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Sur l’estran suivi de petits mots est un recueil de poèmes qui explore des thèmes variés, oscillant entre le réel et le fantastique, la facétie et la mélancolie. Sa forme moderne et exigeante offre une musicalité qui transporte le lecteur dans un tourbillon d’émotions sincères. Les « Petits mots » qui l’accompagnent ajoutent une touche de nostalgie et d’humour pour une expérience lyrique inoubliable.
À PROPOS DE L’AUTEUR
Albert Lefret considère l’écriture comme une composition délicate, et souvent drôle, de mots pour savourer les joies du quotidien ou en exprimer les peines. Exemplifiant cette perspective, il présente un recueil de poèmes et de courts textes qui, à travers un voyage sémantique, éveillent des émotions libératrices.
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Seitenzahl: 75
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Albert Lefret
Sur l’estran
suivi de petits mots
Recueil
© Lys Bleu Éditions – Albert Lefret
ISBN : 979-10-422-0362-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes enfants,
Que ces mots soient pour eux légers, plaisants,
Et manière pour moi de me tenir près d’eux,
Un peu, au fil ténu du temps.
Les mots sont là, mêlés à l’air du temps, ou cachés sous le vent, ça dépend.
— Et pour les écouter ?
Il suffit de marcher, de battre la campagne, les cités, de courir les champs, les bois ou les quartiers, ça dépend, et puis marcher encore.
— Jusqu’où alors ?
Attends, patiente un peu ! Il faut chanter aussi, chanter longtemps, faire profusion de si, ré, do, pincer violons, frapper pianos, ou bien souffler saxo, ça dépend, et puis chanter encore.
— Et jusqu’à quand ?
Jusqu’à temps, jusqu’à temps… Mais attends donc encore ! Les mots sont cachés, je l’ai dit, et comme les enfants ils laissent toujours voir un bout de quelque chose, un accent, une lettre ou sa jambe, ça dépend, attends de l’entrevoir.
— Mais alors, jusqu’à quand ?
Jusqu’à temps qu’un oiseau, un merle, un goéland, un corbeau, un milan, ça dépend, s’approche et te dise à l’oreille les choses aperçues, les mots, un chant, un couplet dans le vent, un refrain dans l’air du temps, ça dépend.
Des brassées de fougères
Nous font un lit d’amour,
Saveur de primevère
Sur ta peau de velours.
Ta main dort dans ma main, et nos corps apaisés
Sont marqués des rameaux sous nos ardeurs froissés.
Ta main dort dans ma main. Nos poitrines, nos fronts,
Dans le plein du soleil brûlent à l’unisson.
Là, derrière l’écran de nos paupières closes,
Rêvons de tout, d’ailleurs, de petits riens, de choses.
Voguons ici et là, et si près, et si loin.
Alors nous nous perdrons dans un printemps sans fin,
Ma main dans le creux de ta main.
Mort – Caracole, seigneuriale et hautaine,
Accordons-lui ce cheval blanc
Elle en prendra l’allure altière
Avant qu’en croupe nous emporte
Et que nous enlacions ses reins
Pour la galopade hauturière.
Gisant – Son visage à tout indifférent,
Pierre froide, silencieuse éminemment.
Cendres – Presque rien, malgré l’amour reçu.
L’amour donné ailleurs a pris logis :
Dans quel cœur ?
Dans quelle âme ?
Le temps lui était-il venu d’une compagne ?
N’est-ce pas lui marchant au bras de la mémoire ?
Le temps où lui, sur elle s’appuyant,
S’efface,
Lui laissant dans nos cœurs et nos âmes
Tout l’espace.
Presque rien,
Mêlées aux mers,
Parties aux vents,
Plus rien qu’un souvenir aimant.
Ton chagrin s’est blotti contre une épaule amie,
Havre où tu attendras que ta douleur relâche
Et que ton cœur l’enferme, avec le temps qui marche,
Sourde comme un cancer, plus triste que la pluie.
Quand tes larmes demain ne seront plus rouleuses
Qui tariront enfin au coin de tes paupières,
Nous les proclamerons chantantes et rieuses
Et mettrons ta tristesse en dérive hauturière.
Alors s’étoufferont les sanglots délétères
Dont ton cœur est mari et quand, de nos étreintes,
Nous t’envelopperons, crois-le ne sera feinte
Ta joie bientôt couvrant toute peine d’hier.
Jadis, la Terre fut si belle, nous dit-on.
Au fond des univers,
Les Extra prosternés la vénéraient, Dieu bleu.
En ville comme aux champs,
Les rires des enfants jouant sous l’œil des vieux
Résonnaient. On y goûtait toutes les saisons :
Les étés, les hivers, le printemps, les ouragans.
On y voyait de grands poissons, des papillons,
Des fleurs bleu nuit, bleu jour, bleu ciel, bleu terre,
Des fleurs rouges aussi que les amants s’offraient,
Des vers luisants, des poésies qu’on se disait,
Et même des orangs-outans.
Mais l’inventaire serait long
Et prendrait trop d’un temps que nous n’avons plus guère,
Quand au lointain déjà diminue la lumière.
Disons que la Terre fût un lieu épatant,
Un petit coin charmant sur les berges du ciel,
La vue tournée vers l’univers,
Un pignon sur la Voie lactée.
Las ! Ceci désormais relève du passé,
Car des passants, qui justement par-là passaient,
Sur cette Terre s’invitèrent, se réclamant d’Eve et d’Adam,
S’y installèrent, se disant propriétaires,
Sans caution ni garantie bancaire,
Sans qu’on ne sût rien des parents.
Ils y mangèrent, gloutonnement,
S’y vautrèrent, sauvagement,
Brûlèrent, pillèrent,
Guerroyèrent s’entretuant,
Firent même caca dedans.
Tant et si bien que maintenant
La Terre est un trou noir où s’éteint la lumière,
Le sombre trou du monde
Où des errants, pour le temps long venu des nuits,
Le temps où chaque jour est un même aujourd’hui,
Font une morne ronde,
Marchant demain comme ils marchaient hier, sans but.
Et plus jamais, sur notre Terre de rebut,
Les airs qu’on y dansait quand elle étincelait
N’auront d’écho dans les yeux pâles
De ces fantômes gris, bancals.
L’immeuble était sordide,
Pour ainsi dire lépreux.
Le hall était fétide,
On s’y attardait peu.
C’est là dans ce sal’sas
Qu’on avait nos rancards.
Tant mieux si quelque part
Les filles étaient faciles,
On y restait moins tard :
Pour se les enlacer,
Un ou deux mots salaces,
Trois passes de salsa,
L’affaire était ficelée.
Souvent dans la cité
Éclataient des bagarres
Pour un mot mal parlé,
Une fille trop reluquée,
Pour des trucs de loubard.
Là, y avait pas d’quartier,
Y avait ni prisonnier
Ni monument aux morts :
Un seul coup de couteau
Désignait le héros
Et on s’chargeait du corps.
Si les cognes logeaient
Celui qui pour l’honneur
Avait joué du surin
Et qu’en prison alors
Pour un temps il dormait,
C’est sa maman d’abord
Qu’allait le visiter.
Les mots qu’elle disait
Étaient durs et vrais :
« On choisit pas sa vie
Mais ce n’est pas pour ça
Qu’on prend celle d’autrui. »
Devant elle, yeux baissés,
Le caïd la bouclait.
Une larme à la fin
Sur sa joue descendait,
Et la mère pardonnait
À ce fils sans remords.
Dans les banlieues et les quartiers
Y a des garçons, des filles, des émois.
Pas de surprise-party avec des invités,
Que des garçons, des filles,
De la musique et des couteaux.
Ça danse, ça brille, c’est beau !
Ça glace un peu les sangs,
Ça fait froid dans le dos.
Mais quoi ? C’est ça la vie, l’amour,
Avec la mort au bout, toujours.
Le jour, la nuit, l’hyène rit
De sa chiennerie de vie.
De sa moche sauvagerie
Elle se moque, en rit,
Boude les sucreries,
Ne pleure plus non plus
Qu’un lion ne l’aime plus.
Elle rit, rit, rit
De toutes ces bêtises,
De l’enfance évanouie,
De l’innocence enfuie,
Des maternels laitages.
Elle meurt de rire,
Mord dans la vie,
Déchire, broie, enrage,
Croque dans cette chiennerie
Que dans son rire elle saigne.
Ma main à couper
Si je lui donne la communion
Ou le bon Dieu sans confession.
Le lion lui-même, nous le disions,
L’a laissée là, sur le côté,
Las de ses reins bas,
Ses reins bas d’hyène.
De la guenon il préfère
La croupe gaie, altière,
Rimbaldienne,
Et le lion dort ignorant l’hyène,
Sourd aux rires de lune pleine.
Le lion, voyez, a du sérieux ;
Pour le séduire, c’est bien mieux
Devant lui de pleurer un peu,
Alors que rire, et rire, c’est fastidieux.
Hyène, toi tu t’en fous
Qui rit du lion comme de tout,
Qui mord la main qui te nourrit.
Ta vie, chère hyène, est chiennerie.
— La nôtre aussi, mon loup.
Un moucheron sibérique,
À dos de frelon asiatique,
Parcourt le monde, c’est pratique.
De banquises en mangroves,
Il vogue et vaque et vole.
C’est ainsi qu’il observe
L’absence de pluviers dans les palétuviers
Et le goût du pingouin pour le menu fretin
(On se doutait des faits, les voilà confirmés).
En bon touriste on l’invite
Dans les palais des reines,
Chez les abeilles, les cigales,
Pour entendre leur chant et goûter leur travail,
Il s’en grise, s’en régale.
Quand au creux des rameaux,
Au profond des coraux,
Les poissons, les oiseaux
Convolent en justes noces,
Il est pris pour témoin,
Dansant jusqu’au matin.
Un soir, dans la maison fermée, on veille, on pleure :
Le lapin noir est mort
De faim, et de détresse aussi.
Pourquoi ? Pour rien, c’est ainsi.