Marc Aurèle - Pensées pour moi-même - Marc Aurèle - E-Book

Marc Aurèle - Pensées pour moi-même E-Book

Aurèle Marc

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Beschreibung

Les "Pensées pour moi-même" rassemblent les réflexions intimes de Marc Aurèle, empereur romain et philosophe stoïcien, écrites entre 170 et 180 après J.-C. Dans ce journal philosophique qui n'était pas destiné à la publication, l'empereur médite sur la nature humaine, le devoir et la place de l'homme dans l'univers. Ses observations profondes sur l'acceptation du destin, la gestion des émotions et la recherche de la sérénité offrent des clés universelles pour traverser les épreuves avec sagesse. Cette œuvre majeure de la philosophie stoïcienne propose des principes concrets pour cultiver la paix intérieure face aux turbulences de l'existence. Un guide intemporel de développement personnel, écrit il y a près de deux millénaires par l'un des hommes les plus puissants de son époque, désormais accessible dans une nouvelle traduction française qui en révèle toute la modernité.

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Seitenzahl: 234

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Marc Aurèle

Pensées pour moi-même

Les Méditations dans une nouvelle traduction intégrale

Copyright © 2025 Éditions Novelaris

Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée ou transmise, sous quelque forme que ce soit et par quelque moyen que ce soit – électronique, mécanique, par photocopie, enregistrement ou numérisation – sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Toute copie, mise en ligne ou diffusion sous quelque forme que ce soit sans autorisation est illégale.

ISBN: 978-3-68931-224-4

Table des matières

Premier livre

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Deuxième livre

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Troisième livre

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Quatrième livre

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Cinquième livre

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Sixième livre

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Septième livre

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Huitième livre

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Neuvième livre

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Dixième livre

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Onzième livre

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Douzième livre

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Cover

Table of Contents

Text

Premier livre

1.

J’ai appris de mon grand-père Verus à être proche et doux.

2.

De la mémoire glorieuse de mon père, j’ai reçu l’impulsion pour devenir un être à la fois peu exigeant et viril.

3.

Ma mère m’a inculqué le sens de la crainte de Dieu, de la générosité et de l’abstinence, non seulement des mauvaises actions, mais aussi des pensées de ce genre, ainsi que l’amour de la simplicité dans la nourriture et d’un mode de vie différent de l’opulence des riches.

4.

C’est grâce à mon arrière-grand-père que je n’ai pas dû aller à l’école publique, mais que j’ai pu profiter à la maison de l’enseignement de bons professeurs et que j’ai appris à comprendre qu’il ne fallait pas économiser dans ce domaine.

5.

Mon éducateur m’exhortait à ne prendre parti ni pour les verts, ni pour les bleus du cirque, pas plus pour les boucliers ronds que pour les boucliers longs des gladiateurs, à m’habituer à la persévérance dans l’effort, au contentement de peu et à l’activité personnelle, à ne pas me mêler des affaires des autres et à fermer l’oreille aux calomnies.

6.

Diognète me mit en garde contre la recherche des choses vaines et la croyance aux discours des saltimbanques et des artistes noirs sur les incantations, l’envoûtement des esprits et autres choses de ce genre, contre le soin des cailles et autres amours similaires, et m’apprit à supporter la franchise et à me lier d’amitié avec la philosophie. Sur ses conseils, j’ai écouté Bacchius, puis Tandasis et Marcianus, j’ai écrit des dialogues en tant qu’enfant, et je n’ai demandé pour moi qu’un lit de camp et une peau de bête pour passer la nuit, et tout ce qui appartient au mode de vie des philosophes grecs.

7.

C’est de Rusticus que je tiens la conviction que je dois travailler à m’améliorer et à me forger un caractère, mais aussi éviter les déviations des sophistes passionnés, ne pas écrire sur de vaines théories, ni prononcer des discours avec l’air d’un prédicateur de mœurs, ni jouer de manière ostensible au pénitent ou à l’humanitaire. De même, je devais m’abstenir de toute rhétorique, de toute poésie et de tout autre beau discours, et ne pas me promener chez moi en costume d’État, ni faire quoi que ce soit d’autre. J’ai aussi appris de lui à écrire des lettres simples et sans art, comme il en a lui-même écrit une à ma mère depuis Sinuessa, à rencontrer mes adversaires et mes offenseurs avec empressement et conciliation dès qu’ils seraient eux-mêmes enclins à se raviser, à lire attentivement les écrits, à ne jamais me contenter d’un examen superficiel et à ne pas approuver trop vite les bavards. Il m’a également fait connaître les traités d’Épictète, qu’il m’a communiqués depuis sa bibliothèque personnelle.

8.

Je tiens d’Apollonius une manière de penser libre, mais en même temps réfléchie et qui ne prend rien d’autre que la raison pour étoile directrice, ainsi qu’une constante équanimité dans les douleurs les plus vives, dans la perte d’un enfant, dans les maladies de longue durée. En lui, comme en un exemple vivant, je percevais de façon évidente comment on peut être à la fois très zélé et très indulgent. J’ai clairement vu en lui un homme qui ne se vexait pas facilement de son enseignement sur et qui, en outre, considérait son habileté et sa facilité à enseigner comme le moindre de ses mérites. Il me montra enfin comment on doit accepter les soi-disant faveurs de ses amis sans se soumettre servilement, ni même les ignorer.

9.

C’est à Sextus que j’ai appris à être bienveillant, à diriger ma maison comme un père ; c’est à lui que je dois la résolution de vivre selon la nature, une dignité de conduite sans affectation et le soin de deviner les désirs de mes amis, la patience envers les ignorants et les gens qui s’adonnent à une folie irréfléchie, enfin l’art de me mettre à la place de tous les hommes. C’est pourquoi il y avait dans ses rapports avec lui-même plus d’amabilité obligeante que dans toute flatterie, et pourtant il était en même temps dans la plus grande estime des mêmes personnes. Il me dota de la faculté de trouver et d’ordonner les principes nécessaires à la sagesse de la vie d’une manière convaincante et régulière, de ne jamais permettre à la colère ou à toute autre passion d’éclater, mais en même temps d’unir à cette absence totale de passion les mouvements de l’amour le plus tendre, et de m’appliquer à une bonne réputation, mais sans trop d’ostentation, et à un savoir riche, mais sans ostentation.

10.

Le grammairien Alexandre m’a donné pour instruction de m’abstenir de blâmer et de faire des reproches blessants aux personnes qui ont avancé une expression étrange et contraire à la langue ou qui sonne mal, et de leur suggérer plutôt, par la tournure de la réponse ou par une confirmation approbatrice ou par une enquête commune sur la question elle-même et non sur l’expression, ou par un autre rappel approprié et occasionnel de ce genre, comment elles auraient dû s’exprimer.

11.

Fronto m’a aidé à comprendre que le ressentiment, la ruse et l’hypocrisie sont les conséquences du pouvoir arbitraire et qu’en général, ceux qui sont appelés nobles chez nous ont moins d’amour pour les hommes que les autres.

12.

Alexandre le Platonicien m’a donné l’ordre de ne pas déclarer souvent et jamais sans nécessité, oralement ou par écrit, à quelqu’un que je n’ai pas de temps à lui consacrer, et de ne pas refuser ainsi constamment, sous prétexte d’affaires urgentes, de remplir les devoirs que nous imposent nos rapports avec nos semblables.

13.

Catulus m’exhortait à ne jamais accueillir avec mépris les plaintes d’un ami, même si elles étaient sans fondement, mais plutôt à essayer de le ramener à son ancienne bienveillance à mon égard ; de même, comme en font l’éloge Démitius et Athénodote, à dire du bien de mes maîtres avec chaleur et à aimer véritablement mes enfants.

14.

Grâce à mon frère Sévère, je suis devenu l’ami des miens, ainsi que de la vérité et du droit. Grâce à lui, j’ai fait la connaissance de Thrasea, Helvidius, Caton, Dion et Brutus, et j’ai acquis l’idée d’un État régi par des lois égales et par le principe de l’égalité des citoyens et des droits, et d’un royaume où la liberté des gouvernés est plus importante que tout. Il m’a également appris à persévérer dans le culte de la philosophie, à être charitable et généreux dans une large mesure, à espérer le meilleur de mes amis et à me fier à leur amour, à exprimer sans réserve ma désapprobation à leur égard et à leur faire savoir ouvertement ce que j’attends d’eux et ce que je n’attends pas d’eux, sans leur laisser le temps de le deviner.

15.

Maximus m’a convaincu du devoir des hommes de se maîtriser, de ne pas se laisser détourner du droit chemin, de garder bon courage en toutes circonstances et surtout dans la maladie, d’acquérir un caractère mêlé de douceur et de dignité et de s’occuper sans murmure des affaires présentes. Quant à lui, tout le monde croyait qu’il parlait comme il pensait et que rien de ce qu’il faisait n’était mal intentionné. Jamais il ne se laissait emporter par l’admiration ou l’étonnement, nulle part il ne montrait de précipitation ou de négligence, jamais il n’était désemparé, abattu, apparemment aimable et à nouveau en colère ou soupçonneux. Bienveillant, conciliant, ennemi du mensonge, il donnait davantage l’image d’un homme droit que celle d’un homme qui se retouche. Jamais personne ne se croyait méprisé par lui, ni n’osait s’élever au-dessus de lui. Enfin, il observait à tout moment la bienséance dans les plaisanteries.

16.

La vie de mon père a été pour moi une école de douceur, mais aussi de constance inébranlable dans tout ce qu’il avait décidé une fois après mûre réflexion. Il était insensible à toute vanité d’honneurs apparents, ami de l’activité et persévérant dans celle-ci, il écoutait volontiers les propositions d’utilité publique des autres, rien ne l’empêchait de traiter chacun selon son mérite, il savait très bien où il fallait serrer la bride et où il fallait la relâcher. Sevré de l’amour des garçons, il n’avait plus que le sens du bien commun ; il dispensait ses amis de dîner toujours avec lui, ou de l’accompagner toujours dans ses voyages ; mais ceux que des circonstances urgentes avaient obligés à rester en arrière le trouvaient, à son retour, d’humeur égale. Dans ses réflexions, il examinait d’abord à fond, mais insistait ensuite sur leur exécution ; il ne se retirait jamais de l’examen avant le temps, et ne se contentait pas des premières meilleures idées. Il s’efforçait de conserver ses amis et ne se lassait pas d’eux , ni ne se montrait déraisonnable à leur égard. Satisfait en toute circonstance, il était toujours gai ; il prévoyait de loin l’avenir et se préparait sans trop de peine aux moindres incidents. Il repoussait tous les encouragements et toutes les flatteries. Il était toujours attentif aux besoins de l’Etat et économe dans la dépense des fonds publics, et il acceptait volontiers les reproches de tels principes. Il ne cherchait pas plus à s’attirer la faveur des dieux par des moyens superstitieux qu’à s’attirer celle des hommes par l’art de plaire ou en favorisant la populace ; au contraire, il était sobre et ferme en tout, n’était nulle part indécent et n’aimait pas les innovations. Les biens qui contribuaient à égayer la vie et que la fortune lui offrait en abondance, il les utilisait aussi loin de l’orgueil que des faux-fuyants, et jouissait donc de ce qui existait autant qu’il ne regrettait pas ce qui manquait. Personne ne pouvait dire de lui qu’il était un sophiste, un bavard à la manière des esclaves de maison ou un pédant d’école ; au contraire, chacun devait admettre qu’il était un homme d’une intelligence mûre et d’une grande perfection, élevé au-dessus de la flatterie et également habile à s’occuper de ses propres affaires comme de celles des autres. De plus, il savait apprécier la valeur des vrais amis de la sagesse, sans rabaisser les autres ni se laisser abuser par eux. Il était sociable et aimait plaisanter, mais sans exagération. Il prenait également soin de son corps avec modération, non pas comme un homme trop désireux de vivre pour l’embellir, mais il ne le négligeait pas non plus, raison pour laquelle il n’avait que très rarement besoin de l’art de la guérison avec ses moyens internes et externes, grâce à l’attention qui lui était propre. Mais ce qu’il faut surtout louer chez lui, c’est qu’il donnait sans jalousie la priorité aux hommes qui possédaient une force exceptionnelle dans quelque chose, comme l’éloquence, la science des lois issue de la recherche, la morale ou d’autres matières, et qu’il les aidait même à être reconnus chacun selon la mesure de son habileté particulière. Bien qu’il traitât tout selon les institutions des ancêtres, il évitait de paraître s’y attacher. En outre, il se tenait à l’écart de l’inconstance et de l’instabilité, et aimait à rester aux mêmes endroits et aux mêmes affaires ; même après les plus violents accès de maux de tête, il retournait bientôt à ses travaux habituels avec une vigueur rajeunie par la jeunesse. Il n’avait jamais beaucoup de secrets, au contraire très peu et très rarement, et ceux-ci ne concernaient que le bien commun. Lors de l’organisation de jeux publics, de représentations d’édifices, de distributions de dons et d’autres choses de ce genre , il se montrait compréhensif et modéré, comme un homme qui, dans ses activités, n’avait en vue que le devoir et non la gloire à gagner par ses actions. Il ne se baignait jamais à contretemps, ne construisait pas et ne se préoccupait pas plus des friandises, du tissu et de la couleur de ses vêtements que de la beauté de ses esclaves. La plupart du temps, il portait une toge de la villa inférieure de Lorium et une robe de dessous en lanuvium, et, non sans s’excuser, une robe de dessus en tusculum ; et toute sa conduite était ainsi. Il n’y avait en lui rien de désagréable, ni d’inconvenant, ni d’impétueux, ni rien de ce genre, dont on aurait pu dire, selon le proverbe : “C’était de l’excès”, mais tout était bien réfléchi, pour ainsi dire, dans le bon temps, et tout était ordonné d’une manière inébranlable, ferme et en accord avec soi-même. On pouvait donc lui appliquer ce que l’on rapporte de Socrate, à savoir qu’il savait se priver et jouir de choses dont beaucoup se montrent faibles dans la privation et excessifs dans la jouissance. Mais supporter courageusement là, rester sobre ici, révèle un homme d’une force d’esprit parfaite et invincible, et c’est sous ce jour qu’il se montra pendant la maladie de Maximus.

17.

C’est aux dieux que je dois d’avoir eu autour de moi des grands-pères vertueux, des parents vertueux, une sœur vertueuse, des professeurs vertueux, des camarades de maison vertueux, des parents, des amis, presque tous des gens vertueux, mais aussi de ne m’être laissé entraîner contre aucun d’eux à commettre une faute par précipitation, bien que je portasse en moi la disposition qui m’aurait permis de faire une telle chose en une occasion donnée. Mais la grâce des dieux a empêché le concours de circonstances qui m’auraient accablé. C’est à eux que je dois de ne pas avoir été élevé plus longtemps par la concubine de mon grand-père ; d’avoir conservé l’innocence de ma jeunesse ; de ne pas avoir gaspillé ma virilité avant le temps, mais de l’avoir même économisée au-delà du temps ; que j’étais soumis à un maître et à un père qui pouvait détruire en moi tout germe de présomption et m’élever à la conviction que, sans avoir besoin de gardes du corps, de vêtements de cérémonie, de flambeaux, de statues et d’autres dépenses de ce genre, on pouvait vivre à la cour impériale et se restreindre presque comme un homme privé, sans pour cela rien pardonner à la dignité et à la gravité dans l’accomplissement de ses devoirs de souverain envers la communauté. Je dois aussi aux dieux d’avoir eu un frère qui, par sa conduite morale, m’a encouragé à prendre soin de mon intérieur et qui, en même temps, m’a réjoui par son respect et son affection ; d’avoir eu des enfants qui n’étaient pas sans talent intellectuel et qui n’étaient pas infirmes physiquement ; que je n’ai pas fait de grands progrès dans l’art de la parole et de la poésie, ni dans les autres sciences, qui m’auraient peut-être trop attaché à la perception d’un heureux progrès ; que j’ai sans retard élevé mes éducateurs aux places d’honneur qu’ils semblaient précisément désirer pour moi, sans les retenir par l’espoir que, comme ils étaient encore trop jeunes pour cela, je ne le ferais que dans la suite des temps. Qu’ils soient également remerciés de m’avoir fait connaître Apollonius, Rusticus, Maximus ; de m’avoir vivement et souvent préoccupé par la pensée de la manière de vivre conformément à la nature ; de ce que, de la part des dieux et des dons, secours et encouragements venus de là, rien ne m’empêchait de vivre aussitôt conformément à la nature, si je ne voulais pas y rester en arrière par ma propre faute et par la non-observation des avertissements et presque des révélations divines ; de ce que mon corps, avec un tel mode de vie, durait si longtemps ; que je n’ai touché ni Bénédicte, ni Théodote, et que je me suis même remis de mes fièvres d’amour ultérieures ; que, bien que souvent irrité contre Rusticus, je ne me suis rien permis d’autre dont je doive me repentir aujourd’hui ; que ma mère, qui devait mourir si jeune, a cependant pu vivre avec moi dans ses dernières années ; que chaque fois que j’ai voulu aider un pauvre ou quelqu’un qui avait besoin d’aide, je n’ai jamais dû entendre que mes moyens financiers ne me permettaient pas de le faire, et que je ne me suis jamais trouvé dans la situation pénible de devoir accepter quelque chose d’un autre. C’est aux dieux que je dois la possession d’une épouse si distraite, si tendrement aimante, si simple ; l’abondance de précepteurs convenables pour mes enfants ; l’inspiration de remèdes dans les rêves, entre autres contre les crachements de sang et les vertiges, et notamment du remède de Cajeta, comme par un oracle ; enfin, avec mon penchant pour la philosophie, je ne suis pas tombé entre les mains d’un sophiste, et je n’ai pas non plus mené une vie oisive en lisant des écrits, en dissipant des illusions, en faisant des recherches sur le monde des astres. Oui, pour tout cela, il fallait l’aide des dieux et de la fortune.

Écrit sous les Quades à la Granua.

Deuxième livre

1.

Dès la première heure du matin, dis-toi : “Aujourd’hui, je vais rencontrer un homme présomptueux, ingrat, orgueilleux, rancunier, médisant, insociable. Tous ces défauts ne s’attachent à eux qu’en raison de leur ignorance du bien et du mal. Moi, au contraire, je vois que le bien est beau par essence, le mal laid, et je sais que la nature même de celui qui fait défaut est apparentée à la mienne, non pas qu’elle partage le même sang et la même semence, mais plutôt la même raison, la même étincelle divine. Je sais aussi que ni lui ni aucun autre homme ne peut me nuire, car personne n’est capable de m’impliquer dans quoi que ce soit de honteux ; mais je ne peux pas non plus en vouloir à celui qui m’est apparenté, ni lui en vouloir, car nous sommes là pour agir ensemble, comme les pieds, les mains, les paupières, les rangées supérieures et inférieures des dents. S’opposer les uns aux autres serait donc contraire à la nature, tandis que se fâcher contre quelqu’un et se détourner de lui serait s’opposer à lui.

2.

Ce que j’aimerais être aussi, c’est un peu de chair et d’esprit de vie et la raison dominante. Débarrasse-toi des livres ! Ne te laisse plus tirer dans tous les sens : tu n’en as pas le droit. Élève-toi plutôt au-dessus de ce peu de chair comme quelqu’un qui doit peut-être bientôt mourir. Après tout, ce n’est que du purin de sang et des os, un tissu tressé de nerfs, de veines de sang et de veines de pouls. Mais considère aussi ton esprit de vie, qu’est-ce qu’il est ? Un souffle, et même pas toujours le même, mais expulsé et inspiré à chaque heure. La troisième chose, c’est la raison qui domine. Ici, pense ainsi : Tu es vieux ; ne la laisse plus être à ton service, ne la laisse plus être entraînée par des instincts insociables comme une chrysalide ; ne t’irrite plus contre ta destinée présente, et ne cherche plus à échapper lâchement à celle qui t’attend.

3.

Les œuvres des dieux sont pleines de traces de leur providence. Les manifestations du bonheur ne sont pas non plus contre nature, elles ne se produisent pas sans le concours et l’enchaînement des causes dirigées par la Providence. Tout part d’elle. Mais à cela s’ajoutent aussi le nécessaire et ce qui est à l’avantage de l’ensemble du monde, dont tu fais partie. Mais ce que la nature du tout apporte avec elle et qui contribue à sa conservation doit aussi être bon pour chaque partie de la nature. Les transformations des matières premières simples, ainsi que des corps composés, maintiennent le monde. Rassure-toi à ce sujet ; cela te servira toujours d’enseignement. Mais éloigne-toi de la soif de livres, afin de ne pas mourir en murmurant, mais avec une véritable sérénité et une sincère reconnaissance envers les dieux.

4.

Considère combien de temps tu as différé ces réflexions et combien de fois tu n’as pas profité des occasions que les dieux t’ont offertes à cet effet. Tu devrais enfin sentir de quel monde tu es une partie, de quel gouverneur du monde tu es une émanation, que pour toi la limite du temps est déjà fixée et que si tu ne l’utilises pas pour égayer ton esprit, elle s’en ira et toi aussi tu t’en iras et elle ne reviendra pas.

5.

A tout moment, en tant que Romain et en tant qu’homme, fais preuve de sérieux et de sincérité dans l’accomplissement des tâches qui te sont confiées, avec un amour chaleureux de l’humanité, de la franchise et de la justice, et éloigne de toi toute autre forme d’imagination. Et tu y parviendras si tu accomplis chaque acte comme le dernier de ta vie, libre de toute imprudence et de toute aversion passionnée pour les prescriptions de la raison, libre d’hypocrisie, d’amour propre et de mécontentement du sort qui t’est réservé. Tu vois combien il y a peu de choses à acquérir pour pouvoir mener une vie heureuse, voire divine, car les dieux eux-mêmes n’exigeront rien de plus de celui qui observe cela.

6.

Tu n’as fait que te rabaisser, mon âme ! Par contre, tu n’auras plus le temps d’acquérir de l’honneur. La vie se précipite pour tout le monde ; la tienne aussi est presque terminée, si tu n’as aucun respect pour toi-même, mais que tu cherches ton bonheur dans les âmes des autres.

7.