Mongolie : Entre l'ours et le dragon - Marc Alaux - E-Book

Mongolie : Entre l'ours et le dragon E-Book

Marc Alaux

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Beschreibung

Parce que pour connaître les peuples, il faut d’abord les comprendre.

D’abord l’étourdissement des steppes. Ces paysages infinis. Cette liberté unique, chérie par les cavaliers nomades. La Mongolie est un rêve qui vous porte aux confins de notre monde. Sa seule évocation vous transporte dans le froid glacial des hivers les plus rigoureux de la planète. Mais ce pays n’est pas que cela : l’instauration de la démocratie et son entrée dans l’économie de marché après 1990 ont engendré de profondes mutations. La Mongolie, coincée entre l’ours russe et le dragon chinois, imprégnée du culte et de la légende de Gengis Khan, a toujours survécu à ceux qui prétendaient la conquérir et l’asservir. Ce petit livre n’est pas un guide. Il raconte la Mongolie que Marc Alaux a passé des années à arpenter à pied. Il dit le coeur mongol, les superstitions, les croyances, la force qui se dégage des steppes et d’un climat si rude. Parce que pour comprendre l’âme mongole, avoir le goût de l’infini – et vouloir le transmettre – est juste indispensable. Un grand récit suivi d’entretiens avec Isabelle Charleux, Nomindari Shagdarsüren et Naraa Dash.

Un voyage historique, culturel et linguistique pour mieux connaître les steppes mongoles. Et donc mieux les comprendre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marc Alaux est éditeur et libraire à Transboréal. Sa passion du peuple mongol, dont il étudie la langue et l’histoire, fait de lui un décodeur accompli de l’âme du pays du Ciel bleu. Il est l’auteur, le rewriter ou l’annotateur d’une dizaine d’ouvrages dont Ivre de steppes, Un hiver en Mongolie (Transboréal, 2018) et Proverbes & dictons de Mongolie (Géorama, 2018)

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Couverture

Page de titre

L’ÂME DES PEUPLES

Une collection dirigée par Richard Werly

Signés par des journalistes ou écrivains de renom, fins connaisseurs des pays, métropoles et régions sur lesquels ils ont choisi d’écrire, les livres de la collection L’âme des peuples ouvrent grandes les portes de l’histoire, des cultures, des religions et des réalités socio-économiques que les guides touristiques ne font qu’entrouvrir.

Ponctués d’entretiens avec de grands intellectuels rencontrés sur place, ces riches récits de voyage se veulent le compagnon idéal du lecteur désireux de dépasser les clichés et de se faire une idée juste des destinations visitées. Une rencontre littéraire intime, enrichissante et remplie d’informations inédites.

Précédemment basé à Bruxelles, Genève, Tokyo et Bangkok, Richard Werly est le correspondant permanent à Paris et Bruxelles du quotidien suisse Le Temps.

Retrouvez et suivez L’âme des peuples sur

www.editionsnevicata.be

@amedespeuples

Carte

À Charlotte Marchina et à Antoine Maire, Étincelles printanières Sur la steppe des études mongoles,

AVANT-PROPOS Pourquoi la Mongolie ?

Au dix-huitième siècle, les Anglais désignaient par « tartares » les cravaches utilisées dans les soirées sadomasos. Au même moment, à Paris, le palais Royal était si mal famé qu’il avait pour surnom « camp des Tartares ». Sans même citer Gengis khan, on pourrait multiplier les exemples pour dire que les Mongols suscitent un imaginaire robuste. Leur environnement aussi…

Miroir de nos agitations intérieures, la steppe, rêvée par Giono devant le tableau Chevaux mongols trônant dans sa demeure manosquine, La Steppe chantée par Tchekhov, la steppe évoquée dans Michel Strogoff, la steppe encore vue dans Urga de Nikita Mikhalkov. Les témoignages la mettant en scène se sont multipliés : polars, émissions TV et films à gros budget participent de la connaissance de la Mongolie par un public étranger. Et surtout, grâce à la production scientifique, le regard se diversifie, se densifie, dévoilant autre chose que les nomades.

C’est pour cette Mongolie composite que je développe une passion. Et comme celle-ci est vieille de vingt ans, il est juste de la soumettre à l’interrogation fondamentale « pourquoi ? » Je pourrais répondre en prétextant l’ancienneté : tout petit, j’aurais pu porter la tâche mongolique et m’inventer une ascendance tartare, grandir sous l’emprise d’une fascination pour la figure héroïque des conquérants médiévaux et leurs chevauchées jaillies des profondeurs asiatiques.

C’est une tout autre raison qui m’a mené en Mongolie la première fois : la volonté de me confronter à la géographie de l’immensité. Peu m’importe si le choix de ce pays tient quasiment du hasard, s’il était à mes yeux synonyme d’évasion, et si j’ai manqué d’élégance en choisissant la marche comme mode de locomotion au pays du cheval. M’improviser cavalier eût été absurde. Toutefois, afin de savoir où je mettais les pieds, je les mis l’un devant l’autre sur 7 000 km, suivi d’un cheval de bât l’été et avec mon saint-frusquin sur le dos aux autres saisons.

De quel bon pas j’allais durant un an et demi ! Mais l’alibi des paysages et le solfège de la marche ne vont qu’un temps. Même le caravanier doit s’asseoir, même le derviche met fin à sa gire. Sans quoi les contours de la réalité s’estompent et la ligne d’horizon se mue en ligne de fuite. J’ai donc délaissé les bivouacs incertains et les équipées au long cours pour des séjours immobiles : une année dans la capitale, une autre à l’abri de hameaux levés au carrefour des pistes, enfin dans une yourte isolée. Surtout, au voyage insufflant une intensité dans l’existence, il m’a fallu associer l’étude, qui dilate le temps et sans laquelle nommer les expériences est hasardeux. Retourner dans ce pays s’est imposé, sans lassitude, parce qu’il n’est pas un tatouage immuable mais une fresque en évolution, parce qu’on ne saisit les choses qu’un temps, avant de les voir s’échapper à nouveau.

Je trouve donc un éclat renouvelé à la mosaïque mongole, qui révèle son chatoiement dès l’arrivée. Sorti de l’aéroport, on passe sous un arc de triomphe : commémore-t-il Gengis khan ? Non, le socialisme ! Juste derrière, Oulan-Bator surprend par son expansion bouillonnante. Où est la steppe immémoriale ? L’étonnement continue, et on découvre une démocratie bien éloignée du passé autoritaire. L’Occidental est parfois même stupéfait de se sentir si proche des Mongols – quid alors de l’esprit nomade ? –, qui se voient eux-mêmes différents des Asiatiques. Leur langue d’ailleurs réserve une surprise en rappelant ici une berceuse et là une maladie de gorge. L’ultime surprise, et la plus belle, est le constat que la culture mongole n’a pas été asphyxiée, ce qui dans le casse-noix sino-russe n’était pas gagné d’avance.

Quoique peu visible sur la scène internationale, la Mongolie se taille ainsi une place singulière en Asie et dans le monde postsocialiste. Cette originalité ne tient pas dans la singularité des caractères qui la composent, connus ailleurs, étudiés partout, mais dans celle de leur agencement. Contredisons donc ceux aux yeux de qui ce pays est avant tout une idée, allons au-delà des symboles pour évoquer les motifs qui le composent et les changements qui le dynamisent ou, selon certains, l’emmènent hors de lui-même !

Entre l’ours et le dragon

Les textes anciens sont trop souvent négligés. C’est dommage car on y apprend tout en s’amusant : ainsi, dans sa chronique médiévale, le Florentin Riccold de Monte Croce rapporte que l’effroi est tel à l’approche des hordes mongoles que, dans les villes d’Occident, les femmes avortent ! Mais presque deux siècles après Gengis khan, l’empire mongol a perdu de sa superbe ; les luttes intestines le délitent et conduisent la Mongolie, en 1691, à intégrer l’empire sino-mandchou des Qing. S’ensuivent, du point de vue mongol, deux siècles d’exploitation. De conquérants, les Mongols sont devenus colonisés. La révolution chinoise, en 1911, est l’opportunité pour eux de proclamer leur indépendance. Quatre ans plus tard, à la suite du traité de Kyahta, le contrôle chinois s’y rétablit mais est à peine moins bref : la Mongolie se déclare à nouveau indépendante en 1921, cette fois avec l’aide de l’Union soviétique, qui reconnaît son indépendance et aura désormais une influence considérable. La République populaire de Mongolie est instaurée en 1924.

Le pays s’aligne sur les prises de position de l’URSS dont il devient le premier satellite. Il intègre la sphère d’influence communiste et adopte un mode de développement socialiste. De bonnes relations sont néanmoins maintenues avec la Chine, et la Mongolie joue le rôle d’État-tampon entre les deux puissances, qui y exercent leur influence jusqu’au schisme sino-soviétique des années 1960. Des troupes soviétiques s’installent alors massivement – jusqu’en 1992 – pour dissuader toute menace chinoise. À cette époque, on aime se rappeler l’adage selon lequel « Un Mongol inoccupé aiguise son couteau ; un Chinois inoccupé tue ses poux ».

À l’issue de la révolution démocratique de l’hiver 1989- 1990, le pays s’affranchit du communisme et de la tutelle russe et recouvre une nouvelle fois son indépendance. Et quoiqu’il soit un nain politique peu peuplé et pauvre malgré un sous-sol riche, ce géant territorial bataille pour conserver sa souveraineté. D’autres enjeux naissent en plus de se soustraire à l’appétit des voisins, comme garantir l’équilibre social et préserver l’environnement. Trente ans après le changement de régime, le pays cherche à tâtons un modèle et une voie qui lui seraient propres. Justement, déployons une carte et, à quelque 7 000 km de Paris, entre les frondaisons sibériennes et les terres cultivées chinoises, voyons son étendue de steppes nées d’un climat rude !

L’immensité pour cadre

Depuis Oulan-Bator, prenez la route et demandez au chauffeur pour combien d’heures vous en aurez ! Il vous répondra : « un jour », « deux jours ». La Mongolie se déploie, vaste et isolée au cœur du continent : 1 566 500 km2 sans littoral. On écarte les bras pour donner plus de force à ses paroles en disant son immensité. Parcourue de failles sismiques, sa géographie elle-même est, à 1 580 m d’altitude en moyenne, un tiraillement : de giboyeuses taïgas au nord mais le désert de Gobi 1 000 km plus au sud ; les dernières grandes prairies d’Asie parcourues par des milliers d’antilopes à l’est, à 552 m d’altitude, et à l’autre extrémité, 2 400 km plus loin, de hauts vallons hantés par la panthère des neiges et dominés par la meringue de pics glaciaires culminant à 4 374 m. S’ajoute l’enclavement : la frontière qui sépare cet œil-de-chat de la Chine (4 676 km) fend les étendues incultes du désert tandis que celle partagée avec la Russie (3 543 km) s’appuie sur l’Altaï, les Sayans et le Hentii, les murs de l’amphithéâtre des steppes. Car la chair de la Mongolie, c’est sa steppe, écosystème fragile autant que paysage unifiant l’hétérogénéité de ce qu’il faut nommer « l’Asie intérieure ».

Le climat régnant sur cette prairie sèche se distingue par son aridité, sa franche continentalité et de brusques écarts de température. Avec 280 jours d’ensoleillement annuel, le surnom de pays du ciel bleu n’est pas usurpé. « La plaine de Keroulen, Ourga, le pays halha aux oasis interdites, les grands vides planétaires…1 ». Vide ? La Mongolie comptait 738000 habitants dans les années 1930 ; ils sont devenus 3 200 000. Le pays demeure sous-peuplé (moins de 2 habitants au km2) mais sa capitale, Oulan-Bator, est surpeuplée. Le taux d’urbanisation tend vers les 70 %. Les campagnards, éduqués quoique peu formés, vivent souvent, sans emploi salarié, de l’élevage. Alors, dans ces conditions, l’aménagement du territoire demeure un défi.

Heureusement hérité de la période socialiste, le découpage du pays et sa structuration : 21 provinces avec chacune son chef-lieu et ses districts (338 villages au total). Entre, malgré des itinéraires sillonnés jadis par les messagers de l’urton – le Pony Express médiéval –, on emprunte des pistes, peu de routes et encore moins de rails. La voie ferrée, qui suit l’historique route du thé reliant Irkoutsk et Pékin a toutefois une dimension historico-politique. Elle illustre le rôle de corridor commercial qu’est la Mongolie. Perpendiculaire à cet axe, qu’elle croise depuis peu à Oulan-Bator, la route du Millénaire, qui cingle d’est en ouest à travers le territoire.

Servant de piste l’hiver, les voies d’eau approvisionnent dans la moitié nord du pays les bassins de l’océan Glacial et du Pacifique, quand elles ne s’assèchent pas dans des cuvettes désertiques au sud. Mais même là, au fond du Gobi, l’immensité n’est point synonyme d’inconnu. Chaque lieu a été baptisé par les éleveurs, socialisé par leurs nomadisations et consigné sur les cartes.

Arpenter le désert

Le Gobi a été créé par Dieu un jour de mauvaise humeur. Voilà ce que pense le voyageur en se protégeant du vent qui roule sur ce plateau caillouteux parsemé de plantes rugueuses et, en de rares lieux, de saules tortueux et décharnés. Ou face aux étendues de gravier qui, entre deux rares cordons dunaires, ont un aspect mélancolique et désolé. Pourtant, avec Le Son du Gobi