U.S. Marines - Tome 3 - Arria Romano - E-Book

U.S. Marines - Tome 3 E-Book

Arria Romano

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Beschreibung

La relation fusionnelle de Keir et Scarlett est mise à rude épreuve : Keir parviendra-t-il à résister à l'appel du front ?

Après une rencontre fracassante, Scarlett et Keir se complaisent dans une relation tissée de provocations et d’insolences. Mais au-delà de leurs chamailleries, l’intrépide rousse et le capitaine balafré nourrissent une attirance mutuelle que ni l’un ni l’autre ne peut endiguer. La passion devient bientôt irrémédiable et les deux amants la vivent avec fièvre… jusqu’au jour où le militaire apeuré par l’engagement sentimental précipite son retour au front.

Découvrez sans plus attendre le troisième tome de la saga à succès U.S. Marines et plongez dans l'histoire d'amour tumultueuse de Scarlett et Keir !

EXTRAIT

"Un peu bohémienne dans l’âme, Scarlett se sentait toujours mieux pieds nus, surtout sur un dancefloor.
Électrisée par les deux danses précédentes, en particulier le cha-cha-cha torride qu’elle venait de partager avec Erik, elle finissait de retirer ses escarpins à même le sol de la piste quand deux bras puissants la soulevèrent de terre en la surprenant.
Elle pensa tout d’abord à son pompier, mais réalisa bientôt que ce n’était pas lui. Le corps contre lequel son dos était désormais plaqué paraissait plus épais et large que celui du lieutenant Warren, d’autant plus qu’il ne portait pas de médailles sur son smoking.
C’était un marine qui la tenait captive entre ses bras pour l’entraîner sur le rythme d’une nouvelle musique : Sex Bomb de Tom Jones.
— Où as-tu appris à bouger comme ça, feu follet ?
Scarlett sursauta en entendant la voix de Keir. Elle tourna aussitôt la tête vers la table où il était assis quelques secondes plus tôt, remarqua sa chaise vacante et se maudit de ne pas l’avoir vu approcher. Dans un réflexe, elle voulut lui échapper, mais il resserra son étreinte autour de sa taille en la faisant virevolter entre ses bras, si rapidement qu’elle aurait perdu l’équilibre s’il ne l’avait pas maintenue avec autant d’étroitesse contre son torse de pierre.
— Alors ?
Il fit glisser l’une de ses mains calleuses le long de son dos dénudé et délicat, si langoureusement que le contact de sa peau contre la sienne lui fit hérisser les poils. Elle détesta cette réaction si positive et manqua gémir quand il planta ses ongles courts dans le creux de ses reins." 

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE 

"Un duo explosif qui m'a fait rire, bouillir et pleurer également, mais qui est aussi à la hauteur de nos deux protagonistes des deux premiers tomes." - noeline, BookNode

"L'histoire est bien écrite, j'avoue avoir par moment eu du mal à décrocher...et surtout j'ai enchaîné, impossible d'attendre la suite." - lussailles67, Babelio

"J'ai adorée suivre leur histoire et leur relation un peu "enemy to lover". J'ai hâte de découvrir la suite et de pouvoir découvrir comment leur relation et personnage vont évoluer.. Cela promet d'être explosif !!" - koalabouquine, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEURE

Arria Romano étudie l’histoire militaire à la Sorbonne et est passionnée de littérature et d’art. Elle écrit depuis quelques années des romans historiques et des romances, qu’elles se vivent au passé, au présent ou même nimbées d’un voile de magie… Tant que l’amour et la passion restent le fil rouge de l’intrigue.

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Prologue

Beaufort, Caroline du Sud, printemps 2001

Scarlett se frayait un chemin parmi toutes les personnes présentes à l’anniversaire de Hudson Rowe, son voisin et grand-frère de cœur. Depuis sa naissance, il veillait sur elle à la manière d’un ange gardien et le lien qui les unissait avait la solidité du tungstène.

Scarlett adorait Hudson, son héros de guerre, lieutenant dans la U.S. Marine Corps et fierté nationale pour la ville où ils vivaient. Chaque semaine, elle lui écrivait des lettres pour l’aider à maintenir le cap dans les zones de conflits, au cœur de pays hostiles qui l’éloignaient d’elle. Chaque semaine, cette adolescente d’à peine seize ans participait un peu à l’effort de guerre en remontant le moral des troupes.

La plupart des personnes présentes à la fête de Hudson, désormais âgé de vingt-sept ans, venaient du milieu militaire. Une soixantaine de marines et leurs compagnes comblaient la maison familiale des Rowe en créant une ambiance festive et remuante, où l’on pouvait se perdre aisément, surtout pour une jeune fille comme Scarlett. Elle venait d’arriver et c’était la première fois de sa vie qu’on lui autorisait d’aller à une soirée d’adultes, même si sa maison et son père se trouvaient juste à côté.

D’un pas assuré, elle arriva à la hauteur du maître des lieux, un grand type dépassant le mètre quatre-vingt-dix, costaud, au regard vert et aux cheveux noirs. Il s’imposait comme l’archétype du Sudiste américain et aurait eu le profil pour jouer le cow-boy aux côtés de John Wayne s’il était né quelques décennies plus tôt.

— Bonsoir, Hudson, le salua-t-elle de sa voix chaleureuse et chantante, mâtinée de l’accent traînant qui caractérisait les habitants de la région.

D’abord occupé à garnir son buffet d’amuse-bouche, le dénommé virevolta sur ses talons et découvrit, à sa plus grande joie, sa petite voisine. Elle ne pouvait pas passer inaperçue avec sa longue crinière rousse, qui lui descendait jusqu’aux hanches, ses grands yeux vert clair à l’éclat frondeur, ses ravissantes taches de rousseur et son look d’aventurière vintage. Scarlett dégageait une malice et une intrépidité propre à Calamity Jane.

— Mam’zelle Scarlett !

Hudson imitait à la perfection Mamma dans Autant en emporte le vent et campait aussi bien son rôle de chaperon quand il en avait l’occasion. Scarlett s’esclaffa devant son exclamation et se rua dans ses bras lorsqu’il les ouvrit pour la serrer contre son torse. Les personnes alentour les épièrent d’un œil à la fois surpris et attendri, peu habituées à voir le lieutenant Rowe aussi démonstratif.

— Comme tu es belle, mon chaton sauvage, avoua-t-il en passant ses mains dans ses ondulations de feu. Ton père devrait se faire du souci pour toi.

— Balivernes ! Je suis ronde, j’ai des bagues aux dents, des taches de rousseur et je m’habille comme une fermière. Les garçons de mon lycée n’aiment pas ça, répliqua-t-elle, pas le moins du monde troublée par son manque de séduction.

— Tu es belle à mes yeux. Tous ces petits cons ne savent pas ce qu’ils manquent, mais ce n’est pas une affaire urgente. Tu n’as que seize ans et je permettrai à quelqu’un de te toucher quand tu en auras vingt-cinq. La majorité sexuelle, affirma-t-il en feignant un air extrêmement sérieux.

Scarlett libéra son rire pétulant, qui réchauffa l’atmosphère comme l’aurait fait une brise estivale.

— Je crois que la majorité est plus tôt, mais peu importe. Je t’ai apporté un cadeau.

Elle ponctua sa phrase en sortant de la poche de son jeans un petit sachet cacheté, qu’elle lui tendit ensuite avec un sourire timide.

— Ce n’est pas grand-chose… j’espère que ça te protègera.

Hudson accepta son cadeau et l’ouvrit efficacement, découvrant l’instant suivant un gros bracelet en cuir brun et tressé de fils où des perles de turquoise étaient enfilées pour former un attrape-rêve amérindien.

— C’est pour effacer tes cauchemars et tes peurs quand tu retourneras à la guerre, expliqua-t-elle en le lui ôtant des mains afin de l’attacher à son poignet droit. C’est un grigri qui te protègera. Je l’ai acheté auprès de véritables Amérindiens pendant mon voyage au Colorado. Tu aimes ?

— C’est une magnifique attention, Scarlett, avoua-t-il en la gratifiant d’un baiser sur le front.

Il l’invita par la suite à grimper sur son grand dos, comme il avait coutume de le faire depuis qu’elle était enfant, puis une fois qu’elle fut bien installée, commença à traverser la pièce.

— Je vais te présenter à mes meilleurs amis. Ceux dont je t’ai parlé dans mes lettres.

Depuis neuf ans que son ami était dans la U.S.M.C, Scarlett allait enfin voir en chair et en os les fameux compagnons pour lesquels il donnerait sans hésitation sa vie.

Le marine et la rouquine traversèrent le grand salon où les gens circulaient allègrement au son d’un bon rock sudiste, puis arrivèrent devant deux hommes aux silhouettes aussi sculptées et imposantes que Hudson.

— Les mecs, j’aimerais vous présenter ma beauté du Sud. Scarlett Swanson, déclara-t-il de sa voix de cuivre, attirant ainsi l’attention des autres.

Ils se tournèrent d’un mouvement synchronique et Scarlett découvrit, le cœur battant à toute vitesse, deux visages virils, à la fois identiques par la force qui s’en dégageait et différents par une beauté qui leur était propre à chacun. Ils semblaient à peu près du même âge.

— Salut, beauté du Sud, lança celui qui, objectivement, s’inscrivait comme le plus beau des deux hommes. Tu portes bien ton nom.

Écarlate.

Son prénom était une référence à ses cheveux, même s’ils n’étaient pas aussi rouges que l’intensité de cette nuance. En réalité, sa rousseur tenait plutôt de l’auburn clair, naturel, tissé de fils d’or et de reflets acajou. Les riches pigmentations de sa chevelure rappelaient les tapis de feuilles mortes en automne.

Le premier à la saluer était John Arlington, un homme dont les cheveux blanchissaient prématurément, aux grands yeux bleu arctique, ayant vécu chez les Amish avant de quitter sa communauté pour rejoindre le monde extérieur et intégrer les U.S. marines. Quant au deuxième compagnon, Alexeï Lenkov, alias Lex, il s’agissait d’un colosse au crâne rasé, au faciès marqué par un nez cassé et doté d’un regard inquiétant de loup slave, pur comme l’ambre de la Baltique. Du sang russe coulait dans ses veines et il semblait peu commode au premier abord, mais n’était pas dangereux pour les personnes innocentes et bonnes. Selon ce qu’elle savait déjà sur cet homme, il possédait des dons de voyance et de magnétiseur.

Après les premières salutations, Hudson s’étonna de ne pas trouver le quatrième élément du groupe, un dénommé Keir Dalglish, et demanda :

— Où est Scarface ?

— On était en train de se préparer des cocktails quand je l’ai vu partir avec Emily, déclara John. Ils sont partis en quête d’un coin tranquille.

— Pourquoi vous l’appelez Scarface ? releva Scarlett, curieuse.

— Parce qu’il est revenu avec une horrible cicatrice sur le visage, expliqua Lex.

La rouquine frissonna et se raccrocha davantage aux épaules de son frère de cœur.

— Une cicatrice ?

— Gigantesque. Elle lui mange la moitié de la gueule et lui donne un air d’ours sauvage, continua Lex en dessinant sur sa propre joue, du bout de son index, un long trait imaginaire destiné à configurer ladite balafre. Le souvenir d’un taliban avant de crever.

— Seigneur…

— T’inquiète pas, petite, il va arriver et tu pourras même la toucher si tu veux. 

— Les gars, vous vous occupez de Scarlett le temps que j’accueille les nouveaux arrivants ? leur demanda Hudson en la faisant délicatement descendre au sol. Vous ne la quittez pas d’une semelle.

— Ouais, on y veillera comme à la prunelle de nos yeux, promit John en accentuant sa phrase d’un clin d’œil à l’adresse de l’adolescente.

Hudson parti, les deux autres marines s’occupèrent de la nourrir de canapés et d’anecdotes croustillantes sur la U.S.M.C comme sur le groupe qu’ils formaient. La jeune fille appréciait toujours plus leur compagnie à mesure que les minutes défilaient et avait le sentiment grisant d’être plus âgée qu’elle ne l’était quand ils évoquaient des choses que son père aurait certainement censurées. Mais elle aimait les gens directs, qui lui apprenaient la vie théoriquement.

Une demi-heure plus tard, Scarlett dut s’éclipser pour se rendre aux toilettes et puisque celles du rez-de-chaussée étaient occupées, elle grimpa les escaliers afin d’atteindre l’étage supérieur. Cette demeure, elle la connaissait par cœur étant donné que la sienne avait été bâtie à l’identique.

Ici, la rumeur était bien moins étourdissante qu’en bas et dans le jardin. La jeune fille apprécia cette parenthèse de quiétude et longea le couloir nonchalamment quand, soudain, des hurlements de femme se firent entendre derrière la porte de la buanderie.

Un frisson traversa son échine en lui glaçant le sang. Cette femme criait comme si elle appelait à l’aide. Il fallait agir sur-le-champ. Découvrir cette femme en danger et ameuter tous les marines en même temps.

Scarlett s’obligea à garder son sang-froid et décocha un regard circulaire au lieu. Il n’y avait personne aux alentours, seulement une bouteille en verre de whisky, laissée à l’abandon près de l’entrée de la buanderie.

Sans réfléchir, l’héroïsme chevillé au corps, elle se rapprocha des hurlements, plia son corps pour ramasser la bouteille d’alcool, s’en munir telle une arme et ouvrir la porte d’un vif tour de poignet. Un cri flûté lui échappa lorsqu’elle aperçut le dos d’un grand blond à la lourde charpente, les fesses à l’air, qui besognait comme une bête sauvage une femme aussi rousse qu’elle, plaquée contre le mur en gémissant à la manière d’une damnée. On aurait dit qu’elle souffrait terriblement.

Oh mon Dieu…

C’était un assaut de force. Un viol !

Apeurée par les traits crispés de la femme et la force bestiale du type, elle fut inspirée par un élan de hardiesse et chargea sur l’inconnu tel un taureau de corrida, sa bouteille de whisky au poing, qu’elle fracassa sur la nuque épaisse de l’homme, avec précision et force. C’était Hudson qui lui avait enseigné quelques bases d’autodéfense et d’attaque.

Le tintement du verre qui éclate, suivi d’un rugissement d’ours blessé, emplit la pièce exigüe en même temps que la femme assaillie écarquillait les yeux et s’époumonait de stupéfaction.

— Putain de merde ! vibra une voix masculine, éraillée par l’alcool et la colère. C’est quoi ce bordel ?

Dans le choc, le grand type avait abandonné la femme qu’il tenait entre ses bras pour tituber sur le côté et se heurter à une étagère, l’air hagard. Son jeans et son caleçon étaient toujours retroussés sur ses chevilles tandis que le bas de sa chemise masquait son sexe érigé et nu pendant qu’il portait une paume à sa nuque, le regard désormais riveté à Scarlett.

En posture de défense, une mèche rousse lui tombant sur les yeux, l’adolescente tenait toujours le reste de la bouteille brisée entre ses deux petites mains, prête à répondre aux coups que lui donnerait ce menhir aux prunelles grises, d’une teinte aussi intense que le fer d’une épée.

— Mais d’où tu viens, espèce de petite tarée ?! hurla-t-il en sentant sur ses gros doigts le liquide poisseux de son sang. Tu m’as explosé la nuque !

La lumière préoccupante au fond des pupilles masculines fit tressaillir l’adolescente, mais ce fut assurément la large cicatrice qu’elle découvrit sur le faciès du type qui aiguisa sa peur. La balafre partait du coin de l’œil droit en estampillant la totalité de sa joue jusqu’au menton, et à la vue de sa teinte encore rosée, elle devait être récente.

Sans se départir de ce calme pendant la bagarre, un conseil répété par Hudson, Scarlett crut bon de rassurer la femme :

— Partez, madame, je m’occupe de lui.

L’autre rousse, plus âgée qu’elle d’une dizaine d’années, la dévisagea avec des yeux ronds et la bouche grande ouverte, pareille à une carpe sortie de l’eau.

— Non, mais quelle dingue ! Tu vois pas qu’on était en train de tirer un coup, tranquillement ? vociféra le balafré au moment où Hudson, alerté par les cris, apparaissait dans l’encadrement de la porte.

— Qu’est-ce qui se passe ici ? demanda ce dernier, sur le qui-vive.

Ses yeux s’agrandirent quand il repéra la bouteille cassée dans les mains de Scarlett, puis la situation délicate où se trouvaient l’autre femme et l’homme défroqué, ce grand blond dont il était le meilleur ami. Il ne lui en fallut pas plus pour comprendre le malentendu.

— Cet homme était en train de… de…, bredouilla Scarlett, la frimousse virant au rouge pivoine sous le coup de l’émotion.

— … de baiser à l’abri des regards, continua Menhir-Blond dans un grommellement. Je passais juste du bon temps avec Emily quand ce feu follet est venu m’agresser ! Merde, je crois que je pisse vraiment le sang.

Scarlett sentit le feu lui lécher les joues à la découverte de sa méprise. Confuse, elle abaissa ses bras en désirant se terrer dans la machine à laver pour ne jamais plus en sortir.

— Hudson, je te jure que j’ai cru qu’il était en train de la violer. Elle hurlait de manière alarmante, se défendit-elle avant de se réfugier contre le torse de son ami, les larmes aux yeux, honteuse. Je voulais seulement lui porter secours. Et lui… il n’inspire pas confiance.

Elle avait murmuré le reste de sa phrase avec un coup d’œil en direction de sa victime, qui venait de se munir d’un drap pour l’appuyer sur sa nuque, sans jamais la quitter de ses yeux tempétueux.

Hudson l’étreignit dans un élan de réconfort et lui annonça :

— Tu n’as rien à craindre avec lui. C’est Keir Dalglish, le dernier élément.

— Et certainement pas un violeur de femmes, compléta l’autre en grimaçant sous les piqûres de sa blessure. C’est qui cette gamine, Rowe ?

— Scarlett Swanson, répliqua la concernée. Je suis vraiment navrée pour cet incident.

— C’est ma voisine.

Froissé d’avoir été confondu avec un violeur et blessé aussi sottement, d’autant plus qu’il avait été interrompu dans sa quête de la satisfaction sexuelle, le dénommé Keir maugréa, son humeur grinçante vibrant dans la buanderie :

— Rappelle-moi de ne jamais plus me trouver dans le même secteur que cette renarde enragée.

Et Keir de jurer des mots dans une langue inusitée aux États-Unis, mais dont la rouquine reconnut les inflexions gutturales. C’était du gaélique écossais.

Un dialecte qui se coiffait d’une tonalité magique et qu’il employait certainement pour lui jeter un sort.

Chapitre 1

Oldfield golf club-house, Caroline du Sud, 17 mai 2008, sept ans plus tard

La fête battait son plein sous l’immense chapiteau décoré de lustres en cristal, de guirlandes lumineuses et d’une profusion de fleurs.

Une flûte de champagne à la main — la quatrième de la soirée — et assise à la table des demoiselles d’honneur, Scarlett scrutait le rassemblement festif et mondain qui se déployait à ses yeux. Près de quatre-vingts personnes avaient été invitées pour célébrer l’union de son meilleur ami, devenu le major Hudson Rowe, et de sa ravissante cousine anglaise, Livia. Les deux amants s’étaient rencontrés moins d’un an plus tôt dans la petite ville de Beaufort et ce fut le coup de foudre. Immédiat, intense, instinctif.

Scarlett appréciait cette soirée qui encensait leur amour dans un décor de toute beauté, entre élégance et rusticité. Après une cérémonie haute en couleur à Rose Hill Plantation, un domaine historique bâti aux prémices de la guerre de Sécession, la réception et le bal se déroulaient désormais au cœur d’un golf magnifique, un écrin du Sud des États-Unis, entouré de chênes ancestraux, de faune sauvage et d’un complexe de logements destinés à accueillir les invités pour la nuit. Il s’agissait de villas édifiées selon l’esthétisme de la région, jetées sur les bords des marécages mystérieux.

Scarlett eut un soupir de contentement. Pour ce jour de félicité, on lui avait assigné le rôle de demoiselle d’honneur, dont elle portait fièrement la robe en mousseline de soie vert anis, au dos nu et au col collier. Le tissu vaporeux épousait à merveille les courbes épanouies de son corps, tandis que la teinte s’accordait à l’ivoire de sa peau et aux longues boucles rousses qui roulaient en vagues jusqu’à sa taille. Une tiare florale coiffait le sommet de sa tête en l’assimilant à quelques nymphes celtiques.

— Scarlett, tu peux m’aider à remettre les fleurs dans mes cheveux, s’il te plaît ?

Livia, la vedette de la soirée, tout simplement divine dans une robe de mariée digne des plus grands créateurs, se rapprocha d’elle avec un sourire guilleret. Des myosotis avaient été piqués à la mode d’une broche de cheveux naturelle dans son chignon blond et la moitié d’entre eux menaçait de tomber.

Scarlett posa sa flûte sur la table et l’aida à les remettre en place, puis la reconsidéra de pied en cap. Sa cousine, cette Anglaise sophistiquée issue d’une grande famille bourgeoise, était sublime. Teint de porcelaine, yeux bleus, aussi condensés que les myosotis, chevelure d’or, corps de star hollywoodienne, elle était un canon de beauté intemporel, doublé d’une personnalité radieuse et d’une détermination sans faille. Pour épouser l’homme de sa vie, un marine américain issu d’un monde différent du sien, elle avait renoncé à son ancienne existence en Angleterre.

— Merci, mon ange, la remercia Livia en faisant chanter son accent londonien. Tu sais que tu es magnifique ?

Scarlett sentit le rose monter à ses joues. Elle n’avait pas coutume de porter des tenues aussi soyeuses et de participer à ce genre de réceptions. Un peu piquante dans son langage, bruyante dans sa manière de rire et complexée par les taches de rousseur qui estampillaient ses pommettes et son petit nez telle une traînée d’étoiles, sans omettre ses formes qu’elle trouvait trop pulpeuses, la jeune femme n’avait pas la sensation d’être magnifique.

— C’est le maquillage.

En effet, ses yeux de chat des sables, d’un vert presque aussi clair que la teinte de sa robe, étaient rehaussés d’un trait d’eye-liner et de mascara, alors qu’une touche de rouge à lèvres carmin habillait sa bouche.

— Non, c’est toi. Tu ressembles à une déesse celtique. Et si tu ne veux pas me croire, tu n’as qu’à te fier au regard que les hommes présents posent sur toi. En particulier ce cher lieutenant Warren, ajouta Livia d’un air malicieux.

La majorité des hommes présents étaient des militaires, les frères d’armes de Hudson. Ils avaient tous revêtu pour l’occasion leurs uniformes de parade noirs et blancs, parfois noirs et bleu marine. Les autres étaient des amis issus d’horizons divers et variés, parmi lesquels figurait l’invité de Scarlett, le lieutenant Erik Warren, un pompier rencontré quelques mois plus tôt à l’hôpital où elle travaillait en qualité d’infirmière. Elle s’en était amourachée dès le premier regard, après qu’il l’avait sauvée d’un patient drogué, accusé d’avoir voulu la poignarder avec une seringue.

— C’est vrai que j’ai remarqué ses regards enflammés… plus je le vois, plus il me plaît, avoua Scarlett en risquant une œillade en direction du fameux pompier, très chic dans un smoking noir.

Positionné à quelques mètres de son emplacement, entouré d’autres hommes, il discutait tout en l’admirant de temps à autre. Brun, grand, athlétique et aux yeux bleu azur, il était le plus beau et le plus jeune du groupe, auquel il s’était greffé sans difficulté.

Scarlett avait mis du temps à l’inviter au mariage de Hudson et Livia, car elle l’avait toujours cru en couple. Quand l’annonce de son célibat s’était fait connaître quatre semaines plus tôt, sa cousine l’avait presque forcée à se jeter à l’eau. Et à son grand bonheur, le pompier avait accepté avec enthousiasme.

— Il n’y a pas d’ambiguïté sur ses regards, Scarlett. Je crois que c’est le moment de succomber à ses charmes.

Scarlett reporta son attention sur la mariée. Moins d’un an plus tôt, c’était elle qui lui tenait ce discours pour la pousser dans les bras de Hudson, et voilà qu’ils étaient liés de la plus sacrée des manières. Au fond d’elle, son cœur espérait une issue semblable avec Erik. Après tout, cela faisait neuf mois qu’ils entretenaient une relation amicale, avec quelques sous-entendus égarés depuis quelques semaines.

Neuf mois, c’était suffisant pour cerner une personne et savoir si on voulait d’elle ou non. Or, Scarlett se croyait fervemment éprise du pompier. Un sentiment exacerbé par son côté romantique, un peu rêveur, qu’une jeunesse passée à regarder les vieux films hollywoodiens avait alimenté.

— Rejoins-moi sur la piste de danse, on va se déhancher un peu et mettre l’ambiance. Bien sûr, mon mari est trop affairé à disputer une partie de poker avec ses amis pour s’aventurer sur le terrain dangereux de la danse, lança Livia, faussement désespérée.

Tout le monde savait que Hudson fuyait comme la peste le dancefloor, même s’il s’était muni de sa plus grande volonté pour ouvrir le bal avec une valse lente. Un effort surhumain réalisé par amour.

Lorsque les deux cousines rejoignirent la piste de danse, accompagnées par les trois autres demoiselles d’honneur, des amies de la mariée en provenance de Grande-Bretagne, l’orchestre interpréta Candyman de Christina Aguilera. La chanson énergique, entre pop et swing revisité, était parfaitement en accord avec la soirée peuplée de U.S. marines si l’on se référait au clip de la chanteuse.

En regardant les cinq jeunes femmes enflammer l’ambiance, toute en grâce et sensualité, ces mêmes marines se désintéressèrent de leurs activités afin d’admirer les muses qui les appelaient aux mouvements de leurs corps.

Attablé près de la piste de danse, un cigarillo entre les lèvres, Keir Dalglish épiait le spectacle ravissant qu’offraient Livia et sa brochette de demoiselles d’honneur. Il s’était arrêté de jouer aux cartes et les dévorait désormais des yeux.

Même ce feu follet de Scarlett lui faisait de l’effet dans cette robe verte, d’apparence angélique sur les autres, mais scandaleuse sur son corps charnu, qui laissait deviner la nudité de sa poitrine généreuse sous le tissu de la mousseline de soie.

En réalité, c’était surtout elle qui faisait exploser le thermomètre interne de son corps.

— Rowe, si tu n’es pas capable de faire danser ta femme, j’y vais à ta place ! lança John en délaissant son jeu sur la table pour se redresser brusquement, ôter sa veste décorée de médailles et se précipiter en direction du dancefloor.

Se découvrant une jalousie qu’il ne pensait pas éprouver un jour envers l’un de ses frères d’armes, Hudson quitta subitement sa place pour emboîter le pas de John et le rejoindre auprès de Livia. Cette dernière éclata de rire quand elle se retrouva devant ces deux cavaliers.

La jeune mariée admira son époux, cette incarnation de la beauté dans ce qu’elle avait de plus martial. En cela, il s’imposait comme le versant de son épouse, symbole de grâce et d’élégance.

— Je veux danser avec vous deux, dit-elle malicieusement.

D’autres invités masculins s’ameutèrent autour des demoiselles d’honneur, qui leur lancèrent en signe d’encouragement leurs tiares florales, une façon de choisir de manière aléatoire leurs cavaliers. Seule Scarlett garda encore la sienne sur le sommet de son crâne.

— Eh bien, Dalglish, qu’est-ce que t’attends pour rejoindre ces créatures ? T’es toujours le premier à te laisser entraîner par la musique, se moqua gentiment Lex en rassemblant toutes les cartes en un seul paquet.

Hypnotisé par le mouvement des hanches épanouies et des fesses rondes de Scarlett, Keir ne répondit pas tout de suite. Il ne remarqua même pas les cendres de son cigarillo chuter sur son pantalon blanc. La rouquine se mouvait avec une fluidité sensuelle, pareille au cobra vibrant au son du pungi indien. La musique pénétrait dans son corps et la possédait jusqu’à la faire danser comme une diablesse.

Jamais il n’aurait cru que ce feu follet, cette petite renarde farouche et un peu garçon manqué, qui avait eu l’audace de le frapper sept ans plus tôt, exsudait autant de sensualité. À aucun moment, elle n’avait dévoilé ses talents de danseuse.

Comme si la rouquine avait senti ses yeux gris pesant sur elle, son regard vert péridot, où des triangles dorés étincelaient quand elle était prise par une forte émotion, se tourna dans sa direction et croisa le sien. Elle le nargua de loin, seulement par un coup d’œil, avec cette impertinence qui lui était propre, sans jamais cesser de danser pendant qu’elle jouait avec ses lourdes boucles rougeoyantes.

Keir avait toujours été faible face aux rousses. Elles lui rappelaient les autochtones qui peuplaient son pays d’origine, l’Écosse.

Jusqu’à peu de temps, Scarlett avait fait l’exception. En tant que protégée de son meilleur ami, il s’était toujours obligé à la considérer comme une petite gamine intouchable, hystérique sur les bords, qui lui inspirait plus d’exaspération que du désir. Mais quelques mois plus tôt, il l’avait embrassée dans le but de faire croire à une femme qu’ils étaient en couple et cela avait été la révélation : elle l’attirait autant qu’elle l’irritait.

Attraction, répulsion.

Ce soir, à la voir se déhancher comme une démone, aussi flamboyante et ensorcelante que la flamme vacillante d’une chandelle, l’attraction enflait jusqu’à lui faire mal au bas-ventre.

Seigneur, qu’est-ce qu’il ne donnerait pas pour se ruer sur elle, l’entraîner dans une chambre et la posséder lui-même jusqu’au lendemain matin ! Ou alors la fouetter pour la châtier de son comportement indécent, qui le garrottait d’excitation au vu et au su de tous.

La jeune femme rompit leur échange visuel lorsqu’un grand type brun en smoking noir, ce pompier de ville qu’elle avait emmené au mariage en qualité de cavalier ou un truc similaire rejoignit la piste. Il attira son attention et l’attrapa à la taille au moment où Let’s get loud de Jennifer Lopez emplit tout le chapiteau. C’était un cha-cha-cha endiablé qui s’annonçait.

Keir sentit à peine la cendre du cigarillo sur la main qu’il avait aplatie sur ses cuisses quand, estomaqué, il vit Scarlett se trémousser de manière très sexy contre le corps de son pompier. En découvrant ce type pour la première fois, quelque chose au fond de lui avait tiqué. Il était trop beau et trop lisse. Son mauvais instinct rêvait de lui assener un coup de poing, d’érafler cette gueule d’ange, mais cela n’aurait pas été justifié.

— Je suis épaté, Scarlett bouge super bien, poursuivit Lex.

Keir n’en pensait pas moins. Au rythme de la voix de J-Lo, Scarlett avait pulvérisé d’un déhanché voluptueux toute son apparence de garçon manqué un peu revêche pour révéler son Aphrodite intérieure.

Elle devait être un peu saoule pour se libérer de cette manière. Et également passionnée et brûlante au lit, Keir en mettrait sa main à couper.

Fasciné et étrangement agacé par les mains trop baladeuses du pompier, le capitaine continuait de les épier en fumant son cigarillo. Quelques secondes plus tard, elle trébucha sur ses talons et chuta au sol dans un éclat de rire communicatif.

Les gens autour d’elle se mirent à l’applaudir pendant qu’elle demeurait assise au sol, à ôter méthodiquement ses hauts talons.

À toi de jouer, mon vieux.

Sans attendre, Keir écrasa son cigarillo dans le cendrier posé sur la table et se leva de sa chaise, ses pas le guidant vers la piste de danse.

Chapitre 2

Un peu bohémienne dans l’âme, Scarlett se sentait toujours mieux pieds nus, surtout sur un dancefloor.

Électrisée par les deux danses précédentes, en particulier le cha-cha-cha torride qu’elle venait de partager avec Erik, elle finissait de retirer ses escarpins à même le sol de la piste quand deux bras puissants la soulevèrent de terre en la surprenant.

Elle pensa tout d’abord à son pompier, mais réalisa bientôt que ce n’était pas lui. Le corps contre lequel son dos était désormais plaqué paraissait plus épais et large que celui du lieutenant Warren, d’autant plus qu’il ne portait pas de médailles sur son smoking.

C’était un marine qui la tenait captive entre ses bras pour l’entraîner sur le rythme d’une nouvelle musique : Sex Bomb de Tom Jones.

— Où as-tu appris à bouger comme ça, feu follet ?

Scarlett sursauta en entendant la voix de Keir. Elle tourna aussitôt la tête vers la table où il était assis quelques secondes plus tôt, remarqua sa chaise vacante et se maudit de ne pas l’avoir vu approcher. Dans un réflexe, elle voulut lui échapper, mais il resserra son étreinte autour de sa taille en la faisant virevolter entre ses bras, si rapidement qu’elle aurait perdu l’équilibre s’il ne l’avait pas maintenue avec autant d’étroitesse contre son torse de pierre.

— Alors ?

Il fit glisser l’une de ses mains calleuses le long de son dos dénudé et délicat, si langoureusement que le contact de sa peau contre la sienne lui fit hérisser les poils. Elle détesta cette réaction si positive et manqua gémir quand il planta ses ongles courts dans le creux de ses reins.

— Nulle part. Je suis seulement le rythme de la musique et les envies de mon corps, répondit-elle en rejetant la tête en arrière pour le regarder dans les yeux, sa lourde chevelure de feu descendant désormais jusqu’au-dessous de ses fesses.

Son champ de vision n’était comblé que du visage de Keir. Ses yeux d’acier, coupés en pointe de lame et creusés sous d’épais sourcils châtain, avaient une forme similaire à ceux de Josh Harnett, l’un de ses acteurs favoris. En digne militaire qu’il était, ses cheveux blonds étaient coupés à ras au-dessus d’un visage balafré, moins parfait que celui d’Erik, mais qui ne manquait pas de charme. Keir était attractif parce qu’il était viril et terriblement charmant lorsque ses lèvres se retroussaient en révélant deux fossettes aux joues, des armes de destruction massive.

— Cette chanson tombe à point nommé, dit-il avec un sourire qui dévoila une canine surnuméraire, ce qui lui donnait toujours l’air carnassier.

— Si tu te prends pour une bombe sexuelle, tu te mets le doigt dans l’œil, Dalglish.

La musique qui se jouait se prêtait bien pour un autre cha-cha-cha revisité.

— Non, la bombe, c’est toi, souffla-t-il en la sentant se raidir, comme apeurée par la tension qu’il était en train de lui communiquer à travers son étreinte. Je t’effraie ?

— Certainement pas.

Keir dut s’écarter un peu pour effectuer les premiers pas et lui permettre de calquer ses mouvements aux siens. Le cœur battant la chamade, Scarlett le suivit telle une automate, parfaitement soumise au rythme de ce cavalier imprévisible. Malgré son apparence lourde, il se déplaçait avec une agilité de félin et enchaînait les pas sans manquer de fluidité. Il se révélait bon cavalier, plus passionné et habile qu’Erik, lequel avait fini par se rasseoir non loin.

Scarlett décocha un regard en direction de ce dernier et nota son sourire bienveillant. Il ne semblait pas choqué par la manière éhontée dont le capitaine s’était imposé à elle.

— Tu as peur qu’il soit jaloux ? releva Keir en remarquant leur échange visuel.

— Il faudrait être fou pour être jaloux de toi.

En réponse, il la fit tournoyer par un mouvement leste et élégant du bras, avant de la récupérer contre lui et la maintenir prisonnière aux fesses. Elle sursauta en se hissant sur la pointe des pieds, puis tordit son propre bras dans son dos afin de faire remonter sa grande main sur sa colonne vertébrale. Là encore, il entrelaça leurs doigts dans un geste intime qui la troubla plus qu’elle ne voulait l’admettre, puis les refit basculer sur sa croupe.

— Vraiment ?

— Il faudrait être encore plus fou pour croire que je suis attirée par toi. Erik est le seul homme que je veux et je compte bien lui faire comprendre.

— Je vois. C’est pourquoi tu trembles de plaisir quand nos deux corps se touchent, c’est ça ?

Scarlett aurait adoré éradiquer ce petit sourire narquois d’une gifle, toutefois, ses mains étaient captives des siennes.

— Ce n’est pas la modestie qui t’étouffe… Tu es bien loin d’être l’homme le plus séduisant de cette salle.

— Je ne prétends pas le contraire, je dis seulement que je suis l’homme que tu désires plus que les autres.

Scarlett lui inspirait de la moquerie, de l’irritation et du désir. Un mélange paradoxal, à la fois dérangeant et perturbant. Depuis qu’ils se connaissaient, la relation qu’il entretenait avec cette tornade rousse était cadencée par une insolence que ni l’un ni l’autre ne pouvait brider. C’était plus fort qu’eux. Cette relation de chien et de chat les dominait, mais loin de vouloir arranger la situation, ils semblaient se complaire dans leurs chamailleries et provocations.

Or, ce soir, le corps tendu telles les cordes d’un violoncelle sous l’émergence de l’appétit sexuel, il voulait la provoquer.

— Ose me dire que j’ai tort, la taquina-t-il en la tournant de nouveau sur elle-même, avant de la faire ployer en arrière dans un geste artistique et sensuel.

Elle sentit ses cheveux voler, sa couronne de fleurs choir au sol, ainsi que la main de son cavalier se plaquer sur son ventre et remonter jusqu’à la vallée de ses seins, trop lentement selon les notes de la mélodie. Scarlett aurait dû bondir, le repousser et fuir la piste de danse, cependant, un plaisir traitre émergea au contact de ses caresses.

Elle s’abandonna involontairement, ses paupières tombant sur des yeux voilés d’excitation, tandis que ses lèvres barraient un gémissement qu’elle ne voulait pas libérer.

Keir la sentit réceptive et s’engorgea de satisfaction.

— On pourrait quitter cette piste de danse, monter dans une chambre et faire des trucs très licencieux, toi et moi, lui murmura-t-il à l’oreille, après l’avoir doucement redressée.

— Va te faire foutre.

Le chuchotis de la jeune femme ne manqua pas de fermeté et le grisa davantage. Il cloua son attention sur sa bouche rouge écarlate, ni trop mince, ni trop charnue, dessinée avec soin, exactement comme il les préférait. Ces lèvres, il pourrait les dévorer des heures entières, s’en délecter comme cette fois où ils s’étaient embrassés au camp militaire… ce jour-là, elle avait eu le goût de la pêche et des friandises, la texture du velours et la promesse d’une sensualité innée.

Ce soir, elle devait avoir le goût du champagne, des framboises sauvages et du feu…

— C’est bien l’idée. Dans ta chambre ou dans la mienne ?

Il la retourna dos à lui, puis elle coulissa dans ses bras en se déhanchant avec langueur, savourant contre elle la chaleur de ses deux mains à mesure qu’elle bougeait.

Scarlett devait continuer à communier avec la musique et donner l’impression qu’il ne la perturbait pas.

— On n’est pas obligés d’aller dans une chambre, fit-il ensuite remarquer en l’attirant à lui, son corps ondulant au rythme du sien tandis que sa main se promenait sur la gorge de la jeune femme pour l’inciter à rejeter la tête en arrière, sur son épaule.

Elle se laissa faire, résignée à obéir aux mouvements de ce guerrier. Une petite honte la nargua en remarquant combien les paumes de Keir lui faisaient de l’effet lorsqu’elles sillonnaient tous les reliefs de ses courbes. Elles étaient encore plus magiques que celles d’Erik…

Impossible.

Seul son esprit semblait encore répondre à sa raison.

— S’il n’y avait personne, je crois que je t’aurais déjà prise ici, à même le parquet de la piste de danse.

Ses paroles étaient étouffées par la musique, mais Scarlett les entendait avec une distinction exacerbée par l’émoi que ses mots provoquaient. Elle ignorait s’il s’agissait d’exaspération ou de plaisir. Certainement un mélange des deux.

— Arrête de me parler comme si j’étais l’une de ces salopes qui veut coucher avec toi parce que tu as une cicatrice virile, des muscles et des médailles. Ça ne me fait ni chaud ni froid.

— Vive et venimeuse. J’aime quand tu piques de cette façon.

— Je ne voulais pas danser avec toi.

— Pourtant, tu n’as pas arrêté de m’allumer tout à l’heure, quand tu te déhanchais toute seule.

— Tu étais dans mon champ de vision.

— Allons, Scarlett on n’apprend pas au vieux singe à faire la grimace.

— Je ne veux pas de toi, Dalglish, et je suis catégorique.

La fin de la chanson s’annonça et déjà l’orchestre interprétait Murder on the Dancefloor de Sophie Ellis-Bextor. Keir et Scarlett avaient lentement arrêté leur danse et se mesuraient dorénavant avec immobilité. Elle devait pointer le menton vers le plafond pour soutenir son regard.

— Prête pour une nouvelle danse ?

— Erik m’a réservé celle-ci et toutes les autres. Tu devrais te trouver une nouvelle femme à amadouer.

— Charmer.

— Appelle ça comme tu veux.

— Je compte bien passer ma soirée avec une belle femme, douce et d’agréable compagnie. Quelqu’un qui ne rechigne pas tout le temps comme toi.

Pour garder la face, Scarlett lui jeta un regard ombrageux, aussi bien heurtée par ses provocations que par son instinct de chasseur inépuisable. Il allait passer la nuit avec une autre femme et cela aurait dû la soulager, mais réalisa, avec horreur, que cette éventualité l’indisposait. Pourtant, elle avait Erik et cet homme valait la plupart des hommes présents. En l’occurrence, il était bien loin devant ce Don Juan balafré…

— Bonne chasse, alors.

Puis, sans lui laisser le temps de répliquer, la rouquine fit plusieurs pas en arrière, récupéra ses escarpins en bordure de la piste de danse, avant de se matérialiser aux côtés d’Erik. Sur son passage, elle s’attira des coups d’œil appréciateurs de la part des hommes, tandis que Keir paraissait visuellement aimanté à ses courbes.

Nom d’un chien ! Il avait dansé avec une semi-érection durant toute leur performance tant la promiscuité de leurs corps l’avait galvanisé.

Il devait fuir ce chapiteau où l’essence de Scarlett saturait son espace vital et se trouver une autre compagnie, histoire de décompresser, d’évacuer le désir que cette sauvageonne allumait insidieusement en lui.

C’était un fait. Keir était d’une vulnérabilité à fleur de peau devant une beauté rousse, davantage quand celle-ci se prénommait Scarlett Swanson et semblait à la mesure de sa propre insolence.

Mauvaise pioche. Scarlett était supposée intouchable au regard de la relation fraternelle qu’elle entretenait avec Hudson. Qu’importe ! C’était irrésistible.

Réfléchis bien à ce que tu vas faire, Dalglish ! pensa-t-il.

L’esprit refroidi par des exhortations intimes, mais le corps toujours échauffé par leur dernière danse et la moiteur environnante, le capitaine déserta à son tour le dancefloor en direction du parc du golf.

Chapitre 3

Scarlett tentait d’oublier le souvenir des mains guerrières sur ses courbes depuis plus d’une heure, lorsqu’Erik l’invita à danser un slow sur I Still Believede Mariah Carey. La chanson ameuta plus de couples que les musiques précédentes et parmi la foule, ils parvinrent à se faufiler jusqu’au centre de la piste.

— Tu n’as pas peur de te planter quelque chose dans le pied ?

Scarlett avait toujours les pieds dénudés et Erik en paraissait préoccupé.

— Pas si tu me prodigues des soins en retour.

Une étincelle reluisit dans les prunelles bleues du lieutenant. C’était une lumière qui l’avertit d’un désir dont elle était sans aucun doute l’objet.

Scarlett ne se considérait pas comme belle, même si chacun s’accordait pour dire qu’elle était très jolie et charmante. À la rigueur, elle se trouvait mignonne quand elle prenait le soin de se pomponner. Mais au-delà de son manque de confiance en ses qualités naturelles, elle avait peu à peu pris conscience que sa chevelure de feu, sa poitrine généreuse et sa manière de se déhancher éveillaient des fantasmes chez certains hommes. Erik semblait sensible à ces trois atouts et la jeune femme souhaitait en jouer afin de réaliser le rêve qu’elle nourrissait depuis leur rencontre : passer une nuit dans ses bras.

— Je te prodiguerai tous les soins que tu voudras.

Sa voix la fit frémir de plaisir en même temps qu’elle rougissait.

Scarlett n’avait pas l’habitude de flirter avec les hommes. En vingt-trois ans d’existence, elle n’avait échangé que deux baisers : le premier au lycée, le second avec Keir. Si la première expérience s’était révélée décevante, la seconde n’avait été qu’un leurre, certes délicieux, mais purement factice.

Avec Erik, ce serait différent. Elle voulait repousser ses limites à ses côtés et le choisir comme guide dans la découverte voluptueuse de l’amour. Cet homme paraissait être le choix le plus judicieux pour faire d’elle une femme au sens biblique du terme. Jamais il ne lui serait venu à l’esprit de choisir le coureur de jupons immoral qui l’avait fait danser avec fièvre une heure plus tôt…

Ce soir serait une belle occasion pour s’initier, au cœur de l’une des magnifiques chambres mises à leur disposition dans les villas.

Après une profonde inspiration, comme pour se donner le courage de parler, la rouquine déclara de but en blanc :

— Erik, j’aimerais que tu me rejoignes dans ma chambre quand le mariage touchera à sa fin…

Scarlett ne savait pas tourner les phrases comme Livia, faire comprendre à son interlocuteur, à la faveur de métaphores et d’expressions sucrées, ce qu’elle désirait. Ce n’était pas une fille de politicien, accoutumée dès l’enfance aux règles codifiées des relations diplomatiques. Elle avait toujours parlé sans ambages, sans jamais filtrer ses pensées, même si ce n’était pas la voie la plus correcte dans certaines situations.

La flamme dans le regard du lieutenant s’étoffa et ses mains vinrent se poser sur les hanches de Scarlett. Elle déglutit difficilement à ce contact, même si ce n’était pas la première fois qu’il la touchait… cependant, une petite voix intérieure, chafouine, désagréable, le genre dont on se serait bien passé, réalisa combien l’excitation était moindre au regard de ce qu’elle avait ressenti sous les mains de Keir.

D’un coup de cravache mental, elle s’obligea à ne plus penser à ce capitaine pénible.

— Voilà qui est… osé, souffla Erik, un peu surpris par une requête qu’il espérait depuis longtemps toutefois.

— Je sais, mais j’en ai vraiment envie. Tu dois me prendre pour une délurée et…

Erik la réduisit au silence en posant son index sur ses lèvres rouges, qu’il flatta ensuite d’une caresse.

— J’attendais que tu fasses le premier pas.

— Vraiment ? On a de la chance que je sois plutôt rentre-dedans, alors. Enfin, même si je me suis manifestée neuf mois plus tard, plaisanta-t-elle comme d’autres couples passaient près d’eux en les bousculant par inadvertance.

Plus amusés qu’indisposés par les maladresses environnantes, Erik entraîna Scarlett hors de la piste, direction le buffet où les magnifiques pièces montées venaient d’être posées. C’était un complexe artistique de pâtisseries où des choux à la crème, des macarons et des cupcakes aux parfums fruités côtoyaient la montagne de sucre glacé, à trois étages, blanc et bleu marine, aux arabesques baroques et symboles discrets, très élégants de la U.S.M.C. Un couple de figurines, représentant une mariée blonde et un marié en tenue d’apparat des marines, trônait au sommet de ce gâteau magnifique.

Scarlett admira les mignardises avec un regard émerillonné, puis saisit une assiette sur laquelle sa main disposa une portion généreuse de desserts.

 — Tu veux bien m’accompagner un peu plus loin, à l’abri de tout le monde ? On pourra manger et discuter tranquillement comme ça.

Erik ne se fit pas prier et la suivit vers le parc du golf, vers un banc situé à quelques mètres du chapiteau. Ils s’installèrent l’un contre l’autre et commencèrent à déguster les douceurs d’un même élan, s’amusant à se nourrir mutuellement. C’était une manière malicieuse, sensuelle, de se découvrir pas à pas avant le grand saut.

— Scarlett, qu’est-ce qui t’a poussé à… à me demander de te rejoindre ? lâcha-t-il enfin, désireux de jauger la fiabilité de son désir, car, après tout, elle avait peut-être parlé sous la griserie du champagne.

— Tu me plais et je n’ai pas envie de gaspiller mon temps…

— Mais, tu as déjà fait ça ? Inviter un homme à te rejoindre dans ta chambre ?

— Tu serais moins nerveux de me savoir expérimentée ?

— Je n’ai pas eu beaucoup de relations et encore moins avec des…

— … vierges ?

Il acquiesça de la tête pendant qu’elle croquait savoureusement dans un cupcake rose et bleu.

— Il y a toujours une première fois à tout, lieutenant Warren, lui susurra-t-elle en étalant, du bout de son index, de la crème pâtissière sur les lèvres du pompier.

Celui-ci la laissa faire, hypnotisé par le mélange de candeur, d’espièglerie et d’érotisme que dégageait Scarlett. Elle lui avait plu dès le premier instant, d’abord sur le plan amical, puis d’une manière plus sexuelle à mesure qu’il la découvrait. Elle s’était révélée à lui sous ses dehors de garçon manqué, plutôt casse-cou, qui ne fuyait pas devant le conflit et osait affronter des interlocuteurs plus forts qu’elle. Scarlett était le genre intrépide, un peu inconsciente par moment, mais dont la compagnie n’était jamais lassante.

Ce soir, il abordait une autre facette de sa personnalité, entre tendresse et malice, pudeur et effronterie, qui la faisait tellement ressembler à ces héroïnes de vieux films dont elle était une collectionneuse et admiratrice acharnée.

— J’ai envie de t’embrasser, confessa-t-elle en rapprochant dangereusement leurs deux visages.

Ce fut le signal qu’attendait Erik. Il enlaça Scarlett à la taille et la plaqua contre lui pour l’embrasser à pleine bouche, avec langueur. C’était agréable et entraînant, si bien qu’elle enroula ses bras autour de son cou afin d’approfondir le baiser, les yeux fermés, les sens focalisés sur le goût sucré de ses lèvres tièdes, humides, au parfum de crème pâtissière.

Ils continuaient à s’explorer de la langue et des lèvres quand trois silhouettes passèrent devant eux en attirant leur attention. Des voix de crécelle, imbibées d’un fort accent britannique, pépiaient en compagnie de Keir, positionné entre ses deux cavalières pendant qu’il répondait à leurs questions. Il était coiffé de son couvre-chef blanc, comme pour donner plus de contenance à sa carnation martiale.

— … Keir, j’ai entendu dire que tu avais frôlé la mort plus de dix-neuf fois… c’est vrai ? demanda l’une des compagnes, toutes les deux demoiselles d’honneur.

— Le chiffre est plus élevé, mais on s’en fiche un peu. 

— On m’a aussi dit de me méfier de toi, parce que tu es un homme à femmes, renchérit la seconde en glissant un coup d’œil entendu vers Scarlett.

L’interpelée se crut un instant dans une réadaptation contemporaine de Northanger Abbey avec Keir Daglish dans le rôle du capitaine Tilney, le jouisseur impénitent qui chasse la vierge aux bals, et les demoiselles d’honneur anglaises dans ceux des petites dindes naïves.

Scarlett poussa un long soupir, comblée d’exaspération à cette vue, puis croisa le regard du militaire. Une femme à chaque bras, celui-ci alla à la rencontre du couple avec un rictus machiavélique, puis lança :

— Erik, ne t’approche pas trop de ce feu follet, elle risquerait de te mordre ou alors de te tuer. C’est la créature la plus sauvage que je connaisse.

— Tes réflexions, tu peux les garder pour toi, Dalglish, rétorqua Scarlett en se réinstallant correctement sur le banc. D’ailleurs, tu n’as pas d’autres chats à fouetter ?

Elle posa ses yeux sur les deux autres jeunes femmes, comme pour l’inciter à déguerpir séance tenante.

— Je voulais simplement avertir ton copain de ta sauvagerie. Bon courage, mec, tu en auras besoin, crois-moi.

Keir s’éloigna ensuite vers le chapiteau en compagnie des nymphes en robes vertes. Erik les observa d’un air plutôt diverti alors que Scarlett crissait des dents.

— Je lui ai parlé dans la soirée, c’est un type sympa, ajouta le pompier en s’emparant d’un chou à la crème. Tu le connais depuis longtemps ?

— Sept ans. Mais c’est contre mon gré. Je ne le côtoie pas beaucoup, seulement lorsque Hudson rassemble tous ses amis. Il ne manque jamais de me descendre en public.

— Qui aime bien châtie bien. C’est pas ce qu’on dit ?

Scarlett haussa les épaules, un peu bougonne et troublée d’avoir retrouvé Keir en si charmante compagnie. Il ne plaisantait pas à chaque fois qu’il disait partir en chasse…

Aussitôt, elle décida d’orienter la conversation sur un autre sujet, non sans oublier d’ingurgiter une grande dose de sucre pour adoucir son fiel.

Ils discutèrent durant plus d’une demi-heure, alternant les rires, les baisers et quelques caresses égarées dans le dos ou sur les seins. À vingt-six ans, Erik ne s’imposait pas comme un amant chevronné à la manière d’un Keir Dalglish, cependant, Scarlett pouvait subodorer à ses cajoleries la douceur d’un jeune homme attentionné et profondément gentil.