U.S. Marines - Tome 2 - Arria Romano - E-Book

U.S. Marines - Tome 2 E-Book

Arria Romano

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Beschreibung

Sa permission terminée, Hudson doit se rendre en mission en Afghanistan et quitter Livia. Mais leurs sentiments semblent plus puissants qu'ils ne l'avaient imaginé...

Lorsque la permission de Hudson prend fin, c’est à regret qu’il quitte Livia pour une dangereuse mission en Afghanistan. Les deux amants s’étaient promis de ne pas s’attacher l’un à l’autre, mais malgré eux, les sentiments qui ont commencé à poindre ne font qu’augmenter, exacerbés par la distance et les périls du métier de militaire… Qu’adviendra-t-il de leur histoire au retour de Hudson ? Jusqu’où les mènera leur relation ?

L'histoire d'amour de Livia et Hudson est-elle vouée à l'échec ? Que se passera-t-il pour les deux amants ? Découvrez sans plus attendre le second tome de la palpitante saga de romance U.S. Marines.

EXTRAIT

Livia pénétra dans la chambre de Hudson et alla se poster devant la fenêtre, l’échine courbée, les bras refermés autour d’elle, en proie à une vague de sanglots.
Hudson avait une sainte horreur des effusions de larmes. Cela lui rappelait sa mère quand elle se disputait naguère avec son père ou le suppliait de ne plus la quitter pour le front. Les jérémiades d’une femme trouvaient un écho sinistre dans sa mémoire et son corps. Il n’aimait pas le bruit des lamentations, l’heure des adieux et des numéros dramatiques. Il détestait voir une femme pleurer à cause de lui, pour lui. C’était comme s’imposer des souvenirs que son esprit voulait bannir à jamais, sans toutefois y parvenir.
Hudson s’était toujours arrangé pour éviter les sentimentales. Il n’avait jamais voulu de femme attachante ni encline à s’attacher à lui. Il n’avait jamais voulu tomber amoureux. Mais voilà que Livia s’était dressée un beau jour sur sa route et avait changé la donne.
Finalement, l’amour était pareil à un missile guidé : impossible à éviter.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Ce deuxième tome est dans la lignée du premier, les personnages sont toujours aussi attachants et l'écriture facile permet de passer un bon moment." - noeline, BookNode

"Comme j'ai aimé cette histoire, ce roman vous tient en haleine du début à la fin. Franchement au top ! Ne passez pas à côté." - maitee, BookNode

"Une suite sympathique, avec plus de rebondissements. Un plaisir de suivre les amours de nos deux tourtereaux ainsi que les aventures de Scarlett et des amis de Hudson." - PANDORE88BookNode​​​


À PROPOS DE L'AUTEURE

Arria Romano étudie l’histoire militaire à la Sorbonne et est passionnée de littérature et d’art. Elle écrit depuis quelques années des romans historiques et des romances, qu’elles se vivent au passé, au présent ou même nimbées d’un voile de magie… Tant que l’amour et la passion restent le fil rouge de l’intrigue.

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Chapitre 1

Craven Street

Trois jours plus tard

Assise en tailleur à même le sol du salon de Hudson et armée d’un pinceau, Livia s’affairait à rafraîchir la couleur rouge d’une petite table de chevet de style chinoise. Encouragée dans son activité par le swing, le jazz et le blues que jouait alternativement le gramophone de Scarlett, agencé pour ce jour dans un coin de la pièce, elle peignait tout en fredonnant les notes de la mélodie en cours. Take the A Train. Duke Ellington.

Debout en face d’elle, en marcel blanc et short noir, avec une barre chocolatée au bec, Hudson était tout aussi occupé à repeindre une jolie armoire dans les tons bleu canard. En même temps qu’il travaillait, ses yeux glissaient toutes les minutes vers le ravissant tableau que Livia lui offrait ; adorable et frêle dans l’un des t-shirts noirs qu’elle lui avait empruntés, avec ses cheveux lâchés, retenus par un bandeau rouge, ses lèvres peintes d’un rouge encore plus pétillant et la grâce naturelle qui ne l’abandonnait jamais, même pour faire de la peinture, la blonde glamour semblait sortir d’une revue de charme des 60’s.

Admirer la femme qui le rendait dingue, attelée à une activité ordinaire, au beau milieu de chez lui. Voilà le genre de petit bonheur pour lequel Hudson voulait bien continuer à vivre.

— La vue te plaît, mon capitaine ? le nargua-t-elle en jetant légèrement la tête en arrière, l’air un peu alangui.

— Si tu enlèves le t-shirt, ce sera encore mieux.

— Patience…, commença-t-elle en s’apprêtant à continuer la peinture quand tout à coup, les notes d’un nouveau morceau gorgèrent l’ambiance de romantisme. Green Eyes de Jimmy Dorsey ! C’est une chanson pour toi.

Avec entrain, elle se hissa sur ses deux pieds en posant son pinceau dans le pot de peinture rouge, puis se matérialisa à ses côtés pour lui présenter une main et lui proposer, sur le ton d’un galant s’apprêtant à inviter une dame à danser :

— Capitaine Rowe, m’accorderiez-vous cette danse ?

Hudson suspendit ses mouvements et l’observa avec un sourire attendri.

— Je ne sais pas danser, mon ange.

— Ah bon ? On ne vous apprend pas ça chez les marines ? le taquina-t-elle. J’aurais pensé que savoir danser était une compétence requise pour séduire des femmes au cours de vos bals…

— Malheureusement, ce n’est pas une option que j’ai choisie.

— C’est un petit fox-trot très plaisant, dit-elle en lui ôtant le pinceau des mains pour le remettre dans le pot de peinture bleue, avant de lui saisir les deux poignets. Laisse-moi te guider.

Elle l’entraîna au centre de la pièce, glissa une main sur sa taille en gardant l’autre entrelacée à la sienne, puis lui montra les pas à effectuer. Avec le sentiment d’être un peu ridicule, il les mima quand même à son tour, juste pour lui faire plaisir, tout en se laissant emporter par la cadence de la danse.

L’engouement de Livia l’émouvait et le charmait. Il aurait fait n’importe quelles activités risibles dans l’unique espoir d’admirer le sourire printanier qu’elle lui adressait et l’éclat astral qui reluisait dans ses yeux de pervenche.

Là, dans ses bras, tout en mouvements élégants et rythmés, elle exsudait la fraîcheur, l’insouciance et promettait toutes les saveurs pures et douces d’un monde enchanté…

— Ça commence à venir ! se réjouit-elle comme il la faisait virevolter sur elle-même avant de la rattraper fermement entre ses bras, dans un mouvement un peu trop brusque pour que l’effet soit gracieux.

Mais cela n’avait pas d’importance. Hudson se prêtait au jeu et le plaisir qu’elle décela dans ses prunelles la galvanisa davantage.

Bientôt, la maladresse de son amant le rattrapa et se révéla dans sa splendeur quand il lui écrasa accidentellement le pied, sans trop de sauvagerie néanmoins.

Comme s’il l’avait violemment blessée, il échappa à son emprise en s’excusant, mais ce faux pas ne fit que provoquer un rire de dryade en réponse.

— Tes pieds vont finir en bouillie avec moi.

— Ne fuis pas, ce n’est rien ! lui assura-t-elle en lui courant après pour le réintroduire dans la danse.

Il accepta de bonne grâce, cependant, peu désireux de lui écraser une fois encore les pieds, il la souleva dans ses bras, la porta et la fit tournoyer en rythme. Livia se raccrocha à son cou et s’esclaffa telle une enfant quand, dans leur fox-trot revisité, ils heurtèrent le sofa et tombèrent à la renverse dessus, Hudson étendu sous son poids.

— J’aurais bien aimé te rencontrer à un bal, s’égaya-t-elle en rampant sur son torse pour rapprocher leurs deux visages et lui adresser son sourire radieux, en harmonie avec les notes pétulantes qui continuaient de donner le ton à l’ambiance.

— Nous aurions fait valser le décor, crois-moi. J’aurais peut-être même déchiré ta sublime robe de vamp hollywoodienne par inadvertance.

— Plutôt pratique pour passer aux choses sérieuses, non ?

— C’est sûr que je n’aurais pas eu à me plaindre dans ces circonstances, avoua-t-il en se redressant légèrement pour poser sa tête sur l’un des accoudoirs et réussir à mieux l’observer.

Livia n’avait pas bougé d’un pouce et demeurait affalée sur son torse comme une chatte oisive et câline.

— On a pas mal avancé avec les meubles, non ?

— Oui. Je n’aurais jamais eu le courage de commencer sans toi.

— Tu pourras vendre les premiers que nous avons raccommodés dès demain. Et ces deux-là seront parfaits pour la pièce aux murs jaunes, dit-elle en faisant référence à l’armoire et la petite table de chevet en cours de restauration. Ils iront bien dans une chambre d’enfant…

— Je songe à transformer cette pièce en chambre d’amis.

— Tu devrais la laisser à sa fonction initiale.

— Je ne compte pas avoir d’enfant.

— Mmm… tu changeras peut-être d’avis un jour. À ton âge, c’est le moment d’y songer, certifia-t-elle d’une voix badine, sous laquelle se devinait un zeste de sérieux.

— Tu dis ça comme si j’étais à l’aube de la cinquantaine.

— Le temps passe vite, Hudson.

— Alors, tu devrais également y songer. Le sujet est bien plus préoccupant pour vous, les femmes, la piqua-t-il tendrement. Avec votre histoire d’horloge biologique...

— J’ai encore une quinzaine d’années pour trouver l’homme qui accepterait de me faire un bébé.

— Tu es déjà prête ?

— Je n’ai pas pour priorité d’avoir un bébé, mais si ça devait arriver maintenant, alors oui, je suis prête.

Livia sentit son ventre se tordre d’émotions à la façon dont les yeux verts la dévisagèrent. Pourquoi étaient-ils en train de parler de bébé ? Comment la conversation avait-elle viré sur ce sujet ? C’était absurde. On ne parlait pas de ce genre de choses avec un amant qui allait bientôt vous quitter !

Un peu embarrassée, elle se redressa pour s’asseoir à califourchon sur lui et se mit à caresser machinalement les reliefs de ses abdominaux. Bientôt, elle se fit rêveuse et son instinct diffusa dans son esprit l’image d’un petit garçon robuste, aux cheveux noirs et aux yeux aussi denses que les jades, qui courrait dans sa direction pour lui réclamer son pistolet à eau.

Livia tressauta en sortant de ses rêveries quand elle sentit les paumes de Hudson se promener sur ses hanches, puis sur son ventre plat. Elle recroisa son regard et l’invita à glisser ses paumes sous le t-shirt, directement sur sa peau tiède et frémissante.

— Livia ?

— Mmm… ?

— Tu me le dirais si tu attendais un bébé, n’est-ce pas ? Même si on s’est toujours protégés et que je me suis retiré la fois où nous étions dans la douche, je sais que les accidents peuvent se produire.

Sans qu’elle ne puisse se l’expliquer vraiment, Livia se tendit à l’entente de cette phrase et relâcha aussitôt ses poignets, un peu vexée. Pourtant, il n’y avait pas lieu d’être agacée. Hudson n’avait rien fait de mal, il voulait simplement s’assurer qu’il ne laisserait pas de grosses responsabilités à sa suite, qu’il n’entraverait pas sa liberté avec elle.

— Ne t’inquiète pas, il n’y aura pas d’accident si c’est ce que tu cherches à savoir.

Sa langue se fit plus acide qu’elle ne l’avait voulu. Entre ses cuisses, elle sentit la tension qui s’empara brusquement de son amant. Lui aussi paraissait un peu piqué par son attitude, mais décida de n’en rien laisser paraître.

— Bien.

Incontrôlable, l’image d’une fillette blonde, pas plus haute que trois pommes, aux immenses yeux myosotis, en compagnie de laquelle il jouerait à la dînette au beau milieu de vestiges, s’imposa dans le cerveau de Hudson. Une Livia en miniature, le fruit de leur passion… ce serait la plus belle récompense de sa vie.

Cette évidence le déboussola et sema en lui le désordre. Il nourrissait des désirs qui allaient à l’encontre de ses projets et de ceux de son amante. Il ne devait pas penser à des choses qui ne pouvaient pas excéder la fin de leur aventure, toujours plus menaçante à chaque heure consumée.

Comme si la peau de Livia s’était mise à lui lancer une décharge électrique, Hudson dégagea ses mains de son ventre.

Elle ressentit une froideur au niveau des empreintes invisibles qu’avait imprimées la peau du capitaine, mais chercha à ne pas s’en troubler outre mesure et lâcha avec une tranquillité feinte :

— Nous devons finir la peinture pour que tout soit prêt à temps.

Par cette réplique, Livia épousseta leur brève conversation d’une pichenette imaginaire et se reconfigura un air jovial, seulement pour lui prouver qu’elle n’était affectée par rien.

En réalité, elle pleurait à l’intérieur de son cœur.

Et la raison de ce nouveau mal-être n’était pas encore intelligible.

Chapitre 2

Le surlendemain

La sonnerie d’entrée résonna dans toute la maison de Hudson, suspendant un instant les mouvements de Livia et de Scarlett, affairées à ranger dans des cartons les vieux meubles que le capitaine Rowe voulait remettre à une association. Ce dernier s’était absenté avec les paquets les plus lourds pour une première commission à l’un des antiquaires de la ville.

— Hudson attend de la visite ? s’enquit Scarlett en relevant la tête des cartons.

Placée au fond de la pièce au miroir baroque, Livia haussa les épaules, peu à même de la renseigner.

— Est-ce que tu pourrais aller voir qui c’est, s’il te plaît ? lui demanda-t-elle en retour.

Scarlett s’exécuta en se relevant promptement, puis s’élança d’un pas guilleret vers la porte d’entrée. Elle était de repos ce jour-là et tenait à profiter de ces moments de liberté pour aider Hudson à finir les derniers rangements dans sa demeure et ainsi, se régaler de sa présence. Celle de Livia embellissait l’atmosphère, même si une tension palpable, due au départ prochain du marine, menaçait de la moisir à certains moments. Nul besoin d’être magicienne pour comprendre que ces deux-là s’étaient laissés prendre à leur propre jeu en tombant amoureux l’un de l’autre. Ils partageaient un amour brut et intense, qu’eux-mêmes n’avaient pas encore eu l’audace de s’avouer.

Scarlett arriva devant la porte d’entrée et regarda à travers le judas, découvrant un homme de dos, grand, aux cheveux coupés à ras et blonds. Sans reconnaître la personne, elle tourna la poignée et se présenta à l’inconnu, un sourcil interrogateur sur le visage.

— Bonjour, je peux vous aider ?

L’homme tourna lentement sur lui-même, révélant un look copieusement inspiré d’Indiana Jones, et la vue d’une large cicatrice, reconnaissable entre mille, fit perdre à la jeune femme son air interrogateur pour un visage renfrogné.

— Qu’est-ce que tu fais ici, Dalglish ?

— Je vois que ton aménité est toujours aussi proverbiale, Scarlett, répliqua-t-il, sardonique.

Keir inspecta la rouquine de son regard anthracite. Elle était habillée d’une combinaison vert kaki, à laquelle une odeur de cire d’abeille, de glu et de papier carton était accrochée, alors qu’un foulard à motif guépard était artistiquement enroulé autour de sa tête en formant un nœud au niveau de la nuque. L’accessoire à caractère sauvage disparaissait dans la longueur de ses boucles, pareilles à des torsades de feu qui dévalaient son corps jusqu’à ses hanches épanouies, plus rondes que la dernière fois qu’ils s’étaient vus.

— Tu as pris du poids, observa-t-il sur le ton professionnel d’un nutritionniste, blasé par l’inobservance diététique de sa patiente.

Il n’avait pas coutume d’être désagréable avec les créatures du sexe opposé, mais c’était différent lorsqu’il s’agissait de cette petite sorcière aux yeux de chat des sables, dont la personne tout entière tendait à le provoquer. Il ne pouvait se contenir de la titiller, c’était plus fort que lui, comme s’il était génétiquement programmé pour cela.

Le regard vert-doré de Scarlett devint orageux et lorsqu’elle plissa son petit nez, Keir vit le frémissement des taches de rousseur qui le parsemaient en s’étendant sur les pommettes telle une traînée d’étoiles.

— Tu es venu jusqu’ici pour m’accabler de tes remarques déplacées ?

Le ton de Scarlett se fit aussi sec qu’un coup de cravache.

— Ne te donne pas autant d’importance, petite renarde. Où est Hudson ?

— Absent pour le moment.

— Je vois.

— Je croyais que vous repreniez votre service demain.

— Je crèche ici ce soir, dit-il avec un coup d’œil pour le sac à paquetage militaire posé à ses pieds, qu’elle n’avait jusque-là pas remarqué. Tu me fais entrer ?

— Tu peux aussi l’attendre dehors.

— En voilà des manières, Scarlett ! s’exclama soudainement la voix distinguée d’une seconde femme, imbibée de cet accent propre aux personnages de Jane Austen.

Bientôt, la porte d’entrée s’ouvrit plus largement en révélant à Keir le visage enchanteur de Livia. À aucun instant elle ne perdit son sourire avenant, même lorsqu’elle découvrit le visage balafré de cet inconnu qui se présentait cavalièrement à la porte. Bien sûr, ses grands yeux, dont les nuances rappelèrent au capitaine Dalglish les gemmes bleues et violettes de la Tanzanie, étincelèrent de surprise, mais elle était bien trop éduquée pour laisser autrement paraître son trouble.

Keir était habitué à supporter les coups d’œil intrigués que les gens faisaient pleuvoir sur son visage la première fois qu’ils le voyaient. Cela faisait six ans que son ennemi avait signé sa barbarie de la pointe de son poignard, défigurant à jamais un portrait déjà taillé à la serpe, à la mâchoire carrée. Mais il apprécia la discrétion de la blonde, sûrement la fameuse femme que fréquentait son ami. Et quelle femme ! Le nec plus ultra de la grâce dans sa robe d’été bleue !

Comment cette brute de Rowe avait-il réussi à la capturer dans ses rets ?

— Qui est-ce, Scarlett ?

La rouquine se tourna vers Livia et, tout en indiquant l’étranger d’une main, le présenta comme elle présenterait l’archétype d’un animal sauvage à éviter :

— Capitaine Keir Dalglish, ami de Hudson, coureur de jupons notoire, buveur, joueur et tricheur invétéré, et l’homme le plus impulsif, insolent et grossier que je connaisse. Bref, un homme à ne pas avoir dans son répertoire.

— Merci pour cette brève description, gitane, ironisa le concerné sans se départir d’un large sourire, révélant une dentition parfaite, mais rendue vampirique par une incisive latérale surnuméraire. Je n’aurais pas fait mieux… sauf peut-être à la fin. Tu aurais pu ajouter les adjectifs « drôle » et « sexy ».

— Même pour 5000 $, je ne te ferais jamais ce plaisir.

— On peut s’arranger autrement, tu sais.

Livia passa successivement son regard sur sa compagne, rouge d’irritation, et sur le dénommé Keir Dalglish, ce grand blond à la cicatrice guerrière. Ils dégageaient une impertinence égale l’un envers l’autre et semblaient incontrôlables dans leur volonté à se montrer le plus frondeur.

Maintenant que la jeune femme réfléchissait bien, Hudson avait déjà évoqué son frère d’armes lors d’une conversation et l’avait averti de sa venue aujourd’hui. Mais elle pensait tant au départ de son amant qu’elle en avait honteusement oublié l’arrivée de son ami.

— Hudson m’a dit que vous nous rejoindriez dans la journée, intervint chaleureusement Livia en lui tendant sa main. Je suis Livia Cartmell, son amie et la cousine de Scarlett. Et je suis ravie de faire votre connaissance, capitaine Dalglish.

Oui, une amie. C’était un mot raisonnable et juste. Avec son importance, tout en demeurant inoffensif. Rien d’exagéré.

— Je sais qui tu es, Livia, répondit Keir en étreignant doucement la main que l’Anglaise lui présentait. Dis-moi, on peut se tutoyer ?

— Certainement.

Keir lui sourit avec un éclat d’admiration dans le regard et cela adoucit son visage, que deux irrésistibles fossettes creusaient aux joues.

— Ce sera plus facile entre amis, car si tu es celle de Rowe, tu es également la mienne. Même si Scarlett est une exception. 

— Que Dieu me préserve de cet honneur que tu sembles réserver aux autres, répliqua cette dernière en s’écartant de quelques pas. Livia, je te laisse l’accueillir ? Je vais terminer de préparer les cartons. 

— Bonne idée.

— Les cartons ? demanda Keir en pénétrant à l’intérieur de la maison, ses yeux suivant la silhouette de Scarlett lorsqu’elle s’éloigna en direction des escaliers.

— Oui. Hudson se débarrasse de plusieurs meubles et nous l’aidons à les empaqueter pour les remettre au quartier historique de la ville. Nous sommes supposés tout donner aujourd’hui.

— Hudson ne mentait pas lorsqu’il disait qu’il allait enfin s’occuper de cette baraque, plaisanta Keir en suivant Livia jusqu’au salon. La façade est comme neuve et l’intérieur semble avoir été dépoussiéré de fond en comble.

Avec un coup d’œil périphérique pour les lieux, le capitaine Dalglish inspecta l’intérieur frais et spacieux qui s’offrait à sa vue. Il y avait toujours les mêmes fauteuils, le même buffet à photos, les mêmes tableaux et les fameuses maquettes du grand-père. Mais une atmosphère nouvelle, à caractère plutôt féminin, s’était emparée des lieux.

C’était les fleurs. Fraîches, présentes à divers endroits, de toutes les nuances de l’été, qui exhalaient autour d’elles un effluve de bonheur, de vie, d’allégresse et d’amour.

— Et cette explosion d’essences florales est exquise. J’ai l’impression de retourner chez mes cousins, en Écosse, continua Keir en déposant son sac au pied d’un fauteuil.

— Hudson m’a dit que tu en revenais.

— C’est exact. J’ai quitté le paradis terrestre pour retourner aux Enfers, plaisanta-t-il en exagérant son accent écossais.

Un sourire fendilla le visage de la jeune femme, soudain charmée par sa manière écossaise de rouler les « r ». C’était celtique, viril et un peu rustique, digne des Highlands. Mais en même temps, il dégageait la décontraction et la langueur des sudistes, avec un côté follement aventurier, dû à ce pantalon de ville café et cette chemise en lin blanc cassé, adéquats pour une ballade à la plage ou une chevauchée dans le Grand Canyon.

— Mais je me suis promis d’y remettre les pieds une fois cette mission terminée.

La mission. La même qui allait expédier Hudson loin d’elle. Cela lui déchirait le cœur et lui donnait l’envie de pleurer, mais elle n’en montra rien.

— Est-ce que je peux te servir quelque chose à boire ?

— S’il y a de la bière, je suis preneur.

Elle acquiesça et lui ouvrit le chemin jusqu’à la cuisine, où Kismet faisait une sieste dans sa cage, une peluche dans les bras.

— Je vois que le mini primate est toujours là, observa Keir en s’installant sur l’une des chaises de la table à manger, tandis que la jeune femme s’éloignait vers le frigidaire pour en sortir une cannette de bière.

— Plus pour longtemps. Hudson va devoir le confier aujourd’hui à son nouveau maître.

— C’est vraiment dommage, ce singe était notre petite mascotte. Hudson a déployé tout son art de la persuasion pour convaincre notre lieutenant-colonel de garder Kismet. Mais c’était dur de le garder. On était obligés de l’enfermer le jour comme la nuit dans sa cage, en compagnie de notre unité cynophile. Il t’a dit que ce petit monstre nous avait sauvés d’un guet-apens ?

— Oui, répondit Livia en revenant vers lui pour lui offrir la bière, qu’il accepta avec un large sourire.

Bon sang de bois, Hudson avait une sacrée chance d’avoir rencontré cette Anglaise avant lui !

— Peut-être même qu’il appartenait à un terroriste avant de devenir notre allié, ironisa-t-il après avoir décapsulé sa cannette et avalé une gorgée de bière. Mais enfin, il sera bien dans la belle campagne environnante.

Keir étendit ses longues jambes devant lui pendant qu’il trouvait une posture plus confortable sur la chaise, sa main libre passée par-dessus le dossier avec nonchalance et l’autre posée sur la table, la cannette toujours dans la paume. Grâce aux manches retroussées sur ses avant-bras, Livia découvrit l’existence de deux tatouages ; le premier figurant sur le bras gauche en caractères romains, qui formaient la maxime « Carpe Diem », alors que le second estampillait son avant-bras droit d’une tête d’ours celtique, finement ouvragée et incorporée dans la paume de l’animal en question, au-dessous de cinq griffes acérées. Le tatouage était le symbole d’un totem.

— Puis-je t’inviter à manger quelque chose en attendant l’arrivée de Hudson ? Il y a des cookies et de la tarte aux noix de pécan. Tout fait maison.

Livia se tenait debout face à lui, avenante, serviable, disponible, très charmante dans son ensemble. Une dame de salon de l’époque contemporaine, qui avait été entraînée à l’art de recevoir et de vivre depuis le berceau.

Un éclat d’espièglerie traversa les yeux gris de Keir.

— Sais-tu qu’une tarte aux noix de pécan suffit à me rendre amoureux ?

— Et le charme va-t-il s’opérer plus vite si je te la lance en pleine figure ?

La voix de Scarlett s’éleva derrière eux en attirant leur attention. Keir reporta son intérêt sur la rouquine et répliqua, l’intonation saupoudrée de condescendance :

— La violence est rédhibitoire chez une femme.

— Dixit la Grosse Brute.

— Rappelle-moi qui a manqué de fracasser le crâne de l’autre avec une bouteille en verre ?

— J’ai simplement voulu défendre cette pauvre fille.

— Tu n’avais pas à la défendre, elle était bien contente d’être entre mes bras. Ce qui fait de moi la victime et de toi une « grosse brute ».

— Quelle est cette histoire de bouteille en verre et de pauvre fille ? s’immisça doucement Livia, bien plus divertie qu’embarrassée par leur joute verbale.

— C’était il y a six ans, le soir de notre première rencontre. Je passais un bon moment avec une femme quand ce feu follet diabolique est sorti de nulle part pour m’asséner un coup de bouteille sur le crâne, sous prétexte que j’agressais celle qui m’accompagnait, expliqua Keir sans même laisser l’occasion à Scarlett d’en placer une. Mais en réalité, je pense qu’elle était juste jalouse de ne pas être à la place de cette femme.

Une exclamation outrée étouffa la concernée.

— Tu ne manques pas de toupet !

— Je ne manque pas de toupet ? réitéra Keir, dont la raillerie disparut au profit d’une rancœur non dissimulée. Qui s’est tapé six points de suture par la suite ?

Livia interrogea sa cousine du regard, impressionnée par l’anecdote. Elle savait Scarlett dotée d’un tempérament chaud et hardi, sans détour ni artifice, qui n’hésitait pas à entrer en conflit ouvert avec un interlocuteur, en l’occurrence avec le capitaine Dalglish, un homme certainement taillé dans le même bois. Les enfermer dans une pièce serait comme jeter deux gladiateurs assoiffés de sang dans le Colisée de Rome — le combat s’annoncerait agressif.

— Combien de temps vas-tu encore jouer tes pleurnicheuses, Dalglish ? Je me suis excusée plusieurs fois.

— Traite-moi encore une fois de pleurnicheuse et je te lance dans le premier bayou qu’on trouve.

— Avant de me jeter dans le premier bayou, pourrais-tu m’aider à soulever une commode, s’il te plaît ?

Keir haussa l’un de ses sourcils blond foncé, la considéra un petit moment d’un œil perplexe, puis s’adressa à Livia :

— Elle a vraiment une drôle de manière de demander mon aide.

Le moteur d’une voiture se fit soudain entendre à l’extérieur de la maison en annonçant le retour de Hudson. Keir se leva de sa chaise et emboîta le pas aux jeunes femmes lorsqu’elles s’éloignèrent ensemble vers l’entrée.

Scarlett ouvrit la porte au moment où Hudson grimpait les marches du perron, ses Maui Jim rectangulaires et urbaines sur le nez et un gros pack de bières dans la main. Keir se plaça derrière la rouquine, un sourire de ravissement à la vue des boissons.

— Toujours prévoyant pour les provisions d’alcool, commenta-t-il en guise de salutation.

— Je dois assurer le confort de mes camarades. Particulièrement le tien, ivrogne.

— Tu gères, mec.

Scarlett s’écarta pour permettre aux deux amis de se donner une accolade virile, tandis que Livia les admira. Keir avait peut-être sept ou huit centimètres de moins que Hudson, mais dégageait une force propre aux hommes de terrain, et se démarquait par une ossature lourde, capable d’endurer toutes les épreuves sportives et ancestrales si chères au cœur des Écossais.

— Je ne pensais pas prendre autant de temps pour déposer les premiers cartons, sinon je me serais fait une joie de t’accueillir comme il se doit, dit Hudson en le relâchant.

— J’ai failli t’attendre dehors, commença Keir en pesant ses yeux sur Scarlett, qui mit ses mains sur ses hanches, la mine impatiente. Mais heureusement, Livia est venue à mon secours.

Il continua en contemplant Livia et Hudson suivit son regard, le cœur enflant de fierté, peut-être la même que ressentait un mari lorsqu’on faisait l’éloge de son épouse.

— Oui, Livia a l’art de mettre les gens à l’aise, ajouta Hudson avec des yeux admiratifs et une chaleur teinta de rose pâle les pommettes de la jeune femme. J’espère que Keir ne t’a pas embêtée.

— Non, il ne l’a pas embêtée, la devança Scarlett, agacée. Il est charmant en toutes circonstances, surtout avec moi.

— Ne commencez pas votre manège tous les deux.

— J’y suis pour rien, se défendit Keir. Livia est témoin, c’est le feu follet qui a lancé les hostilités.

Si les yeux verts de Scarlett avaient pu décocher des flèches, Keir serait déjà en train d’agoniser aux pieds de Hudson. Elle ouvrit la bouche avec l’espoir de le rosser d’une belle répartie quand Livia prouva ses compétences en matière de diplomatie avec une intervention souhaitée :

— Je demande l’armistice. Au moins pour cet après-midi.

Scarlett referma sa bouche sous l’expression narquoise de Keir.

— J’allais demander la même chose, avoua Hudson en accordant un coup d’œil à sa paire d’amis. Je vous ordonne de vous tenir à carreau. Si vous ne vous y soustrayez pas, je jure de vous menotter l’un à l’autre pour le restant de la journée, jusqu’au soir s’il le faut.

Hudson arborait son air de capitaine omnipotent, tandis que Livia se mordillait la lèvre pour réprimer sa folle envie de pouffer face à leurs mines scandalisées.

Sidérée par cette menace, Scarlett en laissa tomber ses bras le long de ses flancs et protesta :

— Si tu crois que je vais te laisser m’attacher à ce…

Avec la vivacité d’un agent de la FORECON, Keir s’établit à ses côtés et bâillonna sa bouche de sa main, étouffant contre sa paume le reste de la phrase. Scarlett en demeura stupéfaite, d’autant plus qu’il s’était plaqué contre son dos dans ses mouvements. Le contact de son corps massif, de sa chaleur envahissante et de son parfum viril, qui assaillait son esprit en traître, finit de la réduire au silence.

— Ne te fais pas de soucis, Rowe, on sera sages comme des images. 

Chapitre 3

Red Lion’s Bar, Port-Royal

Le soir

Hudson et ses trois frères de cœur étaient comme les quatre éléments d’Empédocle, les quatre côtés du carré et les quatre nobles vérités du bouddhisme. Inséparables, complémentaires et puissants.

C’était ce qu’avait raconté Scarlett à Livia sur le chemin qui les conduisait au restaurant-bar, le lieu où le quatuor devait retrouver Lex et John pour le dîner.

Dorénavant, de ses propres yeux, Livia pouvait ressentir la solide fraternité qui reliait les quatre colosses dont elle et sa cousine étaient entourées.

— C’est notre instructeur qui nous a comparés en premier aux quatre éléments d’Empédocle, expliqua John en plein milieu de la conversation, son bâton de réglisse cette fois-ci fiché derrière son oreille, prêt à l’emploi en cas de besoin.

Cela faisait bientôt deux heures que le dîner avait commencé. Livia avait le plaisir de revoir John, l’aviateur aux cheveux blancs, le complice de son infiltration dans la base aérienne. Exempté de son uniforme et vêtu avec un soin plus recherché que ses confrères, qui trahissait un penchant pour les marques de luxe et la joaillerie masculine, John se révélait être un homme très raffiné et commode, plaisant en toutes occasions. Ses yeux bleus arctiques, extrêmement purs et limpides, ressemblaient à deux glaciers du Nord et donnaient l’impression d’avoir traversé les âges depuis la création de l’univers. C’était le genre d’homme vers lequel on se ruait sans se poser de question, dans la joie comme dans l’adversité.

À ses côtés, Lex avait une attitude plus hiératique et distante, peut-être une posture-réflexe qu’avait forgée son métier d’instructeur militaire. Par son comportement, il s’inscrivait comme l’inverse de Keir. Mais excepté son apparence inquiétante d’agent soviétique en mission d’infiltration, cet autre ami de Hudson l’avait accueillie avec respect et amabilité, sans omettre le regard profond, décrypteur qu’il avait posé sur elle le temps d’une poignée de main. Lui aussi possédait des yeux hypnotiques, un peu terribles, comme s’ils pouvaient voir au-delà des capacités de la vision humaine. Sous des sourcils brun foncé, les yeux ambrés de Lex avaient une étincelle à la fois voluptueuse et farouche, que Livia n’avait jamais vue chez une autre personne.

Œil de bohémien, œil de loup.

Ce dicton espagnol lui était venu en mémoire à sa vue.

— Ouais, c’était le sergent McLean. Chacun de nous a été comparé à un élément, renchérit Keir après une lampée de whisky. L’Eau pour John, l’Air pour Lex, la Terre pour Hudson et le Feu pour moi.

Installée entre Hudson et la paroi de la banquette capitonnée, Livia leva les yeux vers son amant et lui demanda :

— Pourquoi la Terre ?

— C’est solide, sec et statique, d’autant plus que la Terre correspond aussi à un tempérament nerveux, le devança Keir.

— La Terre a besoin d’eau pour se cultiver et s’épanouir. Il s’avère que ton élément, Livia, pourrait être l’eau, lâcha ensuite Lex sans préambule, avec une certitude qui l’intrigua.

La jeune femme questionna Hudson du regard, mais il lui fit comprendre qu’il ajouterait quelque chose ultérieurement.

Comme s’il n’étonnait pas assez l’Anglaise, Lex découvrit de la poche de son pantalon un jeu de tarot, ces vieilles cartes italiennes que ses compères avaient l’habitude de voir, puis disposa le paquet de cartes sur le plan de la table. Livia les observa avec un réel intérêt et sa réaction contenta l’instructeur mystique.

— Voudrais-tu que je te tire les cartes, Livia ?

— Lex, je t’en prie. Pas maintenant, s’exprima Hudson, un peu irrité.

Mais la jeune femme n’était pas de cet avis. Elle dévisagea Lex d’un œil curieux, rencontra de nouveau ses yeux de loup slave.

— Oui, je veux.

Elle ignora volontairement le coup d’œil d’avertissement de Hudson, qui semblait s’être braqué sur sa banquette. Sa réaction lui parut un peu étrange, puisqu’elle considérait le tarot comme un jeu insouciant, agréable pour animer une soirée, mais surtout à prendre à la légère. Du moins, ses expériences passées en la matière avaient toujours été des moments de charlatanisme drôle.

— Lex n’est pas un amateur, Liv, lui apprit Scarlett, tout aussi excitée qu’elle à l’idée de connaître son tirage.

Au fond d’elle-même, Livia la crut. Lex n’avait rien d’un charlatan ni d’un amateur. Il dégageait un magnétisme propre aux individus doués d’un instinct surdéveloppé et d’un don qui frôlait le paranormal.

— Arrête de me communiquer ta nervosité, Rowe, l’avertit Lex en disposant trois cartes devant Livia, qu’il dévoila successivement.

— Je ne suis pas nerveux.

En réalité, Hudson l’était. C’était une sorte d’appréhension qu’attisait l’idée de savoir qu’elle pouvait continuer sa route sans lui à ses côtés. Espérer quelque chose qui irait à l’encontre de cette évidence était complètement absurde, mais il ne pouvait s’empêcher d’éprouver la piqûre de mille petites aiguilles en songeant à ce qui suivrait le lendemain.

Une séparation définitive.

Livia retint son souffle à la découverte du tirage, fascinée par les dessins des personnages et aspirée par l’ambiance ésotérique qui s’était instaurée autour de leur table en les isolant des autres clients.

— Cavalier de bâtons à l’endroit. Reine de coupes à l’endroit. La Mort à l’endroit.

Un silence lugubre se suspendit au-dessus d’eux à l’évocation de la dernière carte.

— La Mort ? souffla-t-elle en cherchant une réponse dans le regard de Lex, qui ne se laissa pas perturber par la confusion de la jeune femme et commença son explication.

— La première carte représente le voyage, le changement de résidence, l’enthousiasme et l’esprit aventureux. La deuxième est le symbole d’un caractère expansif, dévoué et maternel. Quant à la Mort, elle représente une transformation, la fin d’une relation, d’un projet, ou bien la maladie et la mort elle-même. Ce n’est pas forcément la mort de la personne à qui je tire les cartes, mais il peut s’agir de celle d’un individu extérieur, qui est dans son cercle de connaissances ou celle d’un étranger qui aura un impact dans sa vie.

Les derniers mots coulèrent comme des gouttes givrées sur l’âme de Livia et la firent frissonner malgré elle. Hudson resserra son étreinte autour de sa taille, la réchauffant de sa présence.

— Traduction, Lenkov, ordonna ce dernier.

Lex cloua ses yeux à ceux de Hudson, comme pour lui communiquer un message tacite, puis se reconcentra sur Livia et commenta d’une voix nette et vibrante :

— Livia, tu es venue à Beaufort pour trouver la liberté et tu as rencontré des personnes qui te permettent de ressortir ta vraie nature et tes principales qualités, à savoir ta joie de vivre, ton entrain, ton côté maternel et le dévouement que tu accordes à ceux que tu aimes. Ce début de parcours ici a nécessité des ruptures avec le passé, avec d’anciennes habitudes. Mais la nouveauté peut également apporter son lot de dangers ou de drames. Il faut rester vigilante.

— La Mort n’est qu’une allégorie, rien de grave, s’empressa d’ajouter Hudson en rebattant ladite carte pour la faire disparaître de leurs yeux.

— J’aime pas quand il la tire, celle-là. Ça fait flipper ! La dernière fois que j’ai eu la Mort, je me suis pris cette putain de cicatrice et deux balles dans le corps en Opex, ajouta Keir, ce qui ne fit qu’électriser l’atmosphère.

— Pourquoi tu racontes des conneries pareilles, Dalglish ? lui reprocha Hudson en versant du côté de son ami un regard plein d’avertissements.

— Bah quoi ? C’est la vérité. 

— Lex, tire-moi les cartes, s’il te plaît, intervint Scarlett en voulant détourner l’attention sur elle afin de détendre Hudson.

Maintenant que Lex se concentrait sur la rouquine, assise entre lui et John, le corps de Livia s’apaisa et elle se pelotonna contre son amant, puis lui chuchota à l’oreille :

— J’ignorais que tu étais aussi sensible au tarot.

— Pas en général. Seulement lorsque c’est Lex qui tire les cartes et les interprète. Ce type a quelque chose de… clairvoyant. Il devine les choses, guérit les corps et les âmes et s’imprègne des émotions des autres. Un don qu’il tient de sa mère.

La jeune femme n’eut aucun doute sur la véracité de ses propos, puisqu’elle était touchée par l’énergie que dégageait Lex. Tout à coup, elle se demanda comment ce marine avait pu vivre ses expériences à la guerre avec une sensibilité aussi aiguisée…