Ressouvenance - Laure-Ednie Dieudonné - E-Book

Ressouvenance E-Book

Laure-Ednie Dieudonné

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Beschreibung

Laure-Ednie Dieudonné, née en Haïti et installée en Suisse, est une poétesse et artiste dont l’œuvre se distingue par un dialogue entre la poésie et les arts visuels ou de la parole. Son écriture reflète une exploration profonde des thèmes de l’exil, de la nostalgie et de la quête identitaire. Elle s’inspire notamment de ses racines multiples, de l’errance géographique et spirituelle humaine, et d’une quête d’écho à travers les autres.

Ses ouvrages, composé de textes écrits sur plusieurs années, comme son recueil poétique "L’Echine du Ciel" (2018) ou son recueil de fragments "Jour, dans notre maison de campagne" (2018), abordent le sentiment de déracinement et la nécessité de s’exprimer pour ne pas se perdre en chemin. La poétique de Laure-Ednie Dieudonné évoque des souvenirs intimes et des réflexions sur la réconciliation avec soi-même et avec les autres. Son style à la fois personnel et universel émeut autant qu’il inspire

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Seitenzahl: 45

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

Titre

Laure-Ednie Dieudonné

Ressouvenance

Photo de départChant et autolouange de la photo de départ deHaïti

-One !-Respe !

Je suis oeil delynx

J’avance telle une cheffe detribu

Je traque la piste du gibier

Je parle aux esprits dans les volutes blanches de mon calumet

Quelques indices et je résous l’énigme de mon peuple

J’alimente de bois odorant le feu de ma pugnacité

Un morceau de charbon brûlant et j’inscris le nom de l’animal fétiche sur mesjoues

Je frémis à l’idée de dépecer la mort et de me couvrir de sapeau

Je rampe dans le silence

Je serpente entre les épines

Je déjoue les morsures des cactus

Je suis concentration extrême

En un seul coup furtif je mets à plat l’ombre

Je l’expose en pleinjour

Je porte sur mes épaules fières la toison dorée au prix de malutte

Mon arbre généalogique ne repose pas sur des structures quelconques. Je n’ai pas d’archives d’un état civil. Je dois me renseigner auprès de ceux qui ont encore la mémoire vive et sont prêts à me donner une petite poussière à défaut d’une étoile de leur histoire ou de ce qu’ils en ont entendu. Je vais commencer à récolter les informations pour savoir un peu plus d’où je viens. Un peu plus où je vais.

Durant les vacances, j’ai feuilleté l’album photo de ma mère. J’ai affiché une photo avec ma grand-mère maternelle sur le réfrigérateur. Je suis debout entre ma tante Man Luc et ma grand-mère. Mon petit frère esquisse un large sourire malicieux à côté de la grand-mère.

Je vois cette femme qui me semble immense à mes côtés. Elle se tient face à son gendre. Moi qui avais transformé mon père en un géant dans mes souvenirs d’enfant, je vois que ma grand-mère paraît plus grande que mon père sur la photo.

Je regarde ma grand-mère. Elle est élancée, droite, noire et belle. Je l’aurais oubliée sans cette découverte dans l’album de ma mère il y a quelques années. Je l’aurais oubliée en lien avecmoi.

Sur cette photo, mon frère sourit alors que je fixe avec une certaine gravité l’objectif. Je suis vêtue de cette fameuse petite robe de tulle rose ajourée, très jolie, mais qui se révélera inutile pour affronter le froid de décembre dans un village des préalpes fribourgeoises. Mes mains se tiennent. Les doigts se croisent et se décroisent comme impatients du voyage.

J’étais étonnée de la composition de la photo avec ma grand-mère à mes côtés, car je ne m’en souvenais pas du tout. Je ne me souvenais pas de cette grande femme foncée et qui semblait plus sérieuse encore que moi. Elle était habillée avec un ensemble, une jupe et un haut blanc cassé à taches brunes. Un foulard blanc était attaché autour de sa tête, comme un autre foulard de la même couleur l’était autour de celle de ma tante.

Je ne me souviens pas de ma grand-mère, mais je réalise maintenant qu’elle avait fait le déplacement depuis Ouanaminthe, à l’autre bout du pays, pour nous accompagner à la capitale et nous souhaiter bon voyage à nous, ses petits-enfants. Sacré bout de femme, un vrai potomitan dressé à côté de moi, sa petite-fille de cinq ans.

J’avais oublié que ma tante avait été jeune et mince. Son visage à elle aussi est d’une certaine gravité. Ma tante se tient à mes côtés, à ma droite. Elle est debout près de moi, comme elle l’a toujours été depuis lors malgré les kilomètres qui nous séparent.

Ces deux femmes m’entourent d’une bienveillance sans limites. Cependant, elles ont toujours contrôlé les frontières de l’étendue de son application avec énergie, sans jamais baisser leur garde.

Les souvenirs que j’ai de ma tante Man Luc ont l’odeur de l’akasan1 du petit déjeuner ou du riz au pwa kongo2 qu’elle me cuisinait l’après-midi lorsque j’étais étudiante à New York. C’était un vrai bonheur pour mes papilles qui auraient pu tout oublier si ce n’était, de temps à autre, un morceau de Gruyère soigneusement emballé sous vide que je savourais avec parcimonie pour combattre le mal de mon autre pays. Ce fromage se conservait bien toute la durée de la traversée sur les bateaux négriers aussi. Il continue à voyager aujourd’hui pour d’autres raisons commerciales.

Je n’ai pas de souci de manger du Gruyère. En revanche, de façon épidermique, j’ai longtemps eu une répulsion pour le chocolat. J’aimais le chocolat de ma petite enfance, un gobelet de lait et d’eau tiède avec des morceaux de cacao et des épices.

Pour une raison qui m’est encore inconnue, l’origine du cacao me semblait suspecte durant mon enfance en Suisse. Aussi, j’ai travaillé à l’usine Cailler de Broc pour financer mes voyages sans la tentation de goûter les petits carrés blancs ou bruns que j’y emballais. La douceur du chocolat suisse ne m’a donc pas manqué durant mon séjour estudiantin, même si j’étais exilée deux fois : d’Haïti et de la Gruyère.

Je revois ma tante Man Luc qui s’affaire au-dessus de la cuisinière à gaz à Brooklyn. Nous nous retrouvons à Ouanaminthe, New York, Miami ou au Cap-Haïtien. Lorsque je la revois quelques années plus tard en Haïti, elle est assise sur le perron d’une porte avec des tissus et des vêtements qu’elle trie pour le marché. Je la salue rapidement pour lui dire au revoir, car je suis en route pour l’aéroport.



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