Magna Terra Floris - Fabienne Tual - E-Book

Magna Terra Floris E-Book

Fabienne Tual

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Beschreibung

Je m'appelle Astrid, j'ai 10 ans. Je vis seule avec maman qui est infirmière et comme elle doit partir travailler pour plusieurs jours, elle me confie à notre voisin, un vieux policier à la retraite que tout le monde appelle Monsieur Léon. Nous passons de bons moments ensemble, il me fait rire, il est gentil. Et aujourd'hui, j'ai le droit d'aller fouiller dans son grenier dans l'espoir de dégoter un déguisement pour aller à la fête d'anniversaire de Jade. C'est la première fois que je dépasse le premier étage de sa maison et je n'ai aucune idée de ce qui m'attend ! Je suis curieuse, et cet endroit regorge d'objets en tout genre. Je découvre un miroir magnifique au fond d'une malle, c'est la porte d'entrée vers un monde surprenant : MAGNA TERRA FLORIS. Nous allons y vivre de drôles d'aventures à la recherche d'une princesse disparue...

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Seitenzahl: 160

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Le meilleur moyen de réaliser l’impossible est de croire que c’est possible.

Lewis Carroll

Pour tous les aventuriers qui sommeillent en nous,

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

Chapitre 41

Chapitre 42

Chapitre 43

Chapitre 44

Chapitre 45

Chapitre 46

Chapitre 47

Chapitre 48

Chapitre 49

1

- Astrid ! Tu viens ? Je vais finir par être en retard !

- Oui, maman ! Je me dépêche !

Comme vous l’avez compris, je m’appelle Astrid. Et en bas, c’est ma maman qui s’impatiente. Elle s’appelle Evelyne, Evelyne Dupré. Nous vivons dans une grande et vieille maison au fond d’une impasse tranquille d’une toute petite ville de Bretagne. Cette maison, c’était celle de mes grands-parents. Je ne les ai pas connus. Ils sont morts dans un accident de voiture avant ma naissance. C’est dans ce foyer que ma maman a grandi, et c’est entre ces murs qu’à mon tour je grandis.

Maman est infirmière et aujourd’hui elle est pressée parce qu’elle est de garde et elle ne veut pas être en retard une fois de plus. Quand maman doit aller travailler, c’est Monsieur Léon qui s’occupe de moi. Enfin il s’appelle Léon Berger, du moins c’est ce qu’il y a écrit sur la boîte aux lettres, mais tout le monde l’appelle Monsieur Léon.

Monsieur Léon a toujours vécu dans cette belle demeure qui jouxte la nôtre. Il me paraît avoir mille ans tellement il est vieux ! Mais c’est peut-être parce que je n’en ai que dix ! Il vit tout seul dans ce grand logis. Il a été marié autrefois, mais Madame Berger est décédée quand j’étais petite. Je ne crois pas qu’il lui reste de la famille car il n’a jamais de visite et il neva jamais nulle part. Je crois que sa famille, c’est nous.

Monsieur Léon a été commissaire de police dans le temps. Il a résolu bien des affaires. Il était doué à ce qu’il paraît. Aujourd’hui, il passe la plupart de ses journées assis dans son fauteuil derrière la fenêtre à regarder ce qui se passe dans la rue.

Il me donne l’impression d’attendre quelqu’un mais personne ne vient jamais. Il est gentil avec moi, il me fait rire avec ses expressions bancales. Il dit toujours que dans la vie il faut avoir les pieds sur les épaules tout en gardant un brin de fantaisie. Je ne suis pas gymnaste ni contorsionniste. Je n’ai jamais réussi à mettre mes pieds sur les épaules. Et pourtant, j’ai essayé, croyez-moi ! Ce qu’il voulait dire en fait, c’est qu’il faut regarder la vérité en face, être raisonnable sans toutefois se prendre au sérieux, avoir la tête sur les épaules ou les pieds sur terre, vous voyez quoi !

- Astrid ! Allez, accélère !

- Oui, maman ! J’arrive !

Oh là là, il faut que je me dépêche. Le problème, c’est que je ne sais pas me presser. Je ne le fais pas exprès. Je veux vraiment faire vite mais mon attention est toujours captée par quelque chose qui me ralentit. Je suis curieuse. On a coutume de dire que c’est un vilain défaut, Monsieur Léon lui, dit que c’est un malin défaut !

J’aime ma maman plus que tout au monde. Il faut dire que je n’ai qu’elle. Je ne connais pas mon papa. Je sais juste que maman l’aimait éperdument et que sa disparition soudaine lui a fait l’effet d’un coup de poignard dans le coeur. Elle n’a même pas pu lui dire qu’elle était enceinte.

Ses parents non plus ne savaient pas où il était. Ils avaient trouvé sa chambre vide un beau matin. Il n’avait rien emporté. Il s’était juste volatilisé. Maman était dévastée. Mais elle était jeune et courageuse. Elle a décidé de ne rien dire et d’avoir son bébé toute seule.

Elle était encore à l’école d’infirmière quand j’ai pointé le bout de mon nez. À 19 ans, elle s’est retrouvée orpheline, étudiante, jeune maman et seule. Cela a été une période très difficile pour elle, elle n’aime pas en parler, alors nous n’en parlons pas.

Mais je vois bien que même après toutes ces années, toute la tristesse ne s’est pas encore envolée de son coeur et de sa tête. Alors j’essaye d’être gentille et de l’aider du mieux que je peux. Heureusement que Monsieur Léon et sa femme Constance étaient là. Ils ne l’ont pas lâchée. Et puis Constance s’en est allée. Un cancer. Alors monsieur Léon est devenu triste lui aussi, tellement triste. Peut-être que c’est Constance qu’il attend tous les jours derrière sa fenêtre ?

2

- Ah, enfin te voilà ! Mais qu’est-ce que tu fabriquais ?

- Je ne trouvais plus mon carton d’invitation pour la fête costumée de Jade. Monsieur Léon m’a dit qu’on pourrait aller fouiller dans son grenier pour trouver un déguisement.

- Tu avais vraiment besoin de cette carte ? Tu aurais pu trouver de quoi te déguiser tout pareil, tu ne crois pas ?

- Non, maman ! Il y a une énigme dessus. Il faut la résoudre pour connaître le thème de la fête !

- D’accord, d’accord, je vois. Bon allez, hop, en route !

J’attrape mon sac et mon blouson, fourre l’enveloppe dedans et sors de la maison. Je saute dans les bras de maman et lui fais un gros câlin.

- Allez, file ! Je n’ai pas le temps de t’accompagner chez Monsieur Léon aujourd’hui. Je suis déjà en retard. Sois bien sage avec lui, ne lui pose pas trop de questions ; il ne faut pas le fatiguer, c’est un vieux monsieur, tu sais. Je reviens te chercher après-demain, d’accord ?

- Oui, maman. Ce n’est pas la première fois que tu dois aller travailler aussi longtemps. Ça va bien se passer, je te le promets.

Maman monte dans la voiture tandis que je me dirige vers la propriété de Monsieur Léon. Je me retourne, lui envoie un baiser en soufflant sur ma main. Maman m’en envoie un en retour puis disparaît au coin de la rue.

Je reprends ma route. J’arrive devant la porte. Je sonne. Je suis toute excitée à l’idée de ce que nous allons découvrir dans le grenier. J’entends un pas traînant se rapprocher de la porte avant que celle-ci ne s’ouvre en grand.

3

- Astrid ! Ma petite voisine intrépide ! Comme je suis content de te voir ! Quel bon vent t’amène ?

- Enfin, Monsieur Léon, tu sais bien. Maman est de garde ce week-end, je dors chez toi.

- Vraiment ? En es-tu sûre ?

Je vois son oeil qui frise. Sa mine réjouie ne trompe personne. Et surtout pas moi !

- Maman ne t’avait pas prévenu ? Tu as de la visite peut-être ? Une amoureuse ?

- Une amoureuse ?! Allons, voyons, ne dis pas n’importe quoi ! Je te taquine, voilà tout !

- Et qui te dit que je n’en fais pas autant !

- Tu marques un point ! Allez, entre !

Monsieur Léon s’efface pour me laisser passer. Je pénètre dans la vieille demeure et suis impressionnée comme à chaque fois par l’atmosphère des lieux. On dirait faire un bon dans le passé. Ça sent la cire et la lavande. Les meubles semblent tous être aussi vieux que la bâtisse. Les lustres brillent de mille feux. La grosse horloge du salon sonne six coups, il est 18 heures. Puis elle reprend son tic-tac monotone et rassurant. Le mouvement du balancier est hypnotique. Quand j’étais petite, je pouvais passer des heures à le regarder.

Monsieur Léon remet une bûche dans la cheminée. Le couvert est déjà mis dans la salle à manger. Il a sorti la belle vaisselle. Celle avec les fleurs. Et puis il a disposé des verres à pied. Il sait que j’aime ça. Il a vu que j’avais remarqué.

- Ça te plaît ?

- Oh oui, qu’est-ce que c’est joli !

- Est-ce que tu as faim ?

Il est tôt, je n’ai pas l’habitude de manger aussi tôt avec maman mais Monsieur Léon est un vieux monsieur. Et les vieux messieurs mangent tôt ! Je n’ai pas vraiment faim mais j’aimerais faire un tour au grenier dès ce soir. Alors si nous mangeons de bonne heure, peut-être aurons-nous le temps ?

- En tout cas, moi j’ai l’estomac dans les genoux…

- Talons.

- Quoi ?

- On dit avoir l’estomac dans les talons.

- Ah oui, c’est vrai. Bon, on passe à table ?

- Dis, Monsieur Léon…

- Oui, ma chérie ?

- Est-ce qu’on pourrait aller au grenier ce soir s’il te plaît ?

- Au grenier ? Quelle drôle d’idée ! Tu sais, la maison est grande, il y a bien une chambre pour toi !

Je fais une moue amusée.

- C’est pour le déguisement. Pour la fête chez Jade.

Monsieur Léon se frappe le front avec la paume de la main.

- Mais oui, c’est vrai, ça me revient au bocal.

Il réfléchit un instant. Se mord la lèvre. Roule les yeux. Me regarde fixement. Je joins mes mains, lui fais mon plus beau sourire et répète silencieusement s’il te plaît.

- C’est d’accord. À condition d’y aller de bonne heure. Tu sais que je me couche avec les oies !

Je lui saute au cou.

- Oh super ! Merci, merci, merci Monsieur Léon !

Il me repose au sol et dépose un baiser sur mon front. Je vois une petite lumière dans ses yeux. Il est aussi heureux que moi.

- Eh, Monsieur Léon …

- Hum ?

- C’est avec les poules que tu te couches, pas avec les oies !

- Qu’est-ce que tu me chantes là ? Je dors tout seul dans mon lit !

Je lève les yeux au ciel et soupire :

- Mais oui, je sais bien que tu n’as pas de poule dans ton lit. Ce que je voulais dire c’est qu’on dit se coucher avec les poules, pas les oies.

- Les poules, les oies, c’est bonnet rouge et rouge bonnet !

- Blanc !

- Quoi ?

- Quand une chose en vaut bien une autre on dit bonnet blanc et blanc bonnet.

- Dis-donc, tu as la langue bien pendue aujourd’hui !

- Bravo ! Ça c’est correct !

- Et en plus tu oses te moquer d’un vieux monsieur ?

- Mais non, je te taquine !

Monsieur Léon m’observe un petit moment puis me fait un clin d’oeil.

- Allez, à table ! Spaghettis à la bolognaise, ça te va ?

- Oh oui alors !

On passe dans la salle à manger. Monsieur Léon tire ma chaise avec grande cérémonie :

- Si mademoiselle veut bien se donner la peine.

Je lui fais une révérence et m’assieds. Monsieur Léon déplie ma serviette dans un geste théâtral. Elle est d’un blanc immaculé. Elle est tellement grande qu’on dirait un drap. Il m’enroule dedans. Il ne faudrait pas que je tache mes vêtements ! La sauce tomate, c’est vraiment très difficile à nettoyer.

Il pousse ma chaise puis me sert généreusement. Ensuite, il s’installe en face de moi. Il glisse un coin de sa serviette dans le col de sa chemise puis se sert également. Nous commençons notre repas. Moi qui n’avais pas grand faim suis la première surprise de la facilité avec laquelle je vide mon assiette.

- Très chère, que diriez-vous d’un peu de vin pour accompagner ces pâtes succulentes ?

Je pouffe.

- Je ne bois pas de vin, je suis une enfant !

- Bien sûr que tu ne bois pas de vin ! Alors dis-moi, qu’as-tu donc dans ton verre ?

Je regarde mon verre qui était vide il n’y a pas une minute. Je découvre qu’un liquide rosâtre l’emplit à moitié. Je prends le verre et le porte à mon nez. Je reconnais cette odeur.

- Comment as-tu fait ?

- Quoi ? Comment ai-je fait quoi ?

- Pour remplir mon verre, il était vide il y a une minute.

- Ah ?

- Et maintenant, il y a de la grenadine dedans.

- Vraiment ? Moi qui croyais que c’était du vin ! Fais voir.

Je lui tends le verre. Il hume son contenu, me regarde et en le levant dit :

- In vino, verre et tasse !

Puis il le boit d’un trait.

- On dirait bien que tu as raison !

- Bien sûr ! La vérité sort toujours de la bouche des enfants !

4

Tandis que Monsieur Léon apporte le dessert, je file chercher le carton d’invitation pour la fête costumée de Jade. Quand je reviens à table, il a déposé à ma place une énorme coupe remplie de mousse au chocolat. J’adore le chocolat !

Mais je le soupçonne de l’aimer tout autant que moi si ce n’est plus. Et ce n’est pas la balafre marron qui court sur sa joue gauche qui me fera penser le contraire !

- Ah, te voilà ! Je n’ai pas pu résister à l’appel du chocolat !

- C’est ce que je vois ! Il t’en reste un peu, là…

Avec mon index droit, je me tapote la joue gauche pour lui faire comprendre que son visage a également pris part au festin. Il se met à rire puis lève les mains en signe de reddition.

- Tu m’as eu, Sherlock Astrid. Je plaide coupable. Et en signe de bonne foi de ma part, que dirais-tu de partager mon butin ?

Il me désigne la chaise que j’occupais quelques instants plus tôt. Il me sourit puis ajoute :

- Je t’en prie.

Je ne me fais pas prier davantage et m’assois. Je saisis ma petite cuillère et la plonge doucement dans la coupelle devant moi. J’entends le métal crisser quand il rencontre la mousse. Ça me fait frissonner. Comme ce bruit est doux à mes oreilles ! Je sens que ma salive envahit toute ma cavité buccale. Je regarde ma main remonter l’ustensile chargé de ce délice. Je ne peux pas résister plus longtemps. J’ouvre la bouche et enfourne délicatement ce mets de premier choix. Je ferme les yeux. Je laisse fondre cette merveille lentement sur ma langue. Je la sens couler dans ma gorge. Je ne connais rien de meilleur au monde !

- C’est exquis ! Cette mousse est tout simplement divine !

- Je suis heureux que ça te plaise ! Mais dis-moi, qu’est-ce donc, posé là, à côté de ton assiette ?

- Oh ça ? C’est mon invitation pour la fête costumée de Jade. Il y a une énigme à déchiffrer pour connaître le thème retenu. Je me suis dit que tu pourrais m’aider…

- Un coup de tête ? N’en dis pas plus. Je vais chercher mes lunettes. Toi, tu finis ta mousse au chocolat. J’adore les énigmes !

- Autant que le chocolat ?

- Ha, ha, ha…

- Merci pour le coup de main Monsieur Léon !

Monsieur Léon sort de la pièce le papier à la main me laissant déguster mon dessert. Quand il revient, j’ai tout englouti. Je suis repue. Je me lève pour débarrasser la table mais Monsieur Léon m’arrête.

- On verra ça plus tard. Viens, on a une énigme à résoudre et un costume à trouver !

J’insiste. Je lui dis qu’il n’y en a pas pour longtemps. Maman m’a demandé de l’aider. Elle ne serait sûrement pas contente de voir la table comme ça. En deux temps, trois mouvements, l’affaire est faite et je rejoins Monsieur Léon au salon.

5

« Vous êtes invités à la grande fête d’anniversaire de Jade. Mais attention, pour trouver le thème de la journée, vous devez répondre à cette énigme. Vous ne pourrez participer aux réjouissances que si votre déguisement correspond au thème. Voici donc l’énigme :

Sans elles, la vie serait triste. Plus de couleurs, plus de fruits.

Si toutes sont belles à leur façon, le parfum qu’elles dégagent peut être puissant, discret ou même absent.

Elles aiment le soleil mais ont besoin de la pluie.

Elles aiment la chaleur mais le froid leur apporte le repos.

Qui sont-elles ? »

Monsieur Léon a chaussé ses lunettes et lit à voix haute le texte. Il fait des allées et venues devant la cheminée tantôt se grattant la tête, tantôt inspirant bruyamment ou bien soupirant subitement. Il a l’air de se creuser les méninges. Puis, il se met soudain à parler.

- Voyons voir… qu’est-ce qui embellit la vie ? Qu’est-ce qui la rend gaie ?

- Les chants ? Les fêtes ? Les jeux ? Les autres ?

- Hum… c’est écrit elles au pluriel. On oublie donc les chants, les jeux et les autres. Ensuite, c’est écrit qu’il n’y aurait plus de couleurs. Qu’est-ce qui est coloré ?

- La peinture, les feutres, les crayons de couleur, les arcs-en-ciel…

- Oui, oui, tu as raison. Mais ensuite on parle de fruits. Toutes ces choses que tu viens de me citer n’ont pas de rapport avec les fruits.

- Oui, mais les fruits sont tous colorés !

- Exact ! Et de quoi ont besoin les fruits pour mûrir ?

- De soleil et d’eau.

- C’est ça ! Oui, c’est ça !

- Oui, mais les fruits, c’est masculin pluriel, pas féminin pluriel.

- Tu as raison Astrid. Mais n’y a-t-il pas quelque chose avant les fruits ?

- Bien sûr ! Tu as raison Monsieur Léon ! Les fleurs ! Ce sont les fleurs ! On a trouvé !

Je suis ravie. Monsieur Léon m’a bien aidée sur ce coup-là !

Cependant, une question me turlupine.

- Comment se déguiser en fleur ?

- Tu n’as pas connu les années soixante-dix toi ! Le pouvoir des fleurs, les hippies…

- Les i quoi ?

- Les Hippies ! C’était un mouvement de la jeunesse des années soixante-dix qui prônait l’amour, pas la guerre. Ils étaient très proches de la nature et donc des fleurs. Ils en mettaient partout. Sur les murs, les voitures et bien sûr, sur leurs vêtements. Et figure-toi que j’ai vécu ces années. Et que moi aussi, j’ai porté des chemises à fleurs et des pantalons pattes d’eph.

- Pattes d’eph ?

- Oui, pattes d’éléphant, très large en bas, tu vois ?

- Ah…

Je m’imagine Monsieur Léon vêtu d’une chemise à fleurs et d’un pantalon pattes d’eph et je ne peux réprimer un sourire en lui demandant :

- Toi ? Tu as porté des pantalons pattes d’eph et des chemises à fleurs ?

- Eh oui, jeune fille. J’avais même les cheveux longs !

Alors là, c’en est trop ! Je m’esclaffe joyeusement. Je m’en roulerais par terre si j’osais, me tenant le ventre à grands renforts d’éclats de voix.

- C’est ça, c’est ça ! Rigole, rigole ! Rigolera bien qui rigolera le dernier !

Je m’arrête net.

- Pourquoi tu dis ça ? Tu sais bien que c’est rira bien qui rira le dernier, n’est-ce pas ?

- Ah bon ? Cela revient au même et puis au moins tu ne ris plus !

Nous nous regardons, il ne faut pas plus de quelques secondes pour que le rire s’empare une nouvelle fois de nous.

- Bon allez, ce n’est pas le tout. On doit te trouver une de mes merveilleuses chemises à fleurs dans le grenier.

- J’ai quand même beaucoup de mal à t’imaginer dans d’autres vêtements que dans ce pantalon marron avec cette chemise à carreaux et ce gros gilet beige pardessus. Sans oublier les bretelles, j’avais oublié les bretelles ! J’ai l’impression que tu ne quittes jamais cet uniforme !

- Et pourtant ! Bon, on y va dans ce grenier ?

- Bien sûr ! Comme je suis excitée !

- Je vois ça oui, tu sautes comme une…

- Puce !

- Comme une puce, oui si tu veux.