Technologie brassicole - Nicolas Imbreckx - E-Book

Technologie brassicole E-Book

Nicolas Imbreckx

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Beschreibung

La Technologie brassicole était, jadis, un sujet réservé à un nombre restreint de spécialistes. Aujourd’hui, l’engouement croissant autour des micro-brasseries et de leurs productions confère aux métiers techniques du secteur agronomique une nouvelle visibilité.

Ce livre répond dès lors à un besoin : permettre aux adeptes des brassins maison et aux professionnel.le.s d’apprendre (ou de réapprendre !) les bases de la formation brassicole dans une approche volontairement claire et pédagogique.

Le domaine de la brasserie évolue en permanence. C’est pourquoi cette 3e édition revue, corrigée et augmentée était nécessaire.

Nous y aborderons :
- l’histoire de la bière, du Néolithique au 21e siècle. Ce qui nous permettra de définir ensuite la notion de “micro-brasserie“ ;
- les grands principes chimiques, physiques et biochimiques régissant le procédé de fabrication, des matières premières au conditionnement ;
- l’analyse sensorielle : avec ses notions fondamentales, sans oublier un chapitre dédié aux principaux défauts que l’on peut retrouver “classiquement“ dans une bière, ainsi qu’une fiche de dégustation à compléter lors de vos tests sensoriels ;
- une méthode intuitive et ludique afin de concevoir vos premières bières, ainsi qu’un formulaire récapitulatif et une fiche de production à compléter lors de vos brassins ;
- l’étiquetage de la bière : vous y apprendrez ce qu’impose la législation européenne, mais également votre législation nationale (belge, française et suisse). Qu’est-ce qui est obligatoire, facultatif voire interdit ? etc.

Ce livre a pour vocation de vous faire aimer les sciences appliquées au procédé de fabrication de la bière. Même (et surtout !) si vous n’avez aucune formation scientifique, allez-y ! Lancez-vous !
Et il se positionne volontairement à mi-chemin entre les (rares) ouvrages francophones ultra-pointus et ceux trop simplifiés.


À PROPOS DE L'AUTEUR 

Ingénieur brasseur de formation, Nicolas Imbreckx a une grande expérience professionnelle dans le milieu brassicole belge ou étranger. Il est actuellement maître-assistant en agronomie à la Haute École de la Province de Liège et dispense également des cours dans le domaine de la formation pour adultes (micro-brasserie et zythologie).

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TABLE DES MATIERES

PREFACE

REMERCIEMENTS

AVANT-PROPOS

INTRODUCTION

Définition légale de la bière

Historique de la bière

Les premières origines de la bière

L’égypte

L’arrivée de la bière en occident

Le gruit : l’essence aphrodisiaque principale de la bière

Les vikings

Le déclin du gruit et l’avènement du houblon en brasserie

La disette, la loi de la pureté et l’abandon du gruit

Pasteur et la mise en évidence des micro-organismes

Actuellement

Définition d’une micro-brasserie

Patrimoine culturel immatériel de l’humanité

Les matières premières

Eau

Approche historique et aspect légal

Composition

Malt

Orge

Anatomie du grain

Germination naturelle du grain

Maltage de l’orge

Coloration EBC

Buts du maltage

Grains crus et sucres

Grains crus

Sucres

Houblon

Description botanique

Culture du houblon

Classification des houblons

Houblonnage fractionné

Houblonnage à froid ou « dry hopping »

Formes d’utilisation

Producteurs de houblon en belgique

Épices

Ajout des épices

Épiçage à froid ou « dry spicing »

Levure

Définition générale

Métabolisme énergétique

Les déchets du métabolisme du glucose

Multiplication et effet crabtree

Éléments nutritifs essentiels à sa survie

Éléments essentiels à sa multiplication

Les levures de brasserie

Le brassage de la bière

Concassage

Concasseur à rouleaux

Concasseur à marteaux

Impacts du concasseur sur le reste du procédé de fabrication

Empâtage

Du malt

Des grains crus

Brassage proprement dit

Importance ph et température

Enzymes disponibles et diagramme de brassage

De l’amidon au maltose : révisions théoriques plus pointues

Expression de la teneur en sucre d’un moût

La saccharification complète

Les méthodes de brassage

Le brassage à haute densité

Le test à l’iode

Le « mash-out »

Matériel de brassage

Filtration du moût

Cuve-filtre

Filtre à moût

Filtre-presse

Meura 2001

Meura 2001 hybrid

Ébullition du moût

Buts

Dénaturation des enzymes

Assainissement microbiologique du moût

Amérisation du moût

Aromatisation du moût

Évacuation des « mauvais goûts »

Concentration du moût

Clarification du moût

Coloration du moût

Les revers de l’ébullition

Libération du dms

Oxydation maximale

Traitements du moût

Clarification

But

Effet whirlpool ou tourbillon

Centrifugation

Refroidissement

Refroidissement lent et naturel

Refroidissement rapide et forcé

Oxygénation du moût

Fermentation principale

Composition générale d’un moût

Caractéristiques générales

Les cuves cylindroconiques

Types de fermentation

Fermentation haute ou « ale »

Fermentation basse ou « lager »

Fermentation spontanée

Fermentation mixte

Métabolisation des principaux composés du moût

Les sucres

Les composés azotés

Les dextrines

Production de substances volatiles

Souhaitées

Non souhaitées

Comment conduire la fermentation ?

Garde

Définition

Buts

En fermentation basse

Les autres types de fermentation

Soutirage, filtration et pasteurisation

Soutirage : buts, contraintes et dangers

Filtration

Pasteurisation

Conditionnement

Propreté préalable des contenants

Bouteilles

Remplissage et encaissage

Capsulage

Refermentation

Les bières de fermentation basse, de type pils

Les gueuzes

La bière « saison » belge

Les ipa

Les bières trappistes

Les bières d’abbaye

Concours Interprovincial des Bières

Définition

Différenciation entre goût et sensation physique

Les goûts et les papilles gustatives

Définition test hédonique et jury professionnel

Le test hédonique

Le jury d’expert.e.s

Descripteur aromatique

Fiche de dégustation

But

Mentions obligatoires

Mentions facultatives

Illustrations et mentions interdites

Composition générale

EAU (930 g/L)

ALCOOL (44 mL/L ; 4,4 % v/v)

GLUCIDES (29 g/L)

PROTÉINES (3,4 g/L)

FIBRES (0,02 g/L)

VITAMINES (environ 10 mg/L)

MINÉRAUX

APPORTS ÉNERGÉTIQUES (39 kcal/100mL)

Bienfaits

Méfaits

Méthodes et procédure

Fixer ses objectifs

Estimation de la densité initiale et du versement

Estimation de l’ebc final

Estimation de l’ibu

Élaboration du diagramme de brassage théorique, et conduite de la suite du procédé

Organisation optimale lors du brassage

Matériel nécessaire

Les étapes à suivre

Résumé du process

1) DIMETHYLSULFURE (DMS)

2) DIACETYLE

3) SULFURE D’HYDROGENE

4) ACETATE D’ISOAMYLE

5) 4-VINYL GUAIACOL

6) 3-METHYL-2-BUTENE-1-THIOL (mouffette)

7) TRANS-2-NONENAL

8) 2,4,6-TRICHLOROANISOLE

9) METALLIQUE

10) D’autres défauts en quelques mots

Récapitulatif des différents défauts abordés

ANNEXES

Annexe I. - Pourcentage d'alcool attendu en fonction de la densité

Annexe II. - Atténuation calculée en fonction des densités mesurées

Annexe III. - Pourcentage d'alcool complémentaire obtenu lors de la refermentation

Formulaire

LE MOT DE LA FIN

VOTRE AVIS M'INTERESSE

LEXIQUE

BIBLIOGRAPHIE

Livres

Sites Internet

PREFACE

Dans la longue tradition bénédictine, le transfert des connaissances est une priorité absolue qui a été maintenue grâce aux moines copistes.

Par ailleurs, le savoir-faire brassicole de l’Abbaye Notre Dame de St Remy à Rochefort et des brasseries en Belgique s’est développé au cours des siècles.

Cet ouvrage, dédié aux étudiant.e.s et aux professionnel.le.s du monde brassicole, suit donc la lignée parfaite de la transmission du savoir, longuement acquise aux cours des différentes étapes de la vie de Nicolas.

C’est en 2003 qu’il est venu pour la première fois se présenter aux portes de notre Abbaye Notre-Dame de Saint-Remy à Rochefort.

Son souhait le plus cher, Rochefortois d’origine, était d’y réaliser son travail de fin d’études.

C’est avec joie que nous l’avons accueilli pour mettre en place un système qualité accru : l’HACCP (ndlr : système de gestion de la qualité).

Un travail qu’il a réalisé avec brio, en notre compagnie.

Afin d’aller jusqu’au bout du projet, Nicolas, fraîchement diplômé, est ensuite employé pendant plusieurs mois supplémentaires. Ce projet essentiel aura permis un rayonnement encore plus grand de la qualité de nos bières.

C’est avec ce solide bagage qu’il a parcouru son chemin, voguant entre divers projets brassicoles en Europe et au Canada, jusqu’à l’obtention de sa place de Maître Assistant à l’HEPL (Haute Ecole de la Province de Liège), de consultant brassicole et formateur agréé en microbrasserie.

Aujourd’hui encore, nous bénéficions de ses connaissances par le biais d’un élève ou l’autre, engagé au sein du laboratoire de notre brasserie.

Merci Nicolas, pour la qualité de cet ouvrage et pour cette transmission technique et scientifique du savoir-faire brassicole belge.

Dom Gilbert Degros

Père Abbé

Gumer Santos

Brewer Engineer

REMERCIEMENTS

Dès mes débuts professionnels, l’écriture d’un livre (peut-être celui que je n’avais pas eu durant mes études ?), consacré à la fabrication de la bière, était une idée que j’avais dans un coin de la tête…

Il est parfois épatant de constater à quel point les astres s’alignent dans une sorte de grand dessein final, vous poussant à réaliser une de ces idées !

Cela n’est jamais possible sans l’intervention de ces personnes qui, en entrant dans votre vie, apportent ces pierres indispensables à l’édifice.

Tout d’abord, mes plus respectueux remerciements s’envolent vers l’Abbaye Trappiste de Rochefort et sa brasserie. Et plus particulièrement vers les signataires de la très belle préface : Dom Gilbert Degros (le Père Abbé) et Monsieur Gumer Santos (l’ingénieur brasseur). Sans aucunement oublier toute l’équipe de la brasserie (y compris du laboratoire !).

J’en profite aussi pour remercier chaleureusement Madame Primaëlle Vertenoeil, Responsable d’édition aux Editions de la Province de Liège (EDPLG), ainsi que son équipe Messieurs Denis Wautelet, Pierre Charlier et Manuel Delhez. Merci pour la sympathique (mais studieuse !) collaboration.

Et mes plus profonds remerciements s’adressent également à Monsieur Luca Venanzi, Administrateur délégué d’EdiPro, et à Madame Isabella Fanara. Merci également pour votre confiance.

Merci à ma compagne pour avoir supporté ces heures de rédaction, vissé derrière mon écran… Et je remercie d’ailleurs mon fils pour ses interruptions salutaires causées par le lancer, sans doute inopiné, d’un jeu sur mon clavier !

AVANT-PROPOS

Plongé depuis maintenant une quinzaine d’années dans l’enseignement supérieur et dans la formation pour adultes, une demande récurrente de la part des étudiant.e.s m’était faite concernant des ouvrages brassicoles de référence. Force était de constater que beaucoup baissaient les bras : peu d’ouvrages sont rédigés en français… Et mon syllabus de l’époque n’était pas suffisamment complet, référencé, ni poussé !

Essentiellement par manque de temps, j’avais remisé cette idée d’écriture à plus tard.

Et puis, parfois, les planètes s’alignent… C’est en 2017 que les Editions de la Province de Liège viennent au campus présenter leurs services : permettre aux enseignant.e.s d’éditer leurs syllabi sous forme d’un livre professionnel. Sans oublier la diffusion « tous publics » à l’extérieur de la haute école.

Ni une, ni deux, c’était décidé : je fonçais !

Une première édition en 2017, puis une seconde en 2018. Quel beau (mais modeste) succès, et surtout en France !

Bien que la belle histoire avec les Editions de la Province de Liège (EDPLG) se termine, c’est avec bonheur qu’elle se poursuit avec EdiPro.

Le but de ce livre est de présenter les grands principes physiques, chimiques et biochimiques qui jalonnent la fabrication de la bière, des matières premières au conditionnement. Je n’ai pas voulu aborder tout dans les détails, mais les apartés pédagogiques vous pousseront, je l’espère, à en savoir davantage !

Que vous soyez scientifique de formation, ou pas, vous y trouverez votre bonheur… peut-être en laissant temporairement certains chapitres (qui vous semblent « inaccessibles ») pour plus tard. Mais vous y reviendrez avec, je l’espère, une envie décuplée d’apprendre !

Lors de la lecture, si un mot vous est inconnu, référez-vous au lexique !

Passionné d’enseignement et de pédagogie depuis mes études, je ne peux terminer cette introduction sans citer l’excellent pédagogue français Philippe Meirieu (2011)1 :

« Nous enseignons pour faire vivre à d’autres la joie de nos propres découvertes ».

Sur cette phrase à méditer, je vous souhaite autant de plaisir à me lire… que je n’ai eu à vous écrire !

Brassicolement vôtre.

1 Meirieu, P. Lettre à un jeune professeur. Issy-les-Moulineaux, France: ESF Editeur.

INTRODUCTION

Avant d’approfondir le procédé général de fabrication d’une bière, voyons quelques notions préalables qui nous permettront de comprendre l’importance de ce breuvage au fil des siècles, ainsi que le cadre légal strict qui l’entoure.

Définition légale de la bière

En Belgique, c’est l’Arrêté royal du 31 mars 1993 (article 2) qui officialise les trois caractéristiques fondamentales de la bière2.

D’abord, il nous apprend qu’il faut différencier les notions de « bière » et de « bière acide ». Aussi, entend-on par « bière » une « boisson obtenue après fermentation alcoolique d’un moût préparé essentiellement à partir de matières premières amylacées et sucrées dont au moins 60 % de malt d’orge ou de froment, ainsi qu’à partir de houblon, éventuellement sous une forme transformée, et d’eau de brassage ». Une bière acide, quant à elle, est définie comme « la bière d’une acidité totale minimale de 30 milliéquivalents de NaOH par litre et d’une acidité volatile minimale de 2 milliéquivalents de NaOH par litre ». 

Deuxième caractéristique fondamentale, la bière issue de la fermentation spontanée (lambics et gueuzes), cataloguée dans les bières acides, doit comporter au moins 30 % de froment (céréale crue). La contrainte légale, due à cette réglementation, est que la bière (hors bière de fermentation spontanée) doit être fabriquée avec, au maximum, 40 % de toutes sources de sucre n’étant pas du malt d’orge ou de froment (sucre tel quel, grain cru, amidon, etc.), tandis que la bière de fermentation spontanée doit, quant à elle, comporter un minimum de 30 % de froment (grain cru). Indépendamment de cette contrainte légale, nous verrons plus tard que l’utilisation du grain cru (céréale brute, non maltée) nécessite des opérations préalables de traitement de ce grain et occasionne des contraintes ! Une céréale crue, ne contenant pas d’enzyme, va compliquer le travail de brassage. Au plus le pourcentage de grains crus augmente lors du versement, au plus les difficultés technologiques se manifestent… Par son absence d’enzyme, le brassage d’un versement « 100 % de grains crus » serait tout bonnement impossible à réaliser. L’amidon ne pourrait être dégradé… et aucun sucre fermentescible ne serait extrait !

Troisièmement, l’eau de brassage y est définie comme étant une « eau destinée à la consommation humaine dont la composition minérale et l’acidité peuvent être adaptées aux exigences spécifiques que pose le brassage des différents types de bière ». En d’autres termes, l’eau de brassage doit être une eau potable, selon les exigences légales de potabilité des eaux à destination de la consommation humaine.

En France, la définition légale de la bière est légèrement différente. Selon l’article 1.1 du décret n°92-307 modifié, la dénomination « bière » est réservée à la boisson « obtenue par fermentation alcoolique d’un moût préparé à partir du malt de céréales, de matières premières issues de céréales, de sucres alimentaires et de houblon, de substance conférant de l’amertume provenant du houblon, d’eau potable. Le malt de céréales représente au moins 50 % du poids des matières premières amylacées ou sucrées mises en œuvre. L’extrait sec représente au moins 2 % du poids du moût primitif. »3

C’est en Suisse que l’on retrouve une définition la moins contraignante. En effet, on la définit comme « une boisson alcoolisée contenant du gaz carbonique obtenue à partir d’un moût fermenté avec de la levure et additionné de houblon en cône ou des produits du houblon ». On y apprend également que la bière doit, généralement, être limpide (sauf si un procédé particulier de fabrication provoque un trouble).

Pour la préparation du moût, on peut utiliser du malt d’orge ou de froment, voire d’autres céréales (sans qu’il n’y ait de maximum légal).

Seuls les pourcentages maxima d’utilisation de sucre et d’amidon sont légalement encadrés : ils sont, respectivement, de 10 et 20 %.4

Historique de la bière

Les premières origines de la bière5

L’èrecrucialepourladécouvertedelabièreestleNéolithique (environ 20 000 ans avant notre ère),avec lasédentarisationdespopulationsetledéveloppementdel’agriculture. Bienquenousneconnaîtronsprobablementjamaisl’origineexacte de ce breuvage, il faut garder à l’esprit sa forte ressemblance technologique avec le pain d’aujourd’hui. C’est d’ailleurs la même levure (Saccharomyces cerevisiae) qui est impliquée dans ces deux procédés. Liaison intime qui se manifesterait, selon certains, dans la proximité des termes anglais « bread » (« pain ») et « brewed » (« brassé »). Ce sont, actuellement, deux produits alimentaires clairement distincts, mais qui possèdent une histoire commune passionnante! Notons que les premières traces de pain au levain datent d’environ 3 000 ans, c’est-à-dire bien après l’apparition de la bière6.

Ce qui est certain, c’est que, dès le début de la sédentarisation, les céréales ont été la base de l’alimentation quotidienne humaine. Pour s’assurer un apport en énergie (amidon), nos lointains ancêtres confectionnaient des galettes de céréales broyées et humidifiées, qui étaient ensuite vraisemblablement cuites avant d’être consommées. La mère nourricière, symbolisant la fécondité et l’opulence, était chargée de nourrir la famille affamée! L’Histoire de la bière commence donc par desbrasseuses!Ellesvontd’ailleursgardercestatutjusqu’au MoyenÂge:périodemalheureusedurantlaquelleleursconditionsvont fortement décliner...

Selonunethéorieévoquée,lafabricationdelabièreauraitététotalement accidentelle. Imaginons, il y a 20000 ans, une pâte de galetteabandonnéedansunrécipient.Unepluievientensuiteremplirle contenant qui n’aurait pas été protégé des intempéries… Et la galette, ainsi baignée, se met naturellement à fermenter.Après avoir été oublié dansuncoin,lemélangeobtenuapermisledéveloppementdemicro-organismes : la première fermentation spontanée était née! Fait encore plusexceptionnel : un.e hurluberlu.e a goûté ce mélange! Et visiblement, ce fût apprécié…!

Les premières preuves formelles attestant de la fabrication d’une bière,dénommée« siraku »,remontent à6000ans:lesSumériensréalisaient ce « pain liquide » en faisant tremper (dans des jarres remplies d’eau)desgalettesdecéréales(principalementdel’orgegerméetcuit). Onyajoutaitégalementdumieletdesdattespourparfumerletout.Ce breuvage fermenté était consommé à l’aide d’une paille de roseau afin de ne boire que la fraction liquide. N’oublions pas que, toute notiondelevureoudefermentationétanttotalementinconnue,leprocédé de transformation relevait du divin et du mystique. Le siraku devint une monnaie d’échange précieuse, tout en ayant bien évidemment une grande importance pour les cérémonies religieuses. Sans oublier la « lune de miel ». La coutume voulait que, lors d’unmariage,lepèredelamariée devait fournir, au jeune couple,dela« mead »(uneautrebière au miel), et ce, en autant de quantité qu’ils étaient capables d’ingurgiter ! Malheureusement, cette douce période ne duraitqu’unmoislunaire.Lemiel,sucré,symbolisant le plaisir, l’abondanceetlafertilité,étaitcensédonnerunedescendancerapideet prospère!Dans ces conditions, il était heureux que la teneur en alcool decette bière fût relativement faible! L’idée de « lune de miel », que nous connaissons actuellement, nous arrive en ligne directe de cette glorieuse époque!

Il est étonnant de constater que ce concept de produit fermenté, préalablement sucré au miel (et aux vertus aphrodisiaques), a également été découvert en Chine (à peu près à la même époque) et s’est propagé dans le monde entier. Dans nos contrées, c’est l’hydromel (eau et miel), et puis l’hypocras(vinetmiel),quiontétédéveloppés,maisilsétaient formellement interdits dans les monastères!

L’égypte

L’Égypteantiqueaproduitle« zythum », à savoir le « vin d’orge », en améliorant le procédé de fabrication et en y ajoutant une multitude d’épices, de graines et d’ingrédients.

Le mot « zythum » fut inventé au 19e siècle pour définir la bière égyptienne brassée sous les Pharaons. Il provient du terme « zythos » (engrecancien,« bière »,issueduverbe« zéô »signifiant« bouillir »). C’estlamêmeoriginequiaconduit à l’apparitiondusubstantif« zythologie »(synonymede« bièrologie »),notioninventéeparl’acteurbelge Ronny Coutteure à la fin du siècle passé.

L’arrivée de la bière en occident

C’est par la Grèce que la bière fait son entrée dans nos régions. Les Gaulois l’appelèrent « cervoise » (de « cera » et « vise », signifiant respectivement « grain » et « force »). À l’époque, comme le houblon était encore méconnu, la cervoise était une bière non houblonnée ! Notons également que le terme celtique « brace », désignant le blé germé et torréfié en vue de la préparation de la cervoise, serait à l’origine des mots « brasser » et « brasserie ». Tandis que, pour d’autres linguistes, ces deux derniers mots proviendraient du fait qu’il fallait utiliser ses bras pour obtenir une agitation permanente lors du « brassage7 ». À vous de choisir ! Pour les Grecs et les Romains, la boisson de prédilection était le vin de raisins. Ils snobaient le vin d’orge (la bière) en considérant que c’était la boisson des Barbares, et ce, au sens propre et figuré ! Autrement dit, elle était la boisson de leurs ennemis ! Heureusement pour nous, Belges, les plus braves de tous (et ce n’est pas moi qui le dis !), nous avons pu pérenniser diplomatiquement notre activité brassicole…

Depuis l’apparition de la bière, de nombreuses herbes, plantes et épices sont ajoutées au brassin afin d’en améliorer la flaveur : ce mélange prit, au fil des siècles, le nom de « gruit » (ou « gruut », ou toute autre dénomination très semblable). En fonction des régions, ce mélange varie : on ajoute au brassin les plantes que l’on a sous la main !

Les abbayes vont, bien évidemment, jouer un rôle crucial dans le développement et la diffusion de la bière. C’est avec l’expansion de l’Empire carolingien (de la Catalogne à la Bohème actuelle) que beaucoup d’abbayes ont été fondées. Et ces mêmes structures ecclésiastiques, suite à la demande croissante de la population, sont devenues, au fur et à mesure, de grands centres de production et de distribution de la bière. Elles possèdent les terres pour la culture, la main-d’œuvre ainsi que le savoir-faire essentiel à la fabrication de ce breuvage.

Pour information, c’est en 820, en Suisse alémanique, que l’on trouve la première trace écrite de la préparation de la bière, et nous le devons à Ekkehard, prieur de l’Abbaye de Saint-Gall8.

Suite à l’augmentation de la demande en bière de la population dans nos contrées, Charlemagne interdit à quiconque de cueillir (sur ses terres impériales des Pays-Bas) les ingrédients nécessaires à la confection du gruit. Cette réglementation s’appliquait principalement au Pays-Bas du Nord (dans les Comtés de Hollande et de Zélande, mais aussi à l’ouest de l’actuelle Allemagne). Alors que chez nous, dans les Pays-Bas du Sud, nous avons été peu impactés… ce qui nous permis sans conteste de développer la tradition brassicole. . De plus, le droit de gruit (droit de brassage, « gruitrecht ») n’était décerné qu’aux abbayes, moyennant de plantureuses rétributions.

Par la suite, ces institutions religieuses ont perdu le monopole de la fabrication, mais le brassage est soumis à l’utilisation sine qua non d’un gruit « officiel », composé et vendu par le « grutarius », un agent public en charge de la confection et de la vente du produit. Selon certaines sources9, ce personnage était libre de choisir les plantes et de réaliser des mélanges originaux dans le but d’améliorer la qualité de la bière. Tel un ingénieur actuel dans son laboratoire de « Recherche et Développement », le grutarius avait à sa disposition la gruithuis (c’est-à-dire un bâtiment), équipée, entre autres, du matériel nécessaire au brassage. Visiblement, certains de ces fonctionnaires ne se tracassaient guère du caractère toxique des plantes sélectionnées... Et c’était d’ailleurs le plus gros problème universel du gruit : les cas fréquents d’intoxications dues à l’utilisation de plantes dangereuses10 Cet inconvénient majeur causera le déclin du gruit, au profit de l’utilisation (rendue plus tard obligatoire) du houblon !

Le droit (payé !) d’utilisation du gruit (gruitrecht) aboutira par la suite à la taxation généralisée de la bière produite. Et ce gruitrecht perçu fera partie intégrante des revenus des villes flamandes.

Le gruit : l’essence aphrodisiaque principale de la bière

L’origine du terme « gruit » est inconnue. Certains y voient le mot « gru » qui, jadis, désignait indistinctement « tout fruit des bois », et par extension, « toute plante cueillie dans la nature11 ». Certains autres y voient un dérivé de « grüne » signifiant « vert » et désignant les herbes utilisées…

La composition de ce mélange différait suivant les régions, en fonction des plantes disponibles. Mais plusieurs d’entre elles semblent tout de même récurrentes : l’achillée millefeuille (Achillea millefoliumL.), le piment royal (Myrica gale L.) et le lédon des marais (Rhododendron tomentosum, anciennement Ledum palustre L.). Il est intéressant de faire l’état des lieux des connaissances actuelles concernant ces plantes :

l’achillée millefeuille : son huile essentielle est reconnue comme étant anti-inflammatoire et favorisant la régénération de la peau12 ;le piment royal : ce sont ses vertus anticancéreuses qui sont utilisées par la médecine moderne13 ;le lédon des marais : son huile essentielle et sa richesse en polyphénols lui confèrent des vertus analgésiques, anti-inflammatoires, antibactériennes, antivirales, antifongiques et insecticides. L’extrait de lédon est d’ailleurs utilisé comme principe actif dans de nombreuses substances médicamenteuses… et les recherches sont prometteuses : des vertus antidiabétiques, anticancéreuses et antioxydantes sont en passe d’être ajoutées à la liste14 !

Le gruit était un mélange possédant de belles vertus, inconnues à l’époque, mais qui favorisaient la conservation de la cervoise. En revanche, le produit commercialisé par le grutarius (contenant trop fréquemment des plantes toxiques) était souvent responsable d’intoxication : c’est pourquoi l’utilisation du houblon prendra un essor formidable ! De plus, malgré les qualités de conservation indéniables du gruit, nous verrons que le houblon est bien plus efficace.

Les vikings

Au 9e siècle, ce sont les Vikings qui, malgré leurs raids sanglants sur l’Europe du Nord, nous ont tout de même apporté une chose positive : le houblon ! Celui-ci s’avérera être une matière première essentielle à la fabrication de la bière en tant que telle... Mais avant cela, il faudra patienter quelque 200 ans avant qu’il ne fasse timidement son entrée dans la préparation du breuvage.

Par la suite, à l’instar de toutes fleurs et épices aromatiques, des cônes de houblon (voir la figure 1) ont été ajoutés à la bière. Techniquement parlant, c’est à partir de ce moment que nous pouvons utiliser le terme « bière » ! Le nom de « cervoise » devrait être systématiquement usité pour décrire la bière produite avant l’exploitation du houblon dans son procédé de fabrication.

Fig.1 : Unefeuilleet un cône de houblon

Le déclin du gruit et l’avènement du houblon en brasserie

Entre le 11e et 16e siècle, le gruit (amérisant et aromatique) sera progressivement remplacé par le houblon, car il présente ces mêmes caractéristiques organoleptiques. Comme nous l’aborderons, cette plante améliorera considérablement la conservation de la bière15.

Pour l’anecdote, certains auteurs affirment que la Réforme protestante (15e et 16e siècles) a joué un rôle majeur dans le déclin de l’utilisation du gruit en vue de contrecarrer les débauches instiguées par l’Église catholique : les vertus sédatives du houblon permettraient à la population de calmer leurs ardeurs! En effet, le mélange de gruit était considéré comme aphrodisiaque! Mais cet argument est peu convaincant étant donné que l’Allemagne a commencé à abandonner le gruit plusieurs siècles auparavant16. Il est fort probable que ce soit surtout l’engouement du peuple envers cette nouvelle manière d’aromatiser la bière qui ait joué un rôle majeur.

La bière « s’amertumant » davantage avec le houblon, c’est aussi depuis cette époque que la fabrication n’est plus l’apanage des dames. Comme l’expliquent Élisabeth Pierre17 et Judith Bennett18, le Moyen Âge voit le rôle de la femme rétrogradé à de simples besognes domestiques et familiales ! Cette « masculinisation » de la profession conduit à la création des corporations des « brasseurs ». Celle de Bruxelles est une des plus vieilles du monde : elle a été fondée au 14e siècle. La Maison de l’Arbre d’Or devient, au 17e siècle, la Maison des Brasseurs. Elle est toujours actuellement occupée par les Brasseurs belges19.

Le saviez-vous ?

ArnoulddeSoissons,saintPatrondesbrasseuses et des brasseurs

Né à Tiegem(Audenarde)en1040,Arnouldfutsoldat,moine, abbéetenfinévêquedeSoissons.EnpleinMoyenÂge,ilremarqua que les buveurs.veuses de bière étaient en bien meilleure santé que les buveurs.veuses d’eau! Il prêcha, durant toute sa vie, auprès de la population, sa phrase préférée : « Ne buvez pas d’eau! Buvezdela bière! ». Il n’en fallait pas plus pour que les brasseries de la régionlevénèrententantqueSaintPatron.IlestfêtéenBelgique (et dans le nord de la France) le 14 août20.Aujourd’hui, il nous semble évident que l’ébullition, l’houblonnage et la teneur en alcoolsontdesconditionsdepotabilisationetdeconservationde labière...maiscommenousleverronsparlasuite,lesmicro-organismes ne seront mis en avant que 800 ans plus tard!

La disette, la loi de la pureté et l’abandon du gruit

En pleine période de famine, le 23 avril 1516, le duc Guillaume IV de Bavière promulgue la Reinheitsgebot (la fameuse « Loi de la Pureté ») dans le but de limiter l’utilisation du blé dans la fabrication de la bière. Celle-ci stipule que la bière ne peut être fabriquée qu’à partir d’orge, de houblon et d’eau. « Et la levure ? » me direz-vous. La notion de micro-organisme est totalement inconnue à cette époque ! C’est bien plus tard, grâce à Pasteur, au 19e siècle, que les levures seront identifiées comme principales responsables de la fermentation alcoolique !

Par cette décision qui, soit dit en passant, est une des premières législations européennes du secteur agroalimentaire, le gruit est définitivement aboli. Bien qu’abrogée par l’Allemagne dans les années 80 (sous pression de l’Europe qui l’accusait de protectionnisme), cette loi de la Pureté est toujours perçue comme un gage de qualité et fièrement mise en avant par certaines brasseries allemandes actuelles.

Pasteur et la mise en évidence des micro-organismes

Il a fallu attendre 1876, et la publication des « Études sur la bière » par Louis Pasteur, pour que l’Humanité découvre l’existence des micro-organismes, y compris ceux de la fermentation de la bière.

Ses expériences scientifiques ont démontré que des êtres microscopiques étaient responsables de la transformation de milieux sucrés. Une nouvelle ère s’est ouverte dans le domaine brassicole : celle de l’hygiène et de la maîtrise des procédés.

Jusqu’alors, les bières étaient toutes de fermentation spontanée (les levures et bactéries responsables de leur typicité se trouvaient dans l’environnement de la brasserie, y compris dans l’eau et le matériel de brassage). La découverte des micro-organismes a révolutionné la production brassicole et a mis en lumière ceux qui conduiront plus tard à la classification des bières en 4 types de fermentation : les bières de fermentations haute, basse, mixte et spontanée.

C’est Pasteur qui, sur base des travaux de Nicolas Appert, a mis au point la « pasteurisation » : un traitement thermique des denrées alimentaires qui a pour but l’élimination des micro-organismes pathogènes. Ce procédé est encore largement utilisé dans le secteur agro-alimentaire. C’est en hommage aux travaux de Pasteur consacrés à la levure de la bière que la nouvelle nomenclature concernant la levure de la fermentation basse porte désormais son nom : « Saccharomyces pastorianus » ou « Saccharomyces pasteurianus » (les deux versions sont admises).

Actuellement21

Selon le Rapport annuel des Brasseurs belges (2022): en 1999, le Belge consommait 100 litres par an, alors que ce chiffre est de 61 litres en 2019... Pour les années 2020-2021 (pandémie de la COVID19), ce volume est tombé aux alentours de 50 litres. En revanche, il est fort à parier que 2022 retrouvera une valeur proche (mais en-dessous) des 61 litres de 2019…

En diminution constante depuis une vingtaine d’années, le secteur brassicole belge était en pleine recherche d’identité. Fort heureusement, le renouveau est en marche depuis quelques années : les microbrasseries ont le vent en poupe ! En effet, entre 1999 et 2021, le nombre de brasseries a pratiquement quadruplé, passant de 112 à 408. Et ce sont principalement de nouvelles microbrasseries qui ont vu le jour, rendant ainsi à notre royaume ses lettres de noblesse brassicole. Bien que nous consommions moins, nous consommons mieux22 !

Définition d’une micro-brasserie

Le terme « micro-brasserie » nous vient du Québec et est la francisation de l’anglais « microbrewery ». C’est dans le milieu des années 80 que naît véritablement ce concept. À l’époque, sa définition était essentiellement quantitative. Elle faisait référence, en effet, au volume de production, soit un maximum de 2 000 hL par an. Au Québec, c’est Jérôme Catelli-Denys, fondateur de la microbrasserie « Cheval Blanc », qui est considéré comme un des pères spirituels des microbrasseries québécoises. Pour ce qui est de l’Europe, ce sont la Brasserie Coreff et le groupe « Les 3 Brasseurs » qui sont les pionniers dans le domaine. Depuis lors, aussi bien en Amérique qu’en Europe, un nombre important de micro-brasseries a vu le jour.

Le succès de ces micro-brasseries (principalement en matière de volume produit) a obligé une révision de la définition. Aussi, actuellement, deux critères sont défendus pour ce terme. D’une part, la production (avec un maximum de 12 500 hL par an), mais aussi, et surtout, la philosophie, liée à une approche expérimentale du brassage de la bière et une flexibilité par rapport aux attentes des client.e.s23.

Patrimoine culturel immatériel de l’humanité

Il est évident que je ne peux clôturer ce chapitre dédié à l’histoire et l’état des lieux de la brasserie sans vous rappeler, non sans fierté, que c’est en novembre 2016 que l’Unesco a élevé « la culture de la bière en Belgique » au rang de Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité.

2 Ministère des affaires économiques. (Administration de la Qualité et de la Sécurité, Division Qualité), Réglementation métrologique. Consulté le 10/07/2022, à l’adresse http://ng3.economie.fgov.be/NI/metrology/showole_FR.asp?cParam=3528

3 Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (République française). (2017, juillet). Etiquetage des bières. Ministère Français de l’Economie. Consulté le 17/06/2022, à l’adresse https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/consommation/Fiche-tout-savoir-etiquetage-bieres.pdf?v=1507298215

4 Département Fédéral de l’Intérieur (Suisse). Ordonnance sur les boissons alcooliques. Confédération suisse. Consulté le 22/06/2022, à l’adresse https://fedlex.data. admin.ch/filestore/fedlex.data.admin.ch/eli/cc/2013/839/20140101/fr/pdf-a/fedlex-data-admin-ch-eli-cc-2013-839-20140101-fr-pdf-a.pdf

5 Contre Points. Comment la bière a changé le cours de l’humanité. Consulté le 15/06/2022, à l’adresse https://www.contrepoints.org/2013/02/24/115961-comment-la-biere-a-change-le-cours-de-lhumanite

6 Barriere, M. Le pain, ed. Historia, novembre 2011.

7 Grandgagnage Ch., Dictionnaire étymologique de la langue wallonne, Ed. Culture et Civilisation, 1980.

8 Éducation professionnelle, Industrie de la brasserie, Organisation professionnelle de la Brasserie, 1951.

9 Arnould, J.P. & Penman, F. History of the Brewing Industry and Brewing Science in America, BeerBooks.com, 2006.

10 Ruccio, D.F. Economic Representations: Academic and Everyday, Routledge, 2008.

11 De Laurière, E. Glossaire du droit francois contenant l’explication des mots difficiles, J. Guignard, 1704.

12 Tadic, V. et al. National Library of Medicine. The estimation of the traditionally used yarrow (Achillea millefolium L. Asteraceae) oil extracts with anti-inflamatory potential in topical application. Consulté le 03/06/2022, à l’adresse www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28163113

13 Sylvestre, M. et al. National Library of Medicine. Chemical composition and anticancer activity of leaf essential oil of Myrica gale L. Consulté le 09/06/2022, à l’adresse www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15898708

14 Dampc, A. et al. National Library of Medicine. Rhododendron tomentosum (Ledum palustre). A review of traditional use based on current research. Consulté le 03/06/2022, à l’adresse https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23352748/

15 Buhner, S. Sacred and Herbal Healing Beers, Siris Books, 1998.

16 Rissanen M. The Reformation had some help from hops. Consulté le 08/07/2022 à l’adresse https://www.academia.edu/28640210/The_Reformation_had_some_help_from_hops

17 Madame Le Figaro, La bière, une histoire de femme. Consulté le 08/07/2022 à l’adresse http://madame.lefigaro.fr/art-de-vivre/biere-histoire-de-femmes-010814-899555

18 Bennett, J. M. Ale, beer and brewsters in england. New York, Ed. Oxford university press, 1996.

19 Pentagone, E. Le Patrimoine monumental de la Belgique, Bruxelles, Ed. Mardaga, 1993.

20 Hell. B. L’Homme et la bière, Éd. Jean-Pierre Gyss, 1982.

21 Brasseurs Belges ASBL. (2022). Rapport annuel 2021. Brasseurs Belges. Consulté le 08/07/2022, à l’adresse http://www.belgianbrewers.be/fr/economie/article/rapport-annuel

22 Ministère des Affaires Économiques. (Administration de la Qualité et de la Sécurité, Division Qualité), Réglementation métrologique. Consulté le 08/07/2022 à l’adresse http://ng3.economie.fgov.be/NI/metrology/showole_FR.asp?cParam=

23 Collin,S. Ecocir. Situation du secteur brassicole wallon, Ed. UCL, 2008.

La bière est un produit fini complexe dans lequel la qualité de chaque matière première est cruciale. Mais il est important de noter que le procédé de fabrication va également jouer un rôle prépondérant dans l’obtention d’un produit final de qualité. Comme j’aime le répéter à mes étudiant.e.s, la fabrication de la bière est une histoire (belge ?) de « compromis » entre la cible à atteindre et les « matériels et méthodes » mis en œuvre… D’excellentes matières premières, mal utilisées en fabrication, pourront rarement donner une bière satisfaisante… Mais l’inverse est également vrai. C’est pourquoi cette partie est conçue afin que vous compreniez les bases théoriques en vue de les appliquer en toute connaissance de cause.

Dans cette première section, nous aborderons le procédé complet de la fabrication d’une bière. Il est évident que présenter un schéma général est une chose ardue : il existe autant de procédés que de bières ! Le but de cette première partie n’est pas d’être rigoureusement exhaustif, mais bien de vous présenter les choses de la manière la plus « classiquement » rencontrée dans l’industrie brassicole. Un résumé général du procédé de fabrication est consultable à la page 250.

Les matières premières

Dans ce chapitre, nous allons aborder les différentes matières premières utilisées pour la fabrication d’une bière. Par ordre d’importance dans le produit fini, nous présenterons successivement l’eau, le malt, les augmenteurs d’extraits (grains crus et sucre), le houblon, les épices et la levure.

Eau

Approche historique et aspect légal

Dans le secteur brassicole, l’utilisation de l’eau (et surtout la gestion de celle-ci) est vraisemblablement un point crucial dans le procédé de fabrication. Il y a 25 ans d’ici, il fallait de 10 à 20 litres d’eau (nettoyage compris) pour produire 1 litre de bière finie. Actuellement, la moyenne se situe entre 2,5 (voire moins !)24 et 6 litres. Bien que les techniques de production ainsi que la rationalisation globale de l’utilisation de l’eau (rinçages/Nettoyage & Désinfection) soient les principales raisons de cette diminution, ces chiffres sont tout de même à nuancer : c’est la taille de la brasserie – et donc les moyens investis dans la gestion de l’eau – qui va définir sa consommation réelle.

La qualité de l’eau est un facteur important qui influencera la bière produite. Si l’on souhaite brasser une bière de type « pils » ou une « guinness », la qualité initiale de l’eau de brassage devra être différente. Historiquement, une brasserie s’installait à proximité d’un approvisionnement en eau (rivière, source, etc.). C’est la qualité de cette eau (associée aux spécificités propres de la fermentation spontanée) qui a conduit à l’apparition d’une bière caractéristique. Il est important de souligner que toutes les bières produites avant la découverte des micro-organismes étaient de fermentation spontanée : la transformation du moût sucré se faisait par les micro-organismes, qui venaient « contaminer » naturellement le brassin refroidi (environnement de la brasserie, fûts de fermentation, matériel).

L’exemple le plus illustratif est la bière actuellement dénommée « de fermentation basse ». On atteste les débuts de sa fabrication dès le 15e siècle en Bavière. Son histoire ? Une brasserie s’installe à proximité des Alpes bavaroises et connaît des conditions climatiques froides en hiver. Le procédé de fabrication, couplé à un ensemencement naturel et spontané du brassin (dont des levures), et le tout régulé par la température (hivernale) froide extérieure ont permis la conception – de façon totalement naturelle – d’un produit fini spécifique. Le même raisonnement peut être appliqué pour une brasserie installée dans une région de climat tempéré (température froide à fraîche en hiver). Les bières sont, dans ce cas, dites « de fermentation haute ». Cette régulation naturelle lors de la fermentation développa des produits spécifiques.

Aussi, sur la carte d’Europe des climats, pointez-y l’emplacement d’une brasserie traditionnelle et historique (voir la figure 2), et vous constaterez que les bières de fermentation haute se situent en climat tempéré, tandis que les bières de fermentation basse sont situées en climat continental (principalement en Bavière). J’avoue que le concept est simplifié et quelque peu stéréotypé, mais il vous permettra ainsi d’appréhender l’historique de ces 2 types de fermentation (basse et haute), que nous développerons plus loin dans ce livre (voir page 127).

Il va de soi que l’avancée technologique offerte par la mise en évidence des micro-organismes (au 19e siècle) et, par la suite, l’apparition des cuves de fermentation réfrigérées (au début du siècle précédent), ont changé la donne.Il est actuellement possible de brasser n’importe quelle bière à n’importe quelle saison (température) et à n’importe quel endroit sur notre planète. Depuis cette révolution technologique, les fermentations sont classifiées en 4 grands types : les fermentations haute, basse, mixte et spontanée.

Fig. 2 : La carte d’Europe des climats25

En ce qui concerne la législation, en Belgique c’est l’article 2 de l’Arrêté royal du 31 mars 199326, l’eau de brassage doit être de qualité alimentaire, c’est-à-dire potable. C’est une même exigence légale qui est exprimée en France et en Suisse, mais partout ailleurs également ! Même si l’étape d’ébullition peut permettre d’assurer éventuellement une salubrité microbiologique acceptable, les substances chimiques contaminantes ne seront pas forcément éliminées. C’est pourquoi il est totalement interdit de brasser avec de l’eau non potable (rivière, mer, étang, etc.). Les critères de potabilité d’une eau à destination de la consommation humaine sont définis dans la Directive 98/83/CE (consolidée depuis, et transposée en Belgique sous forme notamment de l’Arrêté royal du 14/01/2002) du Conseil en date du 3 novembre 199827