famille, on aura fait de la musique, quand on aura épuisé tous les petits jeux de société, et que les maîtres de la maison verront avec inquiétude que, malgré tout l’entrain qu’ils déploient, l’ennui est près de se glisser chez leurs invités, offrez de donner une petite séance de Physique amusante, tout le monde applaudira à cette proposition.

On sait que dans les œuvres de patronage, les cercles ouvriers et autres associations du même genre, les récréations et les divertissements sont indispensables ; le remède qui doit guérir, et l’aliment qui doit fortifier, ne peuvent y être proposés le plus souvent qu’à la faveur de choses plus agréables, de même qu’il faut envelopper de confitures le médicament qu’on présente à l’enfant ; quelques séances de prestidigitation, figurant sur le programme des fêtes de l’année, auront un puissant attrait, et contribueront ainsi pour une bonne part à obtenir le résultat désiré.

Dans les écoles enfin, dans les orphelinats, où l’on oublie trop souvent que le jeu et le rire sont indispensables à l’enfant, et aussi favorables à la santé de l’âme et du corps qu’au repos de l’esprit et aux progrès dans l’étude, une séance de Magie blanche fera le bonheur de ces petits, auxquels toutefois il sera bon d’expliquer, après les avoir bien amusés, qu’il ne s’agit là que de jeux, d’illusions, de moyens occultes, mais absolument naturels, employés pour produire des effets qui ne sont merveilleux qu’en apparence : à l’appui de ceci on leur dévoilera le procédé employé pour l’un ou l’autre des tours à grand effet que l’on aura exécutés sous leurs yeux quelques instants auparavant.

Notre intention en écrivant ce livre, a donc été de mettre la Magie blanche à la portée de tout le monde, malgré les colères de tous genres suscitées déjà par la publication de nos articles sur cette matière dans différentes publications périodiques, telles que : la Nature, l’Ouvrier, et les Veillées des Chaumières.

Sans doute, la prestidigitation proprement dite est un art véritable qui exige la souplesse, l’agilité, la dextérité des doigts, choses qui ne s’acquièrent que par de longs exercices et qui resteront toujours indispensables pour produire une certaine catégorie de prestiges. D’autre part, il est aussi un moyen très simple de s’improviser magicien : c’est d’acheter, moyennant le prix fabuleux auquel ils sont cotés par les marchands, des instruments d’escamotage où l’illusion est produite par la machine employée ; nous avons décrit dans la Nature un assez grand nombre de ces appareils, souvent très ingénieux.

Mais en dehors de ces deux catégories de prestiges qui, pour des motifs différents, ne sont pas à la portée de tout le monde, il existe mille tours charmants qui ne demandent que peu d’habileté et qui peuvent être exécutés sans exercices préalables par toute personne intelligente, soit au moyen d’objets qu’on a toujours sous la main, tels que mouchoirs, foulards, œufs, verres, bouteilles, assiettes, papiers de couleur, etc., soit en n’employant que des appareils faciles à confectionner, et consistant principalement en boîtes, cartonnages, tubes, planchettes, anneaux ; dans des cas assez rares, il faudra recourir pour l’exécution de quelques pièces très simples, au ferblantier, au serrurier ou au tourneur voisin, ou bien encore se procurer quelques produits chimiques fort communs et que l’on peut trouver partout.

Parmi les expériences qui composent le programme ordinaire des séances que donnent les prestidigitateurs de profession, nous avons fait un choix et nous nous sommes arrêté à celles qui nous ont paru les plus jolies, les plus faciles et qui n’exigent pas une mise en scène compliquée. Un grand nombre de ces tours n’avaient jamais été publiés quand nous les avons fait paraître dans le journal l’Ouvrier ; plusieurs sont absolument nouveaux ; d’autres, au contraire, sont très anciens et pour ainsi dire classiques ; nous n’avons pas hésité à leur donner place dans notre Recueil, car bien que connus des gens du métier, ils auront encore, pour un assez grand nombre de lecteurs, le mérite de la nouveauté ; enfin souvent, pour certains tours, laissant de côté les procédés généralement en usage, nous avons employé d’autres, moyens, soit à cause de leur plus grande simplicité, soit à cause de leur nouveauté. Nous nous sommes efforcé d’être clair, et l’on pourra nous reprocher d’avoir été même prolixe dans nos explications, alors que souvent, la vignette seule qui accompagne notre texte, aurait suffi sans doute pour donner, à première vue, l’explication de l’artifice employé ; du moins sera-t-on assuré, en suivant exactement nos indications, de ne rencontrer aucune difficulté et d’obtenir des résultats satisfaisants.

Nous n’avons jamais songé, comme on nous l’a reproché si amèrement, à mener une campagne contre les prestidigitateurs ; que ceux qui manquent de talent craignent la lumière, c’est chose facile à comprendre ; mais la science a marché, elle progresse de jour en jour ; pourquoi donc seuls messieurs les prestidigitateurs auraient-ils le droit de rester stationnaires ? Ce ne sera pas le moindre des résultats atteints, si nous pouvons les obliger à chercher autre chose, et à nous présenter, enfin du nouveau dans leurs spectacles.

Ce volume s’adresse non seulement aux amateurs magiciens, qui voudraient y puiser le plaisir d’amuser et de divertir les autres, mais encore à tous ceux qui seraient simplement curieux de connaître le secret de la plupart des tours de Physique amusante exécutés dans les séances auxquels ils ont assisté ; enfin les personnes graves, les penseurs, y trouveront peut-être matière à une intéressante étude psychologique sur l’art de produire des illusions.

MAGUS.

Paris, 25 août 1894.

Avant-propos

Dans ce chapitre préliminaire, où nous traiterons des préparatifs à faire et des règles générales à observer pour exécuter avec succès une séance de physique amusante, nous passerons en revue successivement : le programme, la disposition du local, la table du prestidigitateur, le magicien et la mise en scène, le boniment et le geste ; de là les cinq paragraphes suivants.

1Le programme

Il est indispensable, même pour la plus modeste séance de prestidigitation, de faire son plan à l’avance. Tel amateur magicien, invité à donner chez des amis une soirée récréative, remplit au hasard, à la dernière minute, une valise d’objets et d’ustensiles d’escamotage qui lui serviront ou qui ne lui serviront pas ; arrivé à destination, il étale tout son bagage sur les tables, sur les chaises, et, nerveux, préoccupé, agité, fiévreux, il commence par le premier tour venu ; sans prendre le temps de respirer, il passe à une seconde expérience, pour laquelle il s’aperçoit bientôt qu’il lui manque quelque chose ; il s’arrête, il réfléchit, il est inquiet ; pendant un entracte interminable, il cherche des expédients qui lui permettent de se tirer d’embarras ; accroupi dans un coin, il fait de longs préparatifs qui lassent les plus patients : on le voit qui, d’un air mystérieux, parle à l’oreille des gens de la maison ; il met tout le monde en mouvement, pour se faire apporter du fil blanc, de la soie noire, une épingle, un peu de cire, des œufs, une assiette, de l’eau, un verre, une bouteille de vin. Au milieu de cette confusion, le plus grand nombre des expériences ne réussissent qu’à demi ; on s’ennuie, on trouve le temps long : seul notre homme ne s’aperçoit pas que deux heures, trois heures, quatre heures peut-être, se sont écoulées ; il a exécuté tous ses tours favoris, ceux qu’il connaît le mieux, et qui auraient été passables s’il les avait présentés avec calme ; mais puisque ses outils, ses boîtes, tout son matériel truqué est là, il faut, à son avis, que la liste des tours les plus insignifiants soit épuisée, et les malheureux spectateurs sont obligés, tout en l’accablant de compliments et de félicitations, de le prier de se reposer, d’essuyer la sueur qui coule à grosses gouttes de son front.

Les choses se passent d’une manière bien différente avec un programme étudié et arrêté à l’avance.

Faites d’abord une liste complète des expériences que vous connaissez, et marquez à côté de chaque titre le nombre approximatif de minutes nécessaires pour l’exécution du tour ; puis faites un choix, suivant la catégorie des spectateurs auxquels vous vous adresserez, le local et les moyens dont vous disposerez.

Si vous n’avez pas de motifs particuliers pour qu’il en soit autrement, comptez sur une séance de deux heures : c’est un maximum qu’il est rarement avantageux de dépasser.

Ayez soin de faire entrer dans votre programme des expériences de différents genres : tours d’adresse, de combinaison, de chimie, de calcul, de physique, de mécanique ; procédez ensuite à leur classement dans un ordre tel que l’un fasse valoir l’autre.

Quelques prestidigitateurs commencent la séance par les plus simples de leurs tours et continuent de manière à ce que l’étonnement aille toujours croissant jusqu’à la fin du spectacle qui se termine par les expériences les plus brillantes de leur répertoire. Cette pratique est bonne, sans doute, si les premiers tours sont tels qu’ils puissent faire une impression avantageuse sur les spectateurs.

Nous pensons cependant qu’il est préférable de chercher tout d’abord à frapper les esprits par un tour qui, simple en apparence et très court, soit néanmoins un des plus difficiles à comprendre ; on divisera ensuite le programme en deux ou trois parties dans chacune desquelles on ira de plus fort en plus fort, réservant pour la fin de chaque série, surtout pour la dernière, un tour à grand effet.

Le programme arrêté, préparez des subterfuges et des réponses pour les objections et les questions que l’on pourra vous faire.

N’avertissez jamais du tour que vous allez faire, de crainte que les spectateurs, prévenus de l’effet que vous voulez produire, n’aient le temps d’en deviner la cause.

Autant que possible, ayez à votre disposition différents moyens pour exécuter la même expérience, afin que si l’on venait à deviner le procédé que vous avez employé, vous puissiez en opérant d’une autre manière, prouver que l’on s’est trompé.

Si l’on vous demandait de répéter un tour pour lequel vous n’avez qu’un seul moyen d’exécution, gardez-vous bien d’accéder à ce désir, mais n’allez pas non plus refuser ouvertement ; répondez au contraire, en souriant, que vous vous ferez un plaisir de recommencer l’expérience, et que, pour plus de variété, vous allez la présenter sous une forme différente ; faites alors une expérience qui ressemble à la première, quoique basée sur d’autres principes, et dites hardiment que c’est le même tour et que vous n’en avez changé que les apparences.

Si vous avez lieu de penser que certains tours qui figurent sur votre programme soient connus de quelques spectateurs, efforcez-vous d’en changer l’aspect ; rajeunissez les vieux tours par un boniment nouveau, par des accessoires brillants, par des perfectionnements apparents : il est toujours facile d’inventer du nouveau quant à la forme ; et même, en cherchant bien et en ne se défiant pas trop de ses propres forces, pour peu que l’on ait l’expérience des choses de la prestidigitation, on fabriquera assez facilement de toutes pièces des prestiges qui paraîtront absolument nouveaux bien que basés sur des moyens assez connus.

Souvent l’enchevêtrement de deux ou trois expériences assez simples leur donnera une apparence de complication et pourra déjouer la perspicacité des connaisseurs ; on trouvera particulièrement des ressources à ce point de vue dans les récréations qui consistent à faire apparaître et à faire disparaître des objets, ou à les faire voyager : des principes différents étant ainsi mis en jeu pour produire des effets semblables en apparence, l’esprit des spectateurs est plus facilement dérouté.

Il est prudent de ne pas trop se fier à sa mémoire, qui peut être infidèle au milieu de l’agitation d’une séance ; on notera donc, par écrit, non seulement tous les numéros du programme, mais encore les préparatifs immédiats à faire pour chaque tour.

Tout cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas laisser quelque chose à l’imprévu ; au contraire, rien ne produit autant d’effet qu’une apparence d’improvisation ; une expérience se présente-t-elle comme une réponse à l’objection d’un spectateur, n’hésitez pas à l’exécuter immédiatement, quoique, suivant votre programme, elle ne dût passer que plus tard.

Cherchez autant que possible des ruses pour faire croire que vous employez d’autres moyens que ceux qui vous servent réellement. Quand l’effet d’un tour dépend de la disposition de l’appareil employé, mettez ce tour sur le compte de votre adresse. Si vous exécutez un tour où toute votre dextérité doit être mise en jeu, tâchez de paraître maladroit.

Soyez attentif aux moindres symptômes qui se manifesteront chez vos spectateurs, et, s’il vous survient une circonstance favorable qui vous permette par exemple d’escamoter à son insu la bague d’un spectateur pendant que vous lui tenez la main et que vous occupez son esprit de vos discours, profitez de cet heureux hasard et passez aussitôt à l’expérience de l’anneau dans un œuf (voir chapitre IV). Un homme habile et ingénieux saura toujours tirer parti des cas favorables qui ne manqueront pas de se présenter et dont seuls les sots ne savent jamais profiter.

Enfin, dans quelque circonstance que ce soit, ne marquez pas de vous adjoindre, si c’est possible, le concours de quelque personne musicienne. Certains tours, en effet, gagnent à être exécutés avec accompagnement d’un air joué en sourdine, de manière à permettre cependant d’entendre les paroles du prestidigitateur : si la pièce savante, le chapeau ensorcelé, ou une carte à jouer, dansent en mesure au son de la musique, l’effet produit en sera plus comique ; un air lugubre avec grondements de tonnerre, des phrases en mineur, une musique inquiète et agitée, donneront beaucoup de relief aux expériences de spiritisme simulé : une douce mélodie servira aux passes des anneaux chinois (chapitre XXII). Enfin, dans certains moments difficiles, une harmonie tapageuse pourra empêcher qu’on entende le bruit de la chute d’un objet sur la servante, ou le craquement des cartes dont on aurait fait maladroitement sauter la coupe.

Mais le principal avantage que procure aux presdigitateurs le concours d’un instrument de musique même dans la moindre séance de salon, c’est de lui permettre de prolonger un peu les moments de repos qui séparent les différents numéros de son programme, et de lui éviter ainsi une fatigue et une agitation nerveuse qui pourraient être des plus préjudiciables au succès de ses expériences.

2Le local

On peut être invité à donner une séance de magie blanche dans des conditions bien diverses : trois cas principalement peuvent se présenter.

Tantôt il faut tout disposer, pour ainsi dire, sous les yeux des spectateurs ; on prend dans ce cas la première table venue, que l’on place dans un coin de la salle ; si l’on a sous la main quatre tabourets solides, tous de la même hauteur, ou quatre petites caisses, on fera bien de les mettre sous les pieds de la table afin de surélever celle-ci d’une hauteur de vingt à trente centimètres ; on improvise une servante, comme nous le dirons plus loin, et on profite de quelques allées et venues pour tendre invisiblement un fil de soie noire et pour déposer en un lieu convenable, en les cachant derrière d’autres objets, les choses dont on aura besoin ; enfin, s’il y a une porte de communication avec une pièce voisine, on ne manquera pas d’en profiter, et de se placer à proximité, afin de pouvoir se retirer de temps en temps à l’écart, cacher aux yeux des spectateurs certains ustensiles, et faire sur soi quelques préparatifs, dans les poches, les manches ou sur la poitrine.

Si la séance est décidée quelques jours d’avance, le presdigitateur aura le plus souvent le choix de l’emplacement ; on lui permettra même volontiers de disposer un paravent, de faire une certaine mise en scène, un petit étalage symétrique d’ustensiles, de chandeliers, lampes, candélabres ; il pourra profiter de deux crochets soutenant des tableaux, pour tendre une ficelle, sur laquelle on jettera un tapis ou une nappe, en guise de rideau, pendant les deux ou trois principaux entractes, ce qui permettra d’enlever, des cachettes et des servantes dont nous allons parler, les objets devenus inutiles, et d’en mettre d’autres à leur place.

Enfin, dans certains cas plus rares, on peut organiser un véritable théâtre élevé sur une estrade ; c’est, de beaucoup, la situation la plus avantageuse : on dispose alors à son aise, tables, crédences, cachettes, instruments, accessoires, fils et ficelles ; ces derniers seront toujours placés le plus en arrière qu’il sera possible, de sorte qu’ils ne puissent être aperçus par les personnes qu’on invitera à monter sur la scène pour prêter leur concours en diverses circonstances.

3La table du prestidigitateur

Toutes les expériences de ce recueil peuvent être exécutées sur une table quelconque ; nous réserverons donc pour un des volumes qui feront suite à celui-ci, la description des tables préparées : tables à trappes, tables à pédales, tables à soufflet, tables à pointes et autres, qui rendent de réels services, et bornent souvent à elles seules le secret d’un grand nombre de tours.

Fig. 1Tablette avec boîte capitonnée.

Il suffira donc que l’on ait une table assez haute pour atteindre à peu près les coudes du prestidigitateur ; cette disposition permet de prendre ou de laisser tomber au passage dans la servante ou sur la table, sans se baisser, les boîtes, boules, verres, fleurs, mouchoirs, servant aux escamotages.

Deux guéridons placés à une petite distance de chaque côté de la table, serviront principalement à recevoir les objets qui devront changer de place.

Dans tous les cas, un accessoire indispensable au physicien, c’est la servante dont il sera assez souvent question dans cet ouvrage.

Fig. 2Servante improvisée.

Un premier dispositif se voit dans notre figure 1 : on enlève le tiroir d’une table ordinaire, et au moyen de deux pinces B, que l’on peut se procurer chez les quincailliers et chez les marchands de fournitures pour la photographie, on fixe à la traverse de la table une planchette sur laquelle on place une boîte capitonnée et les différents objets qui doivent rester cachés jusqu’à ce qu’on en ait besoin pendant le cours de la séance.

Parfois, comme nous l’avons dit, on se trouve obligé d’installer une servante presque sous les yeux des spectateurs ; dans ce cas, on relève par-derrière, au moyen de quelques épingles, le tapis de la table, de manière à former une grande poche au milieu, et deux petites de chaque côté ; celles-ci servent à déposer les muscades et autres menus objets ; voyez la figure 2.

Le modèle de servante que représente notre figure 3 consiste en un tapis de table cousu en forme de boîte rectangulaire, auquel sont adaptées, à la partie qui pend par-derrière, deux ou plusieurs poches ; les unes assez larges se tiennent béantes, les autres sont plates et peu apparentes, comme celle que l’on voit à droite de la figure et dont nous parlerons encore plus loin à propos du tour des anneaux chinois.

Fig. 3Tapis de table à poches.

Nous recommandons tout particulièrement la servante portative que montre la figure 4, et qui consiste en une carcasse en gros fil de fer, dont la partie antérieure peut être repliée en se relevant contre le cadre qui en forme le fond vertical ; cette monture en métal est garnie, ainsi qu’on le voit en B, d’une étoffe peu étendue sur le côté mobile, de manière à former une poche où pourront tomber sans bruit les objets dont on voudra se débarrasser. Une semblable servante est facile à confectionner. Quand l’appareil doit être accroché à une table, il se termine par deux pointes pp comme dans la carcasse A ; ces deux pointes, que l’on forme à la lime, sont enfoncées en forçant un peu entre la tablette supérieure et le tiroir ; celui-ci est d’abord entrouvert, puis refermé sur les pointes qui se trouvent prises comme dans un étau.

Fig. 4Servante portative.

Il est souvent utile d’avoir aussi une servante adaptée au dossier d’une chaise, pour y saisir ou y laisser tomber des objets au passage ; dans ce cas, les deux pointes de la servante sont remplacées par deux crochets, comme en B, figure 4 ; un foulard, ou un linge quelconque, jeté sur le dossier de la chaise, figure 5, cache l’appareil aux yeux des spectateurs.

Enfin, une servante excellente pour recevoir des objets peut être improvisée avec un chapeau d’homme en feutre, que l’on attache avec des cordons au dossier d’une chaise.

En cas de voyage, les pointes du modèle A seraient garnies de bouchons de liège, afin de préserver de leur contact les objets qui pourraient y être joints dans une valise.

4Le magicien et la mise en scène

Voulez-vous chercher à convaincre le plus possible vos spectateurs ; faites un effort d’imagination pour vous persuader à vous-même que vous allez accomplir des prodiges et que vous possédez une puissance merveilleuse.

Fig. 5Servante accrochée à une chaise.

Pénétrez-vous bien du rôle que vous devez jouer ; rappelez-vous qu’un magicien est pour les braves gens un savant qui, à force d’étudier les sciences occultes, est parvenu à exercer sa puissance sur la nature elle-même ; qu’il soumet les esprits à sa volonté, qu’il les évoque et les conjure par des charmes. Il résultera de votre conviction momentanée une attitude, un ton de voix, un extérieur, qui augmenteront l’illusion pour les spectateurs.

Si vous vous divertissez en famille avec une certaine solennité, et tandis que vous êtes en train de jouer la comédie, ne craignez pas de vous affubler d’une robe de magicien, constellée d’ornements découpés en papier doré ; une perruque en filasse, le traditionnel chapeau pointu et de grosses lunettes en fil de fer, sans verres – nous supposons que vous n’êtes pas myope ou presbyte – compléteront votre accoutrement.

La robe de magicien, avec ses plis amples et ses larges manches, vous rendra plus d’un service.

Un semblable costume demande un décor approprié ; aussi ne manquerez-vous pas de vous entourer de tableaux à fond noir, chargés de signes cabalistiques découpés en papier doré ou argenté ; des rosaces en cartes à jouer, des figures diaboliques, des têtes de sorcières, quelques bêtes empaillées si vous en avez, des cornues et des alambics, vrais ou peints, des lampions rouges et d’autres accessoires du même genre, ridicules ou terribles, vous aideront, s’ils sont disposés avec art et avec goût, à mieux illusionner votre monde.

Il est bien entendu qu’une mise en scène de ce genre, amusante dans une séance de famille donnée par un amateur, ne serait pas de mise chez un prestidigitateur de profession, qui ne se présente qu’en habit noir des plus corrects, et qui, absolument sûr de son talent seul en jeu, évite de s’entourer d’objets capables de distraire les spectateurs, mais cherche au contraire à concentrer sur sa personne toute leur attention.

Cela ne veut pas dire que le costume de ces messieurs n’a rien de particulier : des poches profondes en avant de son pantalon et qui lui servent à se débarrasser facilement d’un objet ; des pochettes étroites du côté diamétralement opposé, en un point où personne n’a jamais songé sans doute à en mettre, et où l’on peut saisir rapidement, par un simple balancement du bras en arrière, un objet dont on a besoin ; de mignons petits goussets, cousus intérieurement aux deux angles inférieurs, sur le devant de l’habit, telles sont les principales, mais invisibles particularités du costume de l’artiste physicien ; mais il n’y a pas lieu de nous étendre davantage sur ce point.

Quel que soit son accoutrement, il faut au magicien de l’enjouement et de l’entrain. Soyez gai, souriant, vos spectateurs le seront aussi ; prenez un air agacé et soucieux : la même impression se dessinera bientôt sur tous les visages.

Un accident peut se produire, un contretemps peut survenir : riez toujours, bavardez, payez d’audace ; agissez comme si les choses avaient dû se passer de cette façon, inventez, improvisez, étourdissez votre monde, et la bévue commise passera le plus souvent inaperçue, ou tout au moins on en rira comme vous.

Un jour, dans un collège, un prestidigitateur fort habile, mais pas du tout méfiant, avait demandé le concours de deux élèves, dont l’un caché dans la coulisse, et l’autre présent sur la scène, devaient lui servir d’auxiliaires.

Dans le programme figurait l’inévitable tour de l’omelette dans un chapeau, et notre homme, pour rendre l’expérience plus brillante, venait d’enflammer un peu d’alcool qu’il avait versé dans le petit appareil qu’on laisse dans le chapeau à l’insu des spectateurs.

Tout à coup, une immense flamme rouge, une abondante fumée, puis une flamme verte s’élèvent du chapeau : à cette chaleur intense, le feutre se roussit d’abord, puis se tord ; une suffocante odeur de poudre et de corne brûlée prend à la gorge tout le monde ; on rit cependant aux éclats, tant la chose semble drôle ; l’artiste lui-même, dévorant son inquiétude et cachant ses angoisses, sourit toujours, et c’est avec le plus grand calme qu’il prend une carafe d’eau pour éteindre l’incendie naissant.

Personne ne doute que les choses ne doivent se passer ainsi et que le dégât ne soit bien vite réparé ; seul le propriétaire du chapeau, un grincheux professeur, détesté des élèves, ne paraît pas content du tout ; tremblant, inquiet, exaspéré, il finit par se démener comme un furieux, et l’émotion comique de ce pauvre homme contribue pour une bonne part à la bruyante hilarité de ses cruels disciples. Enfin, quand le tumulte se calme un peu, le prestidigitateur toujours aimable, et qui a fait tomber adroitement sur la servante le chapeau abîmé, en le recouvrant d’un énorme cornet, annonce au professeur que le précieux couvre-chef est entièrement remis à neuf et s’est transporté invisiblement dans sa chambre, sur son lit ; il enlève en même temps le grand cornet sous lequel on ne voit plus rien, et là-dessus le rideau tombe.

La catastrophe avait été causée par les deux servants qui avaient introduit deux feux de Bengale dans le chapeau, dans le but, dirent-ils, d’augmenter l’effet de l’expérience : ils avaient réussi en effet !

Puisque nous avons parlé des servants – ils sont deux ordinairement –, disons que celui qui reste caché dans la coulisse, dans une chambre voisine, dont la porte est ouverte, ou derrière un paravent, selon les cas, ne se montre jamais, et que sa présence ne doit même pas être soupçonnée par les spectateurs ; c’est lui qui tire les fils et qui veille à ce que tout soit prêt au moment voulu.

L’autre servant, qui sera de préférence un jeune garçon, reçoit dans la salle les objets prêtés par les spectateurs, apporte au magicien les choses dont il a besoin, et même, il donne, à l’occasion, un coup de main pour substituer un objet à un autre, ou pour exécuter au passage un enlèvement rapide tandis que l’attention de l’assistance est captivée par le prestidigitateur.

Il nous reste ici à parler de la baguette magique. Elle doit être de coudrier, disent les vieux grimoires, et de la pousse de l’année. Il faut la couper le premier mercredi de la lune, entre onze heures et minuit, en prononçant certaines paroles… que nous avons oubliées. Le couteau doit être neuf et retiré en haut quand on coupe. Vous étiez donc dans l’erreur si vous pensiez qu’une baguette en bois quelconque, en métal ou en ivoire, fût apte à produire les effets merveilleux de la baguette magique. Pour parler sérieusement, ce petit instrument qui paraît ne servir à rien rend en réalité les plus grands services.

Veut-on prendre de la main gauche un objet sur la servante ? On avance en même temps le bras droit vers la baguette dont la place a été calculée d’avance avec soin, et on porte les regards vers ce point : tous les yeux se dirigent alors là, et personne ne regarde ce que fait la main gauche à ce moment.

Doit-on conserver, cachée dans le creux de la main, une pièce de monnaie, une muscade, une montre ? on tient la baguette magique de la même main pour en motiver la position fermée.

Veut-on ensuite se débarrasser de ce même objet dans la servante, cela se fait en posant, par-derrière, la baguette sur la table.

La baguette magique est le sceptre du magicien ; il ne la quitte jamais, et s’en sert dans toutes ses opérations, particulièrement pour tracer des figures cabalistiques.

Il y a longtemps qu’une baguette est réputée nécessaire à certains prodiges et qu’on ne peut se représenter sans elle les fées et les sorciers. Médée, la célèbre magicienne, fille du roi de Colchide, qui facilita à Jason la conquête de la toison d’or et qui s’enfuit un jour en l’air, sur un char traîné par deux dragons ailés ; Circé, fille du Jour et de la Nuit, qui reçut Ulysse dans son île et qui métamorphosa en pourceaux les compagnons de son prisonnier ; Mercure qui attacha Prométhée sur le mont Caucase, et à qui Apollon fit présent de la baguette qui, avec deux serpents enroulés, devint le caducée du fils de Jupiter ; Bacchus, le dieu du vin, qui se transforma en lion pour dévorer les géants qui escaladaient le ciel ; Zoroastre, le premier et le plus ancien des magiciens, qui régnait, dit-on, dans la Bactriane, longtemps avant la guerre de Troie ; Pythagore, l’auteur de l’extravagante opinion de la métempsycose ; enfin, les sorciers de Pharaon qui voulaient singer la verge de Moïse, avaient une baguette à la main et, de nos jours encore, les devins de village ne peuvent opérer leurs prodiges qu’avec le secours de leur baguette.