Sept mook #41 - Ella Maillart, images inédites - Ella Maillart - E-Book

Sept mook #41 - Ella Maillart, images inédites E-Book

Ella Maillart

0,0

Beschreibung

Douée d’une énergie extraordinaire, d’un esprit indépendant et d’une curiosité très vive, Ella Maillart (1903-1997) fut l’une des plus formidables aventurières du XXe siècle. Ses récits de voyage, son oeuvre photographique, ses reportages ont fait d’elle une autrice mondialement connue. A côté de l’écriture, dont elle disait qu’elle ne l’avait jamais maîtrisée, Ella Maillart a aussi été une superbe photographe – qu’elle prétendait n’avoir jamais été! Tout au long de ses pérégrinations, elle a constitué une fabuleuse collection iconographique déposée Musée cantonal pour la photographie Photo Elysée à Lausanne. Parmi ces images qui donnent à voir un monde à jamais disparu, près de 4’000 diapositives couleur jamais publiées jusqu’à aujourd’hui. Des clichés qui nous révèlent la qualité du regard de cette femme hors du commun que Sept mook vous propose de (re)découvrir à l’occasion des 120 ans de sa naissance.

Très tôt, Ella Maillart nourrit le besoin de s’émanciper du monde des adultes. Skieuse et navigatrice d’élite (plus jeune compétitrice et seule femme dans une épreuve de voile aux Jeux Olympiques de Paris en 1924), l’athlète se donne son premier cap, la mer, comme nous le raconte l’écrivain Gérard A. Jaeger. La tentative avortée de traverser l’Atlantique met fin à cette carrière, mais pas à son désir de liberté. A 26 ans, elle parcourt le Caucase, seule, et découvre la vie des nomades. Une rencontre qui la met définitivement sur la longue route de l'Orient et décide de son destin d'écrivain et de photographe. Son goût du risque et la recherche de différences la conduisent aux confins de régions inexplorées et souvent interdites, l’Asie centrale, la Chine, l’Iran et l’Afghanistan. La Deuxième Guerre mondiale la pousse à se réfugier en Inde, où elle restera cinq ans. Sa soif d’aventure se transforme en quête de spiritualité. Un voyage intérieur que l’historienne Fanny Guex nous invite à suivre. 

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 172

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



I 3Printemps 2023 Sept mook Notre manifesteSept, le meilleur du slow journalisme francophoneOsons être utiles. Notre mission n’est pasde vous distraire. Le journalisme utile quenous pratiquons ne veut cependant pas direjournalisme utilisé ou utilitaire. Nous sommesutiles parce que nous éclairons notre temps de manière intelligible et que nous vouspermettons de mieux le comprendre pour faire de vous des citoyens avisés.Osons l’excellence. Nous pratiquons unjournalisme de qualité. Un journalisme vrai quicoûte plus cher qu’une information prémâchéepar des agences de communication ou desgouvernements. Qui ne dépend pas que duseul journaliste. Nos équipes sont multiples:correcteurs, relecteurs, éditeurs, journalistes,photographes, graphistes, multimédiamaticiens,fact-checkers… Ensemble, nous travaillons pourvous livrer un produit artisanal digne d’uneappellation d’origine protégée. Voilà pourquoinous portons le plus grand soin à la forme de nos contenus.Osons innover. Nous améliorons sans cesse nos contenus et nos interfaces grâce à vosindications et remarques pour que votreexpérience utilisateur soit la plus confortable et la plus innovante possible. Au risque, parfois, de nous tromper... pour mieux rebondir.Osons l’intelligence. Nous ne détenons pas lavérité. Nous sommes les porteurs éphémères, lesintermédiaires d’une information qui doit vivre,se répandre, provoquer le débat et faire avancernos sociétés dans l’intelligence et la raison.Osons changer de rythme. Au diktat del’actualité et des réseaux sociaux, nous préféronsles informations négligées et occultées par lamajorité des médias. Nous prenons le temps defouiller, de creuser ailleurs pour vous rapporter etvous raconter des histoires inédites qui font sens.Avec pour seule ligne rédactionnelle, celle d’unregard original sur la marche de notre monde.Osons être longs. Aujourd’hui, nous pouvonschanger le monde en 280 caractères. Mais pour le raconter, pour le comprendre, il en fautbeaucoup plus. Nous donnons donc de l’espace à nos histoires, de l’ampleur, de la longueur et de la nuance, car le monde n’est pas tout blancou tout noir.Osons moins, mais mieux. Produire moins, maismieux. Telle est notre devise. Car l’information quipeut changer le cours du temps doit mijoter delongs mois. Ce temps lui donne de
Patrick VallélianChère lectrice,Cher lecteur,Attendez avant de plonger avec gourmandise dans les pages duSept mook que vous tenez entre les mains. Quelques secondes encore.Prenez une longue respiration, puis expirez lentement. Oubliez toutce qui vous entoure et déconnectez votre attention de ces alertesqui courent sur les écrans fatigués de vos vies.Maintenant, vous êtes prêts à entrer dans l’univers de notre41e magazine-livre, un numéro exceptionnel consacré à Ella Maillart(1903-1997). Outre de magnifiques textes qui vous mettront surla piste de la plus audacieuse des aventurières du XXesiècle, tourà tour navigatrice sur la Méditerranée, membre de l’équipe suissede ski et archéologue en Crète (pages 12 à 37), voyageuse intrépideet sans permis dans les Républiques soviétiques reculées(pages 40 à 65) et élève méditative et immobile dans le sud de l’Inde(pages 66 à 91), vous pourrez vous délecter d’un récit photographiqueinédit en couleur de cette femme hors du commun. Des images quisont rendues publiques pour la première fois (pages 92 à 151).C’est le cadeau que nous rêvions de vous offrir pour fêterdignement nos neuf ans d’existence. Grâce à la confiance d’AnnelieseHollmann, l’amie et héritière d’Ella Maillart, et du Musée cantonalpour la photographie Photo Elysée à Lausanne, nous avons puréaliser ce projet qui nous tenait particulièrement à cœur. Mercià eux et à tous ceux qui ont permis ce petit miracle qui souligneles multiples talents de cette Suissesse amoureuse du monde etde ses habitants.Durant sa carrière d’exploratrice, Ella Maillart n’a pas eneffet que promené sa plume. Elle avait aussi un appareil photo enbandoulière. Et c’est son regard inédit sur l’Afghanistan, le Népal,l’Iran, l’Ouzbékistan, le Bhoutan, le Cambodge, le Ladakh,
d’un siècle. Cela aurait été une faute de goût. Comme il aurait étéindélicat de notre part de ne pas vous proposer un menu de choixpour vous remercier ainsi mille fois de votre soutien, de vos motsd’encouragement et de votre enthousiasme au moment où nouspassons un nouveau cap.Ce cap, ce sont de nouvelles offres qui s’ajoutent à celles,traditionnelles, de nos grands récits mis en ligne sur notre sitesept.info et publiés dans notre mook. En 2022, nous avons lancénos audio-mooks qui vous permettent d’écouter grâce à notreapplication de réalité augmentée certaines de nos histoires luespar des comédiens. En parallèle, les Editions Sept ont fait leurspremiers pas. Nos Cahiers de Sept que recevaient jusque-là
10 I Sept mook Printemps 2023«Les mots sontimpuissants à décrirecertaines émotions.Les plus vrais, les mieuxchoisis, trahissent le plussouvent la vie.»14«Je ne pars pas poursavoir le
Ella Maillart avait treize ans lorsqueses parents se sont installés auCreux-de-Genthod, dans la prochebanlieue résidentielle de Genève. C’est unepetite anse tranquille protégée des coupsde vent, où le peuple du lac s’en vientpaisiblement côtoyer les plaisanciers.En 1916, tandis que les canons tonnentà Verdun, la jeune adolescente prendintuitivement le parti de rêver. De s’abs-traire du monde des adultes qui s’agite etse délite. Longtemps après, tandis qu’elleavait jeté l’ancre en Inde, elle introdui-sait ses mémoires de mer (La vagabondedes mers, traduit en français en 1991) parcette phrase évocatrice d’une premièrevie essentiellement vouée à l’apprentis-sage de son émancipation spirituelle:«Les pages qui suivent consistent en desévocations de mon insouciante jeunesse[…] En m’efforçant de rassembler ici messouvenirs, j’ai voulu prendre un recul suf-fisant pour être à même de tirer un traitsur mon passé, pour l’oublier dès lors quecette récapitulation m’aurait appris sanscomplaisance quel personnage j’étais.»Sans la moindre bienveillance pour lafureur des hommes et le matérialismeoccidental, elle consacra la première par-tie de sa vie d’adulte à tenter d’échapperà la condition bourgeoise de sa naissance.A se constituer une feuille de route.D’abord, en prenant la mer. Son aven-ture initiatique remonte à l’âge où safamille s’installa sur les rives du Léman.C’est donc vers l’âge de dix ans qu’elles’était mise en tête de bourlinguer. Elleaimait insister que ce fût en naviguantqu’elle s’était forgé son destin. Elle en diradavantage dans Croisières et caravanes (1942pour l’édition originale anglaise; 1951 pourla première édition française) qui com-pile ses aventures maritimes et celles quil’ont conduite aux confins des grandesplaines désertiques, au-delà du mondeque fréquentait alors la société occiden-tale. Après avoir accompli «la grande tra-versée» de sa vie. Car elle n’a jamais cruà la prédestination, puisque dans la réa-lité les choses n’obéissent pas à une tellelogique: «On se dirige à tâtons […] versl’inconnu», reconnaîtra-t-elle aux fron-tières de l’âge mûr. Elle n’a jamais doutéde sa bonne étoile. Peut-être plus brillantequ’une autre, elle l’a conduite à croire en
déjà fort adroite pour tirer des bords sur lepetit dériveur familial, tandis qu’Ella fai-sait naviguer de prometteuses maquettesle long du rivage de Genthod. Mais «degrands jours s’annonçaient!» aux diresmêmes de la future aventurière. C’est ainsique les deux amies prendront ensemblele large, dans l’enfermement du Lémandont elles inventaient des caps et desdétroits tempétueux inspirés de leurslectures de Jack London; mais la clôturedu lac n’était qu’un avant-goût des navi-gations exotiques qu’elles s’inventaientle long de ses rives, dans une successiond’équipées romanesques à la recherche dela Toison d’or! Maîtrisant parfaitement lespetites unités qui les avaient rapidementrendues célèbres parmi la communautémasculine des régatiers, les deux amiesse révélèrent bientôt comme d’authen-tiques rivales, remportant des coursesen barrant des voiliers lourdement les-tés jusqu’aux confins du Haut-Lac. SiHermine de Saussure – communémentsurnommée «Miette» – avait plus d’expé-rience, Ella Maillart saisissait toutes lesoccasions de s’illustrer… jusqu’à risquerle naufrage. Ce qui l’attirait consistaità dépasser la limite qu’elle avait franchiela veille. Elle apprenait vite à force d’obs-tination et d’expérimentations, à la seuleécole de vie qui lui convenait vraiment.Elle était intuitive et ressentait la nature etles éléments dans sa chair; dès lors qu’ellese libérait de la coquille vide qui l’empri-sonnait. Ce qui lui paraissait importantse trouvait ailleurs: au cœur d’un mondedont elle percevait intuitivement l’exis-tence, en dépit des écueils qu’elle pressen-tait devoir vaincre. En marin, en inventeurde sa vie. En exploratrice d’un univers quipatiemment lui permettrait de se décou-vrir; d’être en adéquation avec ce qu’ellerêvait de devenir. Or, comme elle vivaitencore dans une sorte d’autarcie familiale,elle chercha quelque temps son chemindans les arcanes de la comédie humaine.Elle voulut devenir actrice afin de trou-ver dans le répertoire dramatique un per-sonnage à sa mesure; mais elle déchantarapidement, n’y trouvant personne pourla prendre par la main, la conduire dans sapropre quête. Il fallait donc qu’elle inven-tât sa vie selon ses aspirations, et qu’ellefût attentive à toutes les sollicitations quise présenteraient. A dix-sept ans, n’arri-vant pas à voir quel avantage elle pouvaittirer de longues études classiques, ellesut saisir sa chance en dépit des conve-nances et des projets de vie convention-nelle que sa famille, comptable de sonavenir au regard de la tradition dont elleétait issue, lui réservait. Miette de Saus-sure, qui se relevait d’une grave mala-die, lui fit bientôt savoir qu’on l’envoyaitpasser l’hiver sur la Côte d’Azur. Sachantqu’elle avait quitté l’école et qu’elle étaitlibre de son temps, elle lui proposait del’accompagner dans sa convalescence.Les parents d’Ella – qui comptaient surcette parenthèse sabbatique pour queleur fille abandonne l’idée d’embrasserune existence qu’ils jugeaient sans ave-nir – acceptèrent qu’elle la rejoigne pourquelques semaines, le temps qu’elle seressaisisse. «Je présentai à mes parentsmes devoirs envers une amie
Ella en 1915, la montagne en jupe.De sa mère danoise,sportive accomplie,elle a hérité le goûtdu ski et de lacompétition. Membrede l’équipe de Suisse,Ella participera aux premierschampionnats dumonde de ski alpin à Mürren en 1931,puis à Cortinad’Ampezzo en 1932, à Innsbruck en 1933et à St. Moritz en 1934, où elleterminera sixième de la descenteféminine.© Succession EllaMaillart et PhotoElysée, Lausannepour nous aider, nous allions six moisdurant naviguer sur un cotre le long descôtes de la France méridionale.»Ella Maillart a recherché l’âme deschoses toute sa vie; cette immatérialitéqui explique l’existence par l’introspection.Depuis qu’elle a l’âge de raison, elle s’esttoujours opposée à l’idée de «situation»et de «considération» telle que la définiten Occident le concept de civilisation.Elle voulait bien prendre son avenir ausérieux, mais selon ses propres critères.Ce qui n’en faisait pas une rebelle pourautant, ni a fortiori une inconsciente. Ellea juste su, très jeune, mettre en balanceles notions de responsabilité et de plai-sir. Quelque vingt ans plus tard, elle nereniait rien de ses choix: «Je repoussai leconseil de mon père, qui était de construirema vie sur la base de la sécurité maté-rielle.» Elle ne s’est jamais moquée desconséquences de ses actes. Lorsqu’elleprenait une décision, elle était réfléchie;toute opportunité devait avoir un sens,une direction. En prenant la mer, elle sedonnait un cap. Elle quitta donc Genèvepour aller rejoindre Miette de Saussureà Saint-Tropez. Or, ce départ que sesproches prenaient pour un caprice d’ado-lescente était une porte ouverte sur denouveaux horizons, dont elle était seuleà mesurer la portée: la perspective denaviguer encore, plus longtemps, tou-jours plus loin. Dans le sillage de JoshuaSlocum (navigateur canadien ayant étéle premier à faire le tour du monde à lavoile en solitaire, à bord d’un sloop de11,20 m, entre le 24 avril 1895 et le 27 juin1898, nda), dont la circumnavigation avaitdéfrayé la chronique peu de temps avantsa naissance. Elle avait secrètement décidéde ne plus se questionner sur la façondont elle allait appréhender l’avenir,car sa réponse était sans équivoque: elleavait choisi de vivre heureuse. Sa philo-sophie s’enracinait dans la certitude qu’ilfaut exalter l’instant présent. En se ren-dant à l’appel de sa meilleure alliée, elleécrivait le premier chapitre d’une nou-velle identité, qu’elle confirmera vingtans plus tard après avoir définitivementjeté l’ancre. Ayant rejoint Miette de Saus-sure à Paris au mois de novembre 1922,elles prirent toutes deux le chemin de laMéditerranée où elles attendirent impa-tiemment d’embarquer sur le bateau deleur rêve. Sans lui, rien n’eût été pos-sible, car il fallait qu’elles s’émancipent.Voguer au-delà de l’univers des adulteset de ses contingences leur était devenuindispensable. C’était le temps de l’aven-ture et de l’amitié, les premières armesde deux jeunes filles en quête de liberté.L’ivresse de l’instant présent les détour-nait de toute autre préoccupation. L’ave-nir se conjuguait au présent, au rythmedes émotions.Il existe plusieurs versions de cet épi-sode fondateur. Dans la première éditionen anglais de La vagabonde des mers en 1942,Ella Maillart résume cette première expé-rience qu’elle ne semble pas ancrer dansle processus d’avenir qui devait faire de lamer l’une des clés de
liens avec ce qu’elle allait découvrir encompagnie de ses partenaires d’aventureet d’expédition. Une décennie plus tard,elle reviendra sur cette partie essentiellede sa vie et se penchera sur l’importancede son passé maritime avec davantage deprécisions et de compréhension dans Croi-sières et caravanes. La publication de ses pre-miers souvenirs ayant été dictée par unimpérieux besoin d’argent l’encourageapar ailleurs à s’attribuer des rôles dont ellen’avait été parfois que la cheville ouvrière;or, si le contexte qu’elle décrit est roma-nesque à souhait et la part d’héroïsmequ’elle revendique sans doute exagérée,l’artifice littéraire n’a rien d’une impos-ture et n’enlève rien à sa persévérance,à son courage et au fait qu’elle fut une vraiefemme d’action tandis que sa générationse perdait en conjectures sur le destin quilui était dévolu et qu’elle perpétuait parune lâcheté complaisante. La Perlette – quiavait appartenu au pionnier de l’aviationLouis Breguet – avait été achetée au Havrepar Miette de Saussure. Il s’agissait d’unsloop à barre franche, que son équipaged’amazones allait rendre célèbre aprèsquelques réparations et avitaillementsde fortune. Encore un peu marins d’eaudouce, les filles du lac allaient surprendretout le monde par leur compétence et