Tango Argentin - Annie Plait - E-Book

Tango Argentin E-Book

Annie Plait

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Beschreibung

Elisabeth a tout réussi : ses études, sa vie conjugale à Angoulême avec Frédéric, brillant légiste très amoureux d’elle, leurs deux enfants, ses relations amicales et sociales, ses activités à la tête du Lyons’club.

Subitement son destin bascule et Elisabeth se retrouve en Argentine loin des siens et de son monde doré aquitain dans un univers sordide pire que la prison d’où, après quelques années d’enfer, un policier intelligent et audacieux la libère.

Va-t-elle retrouver les siens ? et reprendre son existence antérieure de rêve ? Et surtout, quelles seront sur elle-même, la famille et les amis, les conséquences de cette longue absence ?

Un destin hors normes, nullement imaginé par l’auteur mais basé sur un authentique fait réel.


À PROPOS DE L'AUTEURE

Annie Plait est née au sud de la Vienne, d’un père charentais et d’une mère poitevine. Elle a gardé un goût prononcé pour la nature, le merveilleux, les contes et les légendes. Professeur de lettres en retraite, passionnée par l’histoire et le terroir elle partage son temps entre l’écriture, la lecture et les promenades, vit à la campagne dont elle ne saurait se passer.

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Du même auteur

2005 « Les longues saisons » Éditions de Borée

2006 « Une si longue absence » Éditions de Borée : Prix national Lyons'Club

2007 « Un si long chemin » Éditions de Borée 

2010 « La mémoire effacée » Geste éditions 

2011 « Une femme partagée » Geste éditions 

2013 « Sous les châtaigniers en fleurs » Éditions Lucien Souny

2016 « Le serment d'Agnès » Éditions de Borée : Prix Coup de cœur à Chinon

2016 - réédité 2017 – 2018 « Le dormeur de Boyard » Geste éditions 

2019 - « Oublier Collioure » Éditions Encre Rouge

2019 - « Terre promise au Québec » Éditions Encre Rouge

2021 - « Le destin de Béatide » Éditions Encre Rouge (Prix « La plume et la Lettre » 2022)

2022 - « Un jeune poitevin et l'inconnue de la forêt » Geste éditions

Les citations des livres 1, 2, 3, 4 et 5, tirées de l'ouvrage de Marguerite d'Angoulême « L'heptameron », m'ont parue appropriées.

LIVRE I : LA VIE FACILE

⸺ J'aime mon corps, demandez-moi pourquoi :

CHAPITRE 1

Son enfance et son adolescence ne furent pas le violent orage évoqué par Baudelaire, (l'orage viendra, violent, dévastateur, imprévisible, lourd de conséquences, heureusement que l'avenir ne nous est pas dévoilé) mais une période ordonnée, studieuse et organisée, son père, pharmacien à Cognac, aurait pu être ingénieur, chercheur ou chimiste, se dit-elle, comment avait-il atterri pharmacien dans cette cité renommée pour son eau-de-vie, représente ces avatars de l'existence ; on se trouve là, on ne sait pas pourquoi ni comment on a fait, pour ne pas l'éviter...

Sa mère apportait une régularité et l'idée que toute organisation était justifiée, elle en fournissait beaucoup d'exemples.

Réaliste, prosaïque et prévoyante, auprès d'elle, Elisabeth acquit cette idée erronée et réconfortante qu'on planifie sa vie. Sa mère avait fait du droit ce qui avait amplifié ce côté légaliste, d'ailleurs son frère Daniel de trois ans son aîné héritant de cette veine maternelle devient notaire.

Lui et elle profitent de l'aisance familiale : cours de danse, école de voile, skis dans les Pyrénées et études supérieures prévues à Bordeaux, tout est fluide, heureux, prometteur.

Aussi une suite de confrontation étonne Elisabeth, d'abord avec ses meilleures amies c'est une discussion sans fin concernant le choix de leur futur métier. Anne-Marie va faire ses études d'infirmière à La Rochelle où la Croix Rouge spécialise les excellentes étudiantes tandis qu'Estelle, une autre amie, a choisi Paris pour des études d'architecture.

Ainsi, les trois inséparables de Cognac depuis leur sixième jusqu'à la terminale vont devoir se séparer et ni Anne-Marie ni Estelle ne comprennent le revirement d'Elisabeth brillante dans toutes les matières qui subitement abandonne toute idée de professorat de lettres ou de sciences ou d'études de médecine pour s'engager dans des études de philosophie, sa maman joint ses arguments   positifs :

⸺ Professeur de philo, c'est bien, mais par définition il y a dix fois moins de postes que dans les autres matières.

⸺ Et pourquoi la philo ? Insiste Estelle.

Anne-Marie, toujours taquine ajoute :

⸺ C'est ce beau et séduisant monsieur Rayol qui t'a tourné la   tête ?

Elisabeth répond en souriant :

⸺ Surtout qu'il sera peut-être mon prof de fac ! Il vient de passer son doctorat ...

Toutes rient. Après une pause Elisabeth explique calmement sa décision à l'intention de sa maman.

⸺ C'est vrai, le français, le latin et le grec surtout m'ont toujours intéressée, également les sciences physiques, la chimie, la biologie, mais cette année la philo m'a... captivée, j'ai, d'un coup, eu l'impression d'être libérée de tout carcan scolaire, avoir ma pensée libre, prête à envisager toutes les idées, toutes les différentes conceptions de l'existence, c'est magique !

Son père qu’elle aime beaucoup et dont elle prise les avis revient à la charge :

⸺ Elisabeth tu es excellente en tout et tu es très jeune, tu n'as que dix-sept ans, réfléchis bien, tu peux à peu près réussir partout !

⸺ C'est la philosophie qui m'intéresse papa ! Ni les études de pharmacie ou de médecine, ni le droit ne m'attirent ! Je suis désolée, la philosophie et la psychologie expliquent le monde.

Donc, Elisabeth élève studieuse et remarquée à Cognac, devient à Bordeaux une étudiante non moins appliquée et puis Cognac n'est pas loin, pour les vacances les trois amies se retrouveront.

***

Les professeurs sont différents, ont leur dada, en ce qui la concerne, elle n'a pas d'à priori et se coule facilement dans une théorie ou dans son contraire ! C'est un jeu intellectuel.

La première année consiste à avoir à l'esprit l'existence des philosophes depuis les platoniciens jusqu'aux existentialistes, une sorte de fresque, en les intégrant dans leur époque. Elle sait que la seconde année, au contraire, consiste à étudier leurs théories propres, concomitantes ou opposées, leurs sources, leurs apports, leur parenté et leur influence surtout. Elisabeth se sent de plain-pied avec cet univers rationnel ou fantastique, logique ou irréel, c'est un jeu de l'esprit pour elle, rien de tragique !

Les captivants cours donnés par des professeurs passionnés, classiques ou farfelus sont interrompus par les bienvenues vacances à Noël et à Pâques lorsqu'elle retourne à Cognac et retrouve ses amies pour faire la fête.

CHAPITRE 2

Revenus de Bordeaux pour les vacances de Noël, son frère et elle entament une débauche de soirées chez les uns, chez les autres, le prétexte est de fêter la nouvelle année et comme il n'y a pas assez de Saint Sylvestre, on en crée d'autres, bref, cette ville riche est le centre pour ces étudiants de Poitiers, Limoges ou Bordeaux d'occasions de faire les fous, pendant quinze jours, échanger nouvelles et idées, Elisabeth et son frère sont de toutes les sorties.

Ce jeune homme blond assis à l'écart près d'une fenêtre entrouverte sur la nuit, a l'air à mille lieues du brouhaha ambiant, pourtant Elisabeth l'a vu danser tout à l'heure, il se repose sans doute car il se tamponne le front et les tempes. Elle aussi souffle un peu, assise non loin. Elle ignore qui il est, les autres, tous les autres sont des copains de son frère ou d'elle ou de ses amies, celles d'Angoulême, de Cognac ou des alentours, depuis le lycée, elle les connaît tous sauf lui justement.

⸺ Tiens ! dit Elisabeth à ses amies Estelle et Anne-Marie, je ne le connais pas celui-là !

Anne-Marie fait un signe d'ignorance. Il est vrai qu'habitant Ruffec elle se trouve un peu excentrée par rapport à la bande de Cognac dont Elisabeth est le noyau.

Mais Estelle la renseigne aussitôt :

⸺ Sa famille vient du nord.

⸺ D'où sa taille et sa blondeur, interrompt Anne-Marie.

⸺ Un grand-père ingénieur des mines, après l'exode en 1940, a préféré rester au sud de la Loire, son père est avocat à Paris où lui-même est étudiant en droit.

⸺ Comment sais-tu tout ça ?

⸺ Aldo l'a invité ici, il s'appelle Frédéric Berlier, beau garçon hein ? dit-elle en riant.

Aldo est le fils et héritier d'un entrepreneur dont le grand-père simple maçon italien s'était installé en France.

⸺ Aldo a eu besoin de conseils de légiste et l'a invité, ajoute Estelle.

Si Elisabeth ne savait pas qu'Estelle sort avec son cher Aldo, elle aurait pu l'imaginer amoureuse de ce jeune homme dont la stature et le type physique trahissent ses origines nordiques.

Grand et souple, Elisabeth l'observe, il fait danser une fille, puis une autre, son maintien est réservé... Bien sûr, songe-t-elle, il ne connaît personne ici, pourtant il ne semble ni intimidé ni empoté mais distant.

Chaque soir ou presque, on danse chez les uns, chez les autres, Elisabeth est de toutes les sorties. Elle revoit ce garçon entrevu l'autre jour « Frédéric je ne sais plus comment qui fait son droit » se souvient Elisabeth.

À une de ces soirées, il s'approche d'elle pour l'inviter à danser, pense-t-elle,   non ! cela ne lui aurait pas déplu pourtant, il a l'air bon danseur, non, il s'installe à côté d'elle et l'interroge : où étudie-t-elle et quoi et pourquoi ? les voilà en grande discussion, mais comme sa curiosité est vive et pertinentes ses réparties, elle s'aperçoit qu'elle ne s'ennuie pas une seconde en sa compagnie, au contraire, elle constate qu'il est intelligent, réfléchi avec une grande maturité d'esprit pour son âge, son âge ? mais après tout, se dit-elle, je ne sais pas l'âge qu'il a, cela m'est égal, mais j'aurais aimé danser avec lui quand même !

Bientôt Estelle et Aldo se marieront ainsi qu'Anne-Marie fiancée à Pierre qui travaille dans une banque à Angoulême où ils habiteront.

Et moi ! pense Elisabeth, je vais me retrouver sans mes inséparables mais cela m'est égal.

Elle se sent inatteignable, à part, satisfaite d'être elle-même et surtout très intéressée par ses études de philosophie.

Quinze jours après cette première rencontre, Elisabeth revoit Frédéric Berlier, pas difficile de le repérer étant donné sa taille et sa blondeur, il est allé vers elle et cette fois-ci l'invite à danser, puis lorsqu'ils sont las de s'agiter, ils trouvent un endroit à l'écart pour continuer leurs conversations intéressantes comme l'autre jour.

Tout lui plaît en lui, son aspect physique bien sûr, son intelligence dont la tournure incisive, précise serait celle d'un scientifique.

À la fin de ces vacances de Noël, ils se disent au revoir, il est en droit à Paris et Elisabeth retourne à Bordeaux.

L'été suivant ils se rencontrent par hasard à Saint Georges de Didonne, autre rendez-vous incontournable de la région, bateaux, nages et sorties le soir à Royan.

Tout est facile avec lui, danser, faire de la voile, c'est un sportif mais c'est aussi un méditatif, il lui confie qu'il aime arpenter la campagne, observer, écouter, se fondre dans la nature loin des gens et de leurs bavardages, comme pour se ressourcer après tant d'années d'étude, il les lui énumère : droit commercial, droit civil, droit judiciaire, droit des entreprises, droit pénal, droit du travail. Il explique qu'il vise un créneau très spécifique :

⸺ Avocat, comme mon père, j'avoue que j'ai hésité, finalement j'ai choisi un métier assez proche de celui des juges, je t'explique : lorsqu'il n'y a pas plaidoirie mais que deux parties s'affrontent, le tribunal nomme alors un expert judiciaire qui enquête pendant parfois un an, va sur le terrain, observe, on n'a pas le droit de lui parler, seuls les avocats concernés le peuvent, donc une position intéressante.

⸺ Celle de Salomon, dit Elisabeth en riant.

Il la regarde avec intensité :

⸺ Pas aussi grave mais ce rôle d'arbitre m'intéresse.

Elisabeth réalise le sérieux de ses études qui lui confère une sorte de halo austère (justice égale juriste, égale juge). Il envisage donc un métier où le moindre mot, la moindre démarche a son importance, ses incidences, ses conséquences, elle en est légèrement intimidée et presque rebutée : un arbitre, même expert judiciaire possède un pouvoir discriminatoire.... Cette pensée la dérange, tandis qu'il lui avoue que leurs conversations le sortent agréablement des arguties judiciaires.

Il l'interroge sur ses études, certaines théories il les a étudiées au lycée.

⸺ Celles de Hegel et de Shopenhauer ?

⸺ Et Nietzsche naturellement, dit Elisabeth.

Il ajoute en hésitant :

⸺ C'est la volonté de puissance, c'est ça ?

⸺ Oui et pour Shopenhauer au contraire, la racine du mal est le « vouloir vivre » sans raison et sans fin, qui engendre toujours de nouveaux besoins et avec eux de nouvelles douleurs « vouloir vivre » n'est-ce pas naturel ?

Frédéric réfléchit et à sa façon calme répond :

⸺ Cela dépend des conditions de cette vie, si elle est intolérable...

Elisabeth hausse les épaules :

⸺ Cela existe' donc une existence intolérable ?

Elisabeth est étonnée que ce garçon si brillant recherche auprès d'elle des domaines si éloignés du droit.

Il devine sa pensée :

⸺ La philosophie c'est la conception du monde que le droit justement tente d'organiser imparfaitement c'est vrai mais dans ce monde il faut bien des règles !

CHAPITRE 3

Pour Elisabeth tout est agréable, facile et amusant. Les études lui plaisent et l'intéressent, son sérieux en cours, son attention totale la font remarquer, elle est dynamique, s’enrôle dans beaucoup de groupes intellectuels dont la démarche est de prouver aux professeurs que le point de vue officiel généralement accepté par le corps professionnel n'est pas forcément ni fondé ni juste. Les étudiants, se dit-elle, tout autant pensent, réfléchissent, démolissent des théories, les relativisent ou en rebâtissent d'autres, Elisabeth adhère à tous ces mouvements, enthousiaste, convaincante et naturellement elle est remarquée par ses professeurs

Les années de licence terminées avec le cursus obligatoire des études, elle aborde sa maîtrise et devra choisir un sujet.

Elle écoute ce que monsieur Rayol, son ancien professeur de terminale, devenu une autorité à l'université de Bordeaux lui propose :

⸺ Qu'en pensez-vous : « Le destin et le choix », serait intéressant à développer.

Elisabeth saisit immédiatement l'ampleur du sujet et sa difficulté.

⸺ Oui, réplique-t-elle, le choix à l'intérieur de toutes les contingences de la vie....

⸺ Exactement.

⸺ C'est plutôt un sujet de thèse !

Il la regarde d'un air narquois :

⸺ Pourquoi pas ?

Elle comprend qu'il la sonde en vue d'études plus longues visant au doctorat ce qui implique qu'il la juge capable et ambitieuse.

Elle se dit, trois ans environ d'études pour la thèse, non, ce serait trop long car elle sait que la vie et l'appel de l'amour bouillonne en elle.

⸺ Hum, en tout cas je l'accepte comme sujet de maîtrise et je vous remercie.

À Bordeaux aussi il y a de nombreuses boutiques où Elisabeth peut assouvir ses désirs effrénés de coquetterie, elle cherche à dénicher la tenue la plus originale pas trop chère et élégante, Elisabeth se sait jolie fille avec des seins très hauts et une taille longue, tout lui va, tout lui plaît, c'est sa façon à elle de se détendre après des heures d'études abstraites qui lui demandent une absolue concentration.

« À moi les chiffons, se dit-elle, à moi les nouveautés », d'autant que ses parents lui accordent généreusement leur aide financière puisqu'elle est douée, sérieuse et réussit si bien ses études.

Tandis qu'elle flâne et s'attarde devant les vitrines, elle croit reconnaître dans la foule une haute silhouette caractéristique, mais c'est Frédéric Berlier en effet.

⸺ Je te croyais à Paris !

⸺ Oui, je suis ici depuis hier pour voir un membre de ma famille, mon oncle a un problème juridique.

Il marque un temps d'arrêt puis :

⸺ On pourrait se voir ce soir...tu es libre ?

Elisabeth ne réfléchit même pas, pour lui elle se rend compte qu'elle sera disponible !

⸺ Oui.

⸺ Si on allait à la brasserie du théâtre, on me l'a conseillée...

⸺ Si tu veux.

⸺ Alors on s'y retrouve à huit heures.

⸺ Oui d'accord.

Durant ce dîner, ils parlent comme d'habitude, littérature, philosophie, musique, puis, il lui apprend qu'en fin d'année il aura terminé ses études.

Ils quittent le restaurant, marchent au hasard, cela fait bizarre à Elisabeth qu'ils soient là à Bordeaux tous les deux, hors du cadre habituel du groupe. Il l'a raccompagnée, s'arrête et brusquement déclare :

⸺ Ah Elisabeth ! Tu es unique !

Le second soir alors qu'ils se donnent la main en marchant, Frédéric hésite un peu puis murmure :

⸺ Je voudrais la garder cette main.

Elisabeth le regarde et plaisante :

⸺ Tu me demandes ma main ? Tu sais ce que cela signifie ?

⸺ Bien sûr que oui, je sais...

Alors il la prend dans ses bras. Frédéric est séduisant, avec son teint de blond, sa peau claire qui sent bon, le léger duvet au-dessus de ses lèvres, elle ne se lasse pas de le regarder.

Dans le passé elle a eu quelques inévitables émois du cœur, rien de semblable avec Frédéric qui l'impressionne par son calme et son niveau d'études dont il ne se vante jamais. À présent, elle découvre ses caresses contrôlées et tendres, il la désire, il l'aime, il l'admire, c'est ce qu'il lui avoue tout bas tout en la tenant bien serrée dans ses bras.

Il se montre attentionné et amoureux tout en restant réservé. Cette réserve, comme une digue, a jusqu'ici contenu émotions et désir. Elisabeth se laisse aller à toute sa personne, sensible, sensuelle qui couvait sous ses dehors froids.

Elle devine que cérébral, méthodique, Frédéric s'est autorisé à ne lui révéler son affection et ses intentions que lorsqu'il était assuré d'avoir terminé avec succès ses examens.

⸺ Elisabeth, nous nous entendons si parfaitement mais sur le plan physique..., je ne savais pas, tu m'attirais, tu es si bien faite et si « sexy ».

Frédéric ne songe pas à regagner Paris puisque Elisabeth, celle qu'il admirait de loin, celle très courtisée, très recherchée dans toutes ces soirées, celle qu'il a rencontrée si inopinément alors qu'il s'occupait des finances du vieil oncle, est là, ils s'accordent deux jours supplémentaires, en une suite d'élans si longtemps retenus que ce torrent les emporte.

***

Ils se marient l'été suivant, mariage à grands tralalas, Frédéric est fils unique, son père avocat, parenté et relations descendent sur Cognac. De leur côté, les parents d'Elisabeth entendent souligner leur satisfaction en organisant une somptueuse réception. Elisabeth est une ravissante mariée, robe en taffetas, voile en dentelle de Valenciennes, brillant de deux carats au doigt, un jour parfait !

Elisabeth a trouvé exactement celui qui lui convient en tout.

Alors après licence et maîtrise de philosophie, Elisabeth arrête ses études. Brusquement la philosophie la passionne moins, continuer ? Pourquoi ?

⸺ Ce qui m’intéresse maintenant est ma vie avec Frédéric et notre avenir, explique-t-elle à son entourage.

Ils s'installent à Angoulême où un cabinet de consultants en droit s'est établi, bien que, avec ses diplômes, Frédéric pourrait officier n'importe où, il suffit d'être en contact permanent avec les clients et clairement déterminer les droits, les fautes, les biens fondés, bref, nommé expert judiciaire Frédéric se sent arrivé et apprécié.

Avec ce géant des Flandres qui l'a subjuguée, Elisabeth devient l'épouse intelligente et élégante dont il a besoin.

⸺ Je ne désire aucunement exercer un métier, je n'ai pas une mentalité de carriériste, répète-t-elle à ses parents légèrement chagrinés.

De plus, elle a beaucoup d'amies, mariées elles aussi comme son amie de toujours Anne-Marie qui a épousé Pierre et qui vient d'avoir un garçon prénommé Florian, et comme de son côté Frédéric est resté en contact avec des camarades, un Philippe, un Stéphane et leurs partenaires Muriel et Charlotte, ils forment à Angoulême toute une bande d'amis ou de relations. C'est   amusant ! La vie est belle !

Angoulême est si proche de Cognac par la distance géographique et par leur histoire qu'Elisabeth aime souligne cette proximité historique :

⸺ Je suis née à Cognac comme François 1er et j'habite Angoulême lieu de naissance de sa sœur la célèbre Marguerite d'Angoulême

Frédéric et Elisabeth aiment sortir. Il y a les clubs de danse, les dîners, les soirées amicales, les concerts, les tournois de tennis et après les séances amoureuses.

Elisabeth se rend compte qu'elle s'est émancipée du sérieux de ses études. Se reproche-t-elle d'être mondaine et dépensière ? Non, elle continue à se sentir la reine de toutes ces soirées, c'est agréable d'être adulée, c'est normal d'ailleurs d'aimer la vie facile, se dit-elle, je ne suis pas masochiste. Papa et maman sont contrariés que j'ai plaqué là un brillant avenir de prof de philo, je fais ce que je veux de ma vie.

⸺ Je me consacre à Frédéric à présent, leur a-t-elle déclaré.

CHAPITRE 4

Méthodique, organisé, Frédéric planifie leur vie.

Sitôt à Angoulême, il trouve une maison convenable, ils en sont les heureux locataires car sur la liste des propriétaires, ils ont été favorisés à cause de son métier et les racines charentaises d'Elisabeth lui permettent d'avoir rapidement un réseau de relations professionnelles

Elisabeth a quitté la vie étudiante et leurs premières années de jeune couple s'apparentent à cette impression de tous les possibles, sa gaieté et son insouciance tempérées par le côté raisonnable de Frédéric confère un équilibre à leur couple.

Entre temps Daniel, le frère d'Elisabeth, s'est marié à Marmande ayant rencontré Hélène Daubagne la fille d'un notaire dont il prend la succession. Alors leurs parents envisagent de quitter Cognac pour leur retraite et se rapprocher de leur fils.

Frédéric et Elisabeth décident de fonder une famille. Matthieu est blond comme son père, un bébé qui sera grand. C'est un nordique comme le père et le grand-père.

Elisabeth nourrit Matthieu, joue avec lui, la maternité l'enchante.

Oui la maternité l'enchante mais soucieuse de son apparence Elisabeth a surveillé son poids durant sa grossesse et après sa naissance, elle veille à reprendre rapidement sa silhouette svelte enviée par tant de ses amies. D'autres enfants ? Oui, plus tard, Elisabeth n'entend pas être l'esclave d'une famille, elle se sent surtout la femme désirable, attirante, belle, jeune, restée la même pour Frédéric ce bel homme dont elle est éperdument amoureuse.

Il y a une sorte de code entre eux, en société ils se montrent courtois et attentifs aux autres, en famille avec le petit Matthieu ils sont attentionnés et tendres, le soir, la nuit ils se laissent aller à leurs désirs réciproques mais sans en parler, sans épiloguer, c'est comme s'ils ouvraient ensemble une porte secrète, où leur est permis d'abandonner enfin la contrainte sociale ou familiale qu'ils s'imposent dans la journée.

Puis Frédéric voit qu'ils sont en mesure de devenir propriétaires or tous les deux citadins de naissance, aspirent à une immersion en pleine campagne.

Un an à fureter la moindre masure, la moindre grange en dehors d'Angoulême car ils sont très sélectifs. En direction du département de la Dordogne les villages sont très pittoresques mais le sol calcaire et les escarpements très abrupts ne les attirent pas. Le nord où la Charente serpente pour faire une incursion dans le département de la Vienne, très recherché par les étrangers, ne tente pas Frédéric.

⸺ Nous sommes trop difficiles ! déclare Elisabeth en riant.

Puis un beau jour, en direction de Châteauneuf-sur-Charente, Frédéric repère une maison à la sortie d'un bourg : grilles rouillées, portail affaissé, un jardin en friche autour d'une maison rectangulaire abandonnée depuis longtemps. Frédéric escalade la grille, la déverrouille, fait un grand salut comme pour inviter Elisabeth dans sa demeure. Ils entrent clandestinement. Tout est beau et tout est à refaire.

Frédéric déclare :

⸺ C'est la maison qu'il nous faut !

Alors Elisabeth rêve en apercevant l'ancien verger et une vaste pelouse devenue un champ d'herbes folles.

Huit jours après, Frédéric connaît le nom du propriétaire qui ne cherchait nullement à vendre, mais à force de persuasion et de propositions financières, il se laisse convaincre...

Avant d'entrer dans les lieux, Elisabeth sait où placer les meubles, où accrocher les rideaux, où installer verger, pelouse et potager.

Frédéric et elle sentent qu'ils continuent avec le même succès la réalisation de leur vie. Cela a d'abord été de s'assurer que l'un comme l'autre avait rencontré leur idéal, le mariage a été la promesse publique de la fidélité d'un amour authentique.

Cette ligne droite, cette chance continue, aucun obstacle ne leur résiste, ils réussissent tout ! Alors l'achat de cette demeure coïncide avec la naissance planifiée d'un second enfant, une fille qu'ils nomment Dorothée.

CHAPITRE 5

Le couple Berlier évolue sous le signe du succès, mari estimé, juriste recherché, épouse charmante et cultivée, belle demeure à la campagne, enfants beaux et bien portants.

Un beau jour Elisabeth ressent le besoin d'ajouter un attrait supplémentaire à leur logis.

⸺ Puisque tu gagnes bien ta vie, pourquoi ne pas avoir une piscine ?

Matthieu six ans et même Dorothée trois ans s'enthousiasment pour ce qui est un vague projet.

⸺ Tant qu'à nager dans une piscine, autant qu'elle soit couverte ! s'exclame Matthieu sportif comme son père.

Alors, la piscine couverte avec atrium, faisant office d'entrée, fait partie intégrante du jardin.

Puis Elisabeth émet le désir d'avoir une serre, un véritable jardin d'hiver. Ils la font établir sur la façade nord. Elle installe des bacs de métal à hauteur d'homme de façon à jardiner sans avoir à se pencher et là, Elisabeth se livre à une débauche d'achats de plantes exotiques ou simplement d'arbustes qui ne supporteraient pas l'air hivernal : citronniers en pots, cédratiers, bougainvilliers puis dans l'angle directement en pleine terre un jacaranda aux étonnantes fleurs bleues, cet arbre enchanteur qu'elle avait admiré au Maroc, commun là-bas comme ici les lilas. Ce jardin d'hiver devient l'attraction de la maison. Ils y reçoivent, y vivent, y dansent parfois.

À travers les vitres, le paysage hivernal se laisse contempler et inversement, venant du dehors, ce jardin d'hiver apparaît comme un îlot de rêve, quelque terre des tropiques venue dériver pour s'ancrer ici dans leur terre charentaise...

Pour ce que Elisabeth qualifie de « dîners d'affaires », des soirées sérieuses où Frédéric doit inviter les partenaires habituels ou occasionnels de son métier : assureurs, avocats, entrepreneurs en tout genre et ouvriers des différents corps de bâtiment, la grande salle à manger avec sa baie ouverte sur la pelouse où domine un cèdre du Liban est le cadre rêvé. Ils montrent à tous et à chacun que Frédéric bien que parisien par ses origines, n'est pas un jeune parvenu, qu'il a des assises respectables et bourgeoises, propriétaire d'une maison dont son épouse entretient le cachet et l'élégance.

Frédéric écoute ses clients, réservé, courtois et juste, il reçoit les plaintes et les doléances des uns, les accusations des autres, il devra trancher et son verdict sera sans appel. Elisabeth sait qu'il est impartial, il exerce un métier qui lui convient parfaitement, parfois cette notion d'irrémédiable, d'irrévocable la dérange, heureusement qu'il n'est pas juge... et quelle responsabilité est la sienne ! mais elle chasse vite ses sombres pensées.

Estelle a fait ses études à Paris mais sa famille vient de la Touraine. Elle leur fait connaître son cousin Charles Henri Belmont, célibataire, qui cherche à s'implanter dans le cognaçais, son idée est de fabriquer des fruits au cognac de la même façon qu'il y a des fruits au sirop, abricots ou pêches. Les autorités locales étudient son projet parce que cette entreprise assurerait une autre source d'écoulement du cognac Charles Henri est séduisant, charmeur, excellent danseur, distingué et bien élevé.

Pour lui présenter des gens susceptibles de l'appuyer, ils l'invitent, ainsi qu'Estelle et son mari, Anne-Marie vient seule, c'est étonnant, mais Elisabeth ne s'attarde pas à chercher pourquoi ? elle est trop occupée pour s'en soucier : la réception, doit être parfaite, la maison impeccable et sa tenue vestimentaire étonnante, élégante, n'est-elle pas la référence mondaine dans ce milieu bourgeois et riche ?

Elisabeth a prévu un dîner dans le jardin d'hiver puis ils se mettent à danser. Charles Henri fait beaucoup danser Elisabeth qui a mis une robe rouge pour trancher contre les tons verts des plantes de serre.

Frédéric l'observe en souriant tout en étant l'hôte parfait qui sert les boissons et remplit les verres vides. Le mari d'Estelle s'intéresse aussi au projet de Charles Henri qui comporterait un bâtiment commercial avec hall d'entrée pour les visiteurs et salle de dégustation. Ayant admiré leur jardin d'hiver, Charles Henri inclut Elisabeth dans ces discutions professionnelles, il considère que ses talents de décoratrice ne sont pas exploités et dit à qui veut l'entendre :

⸺ J'ai vu la serre d'Elisabeth, elle est magnifique !