Pensées pour moi-même - Marc Aurèle - E-Book

Pensées pour moi-même E-Book

Aurèle Marc

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Beschreibung

Découvrez la sagesse intemporelle de Marc Aurèle !En ces temps d'incertitude et de défis, nous aspirons souvent à un sentiment de stabilité et de confiance en soi ainsi qu'en notre avenir.L'auteur met en lumière l'approche de l'homme face à des thèmes tels que la mort, la renommée, l'argent, l'amour des biens matériels et des plaisirs. À l'aide de ce livre, vous débloquerez des clés essentielles pour appréhender la vie avec sérénité et perspicacité. Après avoir lu ce livre, vous aurez appris :- l'importance de l'auto-réflexion et de la pleine conscience ;- le rôle fondamental des vertus telles que le courage, la compassion et la sagesse ;- les effets de l'altruisme et le dévouement pour le bien commun ;- la valeur cruciale de la gratitude.Les enseignements de Marc Aurèle, plus que de simples leçons, se révèlent être des outils concrets qui vous guideront à travers les tumultes du monde contemporain, vous apportant force et quiétude renouvelées.

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Seitenzahl: 214

Veröffentlichungsjahr: 2024

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TABLE DES MATIÈRES

Premier Livre

Livre deuxième

Livre troisième

Livre quatrième

Livre cinquième

Livre sixième

Livre septième

Livre huitième

Livre neuvième

Livre dixième

Livre onzième

Livre douzième

PREMIER LIVRE

De mon grand-père Vérus, j’ai acquis de bonnes mœurs et la maîtrise de mon tempérament.

De l’image et du souvenir laissés par mon père, j’ai retenu la discrétion et un caractère résolument masculin.

De ma mère, la piété et la bienfaisance, l’abstinence, non seulement des mauvaises actions, mais même des mauvaises pensées ; et en outre, la simplicité dans ma façon de vivre, loin des habitudes des riches.

De mon arrière-grand-père, de ne pas avoir fréquenté les écoles publiques, d’avoir eu de bons professeurs à la maison et de savoir qu’un homme doit dépenser sans compter pour ces choses-là.

De mon précepteur, j’ai appris à ne soutenir ni le parti vert ni le parti bleu lors des jeux du Cirque, ni à favoriser le Parmularius ou le Scutarius lors des combats de gladiateurs. Grâce à lui, j’ai également appris à endurer le travail, à désirer peu, à travailler de mes propres mains, à ne pas m’ingérer dans les affaires d’autrui et à ne pas prêter l’oreille aux calomnies.

De Diognète, j’ai appris à ne pas m’attarder sur des futilités et à ne pas prêter foi aux paroles des charlatans et des illusionnistes concernant les incantations et la conjuration des démons ;à ne pas me passionner pour l’élevage des cailles ou d’autres frivolités du même ordre ;à nourrir un intérêt pour la philosophie, ayant pour mentors d’abord Bacchius, ensuite Tandasis et Marcianos ;à me consacrer, dès ma jeunesse, à l’écriture de dialogues ;à préférer un lit simple et une peau, suivant ainsi la discipline à la grecque.

De Rusticus, j’ai retenu l’idée que mon caractère nécessitait perfectionnement et discipline. Grâce à lui, j’ai appris à ne pas me laisser entraîner par une émulation sophistique, à éviter l’écriture sur des sujets spéculatifs, de petits discours exhortatifs ou de m’affi cher comme un homme s’adonnant à une grande discipline ou réalisant des actes bienveillants pour paraître. Il m’a conseillé de m’éloigner de la rhétorique, de la poésie et de l’écriture raffi née, de ne pas me promener chez moi en tenue d’extérieur, entre autres choses. Il m’a également appris à écrire des lettres de manière simple, à l’image de celle que Rusticus a envoyée de Sinuessa à ma mère. J’ai aussi appris de lui à pardonner facilement ceux qui m’ont offensé ou fait du tort dès qu’ils montrent une volonté de réconciliation, à lire avec attention, à ne pas me contenter d’une compréhension superfi cielle d’un ouvrage et à ne pas donner précipitamment mon accord à ceux qui parlent trop. Je lui suis reconnaissant de m’avoir fait découvrir les discours d’Épictète qu’il m’a transmis de sa propre collection.

D’Apollonius, j’ai appris la liberté de la volonté et une constance inébranlable dans mes objectifs, à ne me concentrer sur rien d’autre, même pas un instant, que sur la raison. J’ai appris à être toujours le même, face à des douleurs intenses, lors de la perte d’un enfant ou durant une longue maladie. J’ai eu le privilège de voir, en lui, un exemple vivant qu’un homme peut être à la fois d’une résolution inébranlable et d’une grande souplesse, sans jamais se montrer irritable lorsqu’il enseigne. Grâce à lui, j’ai compris que la capacité à partager ses connaissances et son expertise en philosophie était le moindre de ses mérites. Il m’a également montré comment recevoir de mes amis ce que l’on considère comme des faveurs, sans être écrasé par elles ni les ignorer.

De Sextus : j’ai appris la bienveillance et l’exemple d’une famille dirigée avec une autorité paternelle, ainsi que l’idée de vivre en harmonie avec la nature ; il possédait une gravité sans affectation, veillait soigneusement aux intérêts de ses amis et tolérait les personnes ignorantes et celles qui formulait des opinions sans réfl exion. Il avait la capacité de s’adapter aisément à tous, rendant les échanges avec lui plus plaisants que n’importe quelle fl atterie ; et pourtant, il était grandement respecté par ceux qui l’entouraient. Il possédait l’art de déceler et d’organiser, de manière intelligente et méthodique, les principes essentiels à la vie. Il ne montrait jamais de colère ou d’autres passions, étant totalement exempt de celles-ci, tout en étant extrêmement affectueux. Il savait exprimer son approbation sans ostentation bruyante, et détenait une vaste connaissance sans jamais s’en vanter.

D’Alexander le grammairien, j’ai appris à m’abstenir de critiques, et à ne pas reprendre de manière réprobatrice ceux qui employaient une expression barbare, soléciste ou des tournures étranges. Mais introduire habilement l’expression même qui aurait dû être utilisée, et dans la manière de répondre ou de donner une confi rmation, ou de se joindre à une enquête sur la chose elle-même, et non pas sur le mot, ou par quelque autre suggestion appropriée.

De Fronto, j’ai appris à reconnaître chez un tyran les traits de l’envie, de la duplicité et de l’hypocrisie. J’ai également constaté que ceux parmi nous qui sont désignés comme Patriciens manquent souvent d’affection paternelle.

D’Alexandre le Platon, à ne pas dire fréquemment ni sans nécessité à quiconque, ou d’écrire dans une lettre, que je n’ai pas de temps libre ; ni à justifi er constamment le délaissement des obligations liées à nos relations avec ceux avec qui nous vivons en invoquant des occupations impératives.

De Catulus, j’ai appris qu’il ne faut pas rester indifférent lorsqu’un ami formule des reproches, même s’ils semblent infondés, mais plutôt s’efforcer de le ramener à sa disposition habituelle ; d’être enclin à louer les enseignants, comme on le rapporte à propos de Domitius et Athenodotus ; et d’aimer sincèrement mes enfants.

De mon frère Sévère, j’ai appris à chérir ma famille, à aimer la vérité et la justice. C’est grâce à lui que j’ai découvert Thrasea, Helvidius, Cato, Dion, Brutus. Il m’a transmis la vision d’une société où la loi est la même pour tous, une société fondée sur l’égalité des droits et la liberté d’expression, ainsi que l’idée d’une gouvernance royale qui valorise avant tout la liberté de ceux qu’elle gouverne. J’ai également appris de lui la constance et une inébranlable fi délité envers la philosophie ; une inclination à faire le bien, à être généreux, à nourrir de bonnes espérances, et à croire à l’affection de mes amis. En lui, j’ai remarqué une franche expression de ses opinions vis-à-vis de ceux qu’il désapprouvait, et ses amis n’avaient pas à deviner ses désirs ou réticences, car tout était clairement exprimé.

De Maximus, j’ai appris la maîtrise de soi et à ne pas me laisser distraire par quoi que ce soit ; la sérénité en toutes circonstances, y compris dans la maladie ; une juste combinaison de douceur et de dignité dans le caractère moral, et accomplir ce qui m’était assigné sans me plaindre. J’ai remarqué que chacun croyait qu’il pensait sincèrement à ce qu’il disait et que, dans tout ce qu’il faisait, il n’avait jamais de mauvaises intentions. Il ne montrait jamais d’étonnement ou de surprise, n’était jamais pressé, ne reportait jamais une tâche, n’était ni perplexe ni abattu. Il ne riait jamais pour masquer son agacement et, en revanche, n’était jamais emporté ni méfi ant. Il avait l’habitude d’accomplir des actes de bienfaisance, était prompt à pardonner et était exempt de toute fausseté. Il donnait l’impression d’un homme naturellement intègre plutôt que d’un homme corrigé. J’ai également remarqué que personne ne pouvait jamais se sentir méprisé par Maximus, ni oser se considérer supérieur à lui. Il avait également le talent d’injecter de l’humour de manière plaisante.

Dans mon père, j’ai observé une douceur de caractère et une détermination inébranlable dans les choses qu’il avait décidées après une mûre réfl exion ; et aucune vaine gloire dans ce que les hommes nomment honneurs ; un amour du travail et de la persévérance ; une disponibilité à écouter ceux qui avaient des propositions pour le bien commun ; une constance sans faille à récompenser chacun selon ses mérites ; et une connaissance, tirée de l’expérience, des moments propices à l’action énergique et à la modération. J’ai noté qu’il avait surmonté toute passion pour les jeunes garçons ; il ne se considérait pas plus que tout autre citoyen ; il dispensait ses amis de l’obligation de dîner avec lui ou de l’accompagner à l’étranger, et ceux qui ne l’avaient pas suivi en raison de circonstances pressantes le retrouvaient toujours inchangé.

J’ai aussi remarqué chez lui l’habitude d’une enquête minutieuse dans toutes les questions délibératives, et sa persévérance. Il ne cessait jamais ses investigations, se satisfaisant des apparences premières ; son désir de préserver ses relations amicales sans se montrer volage ou excessivement affectueux ; être content et serein en toutes circonstances ; anticiper les événements longtemps à l’avance et pourvoir aux plus petites choses sans ostentation ; réprimer instantanément les louanges populaires et toute fl atterie ; être constamment vigilant sur les affaires essentielles à la gestion de l’empire, gérer les dépenses avec prudence et supporter patiemment les critiques pour une telle conduite ; il n’était pas superstitieux vis-à-vis des dieux, et ne cherchait pas à séduire les hommes par des présents, des complaisances ou en fl attant le peuple ; mais il faisait preuve de tempérance et de fermeté en tout, sans jamais manifester de pensées ou d’actions basses, ni un goût pour la nouveauté. Et il utilisait les biens de la vie que la fortune offrait généreusement sans arrogance ni justifi cation : s’il les possédait, il en profi tait sans affectation ; s’il ne les avait pas, il ne les regrettait pas.

Personne n’aurait jamais pu le qualifi er de sophiste, de serviteur domestique frivole ou de pédant ; mais tous reconnaissaient en lui un homme mûr, accompli, au-dessus de toute fl atterie, capable de gérer ses propres affaires ainsi que celles d’autrui. De plus, il honorait ceux qui étaient de véritables philosophes, et il ne réprimandait pas ceux qui prétendaient l’être, sans pour autant se laisser facilement infl uencer par eux. Il était également aisé à l’échange, et se rendait agréable sans une affectation déplacée. Il prenait un soin raisonnable de la santé de son corps, non pas comme quelqu’un profondément attaché à la vie, ni par souci de son apparence, ni de manière négligente, mais de telle sorte que, grâce à son propre soin, il avait très rarement besoin de l’art du médecin, de médicaments ou d’applications externes.

Il était particulièrement disposé à céder sans jalousie à ceux qui possédaient une compétence particulière, qu’il s’agisse d’éloquence, de connaissance du droit, de la morale ou de toute autre chose ; et il les soutenait, pour que chacun puisse jouir de la reconnaissance méritée. Il se comportait toujours en accord avec les usages de sa patrie, sans le faire de manière affectée. De plus, il n’était pas enclin aux changements ni inconstant ; il préférait demeurer dans les mêmes lieux, s’adonner aux mêmes activités. Après ses crises de migraine, il revenait, revigoré, à ses occupations habituelles. Ses confi dences étaient rares et concernaient presque exclusivement les affaires publiques. Il faisait preuve de discernement et de modération dans l’organisation de spectacles publics, la construction d’édifi ces, ses dons au peuple, car il était un homme préoccupé par le devoir, et non par la renommée que peuvent apporter les actes. Il évitait les bains à des heures inopportunes, n’était pas passionné par la construction, n’était pas pointilleux sur sa nourriture, sur le tissu ou la couleur de ses vêtements, ni sur la beauté de ses esclaves. Ses vêtements provenaient généralement de Lorium, sa villa en bord de mer, et de Lanuvium.

Nous savons comment il s’est comporté envers le percepteur de Tusculum qui lui demandait pardon ; et tout son comportement était similaire. Il n’y avait en lui rien de rude, ni d’implacable, ni de violent, ni, pour ainsi dire, rien qui soit poussé à l’extrême ; mais il examinait chaque chose individuellement, comme s’il avait tout le temps du monde, de manière ordonnée, sans confusion, avec vigueur et cohérence. Ce qui a été dit de Socrate pourrait lui être attribué : il était capable de s’abstenir de certaines choses dont beaucoup ne peuvent se passer, et d’en jouir sans excès. Mais avoir la force de supporter l’un et de modérer l’autre est le signe d’un homme à l’âme parfaite et invincible, comme il l’a démontré lors de la maladie de Maximus.

Je dois aux dieux d’avoir eu de bons grands-parents, de bons parents, une bonne sœur, de bons enseignants, de bons collègues, de bons parents et amis, presque tout ce qui est bon.

De plus, je leur dois de ne pas avoir été précipité dans une faute envers aucun d’entre eux, bien que j’aie eu une disposition qui, si l’occasion s’était présentée, aurait pu me conduire à commettre une telle erreur ; mais, grâce à leur faveur, jamais une telle conjoncture ne m’a mis à l’épreuve.

Je suis également reconnaissant aux dieux de ne pas avoir été élevé plus longtemps avec la concubine de mon grand-père, d’avoir préservé la fl eur de ma jeunesse, et de ne pas avoir testé ma virilité avant l’heure, repoussant même ce moment.

Je remercie d’avoir eu un guide et un père capables de me débarrasser de toute vanité, me montrant qu’il est possible pour un homme de vivre dans un palais sans nécessiter de gardes, de vêtements brodés, de torches ou de statues, et autres ostentations ; mais qu’il est en son pouvoir de se rapprocher grandement du mode de vie d’une personne ordinaire, sans pour autant être plus humble en pensée, ni plus négligent dans l’action, concernant les devoirs d’intérêt public dignes d’un dirigeant.

Je rends grâce aux dieux de m’avoir donné un tel frère, dont la vertu morale a su stimuler ma vigilance sur moi-même et qui, simultanément, m’a touché par son respect et son affection ; que mes enfants n’aient été ni idiots ni déformés physiquement ; que je n’aie pas excellé davantage en rhétorique, poésie et autres études, car j’aurais peut-être été totalement absorbé si j’avais senti que je progressais en elles ; que je me suis empressé de placer ceux qui m’ont éduqué dans la position d’honneur qu’ils semblaient désirer, sans les laisser espérer que je le ferais plus tard, car ils étaient encore jeunes ; que j’ai connu Apollonius, Rusticus, Maximus ; qu’on m’a fréquemment rappelé l’importance de vivre selon la nature et ce que cela signifi e, si bien qu’avec l’aide des dieux, leurs dons, et inspirations, rien ne m’a empêché de vivre immédiatement selon cette nature, même si je ne l’atteins pas encore en raison de mes propres fautes ; que mon corps ait résisté si longtemps à un tel mode de vie ; que je n’aie jamais approché ni Benedicta ni Theodotus, et que, après m’être laissé emporter par les passions, j’ai été guéri ; bien que souvent en désaccord avec Rusticus, je n’ai jamais regretté mes actes ; que ma mère, destinée à mourir jeune, ait passé ses dernières années avec moi ; que lorsque j’ai souhaité aider autrui, on ne m’a jamais dit que je n’en avais pas les moyens ; que j’ai une épouse aussi dévouée, affectueuse et simple ; que mes enfants aient eu d’excellents maîtres ; que des remèdes m’aient été révélés en rêve, ainsi que pour mes maux ; que, passionné par la philosophie, je ne sois pas tombé entre les mains d’un sophiste, et que je n’aie pas perdu mon temps à écrire des histoires, à résoudre des syllogismes, ou à étudier les phénomènes célestes ; car tout cela nécessite l’aide des dieux et de la fortune.

Chez les Quades, au bord du Gran.

LIVRE DEUXIÈME

Commencez la matinée en vous disant : « Je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable. Toutes ces choses leur arrivent à cause de leur ignorance du bien et du mal. Pour ma part, ayant discerné que le bien se manifeste dans le beau, et le mal dans ce qui est laid, et reconnaissant que l’essence de celui qui commet une faute est d’être mon semblable, non pas par un lien de sang ou une origine commune, mais par la communion de l’esprit et une étincelle partagée de divinité, il m’est impossible de me sentir lésé par l’un d’entre eux, car aucun ne saurait ternir ma nature. Il m’est également impossible de ressentir de la colère ou du mépris envers un semblable, car nous sommes conçus pour collaborer, à l’image des pieds, des mains, des paupières ou des deux alignements de dents, supérieur et inférieur. Agir les uns contre les autres est donc contraire à la nature ; et c’est agir les uns contre les autres que de se vexer et de se détourner.

Ce que je suis se résume à de la chair, un souffl e et une force directrice. Éloigne-toi des ouvrages ; ne te laisse pas emporter : ce n’est pas pour toi. En tant qu’homme sur le point de trépasser, néglige la chair : elle n’est que sang, poussière, os minuscules, maillage de nerfs et réseau intriqué de veines et d’artères. Examine également la nature du souffle : un vent en perpétuel changement, car tu le relâches continuellement pour en inspirer de nouveau. Ensuite, considère ton principe directeur. Rappelle-toi ceci : l’âge t’a gagné ; ne laisse plus ce principe être assujetti, être encore infl uencé par les tiraillements de désirs égoïstes, ni s’irriter face à ta situation présente, ou redouter celle à venir.

Les actes des Dieux sont empreints de providence ; ceux de la Fortune ne s’opèrent pas sans le concours de la nature ni sans s’entrelacer avec les événements orchestrés par la Providence. De surcroît, chaque événement est indispensable et avantageux pour l’univers tout entier, auquel tu appartiens. Donc, pour chaque fragment de la nature, le bien correspond à ce que dicte la nature globale et à ce qui favorise sa préservation. Ce qui maintient le monde en vie, ce sont les transformations des éléments et également celles de leurs unions. Considère cela comme ta philosophie. Et pour cette avidité de livres, laisse-la de côté, pour ne pas rendre l’âme en te plaignant, mais dans une paix véritable, avec un cœur reconnaissant envers les Dieux.

Rappelle-toi combien de temps, tu as remis ces choses à plus tard, et combien de fois tu as reçu des dieux une occasion que tu n’as pas saisie. Tu dois enfi n comprendre de quel univers tu fais partie, et de quel administrateur de l’univers ton existence est un effl uve, et qu’une limite de temps t’est fi xée, que si tu n’utilises pas pour dissiper les nuages de ton esprit, elle partira, tu partiras, et elle ne reviendra jamais.

À chaque instant, réfl échis sérieusement, avec l’intégrité d’un Romain et la force d’un homme, à accomplir la tâche à portée de main avec une dignité simple et sincère, avec amour, autonomie et justice, en mettant de côté toutes les autres préoccupations. Tu y parviendras si tu abordes chaque tâche comme si c’était la dernière de ton existence, en évitant toute impulsivité, toute émotion intense qui te détournerait de la rationalité, toute dissimulation, tout égoïsme et toute amertume face au destin. Tu vois combien sont peu nombreuses les choses qui, si l’homme s’en empare, lui permettent de mener une vie qui s’écoule dans le calme et qui ressemble à l’existence des dieux ; car les dieux, eux, ne demanderont rien de plus à celui qui observe ces choses.

Reproche-toi, reproche-toi, ô mon âme ! Tu ne trouveras bientôt plus l’opportunité de te valoriser. La vie est éphémère pour tous. Mais la tienne est presque terminée, bien que ton âme ne se respecte pas ellemême, mais place ton bonheur dans l’âme des autres.

Les choses extérieures qui te tombent dessus te distraient-elles ? Accorde-toi un moment pour saisir une vérité bénéfi que et refuse de te laisser submerger par la tempête. Cependant, évite aussi de te laisser aller dans l’autre sens. Car ils sont fous, ceux qui, dans leur incessante activité, s’épuisent sans avoir un objectif précis pour canaliser leur énergie et leur réfl exion.

Il est rare qu’un homme soit malheureux parce qu’il n’observe pas ce qui se passe dans l’esprit d’un autre ; mais ceux qui n’observent pas les mouvements de leur propre esprit doivent nécessairement être malheureux.

Tu dois toujours avoir à l’esprit quelle est la nature du tout, et quelle est ma nature, et comment ceci est lié à cela, et quelle sorte de partie c’est de quelle sorte de tout ; et qu’il n’y a personne qui t’empêche de toujours faire et dire les choses qui sont conformes à la nature dont tu fais partie.

Dans une démarche philosophique, Théophraste, lorsqu’il compare les fautes en s’appuyant sur le sens commun, soutient que celles commises sous l’emprise de la concupiscence surpassent en gravité celles dictées par la colère. En effet, l’homme emporté par la colère semble se détourner de la raison avec une certaine douleur et une forme d’introspection. En revanche, celui qui succombe à la concupiscence, submergé par le plaisir, se révèle d’une certaine manière plus indulgent et davantage séduit par ses erreurs. Ainsi, avec justesse et en véritable philosophe, Théophraste a affi rmé que celui qui commet une faute avec plaisir est plus répréhensible que celui qui faillit avec douleur. En fi n de compte, le premier ressemble à un homme outragé qui, sous l’effet de la douleur, se laisse emporter par la colère ; tandis que le second s’abandonne volontairement à l’injustice, cédant aux désirs de la concupiscence.

Puisqu’il est possible que tu quittes la vie à l’instant même, règle tes actes et tes pensées en conséquence. S’éloigner des hommes, s’il y a des dieux, n’est pas une chose à craindre, car les dieux ne t’entraîneront pas dans le mal. Mais s’ils n’existent pas, ou s’ils ne se soucient pas des affaires humaines, pourquoi vivrais-je dans un univers dépourvu de Dieux et de providence ? Mais en vérité, ils existent, ils s’occupent des choses humaines, et ils ont mis à la disposition de l’homme tous les moyens pour qu’il ne tombe pas dans les vrais maux. Et pour le reste, s’il y avait quelque chose de mauvais, ils y auraient pourvu aussi, afi n qu’il soit tout à fait au pouvoir de l’homme de ne pas tomber dans ce mal. Mais comment peut-on imaginer que ce qui ne corrompt pas l’âme puisse détériorer l’existence de l’homme ? Or, il n’est pas possible que la nature de l’univers ait négligé ces choses par ignorance, ni qu’elle ait eu la connaissance, mais non le pouvoir de s’en prémunir ou de les corriger ; il n’est pas possible non plus qu’elle ait commis une si grande erreur, soit par manque de pouvoir, soit par manque d’habileté, que le bien et le mal arrivent indistinctement aux bons et aux méchants. La mort, certes, et la vie, l’honneur et le déshonneur, la douleur et le plaisir, toutes ces choses arrivent également aux bons et aux méchants, car elles ne nous rendent ni meilleurs ni pires. Elles ne sont donc ni bonnes ni mauvaises.

Comment tout se dissipe rapidement : les corps dans l’espace cosmique, et leur souvenir dans le fl ux du temps. Ainsi sont tous les éléments sensibles, surtout ceux qui nous attirent par la promesse du plaisir, nous alarmant à la pensée de la souffrance, ou nous faisant revendiquer une gloire illusoire. Pour une raison clairvoyante, combien tout cela semble dérisoire, méprisable, trivial, fugace et éteint ! Qui sont donc ceux dont les opinions et les paroles confèrent la renommée ? Qu’est-ce que la mort en essence ? Si l’on considère la mort pour ce qu’elle est réellement, en isolant sa défi nition des illusions qui l’entourent, on se rend compte qu’elle n’est rien d’autre qu’un phénomène naturel. Celui qui craint un phénomène naturel est encore enfant. La mort, cependant, n’est pas seulement un phénomène naturel, mais aussi un élément bénéfi que pour la nature. Comment l’être humain se connecte-t-il à Dieu ? Par quelle dimension de son être, et dans quel état se trouve cette dimension lorsqu’elle établit cette connexion ?

Rien n’est plus tragique que l’individu qui se perd dans les détails, qui sonde, comme on dit, ‘les tréfonds de la terre’, cherchant à comprendre les pensées d’autrui, sans réaliser qu’il doit seulement se concentrer sur l’essence qui vit en lui et la respecter sincèrement. Ce respect signifi e garder cette essence libre de passions excessives, d’impulsivité et de ressentiment envers ce qui provient des Dieux ou des autres êtres humains. Ce qui émane des Dieux mérite respect en raison de leur supériorité ; ce qui provient des hommes est touchant par notre lien commun ; et parfois, cela mérite une forme de compassion, due à leur méconnaissance de ce qui est bon ou mauvais, une ignorance aussi profonde que celle qui nous empêche de différencier le blanc du noir.

Même si tu devais vivre trois mille ans, voire dix fois cette durée, n’oublie jamais que personne ne perd une autre vie que celle qu’il mène, ni ne vit une autre vie que celle qu’il perd. Ainsi, la vie la plus étendue est équivalente à la plus éphémère. Le moment présent, étant identique pour tous, fait que le temps écoulé est pareil pour chacun, rendant ce qui est passé presque insignifi ant. Après tout, on ne peut pas perdre ce qui est déjà révolu ou ce qui n’est pas encore advenu, car comment déposséder quelqu’un de ce qu’il n’a jamais eu ? Il est essentiel de garder à l’esprit ces deux réalités : premièrement, que tout, depuis toujours, présente le même visage et se répète dans des cycles similaires, qu’on observe ces mêmes phénomènes pour cent ans, deux cents ans ou même pour une éternité. Deuxièmement, que celui qui vit le plus longtemps et celui qui meurt le plus jeune subissent la même perte. Car on ne peut être privé que du moment présent, étant donné que c’est tout ce que l’on possède, et il est impossible de perdre ce que l’on n’a jamais eu.