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Plus qu'un recueil de nouvelles, ce livre est une balade dans un village niché au centre de l'Italie. Après le récit d'une légende qui habite les lieux, de la rue de la Terre jusqu'au cimetière, quelques bribes de vie, des anecdotes, des drames, au doux rythme du soleil, sous le chant des grillons.
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Seitenzahl: 133
Veröffentlichungsjahr: 2022
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TABLE DES MATIERES
Maïa et le géant de pierre
Rue de la Terre
Aubergines au chocolat
Jacinthe
Le coffre-fort d’Emilio
Sous les jupes des femmes
Le fils
Balade au chant des grillons
« Un paese ci vuole, non fosse che per il gusto di andarsene via. Un paese vuol dire non essere soli, sapere che nella gente, nelle piante, nella terra c’è qualcosa di tuo, che anche quando non ci sei resta ad aspettarti».
Cesare Pavese, La luna e i falò
A mes parents, ma montagne mère, mon géant de père, A mes racines.
Librement inspiré de la légende du Gran Sasso et de la Maiella
Avez-vous déjà entendu parler de Maïa et du Géant de pierre ?...
Chhhuuuttt, écoutez…
A une époque très lointaine, aux temps des Dieux grecs, vivait la jeune Maïa. Elle était la plus belle et l’aînée des sept filles d’Atlas et de Pléioné, appelées les pléiades. De Zeus, roi des dieux, elle eût un enfant, un géant, qu’elle prénomma Hermès.
Lors d’une bataille, Hermès fut gravement blessé. Très gravement.
Abandonnant son palais, Maïa alla consulter les oracles :
- Comment sauver mon fils ? Il semble grand et fort, mais ses blessures sont graves et je suis inquiète.
- Tu as bien fait Maïa de venir me trouver. En effet, les blessures d’Hermès sont bien étranges, et seule une plante pourrait le sauver.
- Je parcourrai le monde pour te couvrir de richesses, je serai servante pour assouvir tes caprices, je me plierai à toutes tes exigences, mais en échange, je t’implore, sauve mon fils.
L’oracle, qui était une vieille dame baissa la tête :
- Malheureusement, même si je désirais le faire, je ne le pourrais… L’unique plante qui sauvera ton enfant se trouve par-delà les mers.
- Comment la reconnaître ?
- Elle pousse au pied du plus grand rocher. Elle te semblera encore plus petite qu’elle ne l’est. Il faut te mettre en chemin rapidement, la route est longue ! Pars, ne prends rien avec toi !
Va, et suis le soleil lorsqu’il se couche, il t’indiquera la direction à suivre.
***
En ces temps de batailles, impossible de trouver une embarcation fiable, alors, de ses mains, Maïa construisit un radeau. Consciencieusement, elle coupa des arbres qu’elle aligna, les noua avec des plantes, puis, lorsque celles-ci n‘y suffirent plus, elle fit des liens de ses propres cheveux. Elle tentait de faire au plus vite, car elle entendait les râles de son fils Hermès et en ressentait la douleur, tant celle-ci était forte et insupportable.
Après quelques semaines de dur labeur, Maïa demanda à Hermès de rassembler ses dernières forces, afin de se hisser sur le radeau, et, avec des pagaies qu’elle-même avait confectionnées, ils prirent la mer.
Le voyage fut long et périlleux. Certains jours, la mer était terriblement agitée, et les vagues, immenses, puissantes, venaient fouetter le radeau. De son frêle corps, Maïa tentait alors de protéger son fils, faisant barrage aux vents. Des rafales, sur son dos, elle continuait à ressentir la douleur, bien après que le calme n’arrive. Et ce calme ne l’épargnait pas davantage. Pagayer, redoubler et redoubler d’efforts, encore et encore, pour permettre à cette embarcation sommaire de progresser, lentement, certes, mais de progresser. Elle seule pouvait sauver son fils, elle le savait, et sa volonté était bien plus forte que les tempêtes, et ne laissait aucune place au découragement.
Un matin, le radeau finalement s’échoua sur une plage.
Epuisée, amaigrie, Maïa se jeta sur le sable.
Un pêcheur, plus loin, rangeait ses filets.
- Où sommes-nous brave homme ?
- Sur les rives de l’Adriatique, à Ortona.
Maïa regarda autour d’elle. Tout paraissait si calme ici, loin de son pays, la Phrygie, qu’elle avait fui.
- Et où se trouve le plus grand…
- …
Maïa n’eût pas le temps de terminer sa phrase, au loin, un rocher, grandiose, se détachait du ciel et répondait à sa question. Un nuage, jusque-là, l’avait caché. Il était immense, bien sûr, mais tellement majestueux, imposant par la force qu’il dégageait, pareille à celle qui animait Hermès autrefois. Instinctivement, elle sût que c’est vers cette montagne qu’elle devait se diriger.
- Brave homme, comment faire pour rejoindre ce rocher ?
- Ce rocher est en réalité une montagne, c’est le plus haut sommet de tous les environs. La route est longue, peu de personnes l’ont empruntée jusqu’à présent. La nature entravera ton chemin de nombreux obstacles. Seule, tu pourrais l’atteindre en une dizaine de jours, peut-être moins, mais avec…
L’homme regarda Hermès.
- C’est pour lui, mon fils, que je dois m’y rendre. Il y pousse une plante, la plus petite, qui pourra sauver mon enfant.
Quelques larmes coulèrent sur les joues de Maïa.
- Tu pourrais y aller seule et t’en retourner avec ta plante.
- Jamais je ne pourrai laisser mon enfant ici. Nous avons traversé tant d’épreuves ensemble, nous avons sillonné les routes pour atteindre la mer, nous avons failli périr dans les tourments des vagues, je ne veux pas risquer de le laisser, ou de me perdre en chemin, non, je ne peux me résoudre à le laisser, pas même le temps qu’il faut au soleil, pour parcourir le ciel du levant au versant.
- J’admire ta résolution, mais comment comptes-tu t’y prendre ?
Maïa laissa son regard se perdre audelà des nuages, et son corps s’imprégner de l’air, nouveau pour elle, et si caractéristique de ce paysage jusque-là inconnu. Et puis, après de longues et longues minutes, elle posa ses yeux sur le pêcheur.
- Connais-tu des hommes forts et dignes de confiance, prêts à aider une mère et son fils pendant de longs jours ?
- Que dois-je leur dire pour qu’ils t’accompagnent ?
- Dis-leur qu’ils auront la reconnaissance des dieux, je suis moi-même Maïa, fille d’Atlas et de Pléïoné et cet homme qui souffre n’est autre que mon fils, Hermès, fils de Zeus.
L’homme s’inclina.
- Maïa, tu es surtout une mère aimante, et pour toi j’irai quérir les hommes qui sauront vous conduire, jusque là-haut, sur le grand rocher. En attendant, tu trouveras dans mes filets de quoi te nourrir et nourrir ton fils, de quoi retrouver quelques forces.
Et l’homme s’éloigna, laissant à Maïa le soin de préparer un repas avec la pêche du jour.
***
Les jours passèrent.
Maïa avait confectionné, avec la végétation, une couche, pour qu’Hermès puisse s’allonger plus confortablement, sur cette plage. Ensuite, elle récupéra les bois du radeau, les fit sécher, et les assembla de manière à construire une civière, sur laquelle il pourrait se reposer, durant les longues journées de marche qui les attendaient.
Inlassablement aussi, elle chassait et pêchait pour tenter de rassasier son géant, mais ceci était tâche difficile, tant il était grand ; et pour mieux le nourrir, elle-même se privait.
***
Des pas résonnèrent dans la forêt de pins, toute proche.
Le pêcheur revenait, avec lui, six grands gaillards qu’il avait pris soin de choisir, en fonction de leur taille et de leur musculature.
- Comme te voilà affaiblie, Maïa, dit-il en regardant la jeune femme. Jamais tu ne pourras marcher suffisamment, il te faut reprendre des forces, laisse-moi te nourrir, et préparer pour toi une besace de vivres pour le voyage. Allonge-toi auprès de ton fils et repose-toi.
Le pêcheur partit en mer avec deux des hommes, alors que d’autres renforçaient la civière ou partaient à la chasse, pour préparer suffisamment de gibier qu’ils sècheraient pour la route.
De longs jours furent nécessaires, avant que Maïa ne soit enfin prête à quitter cette plage, qui les avait si humblement, mais si chaleureusement, accueillis.
Les hommes avaient installé Hermès, et n’étaient pas trop de six pour le porter. Maïa, quant à elle, regardait avec douceur le vieil homme et cette plage s’éloigner de sa vue.
***
La route était longue, il leur fallait emprunter des chemins qu’aucune âme vivante n’avait encore foulés. De nombreux cailloux ralentissaient la marche du groupe, et les ronces, orties ou encore insectes venaient entraver leur progression. Depuis l’aube, jusqu’au crépuscule, la préoccupation principale était de savoir où ils allaient bien pouvoir passer la nuit, car il faut savoir que pour cela, ils devaient chaque fois, ou presque, défricher un morceau de cette lande, très belle, mais trop souvent inhospitalière.
Il leur arriva, durant ce long périple, d’être obligés de rester au même endroit, durant plusieurs jours, suite à des piqûres de serpents ou autres bêtes inconnues. Par bonheur, Maïa, dans son ancienne vie, avait appris à confectionner des potions ou onctions capables de venir à bout de n’importe quel venin. En prévision de ce long voyage, elle s’était appliquée à en préparer, lorsqu’elle était encore là-bas, sur la plage.
Pas à pas, sans se retourner, sans regret aucun, le cortège poursuivait sa route. Un vent, léger, mais de plus en plus fort et froid, commençait à les menacer. Les quelques peaux qu’ils avaient, ne suffisaient plus à les réchauffer, et la distance parcourue chaque jour était de plus en plus courte. En effet, ils ne progressaient que sous la chaleur du soleil, et s’arrêtaient dès qu’ils trouvaient un refuge, tel une grotte, pour passer la nuit, protégés du froid, aussi par un beau feu qu’ils s’appliquaient à faire tous les soirs.
Les montagnes, au loin déployaient leur majestuosité, mais leurs sommets commençaient lentement à se colorer de blanc.
***
Enfin, au bout de longs mois, à parcourir plaines, collines et plateaux, à monter chaque fois plus haut vers les sommets, Maïa et les hommes parvinrent au pied de la montagne. Deux longues journées, peut-être plus, seraient nécessaires avant d’atteindre l’endroit tant espéré, à flanc de montagne, où se trouvait cette fameuse plante qui sauverait Hermès. Afin de rassembler leurs forces, de progresser plus rapidement le lendemain, Maïa proposa de s’arrêter plus tôt, afin de mieux se reposer, et de passer la soirée et la nuit, dans la petite grotte qui leur faisait face.
C’est ainsi qu’ils parvinrent à se réchauffer et à prendre un repos mérité.
***
Une lumière, bien plus claire que d’habitude réchauffait l’intérieur de la grotte. Aucun bruit ne troublait la tranquillité des lieux, et tout paraissait si différent de la veille, mais aussi des autres réveils.
Maïa regarda à l’extérieur de la grotte. Le paysage était recouvert d’une épaisse couche de neige. Le blanc avait enseveli le paysage. Le sol était blanc, le ciel était blanc, la montagne était blanche.
En hâte, Maïa sortit et poussa un cri strident. La réalité lui apparut dans toute sa cruauté.
C’était l’hiver.
Ce qu’elle avait voulu jusqu’à présent ignorer, se révélait à elle, maintenant, de la manière la plus douloureuse qui fût. Dans sa recherche éperdue de la plante qui sauverait Hermès, elle n’avait pas senti le froid et l’hiver s’immiscer, lentement, presque sournoisement. Les éléments semblaient s’être unis contre elle.
Elle le savait, jamais elle ne trouverait la fameuse plante qui sauverait son fils.
C’était l’hiver, la saison où la nature s’endort, pour mieux se réveiller au printemps. C’était l’hiver, combien de temps lui faudrait-il encore patienter pour que la plante tant attendue revienne à la vie ? Combien de temps encore attendre pour que l’espoir renaisse dans les yeux d’Hermès ?
Maïa s’effondra dans ce grand manteau blanc.
***
Au bout de quelques minutes, ou quelques heures, nul ne saurait le dire, elle sentit quelque chose de chaud et humide sur son visage. Un des hommes l’avait retrouvée, gisant sur le sol, là, à l’extérieur de la grotte, et humectait sa peau avec de l’eau qu’il avait fait chauffer. Il l’avait allongée auprès d’Hermès, afin que les deux corps se réchauffent mutuellement.
Mais au matin, Maïa fut réveillée par une onde de froid sur son bras.
Elle regarda Hermès, le toucha, secoua ses larges épaules, rien n’y fit. Hermès, son fils, son enfant, ne se réveillait pas. Il lui fallait se rendre à l’évidence. Hermès s’était éteint en douceur dans ses bras, les bras de sa mère, pendant la nuit.
Durant la journée entière, le corps de Maïa fut secoué de sanglots, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce qu’elle s’endorme, une dernière fois, près de son fils. Durant la nuit entière, qu’aucun sommeil ne parvint à apaiser, des sanglots, incontrôlables s’échappèrent de son corps endormi.
A son réveil, le corps d’Hermès avait disparu. Elle songea qu’elle avait peut-être rêvé et qu’Hermès était revenu à la vie, alors, remplie d’espoir, elle sortit de la grotte. Elle fut saisie par une image terrible : le visage de son fils était là, posé sur cette montagne, sur cette pierre, robuste comme lui, et s’élevait dans le bleu du ciel. Il avait retrouvé sa force, sa majesté, son imposante puissance. Il trônait, et on pouvait distinguer ses traits, qui se détachaient de la terre pour mieux s’élever et percer le ciel.
Maïa comprit que jamais aucun souffle ne viendrait réveiller ce géant de pierre.
Elle ne put se résoudre à quitter cet endroit. Un besoin irrésistible de contempler le visage de son fils, là, posé sur cette montagne, s’imposait à elle.
Les hommes, qui avaient fait ce long périple avec elle, ne parvinrent pas à la convaincre de quitter cet endroit. Ils usèrent de toute leur conviction, de tous leurs arguments, Maïa ne voulut rien entendre. D’ailleurs que pouvait-elle encore entendre ? Son chagrin l’avait tant anéantie, son seul désir était de rejoindre Hermès. Rester là, des heures, à contempler ce visage, posé sur la montagne, était sa seule consolation.
Les yeux de Maïa versèrent tant de larmes, qu’un ruisseau commença à se former, lentement, et de ces larmes, autant de fleurs, en hommage à Hermès vinrent à éclore.
Maïa resta plusieurs saisons à errer là. On dit qu’elle s’adressait souvent au visage de son fils, posé, là, sur la montagne. Les quelques bergers qui passaient, lui offraient de quoi se nourrir, elle, leur racontait son histoire. Parfois, elle apercevait des petites fleurs, plus petites qu’elles n’y paraissaient, et songeait qu’elles auraient sans doute pu sauver son fils, alors, elle les cueillait, s’en parait les cheveux, les goûtait, en enduisait son corps, en remplissait ses mains et les jetait dans l’univers comme autant d’offrandes à Hermès.
Un jour, un berger, venu lui apporter quelques vivres, la trouva allongée dans un champ de fleurs. Il s’approcha lentement et ses yeux se remplirent de larmes. Alors, il prit un brin d’herbe, entre ses deux pouces, et souffla. Un sifflement, plus puissant que jamais s’éleva de ses mains. Un à un, les bergers arrivèrent. Maïa n’était plus, elle s’en était allée rejoindre son enfant.
Afin d’honorer cette femme courageuse, cette mère aimante, ils lui firent de belles funérailles. Ils déposèrent son corps sur la montagne qui faisait face au visage de son fils, afin qu’elle puisse continuer à le contempler, à la lumière du soleil, comme à l’aura de la lune. Ils l’allongèrent, délicatement, son visage en direction de la mer, là où le jour l’avait vue naître.
Les bergers l’honorèrent en la couvrant d’innombrables fleurs, les plus belles et les plus précieuses qu’ils trouvèrent.
Allongée ainsi, sur ces crêtes, un profil de femme apparaît, qui semble se reposer à jamais. La bella addormentata, la belle endormie. Maïa.
Ils renommèrent la montagne sur laquelle était déposé le corps de Maïa du doux nom de Maiella, et la désignèrent ainsi : Montagne Mère.
Quant au grand rocher, le Gran Sasso, il fût dès lors appelé Géant de pierre.
Parfois, les deux profils ne font qu’une seule et même silhouette.
Les bergers racontent qu’aujourd’hui encore, par grand vent, on entend les râles de Maïa, ses errances dans les grottes et au pied du Gran Sasso, ses lamentations et ses pleurs pour son fils Hermès.
Pendant de longs mois, Maïa alla se recueillir au pied du Gran Sasso, pour y déverser toutes les larmes de son chagrin.
***
Ces larmes, si abondantes, continues, et interminables viennent former une source, une rivière, puis un fleuve, pour enfin se mêler en douceur à cette mer, qui la vit naître, la nourrit d’espoir, le temps d’un périple. Cette mer, comme un hommage à sa vie passée.