Qui cherche trouve - Tome I - Julie Fontaine - E-Book

Qui cherche trouve - Tome I E-Book

Julie Fontaine

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Beschreibung

Mais où est passée Philomène ? Dans la maison du vieil homme ? Dans son jardin, peut-être ?
Qui cherche trouve, c’est l’histoire d’un petit garçon contraint de chercher sa sœur, laquelle a disparu au cours d’une partie de cache-cache. Il rencontre un vieil homme, un peu sage et un peu fou, qui lui propose de faire une halte dans sa demeure… Le reste de l’histoire est une succession d’événements improbables mais importants qui confrontera le petit homme à quelques problématiques existentielles, l’occasion pour lui de s’initier aux pratiques du Philosopher - toujours accompagné du vieil homme.
C’est aussi un roman d’aventures fantastiques et philosophiques qui permettra aux lecteurs, qu’ils soient petits ou grands, de découvrir quelques grandes figures de la Philosophie antique, moderne ou classique.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Julie Fontaine est née en région parisienne en 1987. Elle choisit d’abord de poursuivre des études en Littérature et Sciences Humaines et obtient un Master à l’UPEC (Université Paris-Est, Créteil). En parallèle, elle poursuit tout de même ses études et obtient un Doctorat en Philosophie et Sciences Sociales (EHESS / IJN, Paris). Aujourd’hui, elle enseigne au Maroc et anime pour les Instituts Français des ateliers de Philosophie pour enfants.
Avec deux collègues marocains, elle crée l’Association Sève Maroc, une antenne de la Fondation Sève, sous l’égide du Philosophe français Frédéric Lenoir, afin de former d’autres intervenants potentiels. Sa passion reste l’écriture.

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Julie Fontaine

Qui cherche trouve !

Tome 1

Les pieds sur terre

Roman

© Lys Bleu Éditions – Julie Fontaine

ISBN : 979-10-377-0187-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

« Quand on est jeune, il ne faut pas hésiter à philosopher, et quand on est vieux, il ne faut pas se lasser de philosopher. Car jamais il n’est trop tôt ni trop tard, pour travailler à la santé de l’âme. Or, celui qui dit que l’heure de philosopher n’est pas encore arrivée, ou est passée pour lui, ressemble à un homme qui dirait que l’heure d’être heureux n’est pas encore venue pour lui, ou qu’elle n’est plus… »

Épicure, Lettre à Ménécée.

Préface

Avant que je ne parle de ce livre présent, Quicherchetrouve, j’opte d’abord pour écrire quelques mots sur son auteure, Julie Fontaine, afin que tout lecteur prenne en considération ses élaborations, ses œuvres éducatives dans son quotidien non fastidieux. Un quotidien d’échanges avec différentes générations, riches de philosophies et de littératures, et d’enfants, avec qui elle est d’autant plus généreuse…

Oui, les enfants sont sa plus grande préoccupation : elle espère être un pont que les générations ascendantes traverseront pour libérer leurs pensées et leurs points de vue, et tout ce qui concerne l’esprit de la jeunesse. C’est aussi à cette fin qu’elle anime un atelier de Philosophie pour enfants à l’Institut français de Casablanca.

D’emblée notre première rencontre dans un lieu artistique, elle partageait la table de quelques jeunes musiciens, passablement indifférente. Non pas indifférente à la musique, mais elle avait un travail très sérieux à faire, qui m’a d’abord paru étrange, à vrai dire. C’était un jeu de cartes philosophique pour enfants, mais elle n’en parlait surtout pas, trop occupée. Elle est peut-être sensible à la poésie, cependant : quand je lui ai débité quelques vers, elle m’a porté intérêt. Mais en pratique, elle pensait encore à autre chose : aux enfants et leur éducation. Lors de notre dernière rencontre, elle m’a déclaré une phrase que je n’oublierai jamais : « Je me bats contre ceux qui veulent que la philosophie soit réservée aux intellectuels et aux grands. La philosophie doit être accessible à tout le monde, et aux enfants surtout ». Cette phrase, c’était la réponse à une question que je lui avais posée : quel est le but de ton livre ?

Est-elle une philosophe contemporaine ? Une philosophie des Lumières ? Entre les deux. Et toujours gracieuse aux maîtres anciens.

Julie possède un caractère assez distingué, assez transparent, assez sage – un caractère poétique ! Je ne la flatte pas en tant que chère amie ou parce que nous partageons le même domaine savant, mais tout mot illustré emprunte une vérité, sa propre vérité, en bonne vivante qu’elle est ! Lorsqu’elle parle, elle n’imite point les Italiens par leur langage gestuel excessif : elle parle d’un langage verbal bien singulier, mais aussi signifiant. Une voix douce, ainsi que celle des poètes-penseurs-rêveurs, qui n’empêche pas sa fluidité de langue et sa rhétorique. Une éloquence qui doit être enviée et estimée – c’est mon cas des fois. Elle a un langage muet et mystérieux, celui de ses yeux verts lumineux et déterminés, et des paroles non hasardées : j’ai l’impression que parfois Julie prononce des oracles.

Maintenant, passons à son roman : livre ou ouvrage ? Difficile pour moi de le classer dans un genre littéraire précis. Philosophie, littérature fantastique et pédagogie.

Une philosophie stoïque, cynique, pythagoricienne, épicurienne, cartésienne, kantienne, tributaire de l’antiquité grecque. Une philosophie sans fin… Une littérature ouvrant un champ d’imagination, loin des contes de fées, parce qu’elle est une littérature fantastique magnant une pure philosophie.

Pour comprendre le roman, il faut se mettre dans l’esprit de Théo qui a perdu le fil, Théophile qui recherchait un vide et qui finit par le retrouver – et entre le vide et le vide il y a un destin, un néant empli de doute qui hante le petit homme toute l’histoire durant, une phrase qui rend tout possible et tout impossible, et qu’un philosophe ne dit jamais, jamais : « Et qui sait ? » Car il vit dans un jeu sans fin, comme dit l’auteure, car la vie est un jeu sans fin, un théâtre tantôt comique tantôt tragique – tout dépend du destin abstrait, et surtout du sort imprévu. Le petit homme, ou l’homme d’après ce que veut dire Julie de son personnage, doit s’habituer à l’infinité de la bizarrerie et c’est là le tiers de la sagesse : croire en quelques lois de la nature que la raison ignore. Des fois il faut accepter, consentir sans trop de questions, car c’est une fatalité ! Nous ne sommes pas maîtres de nos destins – lisons le stoïque Marc Aurèle, pour absorber le système de cet élément.

Une critique de la société avec l’homme du tonneau, le cynique, dit l’homme-chien, satisfait de sa nomination tant qu’il prend distance avec l’amas. « Du divertissement ! Rien de très palpitant ! Et surtout rien de vrai… », Comme, dirait le vieil homme.Et le vieil homme a raison. Mais cette raison n’est évidente que pour les philosophes, les simples gens, les hautains des superficialités. La grande partie où l’état social est bien critiqué est le chapitre Et de la retrouver… Ici s’achèvel’aventure d’un petit homme qui croyait que tout homme est bon de nature et qui comprend que le mal vient de la société. « Le mal, quand il se présente, n’est jamais naturel. C’est un artifice, il est superficiel ! Il vient de la société… ». D’ores et déjà, il y a une accointance et une osmose entre l’auteure et la nature, et tout ce que dit l’auteure sur la nature le ressent réellement, elle le vit pratiquement : elle vit simplement loin de la horde, mais bien proche de ses pensées, en cherchant la verdure, sinon un ciel clément tous les jours.

Ce qui est pédagogique dans l’œuvre, c’est l’exemple de l’introduction à la mythologie et à son rôle dans la société, l’héritage des pensées, des croyances, d’un style de vie sociale imité. Elle a évité d’écrire une sorte de cahier de leçons avec maintes informations – ce n’est pas d’un grand intérêt de donner des leçons, tout le monde peut faire des recherches dont il apprend facilement… Par contre, la réflexion n’est pas permanente chez tout le monde. Donc l’aspect pédagogique de ce livre permet d’habituer le lecteur à se poser des questions, à réfléchir, au cours de l’œuvre et après. C’est l’objectif de la pédagogie ! Certes, tout lecteur a sa propre façon de lire et d’interpréter les lignes, et entre les lignes, aussi je conseille les jeunes lecteurs surtout, et les débutants dans le domaine de la passion de la sagesse ou de l’amour du savoir, d’amorcer les premières lignes par les références, puis de rebondir au début de l’histoire.

Et puisqu’il faut conclure, je souhaiterais partager les mots de notre dernier échange…

Julie : Mon intuition me disait qu’on devait être amis, et je crois toujours à mon intuition.

Moi : Et moi je crois à ma raison, et rationnellement tu es fille de la nature, philosophe et poète, admiratrice des mots et des couleurs, et moi de même.

Julie : Merci, Charaf. Je suis heureuse qu’on soit complices des mots.

Moi : Un jour l’Histoire parlera de toi, et moi je serai l’historien.

Julie : L’Histoire parlera de nous !

Charaf Naciri

Avant-propos

— La Philo… quoi ?
— Philosophie !

Marius me regarde. Fais les yeux ronds.

— Comment ? Tu ne sais donc pas ?
— Non… me dit mon petit homme. Non, je ne crois pas…

— Oh ?... Mais c’est scandaleux !

Marius a six ans. Bientôt sept. Sept ans, c’est un symbole. On l’appelle « l’âge de raison ». C’est une sorte de tournant… Une étape. Une transition. C’est le temps de la conscience… De la conscience éveillée. Et le temps des cerises, alors ?

Temps délicat, période critique : il s’agit de comprendre, plutôt que d’explorer. L’enfant, déjà, s’est doté de principes. Ce monde lui paraît familier. Ses règles, parfois suspectes, il faut les deviner. Et les règles changent… Inconstances ! Comme la vie est étrange ! L’enfant découvre en même temps qu’il comprend. Il questionne, sans relâche. Insatiable, il insiste… « Et pourquoi la terre est ronde ? Et pourquoi le soleil ? Et pourquoi les nuages ? Et pourquoi il faut dormir ? Et puis, ça veut dire quoi, dormir ? Et rêver ? Ça veut dire quoi, rêver ? Et pourquoi la vie, et pourquoi la mort ? »… C’est un enfant : il veut comprendre. C’est dans sa nature, c’est tout naturel. L’enfant cherche, teste, expérimente. Il propose et suggère. Et ses questions le fâchent. Elles nous inquiètent, et puis nous lassent. Et que répondre ? N’est pas enfant qui veut !

Et « pourquoi tu ne réponds jamais à mes questions ? » me disait mon neveu, sommé, curieux. Parce que je n’ai pas la réponse, peut-être ?

— Mais qu’est-ce que c’est, ça, la Philophosie ? Reprends Marius.
— Philosophie !

Et les mots me manquent.

Dirais-je à Marius que la Philosophie vient du grec Philein, qui veut dire désir (au sens noble : aspiration) et de Sophia, la sagesse ? Ce serait un début. Un semblant. La Philosophie, petit homme ? Littéralement : une quête de sagesse. Mais je l’entends déjà : et qu’est-ce que c’est, ça, la sagesse ? Et qu’est-ce que ça veut dire, la quête de sagesse ? Et me voilà bête. Traduire, je veux bien, mais définir !

Et pourtant, sans le savoir, déjà, mon petit homme est philosophe. Il en a les réflexes. Et les travers, peut-être ? Il n’en connaît ni le sens ni le concept, mais ses actes témoignent. Ses attitudes manifestent : petit homme veut comprendre, il veut savoir et connaître. N’est-ce pas l’essentiel ? La Philosophie ? Il en a l’art et la manière. Disons que petit homme dispose déjà d’un savoir-faire. Disons qu’il pratique. Philosopher, il sait faire. Ou c’est déjà tout comme. Oh ! Si le monde savait ! Mais le monde le méprise. Ce naturel, il l’ignore. Petit homme est philosophe, mais rien ne le contente.

Comme le temps passe, les temps changent. On assiste depuis peu à une prise de conscience. L’an passé, l’UNESCO décidait de créer une Chaire de Philosophie pour enfants. Partout dans le monde, les actes se multiplient. Depuis quelques dizaines d’années, déjà, on organise des ateliers de Philosophie accessibles dès la petite enfance. Non sans controverse. De l’avis de certains, ces pratiques sont ambitieuses. La Philosophie est une discipline complexe, disent-ils, une pratique exigeante. Elle requiert l’exercice de compétences spécifiques, un certain niveau de maturité. Raisonner, délibérer, juger le pour et le contre relèvent sans doute de facultés naturelles, mais ces facultés doivent être développées, exercées. Maîtriser des concepts, être capable de distinctions précises, être attentif aux détails, faire preuve de discernement, juger de façon équitable, respecter des valeurs de tolérance et d’ouverture d’esprit, exercer son sens critique, mais sans tomber dans le doute systématique, développer un argument, trouver des exemples et des contre-exemples, à l’appui ou à l’encontre d’une thèse précise et précisément formulée… Ce sont des compétences accessibles, mais qui exigent une pratique régulière, une forme d’assiduité. Du reste, c’est tout l’enjeu des ateliers de Philosophie pour enfants : cultiver ces compétences, éduquer et orienter ces dispositions naturelles.

Ce roman est une contribution – aussi modeste soit-elle. Il faut le lire comme un roman didactique. Je m’inspire ici de pratiques très actuelles : proposer un récit qui transmette aux plus jeunes, comme aux novices, les outils qui les aideront à cultiver leurs dispositions (naturelles) aux pratiques du Philosopher. Il ne s’agit pas de dispenser un contenu spécifique. Il n’est pas question d’introduire aux théories, concepts et auteurs qui a contribué à l’Histoire de la Philosophie - classique, moderne ou contemporaine. Il s’agit plutôt d’éveiller l’esprit philosophique et ses tendances naturelles. C’est donc aussi une œuvre destinée à ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion d’exercer leur esprit critique et de s’exercer aux pratiques philosophiques.

C’est le parti pris : ces pratiques sont essentielles. Et leur ancrage est naturel. Philosopher, ce n’est pas manipuler des concepts par trop abstraits, élaborer des raisonnements complexes, penser suivant des règles fixes et rigides. Platon disait que la philosophie commence avec l’étonnement. Elle se poursuit avec le doute, critique, et une infatigable curiosité. Cultiver ces pratiques, intentions et tendances est donc d’autant plus rationnel qu’il s’agit d’abord de répondre à un besoin. Un besoin individuel, puis sociétal : ce sont ces valeurs et compétences qui nous permettront de participer au monde, à venir et actuel.

Et de ce point de vue, comme dirait Épicure, il n’est jamais trop tôt pour bien faire…

Les personnages

Philomène

Petite fille espiègle, Philo aime les shampoings à la noix de coco, les petits chats abandonnés, les énigmes, les jeux de hasard, les aventures, les imprévus, les pensées, les grandes idées et plus que tout… jouer à cache-cache.

Théophile

Petit homme sérieux, brave et intelligent, Théophile n’est jamais tranquille. Il aime les promenades au bord du lac, les grenouilles, les tutus roses, les petites boules de poils aux reflets de lune, le silence et le calme. C’est sûr, pour le petit homme, la vie est une aventure… Qui parfois le désole !

Le vieil homme

Imprévisible, mais fidèle, le vieil homme est un homme savant, remarquable et brillant. Un peu fou et un peu sage, ses répliques sont un peu comme ses yeux : fascinants, mais changeants. Du reste, c’est un homme bon et toujours bienveillant.

Éphémère

Petit chat au regard noir, éphémère est surprenant. Agile, rapide, courageux, imprévisible, il a toujours réponse à tout. Il aime les rêves, les rats des champs, le vieil homme, Théophile, Philomène et le parfum de fumée. On dit de lui qu’il est irrésistible. Et certes, dans son regard, parfois, on peut apercevoir la lune, ses reflets, et un arc-en-ciel de nuances…

Secrète ! Évidemment…

— Oh, oh ! dit-elle, tout en dénouant ses cheveux.
— Oh, oh, ça ne veut rien dire ! répond son frère, d’un air petit, grincheux.
— Mais j’ai les cheveux tout engourdis !
— Ça non plus, ça ne veut rien dire !

C’est sûr, certain, il n’est pas d’humeur…

La petite fille l’ignore. Elle passe les doigts entre ses boucles fines, qu’elle délie et tortille, d’un geste précis. Avant de se pencher, tête baissée, pour se relever d’un coup, d’un seul : un vrai cirque.

Théophile n’y tient plus : en avant toute, la tête haute, il la méprise et presse le pas.

Quelques pas encore, puis il s’arrête, se retourne. Le silence le gêne. Mais où est-elle ?

— Philomène ? soupire-t-il.

Rien ni personne : rien qu’un silence pantois.

— Philomène ?

Il insiste, mais rien n’y fait. Une fois encore, haut et fort !

Un silence.

Le petit homme est nerveux. Et d’ailleurs, ses mains… On dirait qu’elles tremblent…

— Je t’ai eu !!!

Philomène, enfin, sort de sa cachette – secrète ! Évidemment… Puisque c’est une cachette ! Elle court rejoindre son frère, un large sourire creusé de fossettes, et tourne, tourne à tue-tête autour du pauvre Théophile qui, décidément…

— N’es pas drôle, dis !

Ses grands yeux verts le contemplent. On dirait qu’ils se moquent. Théophile perd patience : sa tolérance dégringole. Et la petite fille de tourner, tourner sans détour, encore et encore, les cheveux engourdis, peut-être, mais libres, libres comme l’air ! Libres comme le vent qui chahute, libres comme une pierre au soleil !

— J’ai failli m’inquiéter ! crie le petit homme.

Mais sa petite sœur l’ignore.

— Et quoi ? dit-elle. Ce n’est pas de ma faute à moi, si tu te fais des tracas !
— Ça ne se dit pas, se faire des…
— On joue à cache-cache ?

Philomène se retourne, puis tourne et tourne encore, et encore et encore, ses boucles fines balayant son visage, le sourire rehaussé d’un ton – encore ! Le tableau est complet.

— Ah non ! Ça ne va pas recommencer ! crie le petit homme.
— C’est toi qui comptes !

La petite fille recule, avant de disparaître, le temps d’un dernier clin d’œil, amusé. Et de crier, d’une voix sortie de nulle part – et partout, tout à la fois :

— Tu comptes jusqu’à l’infini !

Pauvre Théophile !

— Mais n’importe quoi ! Ça ne veut rien dire, ça, tu comptes jusqu’à…

Il s’arrête. « Ça ne sert à rien de parler tout seul », pense-t-il. Quoique seul, passe encore. Mais seul et en colère !

Et sa petite sœur qui a disparu… Proprement ! C’est-à-dire : ni vu ni connu !

Théophile observe.

— Philomène ? hasarde-t-il.

Disparue, en effet.

Le petit homme cherche. D’un regard, il fouine, scrute et inspecte. Serait-ce des boucles brunes, ces ombres qui se tordent ? Ici, juste ici, pour commencer, ici à droite, plus exactement, derrière le chêne, près du trottoir… Théophile s’avance. Puis recule. Non, ce ne sont pas des boucles. Rien que des branches…

— Je ne sais même pas comment on fait, moi, pour compter…

C’est-à-dire que l’infini, c’est grand. C’est même plus que grand. C’est immense, l’infini… C’est incommensurable, même ! Non, c’est encore plus ! En fait, on ne peut pas vraiment dire : c’est indescriptible, ce truc.

— Et d’ailleurs, pas dit qu’on puisse l’imaginer, non plus !

Théophile sursaute. Se retourne. Personne… Il lève la tête, l’incline. La tourne et la retourne, à droite, à gauche, les yeux fatigués de chiner. Mais non, toujours pas… Rien que le silence… Le silence et personne… Le silence en personne ?

Théophile se demande. Se retourne à nouveau… Oh ! Ça alors ! Un vieux monsieur, avec un chapeau ! Mais pas un chapeau pointu – turlututu ! Non, un chapeau haut de forme ! Si haut, mais presque difforme ! Un chapeau magnifique, vraiment…

— Eh, merci ! dit le chapeau.
— Mais je n’ai rien dit ! répond le petit homme.

Théophile le regarde, passe un silence. Son visage est gris. Puis, comme le vieil homme ne dit rien et que le silence, ça fait trop de bruit :

— Je m’excuse…
— Je comprends ! répond le vieil homme.
— Non, c’est que…
— Oui ?

Le chapeau se courbe, élégant.

— Je cherche…
— Évidemment ! s’écrie le vieil homme.

Le vieil homme ou le chapeau ? Théophile s’étonne. Il n’a encore rien dit ! Ceci dit, ce chapeau est merveilleux. Si haut, si haut… Théophile ne le quitte pas des yeux. Il pourrait s’y perdre…

— C’est le lot de chacun, poursuit le vieil homme…

… et son chapeau haut de forme ! Oh, une rime !

Théophile voudrait se taire. Mais c’est plus fort que lui. Et de répondre, d’une petite voix :

— Je cherche…
— Oui ? réponds le vieil homme.
— Philomène…

Le vieil homme est ravi.

— Eh donc ! Une énigme ? Sacré veinard, je suis le roi des énigmes ! Celle-ci, toutefois, me paraît trop simple… Philo mène à Sophia, voyons ! Tout le monde sait ça !

Théophile reste interdit.

— Eh quoi ? Ce n’est pas ça ?
— C’est ma petite sœur.
— Oh ? Comme tout s’explique !

Le vieil homme a des yeux bleus, aussi. Très bleus, même. Bleus-gris, parfois. Les reflets changent. Ce n’est pas comme les yeux de Théophile, aussi clairs que ses cheveux. Sans reflets, mais intenses : autour de sa pupille, un marron chaud et dense, cerclé de vert – c’est une chance, et sans doute, tout le monde trouve le petit homme irrésistible. Avec ses taches de rousseur sur la pointe des joues, ses cheveux en bataille piqués de blond, le petit homme a des allures de bon garçon. Un vrai petit ange ! D’ailleurs, le vieil homme dirait tout pareil : un petit ange tombé du ciel, dirait-il. Ou de son chapeau haut de forme ? De quoi glaner un peu de bienveillance !

— Bon alors je peux t’aider, sans doute… Petite, comment ?

Théophile se concentre. Petite…

— Petite comme trois pommes ? hasarde-t-il.

Le vieil homme esquisse un sourire, puis se saisit de son chapeau. Il en sort une banane, qu’il tend au petit homme, puis une poire et des cerises. Les cerises tombent et le vieil homme se penche. Il en ramasse une grappe et puis les croque. Théophile a horreur des cerises. Alors le vieil homme recommence, sort une banane (encore une !), puis des oranges, et puis… Oh ! Une pomme ! Et deux autres encore…

— Et de trois, donc ! Le compte est juste ?

Le petit homme est stupéfait.

— D’accord, l’infini, c’est beaucoup. Mais deux et un voyons, petit homme…

Théophile secoue la tête : semblerait que non. Non, non, il ne rêve pas.

— Trois, oui, le compte est juste… dit-il enfin, dans un murmure.
— Bien ! Et donc, nous disions…

Les pommes s’agitent, puis s’exécutent, sous le regard bienveillant du vieil homme – ou de ses bottes, peut-être, car c’est comme si ses bottes orchestraient leur chahut. Une par une, les pommes s’