Mythes et légendes d'Australie - Marilyn Plénard - E-Book

Mythes et légendes d'Australie E-Book

Marilyn Plénard

0,0
11,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Une anthologie de mythes des aborigènes d’Australie.


Das E-Book Mythes et légendes d'Australie wird angeboten von Magellan & Cie Éditions und wurde mit folgenden Begriffen kategorisiert:

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Couverture

Page de titre

À Galina Kabakova : « L’Origine de l’aurore »

Les noms de disparus sont cités dans ce livre. Je prie les peuples australiens de ne pas m’en tenir rigueur. « Ce que nous appelons mythologie est [pour les peuples dont nous avons à cœur de faire connaître les récits, NdlT] leur foi », révérend William Wyatt Gill, 1876.

Avant-propos

Il y a entre quarante et soixante mille ans – des objets mis au jour en Terre d’Arnhem par les archéologues paraissent attester de cette date –, des descendants du petit groupe d’Homo sapiens partis d’Afrique il y a soixante-dix mille ans pour explorer le monde posent le pied dans l’extrême nord de l’Australie. Transmise par le biais de récits épiques, par la gravure sur écorce, par la peinture, autrefois pariétale, aujourd’hui d’acrylique sur toile, par les rites tels que les « corroborees » – un terme anglo-saxon imité du mot kurnai gunyeru –, désignant les cérémonies de danses et de chants sacrés, la culture complexe que ces hommes vont élaborer est la seule qui ne connaîtra aucune interruption.

En Terre d’Arnhem, une œuvre pariétale représente la déité Imberombera, chargée de ses enfants-esprits, parvenue là par la mer. La légende rejoint l’histoire : les futurs premiers aborigènes qui débarquent dans ce septentrion australien viennent d’Asie du Sud-Est, sur des radeaux de fortune, à une période où le niveau des eaux est au plus bas, et après avoir traversé plus de cent cinquante kilomètres d’un océan Indien souvent déchaîné.

Alors, commence le Temps du Rêve, traduction du mot, inventé par l’anthropologue W. E. H. Stanner, the « Dreaming », ou the « Dreamtime ». Ou plutôt, dirais-je : alors, commencent Alcheringa, Tjukurpa, Nyitting, Ularaka, Yamminga, Pekere… « les » Temps du Rêve, aux évidentes ressemblances d’une communauté à l’autre mais aussi aux dissemblances subtiles comme la croyance, ou non et ce, plus rarement, en la réincarnation. Ce Temps-là n’est en rien le temps comme nous l’entendons : il est atemporel. Il est les Lois, il est ceux qui les ont fondées, il est les sillons des pérégrinations des êtres ancestraux, il est leurs réincarnations successives qui les lient à jamais aux hommes contemporains.

À l’époque où l’univers était plat, vide, des entrailles du sol ou des immensités célestes ont émergé des esprits qui s’appelaient Émeu, Foudre, Requin, Pluie, Fourmi à miel, Serpent Arc-en-Ciel… Ils ont « rêvé » la Terre et y ont accompli de monumentaux voyages, sur terre et sous terre. C’est durant ces pérégrinations, détaillées dans les « songlines », les « routes à suivre », véritable cartographie du paysage, notamment des chemins conduisant aux sources potables, et retracées dans les contes, les chants, la peinture, les danses, qu’ils ont créé les arbres, les rivières, les montagnes, les trous d’eau, les animaux, les plantes, les étoiles, la pluie, les hommes… les hommes-animaux et les hommes-plantes, les hommes-étoiles et les hommes-pluie, ancêtres des êtres humains… Bref, la vie dans son ensemble. Leur création achevée, ces ancêtres ont intégré les éléments du paysage. Leur esprit impérissable y réside pour toujours. C’est pourquoi, pour les aborigènes, la nature est vénérable. Elle ne leur appartient pas. Les terres ne sont pas leur propriété. Ils en sont les gardiens. Les gardiens du Rêve.

Le Rêve aborigène, c’est aussi, et peut-être surtout, les Lois, immuables, apprises de génération en génération. Le peuplement de l’île s’est effectué dans la douleur. Les migrants chasseurs-cueilleurs du paléolithique ont dû braver les survivants d’une mégafaune sans pareille : kangourous carnivores hauts de trois mètres, wombats de plusieurs tonnes – comme le diprotodon, vraisemblablement à l’origine du mythe du Bunyip –, lions marsupiaux à la mâchoire surpuissante… Leurs fils ont dû affronter leurs propres terreurs : l’anthropophagie, l’inceste, la consanguinité, en établissant de savantes et sévères règles quant aux alliances matrimoniales. Ils ont dû faire avec la montée des eaux sur les côtes et avec la disparition de la forêt verdoyante qui a cédé la place aux déserts du centre et, par conséquent, avec la raréfaction de l’eau. Enfin, avec l’arrivée d’impitoyables semblables : les Blancs.

Tout cela est décrit dans leurs récits, qui font la part belle aux créateurs et aux ancêtres totémiques, ainsi qu’à leurs pérégrinations, notamment celles des nombreux Serpents Arc-en-Ciel, figures majeures, entités protectrices de l’eau bienfaisante. Parallèlement, des contes s’apparentant aux fables – certains sont à lire dans le chapitre « Les animaux » –, essentiellement destinés aux enfants, narrent les mésaventures de ceux qui pensent pouvoir s’abstenir d’obéir aux Lois et les conséquences de leurs actes. Le Temps du Rêve étant sans limite, il inclut également des faits comme la survenance des Européens, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les essais nucléaires, le combat des aborigènes pour leur reconnaissance…

Une part des témoignages de littérature orale proposés ici restera un mystère aux yeux du lecteur… comme elle l’est restée à mes yeux. Rien d’étrange à cela. Alors que coexistent plusieurs niveaux de lecture, la compréhension profonde des récits n’est réservée qu’aux grands initiés aborigènes. Je n’ai pas cherché à en savoir plus que je n’en avais le droit. Acceptons donc d’en savourer sans arrière-pensées la beauté totalement originale, l’âpreté, et, pourquoi pas, d’en tirer quelques précieux enseignements.

Le Ciel

L’Origine des Sept Sœurs et de leurs fidèles amoureux

Au Temps du Rêve, une haute montagne chaotique dont la cime noire se noyait dans les nuées et un torrent d’eau à la froideur extrême qui dévalait ses pentes enneigées avaient pour enfants sept belles jeunes filles de glace. Elles parcouraient la Terre, et leurs cheveux dénoués volaient au vent comme les nuages tempétueux avant l’apaisement. Leurs joues s’empourpraient sous les baisers ardents du soleil et dans leurs yeux se cachait la suave lumière de l’aube grise. Leur beauté était si grande que tous les hommes les aimaient. Mais les sœurs avaient hérité de la froideur du torrent qui les avait conçues et ne déviaient jamais de leur chemin, négligeant d’égayer leur cœur.

Usant de ruse, un homme nommé Wurrunnah, « Celui qui est debout », réussit à en capturer deux. Il les a forcées à vivre avec lui mais, quand il s’est rendu compte que les captives étaient des filles de glace, que des cristaux comme ceux qui pendent des branches des arbres, l’hiver, se mêlaient à leurs tresses, il s’est senti désemparé. Il les a installées près du feu pour faire fondre les glaçons de leurs jambes et de leurs bras. Mais l’eau qui dégoulinait de leurs membres magnifiques éteignait les flammes, et la seule chose que Wurrunnah a obtenue, c’est que l’éclat des jeunes filles disparaisse.

Elles n’étaient plus que tristesse. Leur demeure leur manquait. Dès la nuit tombée, les prisonnières regardaient les clignotements célestes de leurs cinq sœurs qui leur faisaient signe de rentrer au bercail.

Un jour, elles sont allées dans la forêt. Wurrunnah leur avait demandé d’écorcer un pin. Elles sont arrivées au pied d’un arbre immense dont elles ont commencé à arracher l’écorce. Le pin a poussé jusqu’au ciel et les sœurs ont pu rejoindre leur demeure. Hélas, les deux filles avaient perdu leur brillance originelle. C’est pourquoi, dans la constellation des Sept-Sœurs, cinq étoiles scintillent alors que deux sont pâles. Quand leurs tresses dénouées s’abandonnent à la caresse du vent léger, la neige tombe pour rappeler aux hommes l’époque où elles parcouraient la Terre.

De tous les hommes qui les aimaient, les deux frères Berai Berai furent les plus fidèles. Dans les roselières, ils chassaient le canard sauvage dont ils leur offraient les morceaux tendres. Quand les sept sœurs s’en sont allées par-delà les monts, les Berai Berai les ont suivies, mais leur amour était sans espoir.

Lorsque les filles ont gagné le ciel, les Berai Berai – la Ceinture d’Orion –, affligés, se sont lamentés :

– Nous vous aimons depuis si longtemps… Nous marchons depuis si longtemps dans vos pas… Ô, filles de l’aube, vous nous avez abandonnés. Nous ne chasserons plus.

Ils ont déposé les armes et ont pleuré jusqu’à ce que l’ombre de la mort les enveloppe. Les créatures magiques ont pris pitié d’eux. Elles les ont hissés au firmament, où, depuis la naissance du Temps, ils écoutent le chant des Sept Sœurs – les Pléiades.

L’Origine d’Alpha et Bêta du Centaure

Chaque soir, des outardes s’amusaient dans la plaine. À l’écart, un vieil oiseau les regardait courir et danser. Et quand, ivre de vitesse, une outarde fatiguait, il fondait sur elle pour la dévorer. Affligées par la perte de leurs sœurs, les outardes ont décidé de déménager. Alors qu’elles s’apprêtaient à partir, deux oiseaux inconnus sont venus les encourager à ne pas abandonner leur territoire, contre la promesse de vaincre leur persécuteur.

Au crépuscule, non loin du persécuteur, l’un des oiseaux s’est caché dans les buissons, pendant que l’autre rejoignait la troupe dansante. À un moment, prétendant être fourbu, il s’est laissé choir aux pieds du cannibale, qui s’est jeté sur lui. Son compère a jailli des buissons et, à eux deux, ils ont terrassé l’oiseau. Tandis que les outardes se réjouissaient de la mort de leur tourmenteur, les deux oiseaux se sont envolés. Ils ont volé si haut qu’ils ne sont pas redescendus. Dans le ciel désormais, ils scintillent de mille feux.

Les Objets célestes

Moporr

Dans la Grande Rivière – la Voie lactée –, il y a un espace sombre, proche de la Croix-du-Sud : c’est le trou d’eau du Torong. Les grosses étoiles qui l’entourent sont les hommes célestes venus de l’extrême sud de la Rivière. Quand ces hommes sont arrivés, ils ont chassé à coups de lances les astres de petite taille qui s’y trouvaient.

Le Grand Nuage de Magellan est une grue mâle ; le Petit Nuage est sa femelle.

Aux côtés du Grand Estomac – Antarès – se tiennent ses deux femmes. À ses pieds, les trois étoiles sont son grand-père. C’est du Grand Estomac que le ver luisant puise sa lumière.

Kuurn kopan noot

Gneeanggar était la reine des Kuurokeheear, les cacatoès. Il y a longtemps, Waa, le corbeau, s’est amouraché de la belle indifférente. Il a usé d’un stratagème pour parvenir à ses fins. Un jour que la reine et ses six suivantes récoltaient des vers blancs, dont elles étaient friandes, Waa s’est transformé en ver. Il a creusé le bois d’une branche pour s’y installer. L’une des Kuurokeheear l’a débusqué avec son petit crochet de bois mais Waa en a brisé la pointe. L’une après l’autre, les cinq autres suivantes ont tenté de l’accrocher mais, à chaque fois, Waa brisait la pointe de leur crochet. Quand, finalement, Gneeanggar s’y est essayée, Waa s’est laissé attraper. Il s’est transformé en géant et s’est enfui, emportant la reine. C’est pourquoi il n’y a plus que six étoiles dans les Pléiades.

État de Victoria

Les trois sœurs Kuppiheear – les trois étoiles de la Ceinture d’Orion – poursuivent la quatrième – Orion – partout où elle va.

Barrukill – Hydra – est un grand chasseur de rats-kangourous. Sur sa droite, un peu au-dessus de lui, il y a son chien, Karlok, et le rat-kangourou. Encore au-dessus, il y a quatre bûches. En dessous, il y a le faisceau à trois bras de Barrukill. Karlok poursuit le rat-kangourou à l’intérieur d’une bûche. Barrukill attrape le rat et le dévore, puis il disparaît à l’horizon. Le grand chasseur montre son chemin au voyageur nocturne. Grâce à Barrukill, il se fait une idée juste du temps qui passe et de la route qu’il lui faut prendre.

La comète est le signe du passage d’un esprit.

Dans l’Ouest, l’arche céleste qui paraît au lever du jour s’appelle Kullat : le « Pépiement du jour ».

L’arche supérieure qui, dans l’Est, précède le coucher du soleil s’appelle Kuurokeheear puuron : le « Crépuscule du cacatoès blanc ». L’arche inférieure porte le nom de Kappiheear puuron : le « Crépuscule du cacatoès noir ».

Les rayons crépusculaires qui persistent, dans l’Ouest, après le coucher du soleil sont les « Joncs du Soleil ».

Puae buae, les « Cendres », est le nom de l’aurore australe.

Wailwun

Dans le Nid-d’Aigle – la Croix-du-Nord –, il y a sept étoiles, qui sont autant d’Aiglons. Quand la constellation est au méridien, une étoile – Vega – se lève, et, peu après, c’est au tour de la seconde – Altaïr. Ce sont les deux Aigles, le mâle et la femelle, qui vont inspecter leur nid.

Warrambool – la Voie lactée – est le séjour des morts. C’est un ruban d’arbres et de buissons sillonné par un ruisseau d’eau vive.

L’Origine de la Lune

Il y a un temps infini, un garçon, après avoir mangé du kangourou, a lancé un des os de l’animal vers le ciel. L’os s’y est solidement fiché. Il est devenu la Lune avant de devenir l’homme qui tourne en rond et qui, durant la journée, fait un détour en passant par le sud.

Comment la Lune est montée dans le ciel

Au Temps d’Alcheringa, au Temps du Rêve, un homme-opossum transportait la Lune dans son bouclier quand il chassait l’opossum. La journée, il la dissimulait dans une crevasse au milieu des rochers.

Un soir, un homme-graine unchirka a aperçu la lueur de la Lune émanant du sol. L’homme-opossum avait posé son bouclier à terre pour grimper à un arbre afin d’y déloger un animal. L’homme-unchirka s’est emparé du bouclier et a pris la fuite. L’homme-opossum lui a couru après mais, il a eu beau courir vite, il n’a jamais rattrapé le voleur. Quand il a compris qu’il ne récupérerait pas la Lune, il a hurlé, en rage :

– Tu ne la garderas pas pour toi ! La Lune va monter dans le ciel et sa lumière illuminer le monde nocturne.

La Lune est sortie du bouclier, et, depuis, toutes les nuits, sa lumière illumine le monde nocturne.

L’Origine de la tache sombre de la Lune

Deux jeunes Mura-mura – nos ancêtres du Temps du Rêve –, excédés par l’attitude de leur père, le Mura-mura Nganto-warrina, qui, un jour, avait gardé pour lui seul sa récolte de graines nardoo, ont fabriqué des crochets pour hameçonner les vers enfouis dans les anfractuosités des eucalyptus. Ils ont dit à Nganto-warrina, qui les regardait faire :

– Nous avons découvert un arbre bourré de vers.

Le vieil homme a grimpé dans l’arbre. Ses fils l’encourageaient en chantant :

Grimpe,

Grimpe toujours plus haut !

L’arbre s’est mis à pousser. Les jeunes Mura-mura ont mis le feu aux branches. L’arbre poussait toujours, emportant Nganto-warrina. Alors que le vieil homme était la proie des flammes, l’un de ses fils lui a lancé son boomerang, auquel il avait accroché une peau. Nganto-warrina s’en est enveloppé pour se protéger de la fournaise.

Il n’est jamais revenu sur Terre. Le Muramura est devenu la Lune. La tache sombre est la partie de son corps que le vieil homme avait enveloppée dans la peau.

Les Différentes Phases de la Lune

Boulia

Il y a longtemps, un talégalle s’était grièvement blessé au pied. Il a demandé à un cacatoès :

– Où se trouve le trou d’eau le plus proche ?

– Il n’y a pas de trou d’eau dans les parages, a répondu le cacatoès.

Il a posé la même question à un perroquet vert et, comme son pied gonflait, il l’a supplié de le lui couper mais le perroquet a refusé.

Successivement, le talégalle a supplié un corbeau, un docteur noir, un aigle, la Lune, un docteur blanc, un démon de lui porter assistance. Tous ont refusé.

Il a fini par supplier un ver de terre. Le ver a accepté. Il a foré la chair gonflée, tracé son chemin dans la blessure, sucé le pus… Et le patient a guéri.

Les galah, les coucous, les cacatoès noirs, les cacatoès blancs, les cassicans, les grallines pie, les oiseaux-jardiniers, les opossums, les échidnés, les bandicoots et tous les autres ont pris part à une grande cérémonie de danses et de chants. Tandis que le talégalle et le ver, qui n’avaient jusqu’alors jamais quitté la Terre, rejoignaient les nuages et le ciel, un chant s’est élevé :

Nos frères s’envolent !

Nos frères s’envolent !

Le talégalle et le ver ne sont pas redescendus. Mais les habitants de la Terre ne les ont pas oubliés. Ils n’ont pas oublié le ver, le docteur, car il leur envoie une nouvelle Lune chaque mois pour se rappeler à eux. Lune est son frère. Comme il avait foré la chair du talégalle, chaque nouvelle Lune fore son chemin à travers la Terre, s’envole, se délite, disparaît. Le ver a de nombreux frères. Chaque mois, il en envoie un autre, un autre frère Lune.

Ngarrindjeri

La Lune est une femme peu chaste. Elle passe tant de temps en compagnie des hommes qu’elle en maigrit jusqu’à se transformer en squelette. Quand elle atteint ce point de maigreur, Nurrunduri1 lui donne l’ordre de s’en aller. Elle s’envole, et, gardée au secret, elle déterre des racines si nourrissantes que, peu après sa disparition, elle reparaît, grasse et pleine.

Chants wiimbaio

Que tes os, que tes os blancs deviennent poussière, poussière…

C’est quand Nurelli a chanté ce chant que la Lune, qui était toujours présente, ne l’a plus été que périodiquement.

Soleil, que ton bois brûle !

Que tes entrailles brûlent au loin !

Ce chant est celui chanté par Nurelli, le créateur de toute chose, qui, fatigué du jour éternel, a commandé à Déesse-Soleil d’aller prendre du repos.

Comment le Soleil a été créé

Longtemps, il n’y a eu que la Lune et les étoiles. Quand Brälgah, la grue, qui demeurait dans la plaine près de Murrumbidgee et ne faisait que se quereller avec Dinewan, l’émeu, s’est emparée d’un des œufs de l’énorme volatile et l’a lancé en l’air, il s’est brisé contre un tas de bois de chauffage. Le jaune s’est déversé, et le bois s’est enflammé. Les flammes ont illuminé le monde, éblouissant ses habitants, qui jusque-là avaient vécu dans la pénombre.

Un esprit céleste a regardé la Terre. Il a vu combien elle était belle et brillante, éclairée par le feu du brasier.

– Je veux que la Terre brille tous les jours ! s’est-il écrié.

Des nuits durant, les esprits célestes ont ramassé du bois. Le tas est devenu gigantesque, et l’étoile du Matin a été envoyée sur Terre pour annoncer au peuple endormi le prochain embrasement du bois.

Certains esprits pensaient que l’annonce passerait inaperçue auprès des dormeurs. Il faudrait faire du bruit, arguaient-ils, avant même son lever, pour proclamer le retour du Soleil et que les dormeurs s’éveillent. La difficulté résidait dans le choix du sonneur, qui allait devoir assumer sa charge pour l’éternité.

Quand, un soir, les esprits célestes ont entendu le rire vrombissant de Gougourgahgah, le kookaburra, ils ont su qu’ils tenaient celui qu’ils cherchaient.

Ils ont dit au kookaburra :

– Gougourgahgah, à partir de maintenant, quand l’étoile du Matin pâlira, ton rire éveillera les dormeurs avant le lever du Soleil. Sinon, la Terre s’enfoncera dans la pénombre pour toujours.

Gougourgahgah a accepté. Chaque matin, il rit du plus fort qu’il peut.

À l’aurore, quand les esprits rallument le feu du Soleil, il chauffe faiblement. C’est à la mi-journée, quand tout le bois est en flammes, que sa touffeur devient terrible. Après quoi, elle diminue progressivement jusqu’à ce qu’il ne subsiste que les quelques braises rougeoyantes du crépuscule. Elles meurent rapidement, sauf celles que les esprits maintiennent en vie en les couvrant de nuages. Ce sont ces braises vivantes qu’ils utilisent pour rallumer le feu chaque matin.

Nul enfant ne doit imiter le chant du kookaburra. Si l’oiseau venait à en prendre ombrage, il pourrait cesser de rire. Si un enfant rit en même temps que lui, une canine supplémentaire – le stigmate punitif de sa moquerie – lui pousse.

Les esprits savent que, si Gougourgahgah venait à ne plus rire, la lumière disparaîtrait, et les hommes n’existeraient plus. Ce serait l’avènement de l’obscurité.

1. L’être suprême des Ngarrindjeri. Il a donné aux hommes les armes de guerre et de chasse et créé toutes les cérémonies. Désormais, il se trouve à Wyirrewarre, le ciel, où les grands guerriers, tels que lui, demeurent sous forme d’étoiles.

La Création et les Pérégrinations

L’Histoire de la Création2

Dans un rêve, Grand-Père Esprit a parlé à Bajjara et Arna :

– Allez, et dites, car vous êtes mes messagers.

Bajjara et Arna ont dit :

« Silencieuse et calme, l’obscurité était partout. Dans l’obscurité froide, la Terre n’était pas vivante. Des cimes d’une hauteur colossale ponctuaient sa surface semée de collines et de vallées, de plaines, de grottes et de cavernes où gisaient des formes inconscientes. Aucun vent, pas même la brise légère, ne soufflait.

Durant un temps infini, ce calme terrible enveloppa la Terre. En cette obscurité, en ce calme dormait une divinité magnifique.

Grand-Père Esprit a dit :

– Assez dormi… Assez dormi, ainsi que j’ai voulu que tu dormes. Éveille-toi et donne vie à l’univers. Fais ce que je te dis. Donne vie à l’herbe, aux plantes, aux arbres. Après que la Terre se sera couverte d’herbe, de plantes et d’arbres, donne vie aux esprits-insectes et aux esprits-poissons, aux esprits-reptiles et aux esprits-lézards, aux esprits-serpents, aux esprits-oiseaux3 et aux esprits-animaux. Puis repose-toi. Que ta Création s’épanouisse ! Qu’elle mène à bien ce pour quoi elle a été créée ! Aucun ne survivra si ce n’est au bénéfice de tous.

La Magnifique a inspiré ardemment, et la Terre a tremblé. Elle a dit à Grand-Père Esprit :

– Je suis prête.

Elle a ouvert les yeux. Sa lumière irradiait. L’obscurité a disparu. La déesse a regardé la Terre impeuplée. Elle a regardé dessous : il y avait une tache minuscule. La Magnifique a atterri doucement, soucieuse de ne pas troubler les formes en attente. Puis, dans la plaine de Nullarbor, réchauffant la froidure, elle a bâti sa maison.

Elle a entamé un voyage qui l’a conduite d’ouest en est, son point de départ. L’herbe, les arbres et les buissons ont éclos sous ses pieds. Elle s’est dirigée vers le nord, avant de bifurquer vers le sud pour rejoindre sa maison. Jusqu’à ce que la Terre soit couverte de verdure, la déesse a refait le même voyage. Après cela, elle est allée se reposer à Nullarbor. Longtemps, Mère-Soleil a vécu en paix avec les plantes, les arbres géants, l’herbe et les buissons.

Grand-Père Esprit a dit :

– Pénètre dans les grottes et les cavernes et donne vie !

La Magnifique a pénétré dans les grottes et les cavernes, apportant chaleur et lumière, éloignant l’obscurité. Les esprits des profondeurs se sont écriés :

– Mère, pourquoi nous déranges-tu ? Nous sommes ici depuis tant d’années !

Mère-Soleil, répandant sa lumière, a exploré les profondeurs un jour entier. Quand elle est remontée des entrailles terrestres, les insectes aux teintes prodigieuses, de tout galbe et de toute taille, sont montés à sa suite. Ils se sont éparpillés, de buisson en buisson, distribuant leurs couleurs, rendant la Terre plus somptueuse encore qu’auparavant.