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La reine Anna-Luce Fleur de Lotus rappelle Astrid et Monsieur Léon à la rescousse. Magna Terra Floris a besoin d'eux ! Et ce qu'ils découvrent à leur arrivée est tout bonnement sidérant. Ils atterrissent dans une véritable zone de guerre. Comment vont-ils bien pouvoir aider les fleurs cette fois-ci ? La reine a sa petite idée : elle va confier une mission de sabotage dans les rangs ennemis à nos deux héros... De nouvelles aventures, de nouvelles rencontres, vont émailler ce nouveau séjour de nos deux amis à Magna Terra Floris. Mais l'espionnage ne s'improvise pas et au moindre faux pas, ça peut vite tourner au vinaigre !
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Seitenzahl: 190
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Depuis six mille ans la guerre plaît aux peuples querelleurs, et Dieu perd son temps à faire des étoiles et des fleurs.
Victor Hugo
Pour tous les optimistes qui se cachent en nous,
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Trilogie Magna Terra Floris
REMERCIEMENTS
Bam, bam, bam ! Driiiiiiiiiiing !
Je tambourine à la porte. Je m’acharne sur la sonnette.
Bam, bam, bam ! Driiiiiiiiiiing !
Je perçois enfin un mouvement provenant de l’intérieur.
— Oui, voilà, voilà, j’arrive ! On n’a pas idée de faire autant de potin !
J’entends la clef qui tourne dans la serrure. Je vois la poignée s’abaisser puis la porte s’ouvrir prudemment.
— Qu’est-ce que c’est ?
— C’est moi, Monsieur Léon. Astrid !
— Astrid ?!
Monsieur Léon ouvre alors en grand. Je me faufile à l’intérieur.
— Mais qu’est-ce que tu fais là ? Tu es tombée du lit ? Tu ne devrais pas être à l’école ?
— On est en juillet Monsieur Léon, c’est les vacances !
— Déjà ? Le temps file, c’est dingue ça. Hier encore tu étais un bébé et…
— Monsieur Léon, je t’arrête tout de suite. L’heure est grave.
— L’heure est grave ?! Non mais écoutez-la-moi, celle-ci… Qu’est-ce qui justifie que tu viennes me briser les oreilles de si bon matin jeune fille ? Mon café va refroidir.
— Monsieur Léon, écoute-moi s’il te plaît !
— Libre à toi de me parler si c’est ce que tu souhaites mais sache que je dois finir mon petit-déjeuner, alors suis-moi si tu veux bien. As-tu déjà mangé ? Tu sais que c’est le repas le plus important de la journée…
Il s’élance à petits pas pressés vers la cuisine tout en me détaillant les bienfaits d’un bon petit-déjeuner. Je n’en ai que faire. Ce qui se passe est trop grave pour penser à manger !
— Ta mère sait que tu es là ?
— Oui, euh… non. Mais c’est pas la question !
— Comment ça, ce n’est pas la question ? Elle va s’inquiéter si elle ne sait pas où tu es.
— Oui, peut-être… sûrement. Mais je t’en prie, ce n’est pas le moment de parler de ma mère. Est-ce que tu veux bien te taire et m’écouter s’il te plaît ? On parlera d’elle plus tard, d’accord ?
La mine renfrognée, les bras croisés sur son poitrail imposant, Monsieur Léon me fait signe d’aller plus avant. Je sors alors un morceau d’étoffe fleurie de ma poche. Je soulève les pans de ce carré de tissu un à un jusqu’à ce que Monsieur Léon voit ce que je tiens au creux de ma main. Quand c’est enfin le cas, il change d’attitude :
— Astrid, oh mon Dieu, c’est la…
— Oui Monsieur Léon, c’est la fluorite.
— Et… elle brille !
Il se met à secouer la tête de gauche à droite. Je sens sa nervosité monter d’un cran. Il porte ses mains à la bouche et entreprend de se ronger l’ongle du pouce droit. Puis, tout en désignant la pierre illuminée, il finit par lâcher :
— Ce n’est pas bon signe ça !
— Effectivement, c’est ce que je me tue à te dire. Nous avons un problème, et pas des moindres !
Lorsque nous avons quitté Magna Terra Floris au printemps dernier, la reine Anna-Luce Fleur de Lotus m’a remis cette magnifique pierre. Elle m’a expliqué que si le monde des fleurs avait besoin de nous, la fluorite brillerait pour nous avertir. Et elle brille !
— À six heures et demie ce matin, quand ma mère s’est levée pour se préparer, ça m’a réveillée. Je suis alors allée aux toilettes et quand je suis revenue, j’ai vu de la lumière dans le tiroir du haut de ma commode. C’est à cet endroit que je range la fluorite. J’ai ouvert le tiroir pour vérifier, la pierre était bien à sa place et elle scintillait. Impossible de me rendormir, tu penses bien. Alors j’ai attendu que maman s’en aille, je me suis habillée et je suis venue directement chez toi. Il faut que nous retournions à Magna Terra Floris. Les fleurs ont besoin de nous !
— Je ne sais pas, Astrid. On a eu beaucoup de chance la dernière fois. On aurait pu y rester ! Évidemment, toi, tu t’es amusée, tu crois être immortelle ! Moi, à mon âge, je sais que la mort peut nous faucher à n’importe quel moment.
— Justement, raison de plus pour faire quelque chose de bien de notre vie, tu ne crois pas ?
— Je suis d’accord mais pas à n’importe quel prix ! Je ne suis pas un cascadeur au cas où tu ne t’en serais pas rendu compte !
— Je sais bien tout ça mais tu t’en es très bien sorti, je t’assure.
Il lève les yeux au ciel tout en chassant l’air de sa main gauche :
— Tu parles ! Même pas fichu de courir plus de quelques centaines de mètres !
— Et alors ? Tu en connais beaucoup des gens de ton âge qui auraient fait ce que tu as fait ? Hein ?
Il reste silencieux. Je persiste et signe :
— Sans toi, on n’aurait pas retrouvé la trace de la princesse. Sans toi, on n’aurait pas sauvé les capucines. Sans toi, on n’aurait pas capturé les Chardons et on ne les aurait pas renvoyés chez eux !
— Tu es gentille Astrid, mais je ne suis pas sûr d’avoir été à ce point utile.
— Utile ?! Non, mais tu veux rire ? Tu n’as pas été utile, tu as été indispensable !
Une ébauche de sourire prend naissance sur son visage buriné.
— Très bien. Je veux bien avouer que malgré le danger, je ne regrette pas d’avoir participé à cette enquête.
— Tu ne regrettes pas ? C’est tout ? Mais c’était génial ! Je n’arrête pas d’y penser depuis qu’on est revenus !
— Ah, la fougue de la jeunesse !
— Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Ça veut dire que tu es prête à te lancer sans réfléchir dans n’importe quoi.
— Peut-être… Mais tu crois que c’est mieux de passer tout son temps à réfléchir sans jamais passer à l’action ?
Monsieur Léon soupire. Et de guerre lasse, il finit par admettre :
— Nous sommes complémentaires, j’en ai bien peur. Le dicton dit vrai.
— Le dicton ? Quel dicton ?
— Si jeunesse pouvait, si vieillesse savait.
— C’est l’inverse, tu ne crois pas ?
— Qu’est-ce que j’ai dit ?
— Peu importe. Nous devons retourner à Magna Terra Floris. Et je ne peux pas y aller sans toi.
— Je sais, je sais. Mais je suis assez mal à l’aise à l’idée de devoir encore mentir à ta maman.
— On ne lui ment pas Monsieur Léon, on ne lui dit pas tout, c’est différent !
— Enfin Astrid, elle ne sait même pas que tu es là ! Où croit-elle que tu sois d’ailleurs ?
— Eh bien, depuis la fête costumée chez Jade, je suis devenue très populaire, tu sais. J’étais censée passer les trois prochains jours chez elle.
— Et tu trouves que je ressemble à ton amie Jade ?
— Pas vraiment, dis-je amusée.
Tout en prononçant ces derniers mots, Monsieur Léon se dirige vers le vestibule ou trône le seul téléphone de la maison. Il s’en saisit, je lui demande :
— Qu’est-ce que tu fais Monsieur Léon ?
— Tu le vois bien. Je prends le téléphone pour avertir ta mère que tu es ici avant que cela ne fasse des histoires.
Je me précipite et lui arrache le combiné des mains :
— Ce n’est pas la peine... J’ai envoyé un sms ce matin à la maman de Jade pour lui dire que je ne pourrai pas venir parce que je devais m’occuper de toi… parce que… tu t’es fait un tour de rein…
Je tente un sourire maladroit pour l’amadouer. Peine perdue !
— Parce que tu as un téléphone portable, toi maintenant ?
— Non, j’ai emprunté celui de maman.
Je baisse les yeux. Je me tortille les mains.
— Tu as fait quoi ?! Non, mais j’hallucine ! De mieux en mieux !
Monsieur Léon est furibard. Il m’enguirlande copieusement. J’attends stoïquement que l’orage passe. Quand je sens que la tension retombe, je reprends :
— C’est un cas de force majeur Monsieur Léon. Je suis désolée, mais je n’ai pas eu le choix. Je ne pouvais pas dire à maman que j’annulais mon séjour chez Jade pour venir chez toi. Elle m’aurait posé un tas de questions et j’avais peur de trop en dire. Tu comprends ? Garder le secret, tout ça ?
Il ne me répond pas. Il fait toujours la tête. Il repart vers la cuisine. Je le suis.
— Monsieur Léon…
— Laisse-moi tranquille !
— Je suis désolée Monsieur Léon, mais je dois insister.
Monsieur Léon débarrasse la table et rince son bol sale dans l’évier avant de le reposer sur l’égouttoir. Je retente ma chance :
— Monsieur Léon…
— Laisse-moi Astrid, je dois réfléchir. Il faut que je m’occupe les mains pour que ma tête redevienne froide. Chocolat chaud ?
— Hein ? Quoi ?... Ah oui, je veux bien, merci.
Je comprends qu’il vaut mieux le laisser se calmer. J’en profite donc pour avaler un petit-déjeuner pendant ce temps-là. Et ça marche ! Il me grille des tartines, les beurre. Je les engloutis au fur et à mesure qu’il me les présente. La pendule du salon sonne neuf heures et demie quand il se décide enfin à me parler :
— Très bien, Astrid. Je ne suis pas content après toi. Que tu mentes à ta mère et à ta copine… Et que tu m’entraînes là-dedans me déplaît fortement ! Mais je veux bien admettre que tu as dû agir rapidement et qu’ayant promis de garder le secret, il n’y avait pas trente-sept solutions.
— Oh, Monsieur Léon…
— Laisse-moi finir ! Je suis d’accord. Il faut que nous y retournions mais je vais tout de même laisser un mot à ta mère sur la table de la cuisine au cas où elle viendrait te chercher et que nous ne serions pas là. Elle a toujours la clef de ma maison, n’est-ce pas ?
— Oui, je crois. Mais qu’est-ce que tu vas écrire ? Tu ne peux pas lui expliquer ce qui se passe. Nous avons fait une promesse.
— Je sais bien. Je vais rester vague. On verra bien quand on rentrera. Je pense qu’on pourrait faire une exception pour ta mère. J’en parlerai à la reine. Je ne peux pas continuer comme ça de toute façon.
— On y va alors ?
— Oui, Astrid, on y va.
Je souris. J’attrape mon bol, le lave et le pose à côté de son jumeau sur l’évier.
Je me retourne et salue maladroitement Monsieur Léon à la façon d’un soldat.
— Je suis prête Monsieur Léon !
— Alors, en route soldat !
— En route pour l’aventure !
— Euh, pas trop d’aventures tout de même !
Monsieur Léon regarde sa montre.
— Il n’y a pas un instant à perdre ! Allez, viens !
Il m’attrape la main et m’entraîne vers l’entrée où se situe l’escalier qui mène jusqu’au grenier. Avant de commencer son ascension, il s’arrête et ouvre le placard juste en-dessous. Il troque ses charentaises contre une paire de chaussures de marche. Il jette un œil à ma tenue puis m’adresse un signe de tête approbateur. Il prend aussi un sac à dos qui m’a l’air bien rempli. Il s’agenouille, fait passer les bretelles sur ses épaules et se relève sans trop de difficultés. Je suis intriguée.
— Qu’est-ce qu’il y a dans ton sac ? Ça a l’air lourd !
— Une arme.
— Une arme ?
— Oui, allez viens, je t’expliquerai plus tard. Il faut que nous actionnions le portail.
Et Monsieur Léon de monter quatre à quatre les marches jusqu’au dernier étage. Je le suis à grande peine.
— Dis-donc, Monsieur Léon, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as mangé du lion ou quoi ?
— Absolument pas ! Je me suis remis au sport depuis notre petite aventure printanière.
— Tu t’es remis au sport ?
— Oui. Et puis, je fais plus attention à ce que je mange.
Alors là, les bras m’en tombent !
— Alors tout ce que tu viens de me dire, c’était du flan ? Il déverrouille la porte tout en me répondant :
— Pas exactement. Je suis persuadé que c’est toujours dangereux. Mais je me suis dit que de faire un peu plus attention à ma santé ne pouvait pas me nuire. Que ce soit à Magna Terra Floris ou ici.
Je le regarde, éberluée. Il m’épate. Je suis fière de lui. Je le serre dans mes bras.
— Allez, allez, on n’a pas le temps pour ça Astrid !
Comme pour accentuer ses paroles, les dix coups de dix heures nous arrivent étouffés. Nous nous pressons. Nous retrouvons le bric-à-brac du grenier tel que nous l’avions laissé.
La malle est ouverte. Les bretelles que la reine Anna-Luce Fleur de Lotus a offert à Monsieur Léon sont là. Il prend quelques instants pour les fixer à son pantalon. Il enfile son gilet de pêche. Je saisis la besace et la passe par-dessus mon épaule. Nous sommes prêts. J’attrape le miroir. Je laisse mes doigts courir sur l’inscription.
Je regarde Monsieur Léon qui me prend la main et commence le compte à rebours.
Quand il atteint zéro, je prononce l’incantation à voix haute : MAGNA TERRA FLORIS.
Je ne ferme pas les yeux cette fois. Je compte bien voir chaque seconde de notre voyage. Pas de cri non plus. Monsieur Léon et moi nous donnons la main quand le tourbillon de lumière jaillit du miroir et nous aspire dans ses volutes colorées. Nous nous retrouvons au cœur d’un arc-en-ciel qui s’enroule sur lui-même. Nous nous laissons entraîner dans cette spirale quand soudain je sens que je tombe. Je glisse. Nous glissons. De plus en plus vite. Puis, ce qui au début ne semblait être qu’un point pas plus gros qu’une tête d’épingle se met à grossir, à grossir jusqu’à devenir énorme et nous engloutir. Pendant tout ce temps, je ne perçois aucun son. Tout est calme. J’ai l’impression d’être dans du coton soyeux. C’est confortable. Mais j’éprouve une légère appréhension tout de même. Qu’allons-nous trouver là-bas ?
L’instant d’après, nous perçons le ciel jaune orangé de Magna Terra Floris avec le talon de nos chaussures. C’est haut ! Monsieur Léon me fait signe d’ouvrir ma besace. Je ne comprends pas mais j’obéis. Pas le temps de parlementer. Je découvre une chemise à fleurs. Je suis interloquée. En quoi ce vêtement va amortir ma chute ? Je regarde à nouveau dans la direction de Monsieur Léon mais il n’est plus là. Je regarde en bas. Je ne le vois pas. Où est-il ?
Je l’entends qui m’appelle. Je regarde au-dessus de moi et ce que je découvre me stupéfie. Je vois un vieux monsieur à la bedaine rebondie qui descend doucement du ciel accroché à une chemise à fleurs en guise de parachute. Je comprends enfin. Je m’empresse de l’imiter. Je saisis les manches et laisse le vent s’engouffrer dans le tissu.
Et c’est comme une fleur que nous nous posons au beau milieu d’une clairière que je peine à reconnaître. D’instinct, je chuchote :
— Monsieur Léon, l’herbe est bleue.
— Je vois bien, Astrid.
Soudain, un bruit étrange nous parvient accompagné d’une d’odeur immonde.
— Tu sens Monsieur Léon ? Qu’est-ce que c’est ?
Monsieur Léon, en ancien représentant de la loi qu’il est, est sur ses gardes. Il me signifie de garder le silence et de me faire toute petite. J’obtempère sans broncher. Il scrute les environs. Il murmure :
— Nous sommes à découvert. Il faut nous abriter quelque part le temps d’échafauder un plan.
Je le vois regarder avec insistance vers un bosquet.
— Astrid ! Tu peux me passer tes jumelles s’il te plaît ?
En voyant ma surprise s’afficher sur mon visage, un brin irrité, il ajoute :
— Elles sont dans ton sac.
Je m’exécute en silence. Je demanderai des explications plus tard. Cet endroit ne me dit rien qui vaille. J’en ai la chair de poule. Je sens une rivière de sueur s’écouler le long de mon échine. Monsieur Léon me fait signe d’avancer. Alors j’avance. Nous trouvons refuge dans un arbre creux en lisière du pré que nous venons de quitter. Je suis nerveuse. Je ne tiens plus. Il faut que je parle :
— Monsieur Léon, où sommes-nous ?
— Je ne sais pas Astrid. Viens, ne restons pas là. Allons plus loin.
— Aller plus loin ? Mais on ne peut pas, nous sommes dans un arbre.
— Détrompe-toi ma chère, détrompe-toi…
C’est alors que je vois Monsieur Léon sortir la lampe de poche à manivelle de son gilet. Il actionne le levier et un faible rayon de lumière sort de la petite boîte métallique. Je découvre alors que l’arbre est bien plus gros que je ne le croyais. Nous nous enfonçons un peu plus dans ses entrailles de façon à ne pas être repérés de l’extérieur.
Nous nous asseyons sur le sol. Monsieur Léon me demande de sortir la carte et la boussole de Magna Terra Floris. Je lui dis :
— Je suppose…
Il m’interrompt à grand renfort de gestes.
— Chut ! On chuchote.
J’opine du chef puis je reprends en chuchotant :
— Je suppose donc que je vais trouver ce que tu me demandes dans mon sac ?
— Bien sûr !
— Comme la chemise parachute ?
— Évidemment !
— Pour quelqu’un qui hésitait à revenir ici, il me semble que tu t’es plutôt bien préparé !
— Ce n’est pas parce qu’on n’est pas chaud pour faire quelque chose qu’il ne faut pas s’y attendre. Je savais que c’était une possibilité. Alors j’ai organisé nos sacs en conséquence, juste au cas où.
— C’est sûr ! Ça ne mange pas de pain !
— Exactement !
— Non, mais tu te moques de moi ?
— Pourquoi tu dis ça ?
— Parce que tu m’as fait la leçon tout à l’heure alors que tu avais déjà intégré l’idée de revenir ici.
— Je ne vois pas pourquoi tu me fais une scène pour ça. Ce n’est pas parce que je suis paré à toute éventualité que je cherche absolument les ennuis. C’est juste une précaution que j’ai bien fait de prendre d’ailleurs. Un homme investi en veut deux !
Je ne peux m’empêcher de sourire. Il sait drôlement y faire avec moi pour que ma colère se dégonfle en un tour de main.
— Un homme averti, Monsieur Léon. Un homme averti en vaut deux !
— Ah oui, c’est ça ! Bon, alors, cette carte, ça vient ?
Décidément, je ne peux rien lui refuser. Je déplie et étale la carte par terre. Je viens superposer la boussole comme me l’a montré Eve. En faisant attention à bien faire concorder les inscriptions. Puis nous attendons.
Le dessin évolue sous nos yeux. Les trois soleils se matérialisent ainsi que les différents territoires. Les lignes représentant les frontières changent constamment. Tout en haut de la carte, nous distinguons le Mont Vulcain. En revenant vers le centre de la feuille de papier, nos yeux tombent sur le territoire de Terra Tribuli. Un espace modeste entouré de rochers plus ou moins volumineux à l’ouest, et d’une falaise, à l’est. Au pied de cette dernière, serpente la rivière qui va jusqu’au Palais de la reine Anna-Luce Fleur de lotus. Plus au sud, une grande clairière à l’herbe bleue, comme celle dans laquelle nous avons échoué tout à l’heure, apparaît puis, une forêt dense émerge, la forêt du Dédale. De l’autre côté, s’étend Magna Terra Floris jusqu’aux confins d’Apis Terra. Puis, le Pic du Chiendent. Le Mont Lupin se dresse toujours à l’est et la grande barrière de rocailles, à l’ouest. Je pointe du doigt cette partie et dis :
— Je reconnais cette zone. C’est par là que nous étions la dernière fois.
— Oui. Et il me semble que nous sommes plutôt de ce côté cette fois.
Monsieur Léon désigne la forêt ainsi que la clairière plus au nord. Je m’interroge :
— Pourquoi n’avons-nous pas atterri dans le même secteur ?
— Je n’en sais rien.
— Et quelle est cette odeur terrible dehors ?
Je parle à un mur. Monsieur Léon est obnubilé par un point qui clignote sur le plan. Après un moment, il me demande :
— Peux-tu sortir la fluorite de ta poche, s’il te plaît Astrid ?
Il accentue sa requête d’un regard qui ne saurait souffrir le moindre refus de ma part. Alors, j’obéis. Quand la pierre se retrouve à l’air libre, débarrassée de son écrin de tissu, je réalise que la fluorite émet de la lumière par intermittence exactement comme le point sur la carte. Je suis ébaubie.
— Qu’est-ce que ça signifie Monsieur Léon ?
— Je pense que la fluorite marque notre position sur la carte. Et que donc, nous nous trouvons ici. Dans cette espèce de no man’s land entre Terra Tribuli et Magna Terra Floris. C’est-à-dire exactement où il ne faut pas se trouver en cas de guerre.
— En cas de guerre ? Qu’est-ce que tu racontes ?
— J’ai bien peur qu’on nous ait appelés à la rescousse pour cette raison.
— Mais qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Le bruit étrange tout à l’heure, et l’odeur. Ça sentait le soufre.
— Le soufre ? J’aurais plutôt dit les œufs pourris !
— C’est bien ça, le soufre. Et savais-tu que le soufre entrait dans la composition de la poudre à canon ?
Je reste muette. Ainsi donc Magna Terra Floris et Terra Tribuli seraient entrés en guerre ?
— Qu’est-ce que tu croyais Astrid ? Que les Chardons laisseraient tomber comme ça ?
— Non, je suppose que non. Mais…
— Crois-moi, quand on rate un coup d’état comme ils l’ont raté, on n’en reste pas là.
— C’est pour ça que tu savais qu’on allait revenir !
— Malheureusement, oui. Quand on a côtoyé les malfrats, on sait que le mal est un puits sans fond. Et les fleurs sont comme les hommes…