Time to Fall in Love - Laetitia Romano - E-Book

Time to Fall in Love E-Book

Laetitia Romano

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Beschreibung

La vie de Jennie, jeune femme fragile et inhibée est rythmée par les dictats de sa communauté « Les portes du soleil ». Sous le jeu d'un père froid et autoritaire, elle ne rêve que de liberté. Alors quand elle rencontre Jayden, homme secret, indépendant et qui refuse de s'engager en amour, rien ne laisse imaginer qu'ils pourraient se rapprocher. Et pourtant, l'alchimie opère dès le premier regard. Ils devront alors faire face aux conséquences de leur amour interdit et forcer le destin pour trouver enfin le bonheur. Il n'aurait jamais dû se rencontrer mais ils font tout pour vivre leur amour avec un grand J.

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TOME 1

LAETITIA ROMANO

Ce livre est une fiction. Toute référence à des évènements historiques, des personnes ou des lieux réels serait utilisée de façon fictive. Les autres noms, personnages, lieux, évènements sont issus de l’imagination de l’auteure et toute ressemblance avec des personnages vivants ou ayant existé serait totalement fortuite.

Titre de l’édition originale :

Time To Fall In Love

Par Laetitia Romano

L’œuvre présente sur le livre que vous venez de vous procurer est protégée par des droits d’auteur. Toute reproduction d’un extrait quelconque ou d’utilisation autre que personnelle de ce livre constituera une contrefaçon et sera susceptible d’entraîner des poursuites civiles et pénales.

Copyright Laetitia Romano

Tous droits réservés

— Time To Fall In Love —

[Juin 2022]

Photographie de couverture : Shutterstock

Réalisation de couverture : Laurie ESCHARD

Dépôt légal : Juillet 2022

ISBN version broché : 9798809145633

A toutes mes lectrices Wattpad

qui par leur soutien ont fait que

cette histoire devienne un livre

Merci

Chapitre 1

Jayden

Quand j’entre dans la cuisine, Julia s’affaire déjà. Elle se retourne vivement en me surprenant derrière elle.

— Ça va ? Ta nuit a été bonne ? Me demande-t-elle avec un sourire maternel.

— Non, trop de monde, c’était à chier ! Je réplique en posant mes chaussures près des escaliers.

Je m’approche d’elle et l’enlace en l’embrassant.

— Qu’est-ce que tu fais déjà debout ?

— Je prépare le petit déjeuner et j’emmène Josh à l’école ce matin.

— Il doit se lever à quelle heure ?

— Oh, d’ici une demi-heure, répond-elle en regardant la petite horloge accrochée sur le mur de la cuisine.

— Je prends une douche et je vous rejoins.

— OK.

***

Mes mains plaquées sur le carrelage de la salle de bain, je laisse couler l’eau chaude presque brûlante sur ma peau. J’essaie de me détendre et d’oublier la douleur que j’ai dans les pieds et les jambes.

Je repense à la soirée où il n’y avait rien à me mettre sous la dent. Que des filles que je connaissais. À part, peut-être, la blonde qui était avec Cindy, mais bon elle avait l’air très timide. Je souris quand je revois le râteau monumental de Priscilla à mon pote Enzo. C’était hilarant, ma meilleure amie est vraiment barrée.

Je passe une serviette autour de ma taille et me dirige dans ma chambre. Je revêts rapidement un short de sport et je redescends dans la cuisine pour rejoindre mon neveu et ma sœur.

Julia est dans la pièce avec son fils agrippé à son cou avec un bout de son doudou dans la bouche. Je m’avance et le prends dans mes bras.

— Viens, mon cœur, maman doit chauffer ton chocolat.

Encore endormi, je le récupère et lui fais un énorme câlin. Josh sourit et se réveille tout doucement.

— Ça va, bébé ?— Je ne suis pas un bébé, m’avise-t-il en chuchotant dans mon oreille.

— Je sais, mais ici on peut le dire, tu n’es pas avec tes copains.

— D’accord, accepte-t-il en soupirant.

— Tu as bien dormi ?

— Pas trop, j’ai fait un cauchemar à cause de l’orage.

Je le serre plus fort contre moi.

— C’est moi qui viens te chercher à l’école cet après-midi.

Il relève la tête aussitôt, regarde Julia, et avec son air coquin me demande :

— Et tu m’emmènes au parc après ?

— Ouep !

Il s’approche de mon oreille et me murmure :

— Et on achètera des bonbons et du chocolat ?

— Oui, j’acquiesce d’un air entendu.

Julia sourit de notre complicité.

— Hey, qu’est-ce que vous complotez tous les deux ?

— Rien, un truc entre mecs !

— Oui rien qu’un truc entre mecs, répète-t-il mutin.

Julia fait les gros yeux.

— C’est quoi cette façon de parler ?

— Mais, oncle Jayden le dit aussi, tu peux le gronder !

— Hey, tu es sympa comme MEC toi !

Josh éclate de rire et Julia nous rejoint.

J’adore ma vie. Ma sœur et son fils sont tout pour moi.

***

Julia range les habits de Josh pendant qu’il déjeune et elle m’interpelle quand elle me voit passer devant la chambre de mon neveu.

— Jayden ? Est-ce que vendredi soir tu peux me garder Josh ?

— Vendredi soir ?

— Oui, ça te dérange ? Tu avais quelque chose de prévu, peut-être ? Ce n’est rien tu sais, je vais annuler.

— Hey, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu es bien nerveuse, je l’interroge l’air suspicieux.

— Non pas du tout…

— Julia ?

— Quoi ?

— C’est un rencard ?

Elle rougit.

— C’est quoi un rencard ? demande Josh, innocemment, en nous rejoignant dans la pièce.

Julia me lance un regard noir. Je souris de la voir mal à l’aise.

— Ce n’est rien Josh, va dans ta chambre, je te rejoins.

Je profite de quitter la pièce pendant que ma sœur se dirige vers celle de son fils pour finir de le préparer. Je m’installe dans la cuisine et commence mon petit déjeuner.

Je croque dans ma tartine au beurre de cacahuètes quand elle m’invective.

— Toi ! S’exclame-t-elle en me pointant du doigt.

— Ouais, je réponds la bouche pleine.

— C’est oui ou non ? Et je ne veux pas de questions !

— Ah bon ? Parce que tu crois vraiment que je vais me griller un vendredi soir sans avoir d’explications ? C’est qui ? D’où il vient ? Il a quel âge ? Est-ce qu’il a du fric ?

J’appuie mes phrases en montrant chaque doigt de la main. Elle rougit à nouveau.

Je me lève et l’entoure de mes bras.

— Hey, Ju ! Tu peux tout me dire, tu le sais !

— Oui, mais je n’aime pas quand tu te moques de moi.

— En tout cas, il a intérêt à être réglo, je te le dis !

— Il l’est.

— OK, tu l’as connu au boulot ?

— Oui, ça fait des mois qu’on se tourne autour et là il m’a invitée, il est très gentil.

— Il faudra que tu me le présentes un de ces jours.

— On n’en est pas encore là, vous êtes mon jardin secret tous les deux, avoue-t-elle en souriant.

— C’est quoi son nom ?

— James Baldwin, il est webmaster.

— James ? Un prénom en J…

— Arrête, c’était un truc de maman ça !— N’empêche que…— Oh, toi je te jure !

— Maman !

— Oui j’arrive mon cœur.

Je la lâche en souriant.

— Julia !

— Oui ?

— C’est OK pour vendredi, ne t’inquiète pas, je m’occupe de tout !

— Merci.

Elle m’envoie un baiser de sa main.

***

— Tonton ? Passe-moi le crocodile vert.

— Celui-là ? Je réponds en le tenant par la queue.

— Oui !

— C’est celui que je voulais manger !

— Non ! C’est à moi, toi tu as pris tous les rouges déjà !

— Monsieur crocodile monte sur ta jambe pour te croquer !

Il rit aux éclats. Je passe ma main dans ses cheveux et lui ébouriffe. 

— Tonton ?

— Oui.

Il cale sa tête sur mon épaule. 

— Pourquoi tu n’es pas mon papa ?

Je reste un instant silencieux. 

— Josh, on en a déjà parlé, tu te souviens ? Je suis le frère de maman donc je ne peux pas être ton père, mais je peux faire des choses que les papas font avec leurs enfants.

— Mais moi à l’école, ils se moquent de moi parce que je n’ai pas de papa, se plaint-il en chouinant.

— Qui ça ?

— Deux garçons.

— Ah ouais ? Tu me les montreras demain quand je viendrai te chercher.

— Ils disent que c’est nul de ne pas avoir de papa ! Et ils ne veulent pas jouer avec moi.

— C’est eux les nuls ! Et puis tu n’as qu’à leur raconter que tu as un tonton qui vit avec toi parce que ça m’étonnerait que leurs tontons à eux vivent dans la même maison !

— Ah ouais ! Et je pourrais leur dire que tu m’emmènes au parc et qu’on mange plein de bonbons et du chocolat ?

— Bien sûr et qu’on joue à la bagarre aussi, je m’assois sur lui, et que je te fais des chatouilles !

Il se tortille sous moi et rit aux éclats. 

— Tu es un super tonton ! s’exclame-t-il en mettant ses bras autour de mon cou et en m’embrassant.

— Et toi, un super neveu, mon cœur. Je t’aime mon grand.

— Je t’aime aussi, oncle Jayden.

— On va rentrer parce que maman va nous disputer si on n’a pas pris le bain. 

Ma sœur n’a pas eu de chance dans sa vie sentimentale. Le premier qu’elle nous a présenté était un play-boy de première, un petit con à qui j’ai cassé la gueule quand je me suis aperçu qu’il la trompait.

Le deuxième n’était pas mieux, il était plus vieux qu’elle de dix ans et était déjà marié. Il jouait sur les deux tableaux. Je lui ai pété les dents aussi.

Et le troisième c’est le père de Josh, mais lui n’a pas assuré. Quand elle lui a annoncé qu’elle était enceinte, il l’a insultée et l’a abandonnée. Je n’ai pas eu l’occasion de le tuer. 

Elle n’a pas voulu écouter mon paternel qui lui demandait d’avorter et un soir elle s’est disputée avec lui. Elle a claqué la porte et est partie sans nous dire où elle allait. Elle avait vingt et un ans, elle était majeure. J’ai mis du temps à la retrouver, mais j’ai réussi et je ne la laisserai jamais tomber. C’est ma grande sœur, elle est tout pour moi et son fils aussi. Je ne parle plus à mon père depuis ce jour-là, ça fait cinq ans. Nous habitons la même ville, mais nous nous croisons que très rarement. Il a perdu ses deux enfants pour une décision que je ne comprends toujours pas.

 Ce qui est certain, c’est que personne ne peut rompre ce lien entre Julia et moi. Josh et elle sont ma seule famille.  

— Les garçons, je suis là !

— Salle de bain !

Elle arrive tout sourire, mais fatiguée. Je me lève pour l’embrasser tendrement. 

— Ça va ? Ça s’est bien passé ?

— Super, ne t’inquiète pas, il est génial.

— Maman, je veux un bisou.

Elle lui laisse un baiser sur son nez plein de mousse. Josh éclate de rire. 

— Détends-toi, je m’en occupe.

— OK, répond-elle sans se faire prier en rejoignant le salon.

— Bon p’tit mec, on va préparer une surprise à maman, OK ?

— Oui ! s’exprime-t-il en sautillant sur le tapis.

— On va lui faire couler un bain avec des bougies partout.

Dix minutes plus tard, nous voilà tous les deux à diriger Julia, les yeux fermés, vers la baignoire. 

— Tu peux ouvrir les yeux maintenant, demande Josh impatient.

— Oh merci ! Lui répond-elle sentant l’odeur de vanille qui se dégage de la pièce.

— Prends ton temps, je m’occupe du repas.

— Merci Jayden, tu es un amour, toi aussi mon bébé, je t’aime fort.

— Je ne suis pas un bébé !

Nous rions et je ferme la porte derrière moi. 

Plus tard dans la soirée, alors que Josh est endormi, je reparle de ma discussion avec lui au parc, avec ma sœur.

— Josh se fait emmerder à l’école par deux petits cons !

— Jay, ton langage s’il te plaît. Elle soupire.

— Je vais les attraper à la sortie, histoire de les effrayer un peu.

— Non, sûrement pas ! Tu ne feras rien tu m’entends ?

— Putain, mais Ju, ils lui disent que c’est nul qu’il n’ait pas de père !

— Et alors ? Josh sait se défendre.

— Non, je ne crois pas non ! Sinon il ne m’aurait pas demandé encore une fois d’être son papa !

— Il a dit ça ?

— Oui et je lui ai encore expliqué pourquoi ce n’était pas possible.

— Je rate tout, se plaint-elle tristement… Je ne lui suffis pas…

— Hey, ne raconte pas n’importe quoi. Je suis là, moi.

Je la prends dans mes bras et lui sèche ses larmes.

— Va voir la maîtresse et je te promets de ne pas intervenir.

— Merci Jay.

— Mais je ne veux plus t’entendre dire que tu n’es pas une bonne maman 

Chapitre 2

Jennie

Je regroupe mes vêtements dans mon sac et vérifie autour de moi de n’avoir rien oublié.

— Jennie, dépêche-toi ! Ton père t’attend dans la voiture.

Je jette un œil par la fenêtre et le vois s’impatienter dans son véhicule. Je soupire en pensant que toute ma vie sera faite comme ça. À vingt-deux ans, il doit toujours m’accompagner sur mon lieu de travail et venir me chercher le soir.

Je descends le grand escalier du manoir et y croise Ben qui part au lycée ainsi que Rosie et Emmy qui vont à l’université. La mère de Ben me fait signe. Je lui souris poliment.

— Bonne journée, ma fille, lance la mienne de la cuisine.

— Bonne journée, maman !

Je passe la porte et longe le chemin qui mène à la voiture. J’entre dans le véhicule de mon père dans un silence de cathédrale. Il ne décrochera pas un mot sauf pour me dire que ma tenue n’est pas convenable. Je fais le décompte dans ma tête.

5, 4, 3, 2, 1.

— Cette robe est un peu courte, tu devrais faire attention à tes vêtements surtout dans ton travail. Je n’aime pas savoir que tu attires le regard.

Gagné ! Ma jupe m’arrive presque aux chevilles.

— Papa… Je soupire.

Ses yeux noirs m’arrêtent tout de suite. Je me redresse et m’excuse auprès de lui. 

— Pardon.

— Je préfère ça ! Je ne tolérerai pas que tu me répondes !

La discussion est close.

Dix minutes après, il stoppe la voiture devant le magasin de prêt-à-porter où je travaille. 

— Je serai là à dix-neuf heures.

Merci, papa passe une bonne journée, moi aussi je t’aime…

— Tu sais, je lance en hésitant, ma collègue s’est proposée de me ramener certains soirs de la semaine et…

— Non ça ira, ça ne me dérange pas.

— O… OK.

J’aurais essayé et surtout je n’insiste pas.

Priscilla m’accueille chaleureusement comme à chaque fois. Elle sait. Je lui ai tout raconté, car les remarques devenaient gênantes sur le fait que mon père m’accompagne et aussi sur les raisons pour lesquelles je refuse toutes sorties. 

— Jamais il ne te lâche ? Lance-t-elle en apercevant sa voiture dans la rue.

— Je te jure que je n’en peux plus ! Il a osé me dire que ma jupe était trop courte.

Elle me regarde de bas en haut sans ajouter de commentaires.

— Bon, va finir de te préparer dans l’arrière-boutique, on ouvre dans dix minutes.

***

Tous les matins, je me change et je me m’apprête au magasin, car mes parents ne tolèrent pas le maquillage sur moi ni les tenues sexy. Priscilla me prête des vêtements que je stocke dans la réserve. Et tous les soirs, je remets mes habits avec lesquels je suis arrivée à l’ouverture. Ni vu ni connu. Même s’ils doivent se douter que je ne peux pas me présenter comme ça devant la clientèle. Pour l’instant, ils ne m’ont pas posé de questions et je ne leur donne pas l’occasion de m’interroger sur le sujet. De cette manière, je peux continuer à venir travailler ici. J’ai négocié avec eux pour être embauchée dans ce magasin, car j’étais en dépression. Au début, mon père n’a rien voulu savoir, mais ma mère alertée par mes problèmes de santé a fait le forcing. Et contre toute attente, il a accepté. Je ne remercierai jamais assez Priscilla de m’avoir donné ma chance. Elle a compris tout de suite la détresse qui me détruisait. De cette décision en a découlé l’autorisation pour les autres de pouvoir étudier dans des écoles publiques. Mon cas finalement a fait jurisprudence et je suis fière de ne pas avoir lâché devant les adultes de la communauté.

— Au fait, il y a une super soirée qui s’organise bientôt, il faut absolument que tu viennes ! je te présenterai mes amis ! M’avertit Priss, enjouée.

— Tu sais très bien que c’est impossible… Je lui réponds déçue.

— Mais Jen, je t’assure ça sera super !

— Je n’en doute pas, mais il ne voudra jamais…

— Putain, mais c’est de la séquestration ta communauté là !

Je rougis de honte. Je n’ai jamais adhéré à ce concept, je le subis depuis ma plus tendre enfance, mais je ne peux pas faire autrement que de les suivre dans leur délire sinon ça serait le bannissement et j’ai besoin de voir ma mère et ma sœur. 

— Excuse-moi, regrette-t-elle en comprenant mon désarroi.

— Non ce n’est rien.

— Et si on trouvait une bonne raison comme un séminaire pour toute la chaîne de magasins ?

Je la regarde en souriant. Elle a toujours plein d’idées, mais qui se révèlent plus farfelues les unes que les autres. 

— Mais je suis sérieuse ! Si la direction nous convoque trois jours pour échanger sur nos pratiques, ton père ne pourra rien dire !

— Et si on se fait prendre ?

— Pourquoi tu veux que ça se passe comme ça ? On ne mentirait qu’à ton paternel.

Je hausse les épaules en souriant. Cette fille est complètement folle. Les choses semblent faciles pour elle, car c’est son père qui est propriétaire de l’enseigne et il ne lui refuse jamais rien. Mais malheureusement, elle aura beau essayer de trouver un stratagème, je sais déjà comment ça va se terminer. Il mettra son veto comme d’habitude. 

***

 A dix-neuf heures, je vois la Gran Torino se garer devant l’entrée du magasin. Je salue Priss et m’engouffre dans le véhicule. 

— Tu as passé une bonne journée ? Me demande mon père, avec austérité.

— Oui.

Pas besoin d’en rajouter, de toute façon, il ne m’écoute pas et il espère tellement que je quitte ce travail qu’il n’approuve absolument pas. Pour qu’il concède que j’exerce mon activité, j’ai été obligée d’accepter qu’il m’accompagne et qu’il vienne me chercher. Ça lui donne l’impression de me contrôler et le contrôle ça lui plaît, ça lui confère une toute-puissance sur nous et tous les habitants du manoir.

Personne ne peut comprendre ce que je ressens quand j’entre dans cette maison. J’étouffe. Et je ne peux même pas en parler à qui que ce soit sous peine que ce soit répété à mes parents.

Les Portes du Soleil, voilà comment se nomme ma communauté. Mon grand-père en est le fondateur et nous sommes une cinquantaine de personnes à partager cet endroit. J’ai une sœur Emmy avec qui je suis très liée. Mon père a repris le flambeau, il est maintenant reconnu et apprécié. Moi je le déteste… je le déteste de m’obliger à subir ça et un jour je partirai loin… très loin d’ici. 

Il n’y a que Priss qui soit au courant, mais ça me pèse de voir les jeunes de mon âge s’éclater quand moi je dois rentrer directement au manoir, que je n’ai jamais embrassé un homme… À vingt-deux ans ! J’ai honte de moi, de ma famille. 

Un jour, je le jure je partirai…

Chapitre 3

Jayden

Le bar est bondé comme chaque soir. Enzo et moi sommes derrière le comptoir à essayer de dénicher de nouvelles conquêtes quand trois jeunes femmes s’accoudent au zinc. 

— Salut, les filles, qu’est-ce que je vous sers ?

— Salut beau gosse, trois cosmos s’il te plaît.

— Va pour trois cosmos ! Enzo ? Tu es prêt ?

— Ouais mec, c’est parti !

Enzo m’envoie les bouteilles par-dessus la tête alors que moi je « shake » les cocktails sur le rythme de la musique. Tout le monde nous regarde et hurle en nous applaudissant. Quand je verse le liquide dans les verres devant ces trois jolies créatures, une des filles glisse un billet dans la poche de mon polo.

— Il y a mon numéro à l’intérieur, m’informe-t-elle en me faisant un clin d’œil.

Toi ma belle, ce soir tu passes à la casserole. 

— Je finis à quatre heures du mat.

— Je t’attends, je suis là toute la nuit.

— OK, je réponds en souriant.

Enzo quant à lui s’occupe des deux autres copines. 

— As-tu terminé de jouer le joli cœur, j’ai une question à te poser !

Je tourne la tête vers la personne qui m’interpelle.

— Priscilla… Tu comptes me casser mes coups ce soir ?

— Arrête Jay, tu n’as pas besoin de moi pour ça ! Tu veux que je te rappelle la blonde de la dernière fois.

— Non c’est bon, je lance, vexé.

Elle se met à rire. 

— Priss !

— Oh ça va, cool ! Jay, il faut absolument que tu m’aides !

J’essuie les verres posés devant moi et la regarde en biais. 

—Jayden Warner ! Tu oublies que je t’ai sorti à maintes reprises de situations critiques ! Et là, j’ai besoin de toi !

Priscilla Jenkins, je la connais depuis mon plus jeune âge, on a fait tout notre cursus scolaire ensemble. Nous sommes comme chien et chat, mais nous sommes inséparables malgré tout. Elle est toujours présente quand je suis en galère et vice versa. Certaines fois, les gens pensent que nous sommes en couple, mais ça n’est jamais arrivé. Heureusement, j’aurais eu l’impression de coucher avec ma petite sœur.

— Allez vas-y accouche !

— Il faut que tu te fasses passer pour mon patron.

— Mmmh... Je la regarde avec un air coquin, un fantasme que tu voudrais assouvir, chérie ?

— Dans tes rêves !

Je ris. 

— Non sérieux Jay, mon amie qui travaille avec moi a un père, comment dire…

Elle marque une pause avant de reprendre.

— Un peu trop envahissant… Il lui interdit tout…

— Elle a quel âge ta copine ? Quinze ans ?

— Vingt-deux…

— Quoi ? 

— Oui bref, Jay, j’ai besoin que tu rencontres son géniteur et que tu lui fasses croire que nous avons un séminaire de trois jours avec toutes les enseignes de l’État.

— Pour quoi faire ?

— Comment ça, pour quoi faire ?

— Ben vous allez où ? J’ai bien compris que c’était un mensonge !

— La soirée de Jonathan Meyer.

— Ce connard ?

— Oui tu n’as pas tort, mais il fait les meilleures fêtes de toute la ville et ses alentours. Avoue !

— Ouais c’est vrai, j’y suis invité d’ailleurs.

— Oh super ! On pourra s’y rendre ensemble !

— Non, je ne crois pas, je n’ai pas envie que tout le monde pense qu’on est en couple !

— Tu es con ! Alors, tu es d’accord ?

— OK, ça va, je jouerai au beau chef d’entreprise qui se tape ses petites vendeuses !

Elle me regarde en biais. J’éclate de rire. Je pose un verre devant elle.

— C’est la maison qui régale.

— Merci Jay.

***

Quatre heures du matin.

Je viens de finir le boulot et la blonde m’attend à l’entrée. Je me dirige vers elle avec le sourire. 

— Alors ma belle, pas trop fatiguée ?

— Jamais quand il s’agit de passer du bon temps.

— Cool, on va chez toi ou à l’hôtel ?

— Et pourquoi pas chez toi ? M’interroge-t-elle avec curiosité.  

— Ah non, beauté, chez moi ce n’est pas possible.

— Ta petite amie n’est pas compréhensive ?

— Je n’ai pas de copine.

— OK, alors chez moi.

Ça m’arrange, je fais des économies et je pourrai filer comme je veux dès que j’en ai envie. 

En plus, je suis tombé sur une gourmande. Dans le taxi, à peine partis, elle est sur moi à me fourrer sa langue dans la bouche. Je me sens à l’étroit dans mon jean. Mes mains passent sous sa jupe. Je malaxe ses fesses et immisce mes doigts à travers la dentelle de son string pour atteindre ses secrets. Elle gémit bruyamment sans se soucier du chauffeur qui nous mate dans son rétroviseur. 

Dans le couloir qui mène à son appartement, il faut que je la calme pour éviter de la prendre contre le mur. 

— Hey, doucement, sinon tes voisins…

— Je m’en fous, tu me rends folle, insiste-t-elle en me coupant la parole.

Oui je l’avais remarqué, il va falloir que je me tire vite fait après ma petite affaire, car je crois que je suis avec la plus grosse nympho de la ville. 

Elle ouvre la porte de l’appartement. Je profite d’un moment de répit, quand elle pose son sac et sa veste sur son canapé, pour envoyer un SMS à ma sœur afin d’éviter qu’elle s’inquiète de ne pas me voir rentrer. 

— Hé bébé, tu es avec moi ?

Putain, elle est déjà à poil. 

Je m’avance rapidement et la soulève. Elle déboutonne mon jean. J’ai juste le temps d’enfiler un préservatif et je la prends aussitôt contre le mur de son salon. Elle gémit et crie mon nom à s’en défaire les cordes vocales. J’en débanderai presque. 

Putain… Je vais mourir.

Elle est insatiable. J’en ai mal à la bite à force de la pénétrer et de me faire sucer. C’est un vampire, non pire, un succube. J’ai l’impression qu’elle m’a bouffé toute mon énergie. Je n’ai pas pris mon pied du tout.

— Oh putain Jayden, tu es un trop bon coup ! On remet ça quand tu veux minaude-t-elle avec son maquillage qui a coulé sous ses yeux. 

C’est un cauchemar qu’il faut que je stoppe tout de suite. 

— Ah non ma belle, jamais deux fois avec la même fille.

— Tu es sérieux ?

— Plus que sérieux, chérie.

— Tu veux dire que ce n’était rien pour toi cette nuit ?

Oh danger… 

— On s’est éclatés, voilà ça s’arrête là.

Oh non, elle ne va pas pleurer. Non. Si elle pleure.

— Écoute nous nous sommes peut-être mal compris, mais…

— Mais Jayden, je suis amoureuse de toi.

Quoi ? Je suis en plein cauchemar.

— C’est une blague ?

— Non ! Ça fait des mois que j’essaie de te parler et je voyais bien que tu me regardais, mais je ne savais pas comment t’approcher. Ce soir, mes amies m’ont poussée à me lancer.

— Euh… Ecoute je crois que c’est un malentendu, je ne te connais pas… 

Je dis tout ça en me rhabillant rapidement. Et elle qui continue à chialer. 

— Ne pleure pas d’accord ? Je ne veux pas que tu sois triste, c’est juste que je ne recherche pas de copine. C’était top non ?

Quel menteur je fais, j’en peux plus tellement elle m’a usé. 

Elle secoue la tête à l’affirmative. 

— Donc on reste sur une bonne note, je vais rentrer moi, il se fait tard… enfin tôt.

Je ne sais même plus l’heure qu’il est.

J’ouvre la porte et me faufile dans le couloir, la laissant sur son lit en pleurs. 

Quand je suis dans la rue, le jour se lève à peine. Je fais signe à un taxi et me languis de me retrouver dans mes draps, seul.

***

Mon téléphone sonne et je n’ai pas assez dormi. J’ai l’impression d’être passé sous un trente-huit tonnes sans oublier mon entrejambe, qui je crois, est mort cette nuit. 

Je réponds d’une voix pâteuse, dans un semi-coma.

— Ouais ?

— Salut beau gosse, je vais bien merci.

— Putain Priss, tu as vu l’heure !

— Oui en effet, il est quatorze heures trente.

— Quoi ? Je me lève rapidement.

— J’imagine que ta soirée a été agitée.

— Putain… Je jure en mettant mon bas de survêtement.

— Non ? Pourtant la blondinette avait l’air super open ! Se moque-t-elle en riant.

— Ne m’en parle pas, j’ai cru mourir cette nuit.

— Vas-y raconte !

— Priss… Bordel ! Je viens de me réveiller !

— J’arrive !

Elle raccroche. 

Je grogne dans ma barbe et descends vers la cuisine. Ma sœur n’est pas là et il faut que j’aille chercher Josh tout à l’heure à l’école. 

La sonnerie de la porte se fait entendre. J’ouvre sans demander, je sais que c’est elle. 

— Vas-y, raconte ! Exulte-t-elle en tapotant dans ses mains comme une petite fille.

La tornade est entrée, elle va me saouler de questions et je n’ai pas encore pris mon café. Je la regarde et l’embrasse sur la joue. 

— Salut, casse-couilles !

Elle me reluque. Oui elle me reluque. 

— Ne te gêne surtout pas ?

— Non répond-elle sans rougir.

Je me sers une tasse de mon breuvage préféré.

— Tu en veux un ?

— Non merci, j’en suis déjà à mon cinquième depuis ce matin.

Je m’assois et commence à me tartiner mon pain de beurre de cacahuètes. 

— Putain Jayden, allez accouche !

— Priss, je crois que je suis tombé sur une grosse folle.

— Ah ouais ?

— Elle m’a épuisé, elle m’a pompé toute mon énergie ! Et à la fin elle a rajouté qu’elle était amoureuse de moi !

Priss éclate de rire. 

— Elle s’est mise à pleurer, je ne m’en sortais plus !

— Tu es dans une merde incroyable Jay ! Cette fille je la connais, enfin ce que j’en ai entendu, hein ! Elle ne lâche pas l’affaire comme ça !

Elle continue à se foutre de moi. 

— Elle va revenir tous les soirs à ton taf !

— Ta gueule Priss ! Putain je ne sais pas comment Enzo s’en est sorti avec les deux autres, mais moi, j’ai cru que j’avais perdu ma virilité.

— Enzo ? demande-t-elle en reprenant son sérieux.

— Il est parti avec les deux copines de la folle.

— Ah ouais ?

— Qu’est-ce que tu as ? Ce n’est pas toi qui lui as mis un râteau la dernière fois ?

— Ben apparemment il s’en est bien remis !

— Hey, tu craques pour lui ou quoi ?

— Absolument pas !

Je la regarde d’un air suspicieux. Elle me fait une grimace. Je lui souris.

— Il faut que j’aille chercher Josh à l’école.

— Oh, je peux venir avec toi ?

— Si tu veux, en attendant, je vais sous la douche. Tu me frottes le dos, chérie ?

— Ah non mon cœur, vu l’état de ta virilité, je préfère rester sur une bonne image !

— Très marrant, connasse !

Priss, c’est comme ma petite sœur. On n’a jamais de prise de tête et elle sait qu’elle peut compter sur moi si elle a besoin. C’est la même chose de son côté.

Une fois habillé, je la rejoins dans le salon. 

— On prend ma voiture, lance-t-elle.

— Quoi ? Le pot de yaourt rose ?

— Ouep !

— Ça ne va pas ou quoi ? Je n’ai pas envie qu’on me voie là-dedans !

— Tu as une autre solution, vu que tu n’as plus de quoi te déplacer ?

— Les transports en commun ?

— Oh non, monter dans un bus où tout le monde met ses mains pleines de microbes, beurk !

— Tu es une petite nature, Priscilla Jenkins !

***

Quand Josh voit Priss à côté de moi, il arrive en courant et lui saute dans les bras. 

— Ça va mon amoureux ?

— Oui.

Il s’avance vers moi et s’accroche à mon cou.

— Tonton, tu m’as manqué ce matin.

— Je sais mon grand, je suis rentré tard et j’étais fatigué.

— On va au parc ?

— Oui ! s’exclame Priss en sautillant.

Je lève les yeux au ciel. Elle ne changera jamais. Une vraie gamine.

— Mais on passe acheter des bonbons et du chocolat, d’accord Josh ?

— Oui ! Oncle Jayden ?

— Oui Josh, mais Priss va tout manger je la connais, méfie-toi.

Josh la regarde de travers en me prenant la main.

Quand nous arrivons au parc, mon neveu court vers les toboggans et rejoint les enfants qui y jouent déjà. Avec Priss, nous nous installons sur un banc. Elle trie les crocodiles et me donne tous les rouges. Elle me connaît par cœur et fait ça avec un naturel déconcertant. 

— Sinon comment se sent ta sœur ?

— Ça va. Je crois qu’elle a rencontré quelqu’un.

— Ah ouais ? Qui ?

— Je ne sais pas. Un type qui travaille avec elle, apparemment il est bien.

— Cool… Ça ne te donne pas envie de te poser ?

Je lève un sourcil interrogateur. 

— C’est une proposition que tu me fais ?

— Tu es bête, ajoute-t-elle en avalant un crocodile jaune.

Qui aime les crocodiles jaunes ?

— Non pas du tout… du moins pas pour l’instant.

Elle me regarde en souriant. 

— Oh, pas pour l’instant ? Ça signifie que si tu trouvais chaussure à ton pied, tu pourrais envisager de te mettre en couple ? Alors, je pourrais peut-être te présenter ma collègue de travail, tu sais celle que tu dois absolument aider pour qu’elle vienne à la soirée avec moi ?

— Mmmh.

Je feins de l’écouter quand elle engage la conversation sur comment me caser avec une fille que je ne connais pas.

— En plus, c’est carrément ton style, blonde, grande, d’immenses yeux bleus, c’est une bombe, je t’assure.

— Quand est-ce qu’on doit faire notre numéro ?

— Après-demain.

— Je suis en repos, ça tombe bien.

— C’est un truc de fou, cette fille, son père ne la lâche pas. D’après ce qu’elle m’a raconté, elle fait partie d’un genre de secte ou de communauté, je ne sais pas trop quoi ?

— Et tu veux me la présenter ? Non merci, c’est bon !

— Je t’assure, Jennie est vraiment canon et puis super gentille, la fille qui ne se fait pas remarquer. Je suis sûre qu’elle va te plaire. 

Josh revient vers nous les larmes aux yeux. Je le prends dans mes bras. 

— Qu’est-ce qui se passe, Josh ?

— Je me suis cogné la tête.

— Viens là, montre-moi.

Priss lui donne un crocodile vert et lui fait un bisou sur la joue.

— Ce n’est rien Josh, et en plus tu n’as même pas pleuré, tu es un mec, toi ! je dédramatise le petit accident.

Il me rend mon sourire.

Chapitre 4

Jayden

Le surlendemain quand j’arrive à la boutique de Priss, je suis loin d’imaginer ce qui m’attend. Mon amie m’accueille avec un sourire. Je l’embrasse tendrement.

— Ça va, beauté ?

— Toujours, tu es magnifique en costume.

— Merci.

Elle regarde vers l’extérieur, un peu nerveuse. Je la rejoins. Une Ford se gare devant le magasin. Un homme grand, habillé de noir en sort et vient ouvrir la porte d’une fille… Ou plutôt devrais-je dire d’un canon comme j’en ai rarement vu. Priss ne plaisantait pas, elle est vraiment belle. J’en reste bouche bée. Mon amie m’envoie un coup de coude bien placé. Je me réveille de ma léthargie. 

— Bonjour, me salue-t-elle avenante.

L’homme fait un signe de tête sans dire un mot. Je feins de regarder les comptes du magasin. 

— Monsieur Warner ?

— Oui, je réponds en prenant un air dégagé.

— Je vous présente le père de Jennie, Monsieur Hawkins.

— Bonjour, Monsieur, que puis-je pour vous ?

— Nous pourrions parler dans votre bureau ? M’ordonne-t-il froidement.

— Je n’en ai pas ici, mais l’arrière-boutique peut en faire office.

— Allons-y !

Je lance un regard vers Jennie qui semble gênée. Elle me déconcentre tellement sa beauté est époustouflante. Priss me fait un clin d’œil pour me donner du courage. 

Je fais passer le père de l’amie de Priss devant moi et lui montre le chemin. 

— Un problème Monsieur Hawkins ? Je lui demande en fermant la porte derrière moi.

Il est assez impressionnant, son air austère ne me dit rien qui vaille. 

Pourquoi me suis-je encore fourré dans une histoire pas possible ? Ah oui, je sais… Priss.

J’évite de lever les yeux au ciel, il ne comprendrait pas mon attitude. 

— Pourriez-vous dispenser ma fille de venir à ce séminaire ?

Il est direct. 

— Pourquoi ? Je contre-attaque. Jennie fait partie de mes salariés et tous les ans, je les regroupe pour qu’ils échangent sur les méthodes de travail, qu’ils essaient de trouver des solutions aux problèmes rencontrés. De plus, elle est nouvellement embauchée donc il est normal qu’elle y participe. Excusez-moi, mais je ne comprends pas trop votre demande ?

— Jennie est jeune et innocente et le fait de se retrouver avec des gens qu’elle ne connaît pas peut l’angoisser.

Ah ! Tu as choisi le mensonge, OK alors allons-y mon gars. Je vais t’en servir moi aussi. 

— Mais elle a vingt-deux ans, Monsieur, j’imagine qu’elle a un petit copain, qu’elle voit des amis et bien ce sera la même chose, mais dans son milieu professionnel. Elle me donne entière satisfaction dans son travail, sa collègue Mademoiselle Jenkins en attestera. De toute façon, je n’autorise aucun débordement de quelque nature que ce soit durant ces séminaires donc vous pouvez dormir tranquille, elle sera entre de bonnes mains. 

Crois-moi que dès que j’aurai l’occasion j’irais faire plus ample connaissance avec ta fille, gros con…

— Je souhaiterais qu’elle puisse et que surtout je puisse la joindre durant son séjour.

Putain, mais c’est un vrai psychopathe ce type. 

— J’imagine qu’elle a un portable ?

— Non, elle n’en a pas.

— Ah… euh… sa collègue lui prêtera le sien.

Il reste là, devant moi, sans dire un mot. Je pense qu’il me sonde, mais sur le coup, j’ai l’impression qu’il va me tuer. J’espère qu’il ne se rendra jamais compte qu’on a inventé ce bobard pour que sa petite fille se fasse sauter. 

— Très bien, je vous remercie du temps que vous m’avez accordé.

— Je vous en prie, je lui réponds en montrant le chemin de la sortie. 

Je pose la main sur la poignée et imagine sans peine les deux filles, filer à l’anglaise pour ne pas se faire prendre à écouter aux portes. La sonnerie indique que des clients entrent. J’en profite pour ouvrir et mettre fin à notre entretien. 

Priss s’occupe d’une personne pendant que Jennie reste derrière la caisse. Son père s’approche d’elle et lui parle à voix basse. Je vois son regard se diriger vers ses chaussures. Il a l’air de la menacer. Elle hoche la tête. Quand je la détaille, je me demande comment Priss a réussi à l’embaucher. Elle me fait penser à un personnage tout droit sorti du feuilleton « la petite maison dans la prairie ». Sa jupe est longue… vraiment longue. Pas de maquillage. Les cheveux tirés en une queue de cheval. Et pourtant, elle est belle. Une beauté naturelle. Un sourire magnifique et un prénom qui commence par un J, comme me dirait ma sœur. 

Est-ce qu’elle a réellement un mec ? Quand je vois son psychopathe de père, j’en doute. Et quand elle rougit au moindre regard, j’en doute encore plus. 

Monsieur Hawkins se dirige vers la sortie non sans nous lancer un de ces regards dont il semble avoir le secret. 

Hmmm, la joie de vivre en personne. 

— Vas-y Jennie, va te préparer.

Je suis surpris par les mots de Priss. Elle accompagne ses clients en les remerciant et elle me saute dessus. 

— Alors ?

— Si ça se passe mal, tu auras ma mort sur la conscience.

— Pourquoi ? Il t’a menacé ?

— En quelque sorte ! Ce type est un psychopathe !

— Chut ! S’agace-t-elle en regardant vers l’arrière-boutique, elle n’a pas besoin d’entendre ça !

— OK, désolé.

— Il a accepté pour le week-end ?

— Oui, mais il faut qu’elle l’appelle et qu’elle soit joignable, alors tu vas devoir lui filer ton numéro.

— Oui ! C’est génial ! Se réjouit-elle en m’attrapant par le cou, tu es génial !

— Ouais, ne t’emballe pas hein ! Je ne vais pas chaperonner tout le week-end.

— Merci, mais je ne vous demande pas ça.

Priss et moi nous tournons vers cette voix douce qui m’interpelle.

Sa voix putain… Elle va tellement bien avec son physique. Je n’arrive pas à croire que c’est elle qui est en face de moi. Elle porte un tailleur jupe courte noire et un chemisier rouge qui laisse découvrir sa poitrine généreuse ainsi que la dentelle d’un soutien-gorge. Rien à voir avec sa tenue de tout à l’heure. Sa bouche qui me fait déjà fantasmer est couleur carmin. Je l’imagine bien me faire des trucs avec ses lèvres. 

— Euh… disons que…

— J’ai compris, ne vous inquiétez pas, je sais l’effet que peut avoir mon père sur les gens.

— On s’en fout puisqu’il a accepté ! Rajoute Priss.

Jennie sourit. 

— On va s’éclater, Jennie ! Tu t’en rends compte ?

— Non pas vraiment puisque je ne suis jamais sortie.

Je fronce les sourcils. Vingt-deux ans et… serait-elle vierge ? Merde, qu’est-ce qui me prend de penser à des trucs pareils ?

Elle rougit en me voyant la dévisager ce qui me réveille de mon état de contemplation. 

— Jayden ?

— Mmmh ?

— Tu rêves ou quoi ?

— Non je me disais que Jennie est magnifique dans cet ensemble et que son rouge à lèvres lui va à merveille.

Priscilla pouffe comme une ado tandis que Jennie a le nez vers ses chaussures. 

Est-ce que ces mots sont vraiment sortis de ma bouche ? Est-ce que j’ai réellement réfléchi à haute voix ?

— Ouais, bon euh... On se voit plus tard, OK ?

— C’est ça beau gosse, à plus tard.

— Salut, Jennie, ravi d’avoir fait ta connaissance.

— Oui Jayden, on a compris, allez maintenant tu peux partir.

Jennie me sourit timidement, mais ça me suffit à penser que je pourrais peut-être envisager de lui proposer un rencard. 

Chapitre 5

Jennie

Je n’arrive pas à croire que je vais me rendre à une fête et qu’en plus mon père ait accepté que je parte durant trois jours.

Et lui…

Allongée sur mon lit, je repense à cette journée complètement folle. 

Quand je suis entrée dans la boutique et que je l’ai vu, j’avais l’impression de rêver. Je n’avais jamais rencontré un homme aussi sexy. Même Andy que je trouvais mignon, à côté, ne lui arrive pas à la cheville. 

Il est beau.

Son sourire est à mourir, ses yeux sont à tomber et

mon dieu qu’est-ce qui se passe ? Mon ventre se crispe, mon cœur s’emballe dès que je pense à lui. 

Arrête ! De toute façon, il n’en a rien à faire de toi, tu t’es vue ! Je parle à voix haute en me regardant dans le miroir. Ces habits, ce corps, ces cheveux ! Rien ne lui plaira, c’est sûr !

— Jennie ?

Je reprends mes esprits. Ma mère se trouve juste derrière la porte. 

— Oui maman ?

— C’est l’heure de la prière groupée, tu viens ?

— J’arrive.

Je n’en peux plus de cette vie. Il faut que tout ça cesse. Je regarde par la fenêtre et je rêve de liberté un court moment. 

Quand je descends, tout le monde est dans la salle de réception autour de mon paternel habillé de son costume blanc. Je hais tout ça, car je n’ai aucune croyance. Comment peut-il se considérer comme un gourou et eux le suivre sans se poser de questions ? Je les déteste tous. À part ma sœur, mon amie Rosie et ma mère qui semble toujours amoureuse de mon père. Je ne la comprends pas. Elle fait la boniche toute la journée sans rien dire. Je ne veux pas de cette vie, car il est évident que si je reste ici c’est ce qui m’attend. Autre chose dont je suis sûre, c’est que mon père souhaite me marier à Andy. Il n’y a qu’à voir les œillades que ce dernier m’envoie depuis que je suis entrée dans la pièce.

Mais moi, je n’ai pas envie de tout ça et quand ça arrivera, je m’enfuirai et je serai bannie, je le sais, et je me battrai pour que ma sœur me suive.

— Mes amis je vous réunis pour la prière commune comme chaque soir, mais aussi pour vous annoncer une grande nouvelle.

Je relève la tête. 

Non… Pas maintenant.

Il me regarde droit dans les yeux. 

— Ma fille, qui fêtera ses vingt-deux ans, le mois prochain, atteindra l’âge du mariage. Et aujourd’hui, j’ai pris la décision de l’unir à Andy. Venez tous les deux me rejoindre.

Je reste pétrifiée. Même si je m’attendais à la nouvelle, le fait qu’il ne m’en ait pas parlé avant, qu’il l’annonce comme ça, comme s’il pouvait faire les choix à ma place. Je sens la colère m’envahir. Tout le ras-le-bol de cette vie me submerge et les larmes font leur apparition. 

Tout le monde me regarde. Je tremble. J’ai envie de hurler, mais au lieu de ça, je m’écroule au milieu de tous ces gens, inconsciente.

***

— Qu’elle le veuille ou non, elle se mariera avec Andy !

— Je sais chéri, il faut juste qu’elle se fasse à l’idée, ne t’inquiète pas, elle reviendra à la raison, tu la connais.

— Ce boulot lui met la tête à l’envers ! Et sa collègue la pousse vers les affres de l’enfer ! Je ne l’aime pas !

J’entends leur discussion, mais je n’ouvre pas les paupières. Je feins d’être toujours endormie. 

— Je ne veux pas la perdre, Henri ! Si elle souhaite travailler alors laisse -là continuer !

— Ça va Hannah, mais si elle refuse le mariage, elle arrêtera ses inepties ! Je ne supporterais pas qu’elle remette en question mon autorité !

Je me force à ne pas répondre et à ne pas pleurer. Je ne veux pas me marier. Pas avec lui.

J’attends que mes parents quittent ma chambre pour ouvrir enfin les yeux. 

Pourquoi suis-je née dans cette famille ? Je n’aime pas Andy et je n’ai jamais rêvé de cette vie. Je souhaite être indépendante, prendre mes propres décisions, vivre seule dans mon appartement, payer mes factures, me lever à l’heure que je veux si j’en ai envie et ne pas être obligée de travailler pour cette communauté de malheur !

Il faut que tout ça change.

Il faut que je prenne mes responsabilités.

Il faut que je l’affronte.

Chapitre 6

Jayden

— Tu feras attention à sa température et tu lui donneras bien son sirop, OK ?

— Oui.

— Désolée, je te saoule, mais je suis à deux doigts d’annuler mon rendez-vous.

— Pourquoi ? Ce n’est pas la première fois que je m’occupe de Josh quand il est malade, tu ne me fais plus confiance ?

— Si bien sûr… Excuse-moi, Jay.

— Je te trouve nerveuse, babe, tu es amoureuse ?

— Amoureuse ? Quelle drôle d’idée… Se défend-elle en rougissant.

— Je ne sais pas, tu réagis différemment, disons qu’il ne te laisse pas indifférente.

— Oui, peut-être… Enfin… Ma robe me va bien ? Elle ne fait pas trop… trop ?

Je me lève et la prends dans mes bras pour la rassurer. 

— Tu es la sœur la plus belle du monde, celle que j’aime par-dessus tout, celle pour qui je pourrais tuer, celle pour qui je ferais tout, absolument tout.

— OK, rit-elle, mais ma robe ?

— Elle a intérêt à rester dans l’état actuel si jamais j’aperçois un changement dans l’alignement des plis, je le tue ! Avertis-le bien !

Elle continue de rire à gorge déployée.

— Que tu es bête !

— Peut-être, mais je t’aime.

— Moi aussi.

Je l’embrasse sur la tempe.

— Ne doute jamais de toi, Ju, tu es magnifique et ce mec a bon goût, OK ? Et je m’occupe de ton bout de chou, ne t’inquiète pas.

— Merci, Jay, je ne sais pas ce que je ferais sans toi.

— Maman…

Elle tourne la tête vers Josh.

— Oui bébé.

— Tu vas partir ?

— Oui chéri, je t’ai dit que j’avais un rendez-vous.

— Viens-là bonhomme, je le prends dans mes bras.

Il pose sa tête sur mon épaule et fourre son pouce dans la bouche.

— Elle est belle maman.

— Tu as raison, c’est la plus belle des mamans.

— Oui, ça, c’est sûr, assure-t-il en souriant.

Julia nous regarde avec amour. Une sonnerie se fait entendre. C’est son portable. 

— Bon allez, j’y vais, souhaite-moi bonne chance.

Je ris.

— Hey, tu ne passes pas un entretien d’embauche alors cool hein !

Elle m’embrasse sur la joue et fait de même avec Josh. 

— Maman ?

— Oui, mon bébé.

— Je peux dormir avec oncle Jayden cette nuit ?

— Oui, si Jayden est d’accord.

Il me regarde l’air suppliant. 

— Oui, une nuit entre mecs !

Josh sourit, il n’a pas la force de rire tellement il est fatigué. 

— Allez, vas-y, il va s’impatienter !

— Bonne nuit et appelle-moi s’il y a le moindre problème.

— Compte sur moi, et toi préviens-moi si tu ne rentres pas !

Elle lève les yeux au ciel et ferme la porte derrière nous. 

— Bon mec ! J’ai fait une cargaison de bonbons et de chocolat t’en veux ?

— Ouais !

Il n’a plus l’air si malade. 

On s’installe tranquillement sur le canapé. Je mets un dessin animé et nous voilà calés, Josh contre moi, entrain de manger les crocodiles. On fait les idiots en riant. On s’essaie à celui qui avalera le plus rapidement sa confiserie. On fait des batailles de pieds comme je le faisais avec ma sœur quand nous étions petits. 

Josh se frotte les yeux et il baille. 

— Tu as sommeil ?

— Oui, un peu.

— Allez viens, on va dans ma chambre.

Il s’accroche à moi et nous montons au premier étage. Je le dépose dans mon lit et il s’enveloppe avec la couette. 

— Je vais chercher le sirop, OK.

Je reviens deux minutes après et il dort déjà à poings fermés. Il ne s’est même pas brossé les dents, sa mère va me tuer…

Mon portable émet une sonnerie. SMS de ma sœur. 

« Tout va bien ? »

« Oui ne t’inquiète pas et toi ? »

« Il m’a sorti le grand jeu, restaurant, bouquet de fleurs, je passe une super soirée ! »

« OK, donc tu ne rentreras pas ? »

« Euh… Non… Enfin je ne sais pas. »

« OK je gère, pas de soucis, petite coquine. »

« Jayden ! »

« Petite coquine… »

Elle ne répond pas.

Une autre sonnerie retentit. Je souris pensant que c’est ma sœur. 

« Ma collègue en pince pour toi… »

Perdu, c’est Priss. Je décide de l’appeler parce que je me doute que ça peut durer des heures.

— Et comment tu sais ça ? 

— Elle m’en a parlé aujourd’hui. Elle a même rajouté qu’elle n’avait jamais rencontré un aussi bel homme que toi. 

— Sans blague ! Allez ciao ! 

— Non c’est vrai je t’assure, elle a complètement craqué. 

— Cool et ? 

— J’ai bien vu comme tu l’avais regardé au magasin, ne dis pas qu’elle t’indiffère ! 

— C’est un canon c’est clair, enfin quand elle ne porte pas sa robe longue, mais voilà, ce n’est pas une fille pour moi. Trop sage…

— Mouais, on verra bien…

— Ne commence pas avec tes histoires tordues Priss ! En plus, son père est un psychopathe ! 

— On fait un pari, chéri ? 

— Quel pari ? 

— Que tu vas tomber sous son charme.

— Je ne sais pas ce que c’est de tomber sous le charme, je prends, je baise et je rentre chez moi !