Mémoires secrètes de Famille - Natacha Minghetti Majorana - E-Book

Mémoires secrètes de Famille E-Book

Natacha Minghetti Majorana

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Beschreibung

Cet ouvrage parle de l'héritage d'un lieu, l'appartenance à une terre d'origine, l'hommage et le remerciement à ces différentes civilisations qui se sont succédées, d'un peuple, d'une grande famille, de tout ce qui compose un être dans son ensemble et de ce qu'il transmet par les liens du sang aux générations qui le suivent. Il est aussi un témoignage, un leg aux enfants des enfants afin que jamais ils n'oublient. Ce livre enferme comme un trésor les mémoires du Royaume de Sicile qui en son temps fut le troisième Royaume le plus puissant et riche d'Europe. Vous y parcourrez des recettes ancestrales accompagnées de leur histoire ou légende, de leur protocole et les ingrédients afin de pouvoir les préparer vous-mêmes; des légendes et des mythes qui ont enveloppés et enveloppent encore la Sicile de mystère et de secrets; l'art et l'artisanat de cette Terre des Dieux ainsi que les lieux à parcourir pour vous imprégner de magie et d'Histoire. Quelques textes composés par l'auteur vous ouvriront les portes de l'histoire de sa famille, de son coeur et sans doute du caractère de ce peuple conjuguant au passé ce qu'il vit au présent.

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A mes enfants Iman et Giulian et à mon petit-fils Eden : Parce que jamais la mémoire ne s’efface.

A mon époux Giovanni: Parce qu’il est des lieux parfumés de mystères où le clair de lune et le soleil se dévisagent et s’envisagent.

A ma famille : Parce que le temps parfois nous glisse entre les doigts.

A ma terre : Parce que ma tête est parfois lourde de toutes les mémoires que je porte en mon sang.

A ma mère Virginia Maria-Luisa et à mon père Giuseppe ; Parce qu’il est des lieux sacrés qui tracent des chemins entre la terre et le ciel et parce que même si je plie parfois sous le vide immense que vous avez laissé dans mon cœur, je me relève toujours.

A nos larmes de joie comme de peine qui trop souvent s’arrêtent sur l’ourlet de nos cils comme on s’arrête au bord du précipice.

Natacha

TABLES DES MATIERES

PREFACE

INTRODUCTION

NOS ANCÊTRES

NOTRE GÉNÉRATION

NOS CHERS DISPARUS

DE L’AUBE D’UNE VIE AU CREPUSCULE D’UNE AUTRE

TINDARI

RECETTE PERSONNELLE LA TARTE JADE

LA FÉE MORGANE

ESPADON ALLA GRIGLIA

MESSINE

GRIMOIRES ET MAGIE

COLAPESCE

PASTA CON LE SARDE

MYTHOLOGIE

MA VRAIE DÉCLARATION D’AMOUR À LA SICILIENNE

LA CAPONATA

LES VASES «TÊTES DE MAURES»

THON AIGRE DOUX (TONNO AGRO DOLCE)

« I PUPI » OU THÉÂTRE DE MARIONNETTES SICILIEN

PIETRO SCALISI

UNE VIE AU SERVICE DES PUPI

PALERME

DES MONUMENTS À VOIR ABSOLUMENT

LES PALAIS DE PALERME

LES EGLISES DE PALERME

SANTA ROSALIA,LA SAINTE PATRONNE DE PALERME

DONAS DE FUERA

DIALOGUE AVEC PALERME

DE PARIS À PALERME

LA PRINCESSE SICILE

SOUVENIRS D’ENFANCE

LES PALADINS

MON PRINCE CHARMANT

DOUCEUR D’ANNIVERSAIRE

LE « DOLCI PALERMITANI »

HISTOIRE ET LÉGENDES

FIOR DI MANDORLA

PAN D’ARANCIO

BIANCOMANGIARE

BUCCELLATO

PAN DI SPAGNA

PASTA REALE

CASSATA SICILIANA

CASSATELLE DI SANT’AGATA

CANNOLI SICILIANI

BISCOTTI ALGERINI (PALERME)

SFINCE DI SAN GIUSEPPE

MUSTAZZOLI

BISCOTTI DI SAN MARTINO

GELO DI MELLONE OU GELÉE DE PASTÈQUE

BISCOTTI EXCELSIOR O BISCOTTI DA DESSERT

FRUTTA DI MARTORANA

LETTRE À MA MÈRE

NERINA CHIARENZA & I CARETTI SICILIANI

TOMMASO PROVENZANO

GELSOMINO, LE JASMIN

QUELQUES PLATS À DÉGUSTER EN SICILE

ALLONS VERS L’OUEST EN PARTANT DE PALERME

MA RECETTE DU PAIN AU THYM

LES FRUITS FRAIS

LES FRUITS SECS

LA CERAMIQUE SICILIENNE

GRANITA, SORBETS ET GLACE SICILIENNE…

LE CAFÉ PROCOPE À PARIS

STREET FOOD, FINGER FOOD

PANELLE

HISTOIRE DES VINS SICILIENS

CLAUDIA CLEMENTE

CONCLUSION

PREFACE

Projet de cœur, je me lance avec modestie, beaucoup de joie et un zeste d’audace dans l’écriture de ce livre qui se veut à la fois être un témoignage et un hommage. Témoignage du passé encore très présent de mes racines, hommage à ma famille, mes ancêtres, mon père, ma mère, ma terre.

J’ai toujours défendu l’éclectisme et fait corps avec lui. Comme disait Charles Baudelaire : « Un éclectique est un navire qui voudrait marcher avec quatre vents ».

C’est ainsi qu’on m’a appris à marcher.

Je choisis donc délibérément que ce livre le soit.

En le parcourant, vous découvrirez de façon volontairement désordonnée pour attiser votre curiosité et vous tenir en haleine, quelques bribes de l’Histoire du Royaume de Sicile, les lieux à admirer, les mythes et légendes avec ses personnages auxquels je prête ma voix, les coutumes et quelques anecdotes qui viendront rythmer le déroulement de cet ouvrage. Le tout est enrichi de photographies et des belles peintures de Claudia Clemente, artiste surdouée sicilienne.

Ce livre est une invitation à un voyage extraordinaire sur la plus grande île de la méditerranée, riche des civilisations qui l’ont aimée et faisant d’elle, en son temps et durant plus d’un millénaire, le troisième Royaume le plus puissant et riche d’Europe.

Ce sont là les battements de son cœur que je vous offre tout au long de ces pages.

Le cœur même de ce livre lui, autour duquel s’articulent les sujets décrits plus haut, consiste en un recueil des recettes - certaines héritées de ma famille, d’autres réinventées par moi – et bien entendu, des recettes dans la plus pure tradition sicilienne que vous pourrez composer grâce aux listes d’ingrédients et protocoles que je vous lègue avec le mien, rédigés avec ma modeste poésie et tout mon amour et qui, je l’espère, vous feront ressentir l’émotion qui s’empare de moi lorsque je les parcoure et les prépare.

A noter que ce volume I se concentre sur la partie de la Sicile allant de Palerme vers Messine et de Palerme vers Agrigente.

D’autres ouvrages disponibles sur mon site :

www.lecritoiredecassandre.com

Natacha Minghetti Majorana

INTRODUCTION

Il y a chez Elle quelque chose de Sacré et quelque chose d’Elle dans le Sacré.

On dit d’Elle qu’elle est la plus belle et la plus mystérieuse. Sa beauté est connue de par les mers et les terres. On vient de très loin pour la séduire, la posséder.

Souvent dangereuse et imprévisible, ses colères ne laissent personne indifférent. Pourtant, elle sait être si douce, si maternelle !

Elle connaît les mots qui de son vent chaud balayent tous les doutes, effacent toutes les peurs pour instaurer une peur plus grande encore: celle de ne jamais la comprendre. Souvent, elle masque sa propre peur en instaurant la terreur. Ses silences sont effrayants et résonnent comme des coups de tonnerre.

Elle se dresse devant vous sans jamais trembler, vous regarde de haut avec la fierté insolente de ceux qui de par leur culture, leur éducation et leur savoir sont au-dessus de tout.

En rocher invincible, encaissant sans effort et résistant depuis des lustres aux vagues fracassantes, vous vous sentez soudain mouillé de larmes lorsqu’Elle touche votre cœur. Face à cette invasion de subtilité, de charisme et de grandeur d’âme, vous abandonnez toutes les promesses que vous juriez d’honorer, oubliant que loin d’Elle, dans votre foyer, une autre que vous disiez aimer vous attend.

Elle lit sur votre visage les mots que vous ne dites pas, vous dépouille du superflu et d’un geste dicte sa loi.

Elle a déchaîné autant qu’enchaîné les passions. Son humour, tout en sous-entendus, parfois cynique et cinglant, est toujours lourd du sens qu’elle a besoin de donner à tout ce qui l’entoure et sonne parfois comme une mise en garde.

Elle est si envoûtante qu’il vous vient des envies de miroirs partout pour magnifier sa présence et envelopper l’atmosphère tout entière. Il vous vient des envies de mille mémoires pour collectionner les souvenirs qu’elle ne destine à personne.

Vous serez en adoration devant ses silences vertigineux instaurés par ses battements de cils et de cœur et par ses rires éblouissant un ciel déjà trop bleu.

Elle a l’art de la guerre, celle qu’elle ne provoque jamais mais qu’elle gagne toujours, de ces innombrables batailles qu’elle ne mène que contre elle-même.

Ses larmes de sang royal et de rage se transforment toujours en larmes de nostalgie. Les sacrifices qu’elle est habituée à faire par amour, par honneur mais jamais par choix personnel, ont fait d’elle une force à toute épreuve impossible à ébranler. Vous ne pourrez jamais la menacer ni la faire chanter, sauf peut-être, un chant de sirène de-ci de-là ou des airs d’opéra.

Elle sait faire preuve de courage, ce courage mû par l’obligation de faire face à l’adversité qui survient mais ne jure que par l’audace qui provoque les chances, les succès inespérés, les émotions fortes.

Elle en a vu mourir des hommes aimés autour d’elle, elle a vu le sang de ses ennemis couler le long de sa robe blanche. La Dame peut être cruelle lorsqu’il s’agit de son honneur et ne connaît ni le pardon, ni l’oubli.

Elle vous élève au ciel si elle vous fait confiance mais vous jette à genoux si vous la trahissez.

Cette obsession qui est la sienne et qui vous insupporte de tout anticiper, tout maîtriser, vous fait exploser de colère lorsque vous êtes obligés d’admettre que dix fois, cent fois, elle avait raison.

La Dame a un talent certain pour les calculs.

Elle est reconnue pour sa capacité à errer sans jamais se perdre, sans jamais VOUS perdre. Elle a cette volonté de plonger dans les eaux profondes pour vous sortir des méandres mais elle sait aussi vous conduire dans les abysses dont elle seule a le secret, vous destinant à l’oubli si cruel puisqu’il est éternel.

Sa demeure est celle des Dieux et du Diable et si vous l’offensez, elle vous attirera dans son Paradis pour vous envoyer en Enfer.

Elle vous pousse à bout de souffle lorsque vous réalisez qu’elle ne sera jamais à vous. Elle est inoubliable et ne vous oublie jamais. Elle n’a pas de mémoire, elle est La Mémoire et sait toujours où vous trouver et comment vous attirer.

Elle récite les prières du monde entier sans savoir à quel saint se vouer.

Déchirée entre croyances religieuses et mythes, dogmes et superstitions, Elle connaît les potions magiques et les incantations, telle une fée enchanteresse laissant dans son sillon des mirages aux mille palais.

Bien des hommes, beaux comme des Dieux grecs, mystérieux comme des Princes du désert, majestueux comme des Châteaux en Espagne ou forts comme des Guerriers qui font froid dans le dos, l’ont aimée, respectée, lui ont construit des Palais aussi éclatants que le soleil, des temples , des églises et des chapelles, des cathédrales majestueuses serties d’or et de pierres précieuses. Les trésors qu’elle s’est vue offrir sont conservés dans son cœur comme on conserve la plus belle histoire d’amour de notre vie.

Avec ferveur, en processions pieuses, elle honore avec la même fougue les saints comme la nature.

Les mets savoureux qui régalent son palais sont l’héritage de sa créativité et de son ouverture d’esprit, riche du savoir de ses amants passés.

Elle veille sur ses trésors, tantôt avec son regard bleu vert, tantôt avec son regard noir. La Dame a des goûts raffinés, passant son temps entre ses Palais en ville et ses lieux de villégiature en bord de mer.

Elle a attisé les jalousies, soulevé des cœurs par sa beauté, sa force et son mystère, elle a inspiré telle une muse des poètes, attiré des scientifiques, ému des architectes, gagné le cœur des Princes et même des Rois, tous dotés de courage et de force légendaire, ténébreux et puissants, pétris de foi et amoureux des Arts. Certains ont fait d’elle la Reine d’un Royaume …Beaucoup se sont perdus, un amant en chassant un autre.

De Reine à roturière il n’y avait qu’un pas….de Majesté à soumise elle est passée. Trahie, elle a oublié les mots que son Prince à la démarche de félin lui répétait sans cesse: «Il faut que tout change pour que rien ne change».1

Mais cette fois l’ennemi était sans valeurs, dépourvu de charme et d’élégance, d’éducation et de miséricorde. Il lui a laissé entendre que sans lui elle ne serait rien et que lui seul, désormais, la ferait exister.

Il usurpa son cœur, son âme et toutes ses richesses. La Dame n’était pas habituée aux stratagèmes, elle ne sût pas les reconnaître et devant tant de bonnes paroles, se dévêtit.

Si elle n’a pas su faire tomber les masques de Venise, la dame sait faire danser les marionnettes qui content et louent les moments de sa gloire perdue.

Sur sa peau tantôt opaline, tantôt dorée par un soleil qui n’en finit pas de briller, sont tatoués ces mots s’élançant comme trois piliers vers le ciel:

Enfer et Paradis, Respect et Honneur, Fierté et Secret.

Elle restera toujours insaisissable, puisant ses forces dans la nostalgie de sa grandeur perdue, transformant à son image ce qui la submerge et conjuguant au passé tout ce qu’elle vit au présent.

Elle coule dans mes veines et dans celles de mes enfants.

Son nom est : Sicile

1Giuseppe Tomasi di Lampedusa «Il Gattopardo»

NOS ANCÊTRES

Une Famille vieille de 500 ans

Lorsqu’on parcourt la Sicile, on doit se préparer à partir à la rencontre de siècles de civilisations différentes (Arabe, Normande, Espagnole, Grecque…) qui toutes ont laissé leur empreinte. L’architecture saute aux yeux, les goûts envahissent notre palais mais il y a autre chose qui laisse perplexe et qui ne peut s’exprimer: Ce sont un sentiment, une odeur, une couleur, un trait de caractère, un sourire, une expression sur un visage, une caresse sur la peau.

Guy de Maupassant disait de la Sicile qu’elle était « d’une extrémité à l’autre un étrange et divin musée d’architecture ».2

Notre famille a le privilège d'être issue de nombre de ces cultures. Avec l’aide de ma mère, j’ai pu remonter dans notre histoire jusqu’à mes arrières grands-parents, à peine un peu plus loin. Ma curiosité intarissable nourrissait ce besoin de répondre à ces questions: Qui étions-nous ? Pourquoi sommes-nous si différents les uns des autres ? Quelle a été «Notre Histoire» et comment continuer à l’écrire ?

J'avais besoin de comprendre mes préférences, mes choix de vie et même mes détestations. Je me suis plongée dans les livres, je me suis appuyée sur l’institut héraldique de Rome qui me livra après de très longs mois où l’impatience me piquait, le parcours incroyable de mes ancêtres.

Devant les documents reçus, je découvrais avec une stupéfaction contenue par l’évidence, que nombre de preux chevaliers, pourfendeurs de justice et fervents catholiques ont fendu de leur épée une partie de notre lignée, nous léguant la noble tâche d’éveiller les esprits plutôt que d’endormir nos rêves. Mes yeux parcouraient ces documents, mettant ma mémoire à contribution. Les souvenirs revenaient comme des airs de «déjà vu, déjà su». L’encre des documents a parlé : Des aristocrates au service de la politique, au service de l’Eglise, au service de son prochain.

Des traces de la lignée des Aragons viennent également marquer cette épopée familiale aux saveurs d’Orient et d’Occident. Ce n’est pas un mince héritage à porter lorsque la légitimité prend parfois la tangente.

Mon arrière-grand-mère maternelle, Rosaria née RAGUSA, appelée «la Nonnina» était d’origine (lointaine) espagnole.

Elle fut mariée à un aristocrate des Pouilles du nom d’Alfonso FERRANTE et lui donna deux filles - dont ma grand-mère, Luigia.

Elle était emplie de la douceur des personnes investies par la mission honorable de transmettre, d’enseigner, de guider, d’élever et d’aimer. Un bagage titanesque pour un corps si frêle toutefois largement compensé par un mental acéré. Ses neuf petits-enfants (parmi lesquels figure ma mère) ont trempé dans de l’amour pur.

J’ai eu la chance de la connaître dans ma plus tendre enfance et la perdre fut pour moi le premier grand choc de ma vie. Déchirée entre le sentiment d’injustice que provoque la disparition d’un être si doux et la résilience face à la mort, je ne sus quel sentiment choisir. J’ai ignoré les deux.

Cela marqua sans doute à jamais mon rapport avec la mort.

Sans presque le savoir, elle nous a légué la rigueur du devoir accompli, le courage et la foi.

Jamais en reste d’un dicton ou une histoire pour imager les situations de la vie, ils ont accompagné mon enfance et ont aiguisé ce que j’appellerais «le bon sens».

Si son époux Alfonso FERRANTE avait eu un secret, je vous le révélerais puisqu’il aurait détesté que je le fasse. Tout ce qui l’entoure reste un grand mystère, hormis son talent indéniable à s’être fait escroqué et dépouillé de ses terres et de ces biens par une autre femme et un usurpateur venu du continent.

Il était connu, en plus d’être bien né, pour avoir très bien réussi en affaires de ce côté-ci de la Terre comme en Amérique. C’est ce qui fait de l’escroquerie de cette femme, un coup de maître (sse) et de celui de l’usurpateur, un coup dur.

Voici les parents de ma grand-mère Luigia.

Mon autre arrière-grand-père maternel, Giovanni MAJORANA (nom d’origine française) était issu de l’aristocratie palermitaine et marié à une non moins aristocrate ALFANO DE NOTARIS. Celle-ci lui donna cinq enfants (trois garçons et deux filles) dont mon grand-père Giuseppe qui deviendra l’époux de ma grand-mère Luigia.

Si j’en crois ma mère, les arrières grands-parents MAJORANA étaient moins enclins à manifester des marques d’affection ou des gestes de tendresse, ils émettaient beaucoup de critiques vis-à-vis de la liberté de faire et de penser que mon grand-père Giuseppe, leur fils, accordait à ses enfants.

Très à cheval sur les principes, s’enquérant du qu’en dira-t-on de façon obsessionnelle, se refusant net, ne serait-ce qu’un tout petit peu, juste pour l’humour, à ternir la réputation et l’image de cette notable famille, vous comprendrez plus bas que l’acte de leur fils Giuseppe fut perçu comme une offense, pire, comme une trahison qui lui valut d’être légèrement écarté de la famille. Mais quel crime a bien pu commettre mon grand-père ? Celui d’aimer une jeune fille dans le même contexte de rivalité familiale que nous trouvons dans Roméo et Juliette. Fort heureusement, le déroulement de l’histoire est bien différent de celui des tragiques amants de Vérone.

Je qualifie l’acte de mon grand-père d’éclair de génie puisqu’il nous a apporté cette ouverture d’esprit et le fi des convenances à tout prix.

Malheureusement ou heureusement, les pommes ne tombent jamais très loin de l’arbre, certains traits spartiates de mes arrières grands-parents titillent de temps à autre certains d’entre nous.

Le mariage de ma grand-mère Luigia FERRANTE et de mon grand-père Giuseppe MAJORANA est digne d’une épopée romanesque où les héros, prédestinés à des mariages arrangés dès leur plus jeune âge et respectant les règles de l’art, ont fait le choix (téméraire pour l’époque et pour leur milieu), avec bravoure et conscience, de placer leur amour sur un piédestal, bien au-dessus de la peur, des convenances et des menaces de déshéritement.

Ils s’unirent dans le plus grand secret à la cathédrale de Palerme il y a plus d’un siècle et l’annoncèrent en grande pompe à qui voulait bien l’entendre.

De cette union naîtront sains et saufs neuf enfants : sept filles et deux garçons, dont ma mère Virginia Maria Luisa.

Mon grand-père Giuseppe nous a légué la fierté de nos origines, une dose incommensurable d’audace et de hargne, le goût des belles choses matérielles et spirituelles, l’importance de la famille, le goût des terres (il aimait la chasse) et de la mer. Je ne l’ai pas connu mais j’ai bu les paroles de mes tantes, de mes oncles et celles de ma mère qui me décrivaient à la perfection ce personnage incroyable. Grand, imposant, protecteur, exigeant le respect envers son épouse et ce de la part de ses enfants comme de n’importe quelle personne, il se déplaçait souvent en voyage pour ses affaires et son retour à la maison était attendu comme un événement majeur puisqu’il allait passer à la loupe chaque détail pour s’assurer que tous allaient bien, que tous étaient heureux et que tous avaient suivi le bon chemin dans le respect des valeurs qu’il souhaitait.

Propriétaire de nombreux thoniers et d’une grande entreprise de mise en conserve de thon, il fit travailler durant la guerre de 39-45 un village entier près de Palerme avant que celle-ci, quelques années plus tard, à sa mort, ne soit démantelée laissant ma famille dans l’incompréhension et la consternation les plus totales.

Mon grand-père était sans doute philanthrope : Il y a de cela trente ans, alors que je me promenais dans ce même village avec un de mes oncles, un vieil homme, les larmes aux yeux me dit : «Ton grand-père nous a sauvé, il nous a donné l’opportunité de rester dignes et nourrir nos familles».

Plus que de la fierté, je ressentais le chemin que j’allais devoir suivre pour être digne de mon grand-père et de ses valeurs : Le respect de tous, quelques soient leur particularité et leur origine.

Ma grand-mère Luigia m’a toujours renvoyé l’image d’une grande dame (je ne parle pas forcément de la taille) toujours élégante, digne, charismatique, certains diront froide. Pour l’avoir longuement observée, je la décrirais plutôt comme une potentielle championne de poker tant il était impossible de savoir ce qu’elle pensait. Elle a transmis à certains d’entre nous, cette capacité à ne rien montrer de nos faiblesses ou de nos peines, ce qui nous a évité maintes fois de donner le couteau par le manche à des êtres malintentionnés et à maintenir une certaine distance qu’on appelle aujourd’hui : L’espace personnel. Qu’elle ait été perçue comme froide, distante, insondable ou drôle m’importe peu. Ce que je retiens d’elle c’est l’audace d’avoir choisi envers et contre tout : Sa Vie et surtout, l’Amour.

Je disparaissais pour dormir et rêver dans son immense chambre à coucher où trônait un lit tout aussi imposant et très haut duquel je ne pouvais pas descendre seule. Dans l’obscurité, la danse des minuscules flammes des lampions à l’effigie des saints patrons dessinaient sur les murs des formes tantôt rassurantes, tantôt effrayantes. Pour les affronter, mon souffle parfois se coupait. Le parc désert, bien loin de la cohue du centre-ville de Palerme où jamais rien ne s’arrête, m’a obligée à affronter et surmonter ce qui effraie: Depuis j’aime le silence, tous les silences.

La grande table de la salle à manger en marbre blanc et gris accueillait sans peine vingt convives et les mets délicieux se succédaient en ordre militaire après avoir été préparés dans le bruit assourdissant de la cuisine. Cette cuisine intérieure et extérieure tout à la fois, qu’investissait le savoir-faire de mes tantes et oncles venus livrer leur art culinaire comme si chaque soir un prix spécial était en jeu.

De ces scènes, j’ai appris les bienfaits de la diplomatie, les distinguant les uns des autres en leur offrant à chacun un compliment sincère qui les soustrayait malgré eux à ce concours futile qu’ils reproduisaient nonobstant chaque soir.

La plupart du temps les enfants mangeaient avant, ce qui permettait sans doute aux adultes de canaliser au mieux notre énergie débordante.

Mes tantes et oncles ont évolué durant leur enfance dans un environnement très privilégié, autant en ville de Palerme que proche de la nature en bord de mer dans leurs maisons de villégiature à Sélinonte. Ils ont développé la noblesse de cœur, la générosité, la droiture et les valeurs que mes grands-parents leur ont enseignées et qu’ils nous ont transmises à notre tour.

Je pressais ma mère de tant de questions et si souvent, lui demandant de me raconter encore et encore leur enfance qu’elle finissait par me livrer et me rassurer qu’elle aussi comme ses frères et sœurs avait ressenti la peur dans cette immense maison de bord de mer plongée dans la chaleur des nuits siciliennes, le bruit des vagues comme seul allié, le bruit du sirocco comme seul repère.

2En Sicile, carnet de voyage par Guy de Maupassant en 1885. Publiée en 1886, cette chronique est intégrée en 1890 dans le volume de La Vie errante

NOTRE GÉNÉRATION

Puisque ce livre se veut également être un recueil de recettes siciliennes, je me dois de vous dire que la cuisine est un credo chez nous. Une fois dépassé le stade de la simple convivialité, on découvre qu’elle représente un vrai et sérieux partage, un engagement, de l'amour et de la joie.

Certaines recettes sont héritées de mes ancêtres, d’autres, en particulier les"dolci e biscotti» sont issues du savoir-faire légendaire des religieuses cloîtrées du couvent Santa Caterina de Palerme, vraies fées de la pâtisserie.

Ce couvent est resté protégé par les règles strictes du cloître durant 700 ans. L’odeur de leurs biscuits et pâtisseries envahissait toute la Piazza Bellini à Palerme. Afin de mesurer le trésor que représente ce savoir-faire, il est important de comprendre que les recettes des «dolci e biscotti» des religieuses étaient secrètes dans la mesure que ces dernières ont livré les ingrédients sans écrire la procédure. Cette dernière était transmise de bouche à oreille. Il faudra attendre plusieurs années afin de pouvoir enfin en avoir la procédure claire.

Les familles aristocrates d’antan confiaient la confection de leurs desserts aux religieuses. Quel trésor a été donc le nôtre d’avoir eu accès à ce Bene di Dio».

Laissez-moi vous présenter certains membres de ma famille car chacun a sa particularité et c’est de cela que notre famille, éclectique elle aussi, tire sa richesse et ses couleurs.

Mon oncle Aldo, amoureux de la nature et des oiseaux, marche - ou devrais-je dire - part quotidiennement durant plusieurs heures à la découverte de lieux : Un esprit sain dans un corps sain.