U.S. Marines - Tome 8 - Arria Romano - E-Book

U.S. Marines - Tome 8 E-Book

Arria Romano

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Beschreibung

Leur amour résistera-t-il aux nombreux obstacles dressés sur leur chemin ?
John, le séduisant pilote, et June, l’intrépide policière, goûtent désormais au bonheur d’être mariés. Leur amour est à son zénith et plus aucun fantôme ne vient le troubler… sauf que le métier de June n’est pas sans conséquence et que le couple se voit brutalement confronté à un drame lorsque la jumelle de June est prise pour cible par son ennemie. La policière se lance donc dans une quête vengeresse, au risque de parjurer ses principes. Mais elle n’est pas seule, car John et ses frères d’armes lui apportent leur soutien musclé dans cette opération à haut risque, pour le meilleur et pour le pire... 
À l'image de cette célèbre saga, Semper Fi, le huitième tome de cette série mêlant dangers et sensualité, clôt en apothéose les aventures des quatre marines très appréciés du public.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Arria Romano étudie l’histoire militaire à la Sorbonne et est passionnée de littérature et d’art. Elle écrit depuis quelques années des romans historiques et des romances, qu’elles se vivent au passé, au présent ou même nimbées d’un voile de magie… Tant que l’amour et la passion restent le fil rouge de l’intrigue.

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À F-D-A. R, mon conseiller militaire particulier <3

1

Savannah, Géorgie

27 mai 2013

En ce jour du Printemps béni, où l’eau des rivières reluisait sous les rayons d’un soleil aveuglant, semblable à un diamant tournoyant dans les cieux d’azur, où les oiseaux pépiaient sur les branches des grands chênes majestueux de la région pour exprimer leur joie et où les fleurs embaumaient de leurs parfums capiteux l’air doux et marin, John et June s’apprêtaient à s’unir.

— Je n’y crois pas, les mecs, après la cérémonie, nous serons tous les quatre mariés, plaisanta Keir en époussetant sa veste de cérémonie noire, sur laquelle de petites peluches blanches s’étaient accrochées. Et vous savez quoi ? Scarlett m’a annoncé ce matin qu’elle était enceinte de notre quatrième enfant ! Je ne sais pas comment elle fait pour tomber enceinte aussi rapidement après chaque grossesse.

Lex, qui était vêtu de la même façon que son ami, esquissa un petit sourire moqueur et dit :

— Je te rappelle que tu n’es pas étranger à cela, Dalglish.

— Ça, je le sais ! Mais sa fertilité m’impressionne. Tous les ans, elle tombe enceinte. Je ne sais pas comment on va faire, la maison commence à devenir trop petite pour accueillir tout le monde.

— Si ça peut te rassurer, Scarlett s’est confiée à Livia hier et lui a dit qu’elle arrêterait de faire des enfants après le quatrième, intervint Hudson en réajustant sa coiffe sur son crâne, un sourire espiègle peint sur les lèvres.

— Alléluia ! s’exclama Keir, les mains tournées vers le ciel en guise de prière, avant de réaliser quelque chose. Attends, tu étais au courant de sa grossesse avant moi ?

Devant le brusque sourcillement de son acolyte, Hudson arbora son air le plus innocent et se défendit :

— Non, j’ai juste intercepté leur conversation, elles ne savent pas que je suis également au courant.

— Pourquoi tu ne me l’as pas dit ? Si je l’avais su hier, ça m’aurait évité de frôler l’infarctus ce matin. Tu sais, je suis devenu fragile du cœur !

— Parce que ce n’était pas à moi de te le dire, Dalglish.

Keir hocha la tête, plus ou moins d’accord avec son excuse, puis continua sur un ton théâtral en regardant ses trois frères d’armes à tour de rôle :

— Vous savez, j’adore ma femme et mes enfants, mais je ne pourrai plus assumer ma paternité au-delà de quatre.

Ses trois compagnons ricanèrent, et John, le fringant marié, se rapprocha de lui pour le tapoter à l’épaule droite, l’air compatissant.

— Prie pour qu’elle n’attende pas de jumeaux alors !

— Seigneur ! Des jumeaux, je ne pourrais pas assumer… D’ailleurs, Arlington, c’est plutôt toi qui devrais craindre la venue d’une paire de bébés, car j’ai entendu dire que les jumeaux avaient plus de chance de donner naissance à des jumeaux à leur tour. Et si je ne m’abuse, ta belle June est dans ce cas de figure…

— Pas faux. Mais pour tout te dire, ça me ferait plaisir.

Keir dodelina la tête de gauche à droite, l’air exaspéré par l’innocence de son ami à ce sujet-là.

— Tu es masochiste, Arlington, tu verras comme c’est difficile un bébé qui ne fait pas ses nuits, qui fait ses dents, qui tombe malade après avoir chopé je ne sais quel virus, qui s’incruste dans le lit marital par caprice, qui s’accapare de sa mère en la tenant éloignée du père… alors deux en même temps ! Crois-moi, je sais de quoi je parle.

— Oh que oui, tu es le spécialiste en la matière, Dalglish.

Les quatre amis allaient poursuivre lorsqu’un raclement de gorge délicat retentit derrière eux pour attirer leur attention. L’instant d’après, Livia apparut dans leur champ de vision, très élégante dans sa robe de cérémonie rose pâle, qui lui arrivait aux genoux en formant une belle corolle de tulle. Le corset de sa robe était taillé dans du satin brillant, d’un rose plus foncé que les jupons, et faisait pigeonner sa poitrine de manière sensuelle, tout en se prolongeant dans des manches bouffantes, quasiment transparentes et aussi aériennes que les ailes d’un papillon. Elle était coiffée d’un chignon haut et d’une couronne de petites fleurs roses, à l’exemple de sa fillette de quatre ans, Luna. La petite tenait la main de sa mère et admirait de ses yeux myosotis les quatre marines. Ces derniers la trouvèrent craquante dans sa robe de cortège rose pivoine, en tulle, et ses soyeuses boucles noires.

— Messieurs, nous devons monter dans le bateau avant l’arrivée de June, dit l’Anglaise sur un ton d’institutrice d’école.

Ils acquiescèrent, puis Hudson se rapprocha de sa fille et la souleva dans ses bras en lui faisant des bisous aux joues et dans le cou. Son petit rire cristallin les enveloppa entièrement et s’éloigna vers les chants des oiseaux alentour.

— Tu as raison, Livia.

La bonne humeur chevillée au corps, John s’empressa donc de traverser la passerelle menant au Queen Georgia, suivi de ses trois frères d’armes, de leurs épouses et de leurs bambins. Désireux de célébrer son mariage en grande pompe, John avait privatisé le magnifique bateau à roues à aubes où June et lui s’étaient embrassés pour la première fois, moins d’un an plus tôt, et en romantique invétéré, il avait décidé de garder secret le lieu de cérémonie afin qu’elle soit la première surprise.

— Je trouve ça magnifique de se marier sur l’eau…, soupira Scarlett en admirant les guirlandes de fleurs et de loupiotes suspendues aux mâts du grand bateau.

La belle rousse se trouvait sur le quatrième et dernier pont du navire, aussi élégante que Livia dans une robe semblable à la sienne, de couleur vert sauge, au décolleté scandaleusement vertigineux sur ses courbes plus généreuses. Elle était également coiffée d’un chignon haut, surmonté d’une couronne de fleurs roses, et était accrochée telle une jeune débutante au bras de son mari, lequel observait de sa position les convives monter à bord. Tout le monde avait fait un bel effort vestimentaire pour célébrer les noces du couple intrépide.

— Oh, Keir, c’est bien toi qui as les alliances ? s’inquiéta soudain Scarlett.

Saisi de panique le temps de quelques secondes, le capitaine balafré fouilla dans les poches de sa veste de cérémonie militaire, en quête des fameuses alliances, puis soupira de soulagement lorsqu’il sentit l’écrin contre sa main droite.

— Oui, je les ai.

— J’espère que Phoebe se réveillera au moment de jeter les pétales de roses au sol, s’immisça joyeusement Xenia en arrivant derrière eux, la cadette des Dalglish dormant dans ses bras.

La belle Russe s’était prêtée au jeu des demoiselles d’honneur en s’habillant de la même robe que ses amies, mais cette fois-ci de teinte bicolore, où le mélange de mauve et de rose pêche était aussi audacieux que sublime. Elle incarnait la sensualité slave dans toute sa splendeur.

D’ailleurs, les trois femmes de marines étaient si belles que les autres invités ne pouvaient s’empêcher de les observer sous toutes les coutures, avec une lueur d’admiration et d’envie dans les yeux. Mais elles n’étaient pas les seules à attirer l’attention, car leurs maris étaient tout aussi attractifs et séduisants. Cela en était presque embarrassant pour Hudson, qui tâchait désespérément d’échapper à la conversation que lui imposait une jolie quadragénaire en uniforme de cérémonie policier. Cette dernière s’était présentée comme la supérieure hiérarchique de June et avait aussitôt jeté son dévolu sur le commandant en le voyant monter à bord.

— Livia, je crois que ton mari se fait draguer. Et vu les coups d’œil qu’il te lance, il aurait besoin que tu ailles à son secours, glissa malicieusement Lex à l’oreille de l’Anglaise.

Non sans un sourire amusé, elle se mit à observer son époux de loin et répondit :

— Je pense que mon mari est un grand garçon et qu’il sait se sortir lui-même de ce genre de situation.

— Comme tu es cruelle !

Lex ponctua son accusation d’un petit rire complice, puis reporta son regard sur la belle silhouette de John, appuyé contre la rambarde du bateau, les yeux rivés sur la terre ferme pour guetter l’arrivée de sa promise. C’était toujours un peu troublant de voir l’un de ses frères d’armes sur le point de convoler, eux qui étaient jadis des célibataires endurcis, effrayés par le moindre attachement ou l’idée même de construire un foyer. Mais aujourd’hui, après des années d’errance sentimentale et de doute, chacun était par bonheur lié à une femme merveilleuse et aimante.

— Oh, regardez, June arrive enfin ! s’écria soudain Scarlett et tous les invités déjà présents s’amassèrent à la rambarde pour voir s’approcher la mariée et sa sœur jumelle.

Si la calèche et la voiture de luxe avaient un moment intéressé May, le double glamour et très imaginatif de June (qui s’était occupée de l’organisation du mariage aux côtés de John, Xenia et Livia), elle avait finalement choisi pour l’arrivée de la mariée un side-car vintage, d’excellente facture, à la carrosserie vert bouteille. Bien sûr, cette dernière ne conduisait pas, mais était installée dans le « panier » fixé à droite de l’engin, une délicate voilette blanche tombant sur son visage, devant ses yeux, et cousue au grand serre-tête de velours ivoire qui s’érigeait sur son crâne tel un diadème.

— Alors, mon petit singe1, comment tu te sens ? demanda May après avoir coupé le moteur de la motocyclette, un sourire si large et radieux qu’il semblait refléter la lumière du soleil printanier et aveugler ceux qui la regardaient.

— J’ai la nausée à cause de ta manière de piloter cet engin, May ! Tu sais que je pourrais te mettre une contravention pour excès grave de vitesse ? fit observer June en essayant de s’extraire de son siège, mais sa tenue cintrée de mariée et ses talons la restreignaient un peu dans ses mouvements.

Elle se rassit donc, le souffle écourté.

— Dixit la policière qui a poursuivi un bolide à plus de 250 km/h !

— C’était pour le job, donc ce n’est pas comparable.

— Dis plutôt que tu te sens un peu nauséeuse parce tu es nerveuse à l’idée de te remarier et que ton fiancé vient de te faire une surprise monumentale avec ce bateau… Franchement, j’ai été impressionnée par son choix.

May était toujours aussi mutine dans ses répliques et ses expressions, c’était ce qui charmait d’ordinaire ses interlocuteurs. Après être descendue de la motocyclette, elle la contourna pour aider sa sœur à quitter son petit panier, et lorsque celle-ci se redressa de toute sa hauteur, sa joie se décupla en redécouvrant sa beauté. À l’occasion de ce second mariage, June avait opté pour un tailleur ivoire, coupé dans du satin Duchesse et orné de ravissants boutons en nacre sur sa veste et ses manches. Cette tenue chicissime et moderne donnait à son allure énormément de prestance et soulignait l’harmonie de son corps sculptural, que les podiums se seraient arraché dans une autre vie. Une ceinture ivoire à la boucle dorée marquait sa taille fine, son pantalon fluide allongeait ses jambes interminables en dissimulant un peu la beauté de ses escarpins du même tissu, alors qu’une chemise en dentelle écrue et mousseline transparente couvrait avec délicatesse son cou et sa poitrine sous sa veste à moitié ouverte.

Inutile d’ouvrir un dictionnaire pour lire la définition de la « beauté », puisque June en était l’incarnation même.

— Je ne te le dis pas assez, ma chérie en sucre, mais tu es magnifique, avoua May, partagée entre l’admiration et l’émotion.

C’était la deuxième fois qu’elle mariait sa sœur et l’émotion était toujours aussi profonde, peut-être plus au regard du long deuil qui avait précédé cet heureux évènement.

— Tu es ma fierté, June.

La jeune mariée esquissa un sourire de remerciement et pressa la main de son double, tout aussi belle et lumineuse en ce jour de félicité. Suivant les volontés de sa sœur, cette dernière avait également choisi un tailleur cintré, coupé dans des mètres de soie et de satin jaune moutarde. L’échancrure de sa veste était moins audacieuse que celle de June, mais son pantalon lui moulait aussi bien les fesses que le sien, tandis que ses escarpins bruns remontaient davantage sa cambrure. Si les couleurs de leurs tenues les différenciaient l’une de l’autre, leurs coiffures y contribuaient également, car May s’était coiffée d’un chignon banane piqueté d’une rose jaune en contraste aux ondulations libres de sa sœur.

La policière admira sa jumelle en retour et lui avoua :

— C’est toi ma fierté, May. Tu es et resteras toujours la plus belle.

— Oh non, personne ne dépasse la mariée le jour de son mariage.

Sur un dernier sourire complice, les jumelles se tinrent par la main et avancèrent vers le ponton menant au majestueux bateau décoré. Le cœur de June battait si fortement qu’il aurait pu couvrir les percussions d’un tambour de guerre. Il fallait dire que le lieu de réception avait été transformé en palais flottant, juste pour célébrer ses noces avec John.

— Mon Dieu, j’ai l’impression de monter dans le bateau de Cléopâtre…

Son cœur marqua un nouvel arrêt lorsqu’elle repéra, enfin, son fiancé à travers la foule d’invités.

Comment on peut permettre à un homme d’être aussi beau ?

Certes, ce n’était pas la première fois qu’elle le voyait en grande tenue de cérémonie militaire, mais aujourd’hui, la lumière du soleil semblait l’auréoler d’un éclat particulier, plus lumineux, plus hypnotique.

C’est vraiment moi qu’il attend ?

— June, ton mari est tellement subjugué par ta beauté qu’il va tomber par-dessus bord ! goguenarda May en la devançant gaiement sur la passerelle du navire.

Des ovations de joie accueillirent l’entrée de la future mariée, alors que son promis bousculait gentiment les personnes sur son passage pour dévaler les escaliers qui la séparaient d’elle. Il fut d’ailleurs le premier à atteindre le second pont du bateau et l’attendit avec un grand sourire, quoiqu’un peu essoufflé par sa course rapide. Son charme n’en était toutefois pas altéré, au contraire.

Lorsqu’elle arriva à son tour, le temps se suspendit et plus rien ne sembla les atteindre, c’était comme si les nuages épais d’un rêve s’étaient conglomérés autour d’eux pour les isoler du monde extérieur. Dans cette parenthèse d’extase, les futurs mariés s’échangèrent un sourire complice, sans prononcer un mot, en même temps qu’ils admiraient leur tenue respective.

À l’instar de ses frères d’armes, John s’était habillé de son emblématique veste noire des marines, munie d’une ceinture à la taille, à laquelle un fin ceinturon était bouclé en passant par l’épaule droite pour barrer le dos et la poitrine de travers. Cela donnait un style cintré et sophistiqué, autant que les rubans militaires, les insignes et les médailles. Le sabre qu’il portait au flanc gauche soulignait sa prestance, alors que le pantalon blanc immaculé, dont la teinte évoquait celle de son couvre-chef, cassait l’ensemble avec harmonie.

Quant à June, il était difficile de la décrire, car le marine se sentait soudain vidé de son vocabulaire tant elle lui apparaissait divine. Il sentait seulement son cœur battre comme un diable, ses yeux s’humidifier et sa gorge se serrer sur des déclarations muettes.

Après un long silence, John recouvra un peu ses esprits et surtout, l’usage de la parole. Il se rapprocha lentement de June, hypnotisé par son regard de lionne derrière sa voilette blanche, puis attrapa sa main droite avec tendresse.

— Vous êtes sublime, sergent Garner.

Le trouble du militaire la bouleversa et l’amusa conjointement.

— Vous n’êtes pas mal non plus, colonel Arlington.

— Prête pour sceller ton destin au mien jusqu’à ce que la mort nous sépare ? lança-t-il ensuite avec plus d’assurance.

— Carrément.

— Si je peux te donner un conseil, John, dépêche-toi de la traîner devant l’officiant avant qu’elle ne décide de fuir en sautant par-dessus bord, ne put s’empêcher d’ajouter May, taquine.

Et sur un rire à trois voix, le trio monta les escaliers jusqu’au dernier pont du bateau, là où devait se tenir la cérémonie.

1. « Petit singe » fait référence au passager que l’on installait dans le « panier » du side-car lors d’une compétition.

2

Une magnifique arche de fleurs rouges, blanches et bleues ornait le pont du grand bateau, qui sillonnait désormais le fleuve de Savannah, parcouru par les rayons du soleil lumineux. Un petit chemin délimité par des traînées de fleurs traçait la voie qu’emprunteraient John et June pour rejoindre le général Arlington, chargé d’officier la cérémonie dans son bel uniforme de parade blanc. Les cent invités étaient déjà tous installés sur les chaises décorées de ballons blancs et disposées de part et d’autre du chemin fleuri. Il y avait parmi eux les collègues de la policière et ceux du marine, si bien que la moitié des convives était en uniforme de parade, bleu nuit pour les forces de l’ordre, et noir et blanc pour les militaires.

Debout devant l’arche, aux côtés de Lex, Keir et Miguel, Hudson s’était légèrement mis en avant pour chanter a capella l’une des chansons d’amour préférées des futurs mariés, Unchained Melody. Sa voix de velours, aussi grave que chaude, et sa passion de la musique avaient fait de lui un très bon chanteur, que ses amis et camarades aimaient solliciter pour animer une soirée ou célébrer un évènement.

La totalité des personnes présentes, sa femme la première, furent envoûtées par ses belles paroles chantées, extrêmement sensuelles dans sa bouche :

Woah, my love, my darling,

I’ve hungered for your touch,

A long, lonely time,

And time goes by so slowly,

And time can do so much,

Are you still mine ?

I need your love,

I need your love,

God speed your love to me.

Lonely rivers flow,

To the sea, to the sea,

To the open arms of the sea, yeah,

Lonely rivers sigh,

Wait for me, wait for me,

I’ll be coming home, wait for me.

Faisant fi des traditions, June et John avaient décidé d’apparaître ensemble, main dans la main, précédés par les enfants de leurs amis, costumés en angelots et chargés d’ouvrir la marche des mariés en jetant des pétales de roses au sol.

Un chœur d’exclamations émerveillées et une pluie de flashs saluèrent l’adorable procession nuptiale. Cette mise en scène était une idée de May et Xenia, bien évidemment. Entre la jumelle fantasque et l’ancienne danseuse étoile, autrefois habituée aux spectacles féeriques, la connexion était aussitôt passée au sujet du mariage. Elles avaient donc commandé sur Amazon de ravissantes ailes d’ange, faites de plumes d’oie blanches, pour orner les tenues déjà ravissantes des enfants. Si Bruce, le blondinet de quatre ans, était très mignon dans son smoking miniature bleu ciel et ses ailes blanches, son visage était grave et solennel, pareil à celui des marines en pleine parade. Son père l’avait beaucoup entraîné pour cette mission et c’était donc avec sérieux qu’il ouvrait la marche nuptiale en tenant Luna par la main. Si celle-ci prenait également son rôle à cœur, Juliette et Phoebe, respectivement trois ans et deux ans, se disputaient les derniers pétales du panier en se mordillant aux mains, aux joues et aux bras.

Ne pouvant plus supporter les attaques de sa cadette, Juliette s’énerva plus fort et finit par la pousser sur le côté en la faisant tomber au sol. Bien qu’habituée aux bagarres, la plus petite grimaça, son menton tremblota, puis des pleurs explosèrent.

— Oh, Juliette ! s’exclama John en lâchant la main de sa fiancée pour récupérer la petite Phoebe larmoyante entre ses bras, au moment même où Hudson terminait de chanter. Sois gentille avec ta sœur, tu veux bien ?

La petite scène enfantine laissa l’assistance étonnée, quoique divertie, et si Bruce cessa la marche pour fusiller ses petites sœurs du regard, sincèrement exaspéré par leur comportement, John et June détendirent l’atmosphère d’un seul éclat de rire. Leur amusement gagna aussitôt les autres adultes, même Keir et Scarlett, qui n’avaient plus à rougir des frasques de leur progéniture.

Très sensible au charme de son oncle de cœur, Juliette acquiesça d’un mouvement de tête avant de se tourner vers la policière, le visage masqué d’incompréhension.

— Dis, tata June, pourquoi j’peux pas être la mariée ? J’aime pas lancer les fleurs, j’préfère avoir ton rôle, moi… !

Sa petite bouille de rouquine capricieuse et le ton plaintif de sa voix cristalline furent si charmants que tout le monde rit de plus belle.

Assise plus loin, à la place des demoiselles d’honneur, Scarlett dodelina la tête d’un air dépassé, puis chuchota à Livia :

— De tous nos enfants, c’est bien celle-ci la plus culottée. Je vais la chercher de ce pas, tant pis si elle ne va pas jusqu’au bout du cortège.

— Je ne pense pas que ce soit nécessaire, June gère la situation.

En effet, la mariée s’était penchée en direction de la fillette pour la prendre dans ses bras et lui dire sur un ton rassurant :

— On va toutes les deux jouer à la mariée, d’accord ?

La lumière du jour sembla sortir du regard vert de Juliette tant cette nouvelle idée lui plut.

— Oh chouette ! Tonton John sera aussi mon amoureux !

— Bien sûr, ma chérie.

— Tu veux toujours faire ta star, Juliette ! ne put s’empêcher de grogner Bruce, dont la couronne dorée de prince tombait de travers sur ses cheveux blonds et courts.

Le garçon reçut en retour un tirage de langue insolent de la part de la petite rouquine et, pour contenir son énervement, il replaça sèchement son accessoire doré sur le sommet de son crâne.

— Petite peste, va !

— Allons, les enfants, ne vous disputez pas, les apaisa John en serrant contre lui Phoebe, le chérubin âgé de deux ans qui le dévorait de ses yeux amoureux, avant de coller sur sa joue de gros baisers baveux.

June le remarqua et ne put s’empêcher de glisser à son mari, un sourire malicieux flottant sur ses lèvres rouges :

— Dis donc, mon amour, tu as un succès fou. Toutes les filles veulent se marier avec toi.

— Voui ! s’égosilla Phoebe en signe d’approbation, recevant en retour une caresse tendre à la joue.

Puis, sur un sourire complice et un regard d’encouragement pour Bruce et Luna, les deux mariés continuèrent leur avancée jusqu’à l’arche fleurie, chacun portant une petite rousse dans leurs bras. Un peu plus loin, Keir et Scarlett voulurent les rejoindre pour les décharger de leurs ravissants fardeaux, mais John et June les en empêchèrent d’un geste de la main, sincèrement désireux de garder les enfants avec eux. Cela soulignait la tendresse de l’instant.

— En voilà une belle compagnie ! s’exclama le général Arlington sur un ton guilleret, lorsque les mariés et leurs angelots arrivèrent enfin devant lui.

Le septuagénaire tenait entre ses mains une feuille de vieux papier rose où son discours d’officiant avait été soigneusement écrit par lui et les trois frères d’armes de son fils adoptif. À tous les coups, les phrases devaient être saupoudrées d’humour.

— Mes chers amis, je vous remercie tous d’être ici, en ce beau jour printanier, pour célébrer l’union de John, mon Amish préféré, et de June, la plus belle des policières de Savannah, commença le général, espiègle.

Des gloussements s’élevèrent de l’assemblée de convives, tandis que les deux protagonistes échangeaient un sourire de connivence. John se sentait enveloppé d’une chape de frissons à chaque fois que son regard se posait sur la femme de sa vie. Il l’avait déjà vue aussi belle, de toute évidence elle l’époustouflait toujours, que ce soit en uniforme de police, en tenue civile, en pyjama, en porte-jarretelles ou encore toute nue… mais dans cette toilette de mariée très moderne et sophistiquée, immergée dans ce halo de lumière éclatante qui révélait plus intensément le vert et les pépites brunes de ses yeux maquillés derrière la voilette blanche, la pulpe de ses lèvres rubis, la grâce de son cou de cygne et l’ovale parfait de son visage, elle lui semblait venir d’un autre monde. C’était comme si le ciel de Géorgie s’était ouvert en deux pour la déposer ici, devant lui, tel un ange assis sur un nuage rosé et parfumé aux lys.

— Mon cœur va exploser tellement tu es belle, put lire June sur les lèvres de son mari et elle en rosit de plaisir.

— Le mien aussi, répondit-elle de la même façon muette.

La jeune femme n’aurait jamais pensé remettre pour une seconde fois une tenue de mariée, pourtant c’était bien elle qui attendait la bénédiction nuptiale devant cette arche fleurie, l’amour de sa nouvelle vie à ses côtés. Bien sûr, John ne remplacerait jamais Keith dans son cœur, ce défunt mari qu’elle ne cesserait jamais d’aimer malgré la frontière insondable qui les séparait tant qu’elle vivrait. Cependant, le pilote avait su conquérir son amour et la sublimer de sa lumière avec une passion inexplorée, si bien que l’ancienne June n’existait plus. Celle qui se laissait autrefois empoisonner par les fantômes du passé s’était substituée à une femme heureuse, sereine et amoureuse. Le poids des souvenirs malheureux avait été ôté comme on se débarrasse d’une vieille peau, grâce à son mari et ses nouveaux amis, notamment Lex et Xenia, qui l’aidaient, de manière régulière, à purifier son esprit grâce à des thérapies ésotériques.

Aujourd’hui, elle se sentait guérie, en paix avec elle-même.

— Je voudrais aller à l’essentiel et ne pas me perdre dans de grandes phrases lyriques, car je sais votre impatience de vous marier, continua le général avec un sourire fripon à l’adresse du couple. Mais mon discours ne serait pas intéressant si je ne parlais pas un peu de vous deux…

Le septuagénaire reporta désormais son regard sur l’assemblée de convives.

— Voyez-vous, mes amis, lorsque j’ai rencontré John vingt ans plus tôt, j’ai vu en lui une lumière incroyable, qui m’a aussitôt bouleversé. À cette époque, je me considérais orphelin, car je n’avais plus de famille, plus de femme, plus de fils… John venait de quitter la communauté amish pour vivre le rêve qui l’avait toujours habité : celui de devenir pilote. Il était si jeune quand je l’ai rencontré, pourtant il débordait d’une détermination et d’une volonté que peu d’hommes possèdent… et j’en ai rencontré des hommes ! Mais en plus d’être ambitieux, il émanait de lui une sincérité et une candeur touchantes. J’ai su dès le premier regard que John était le fils que je cherchais depuis si longtemps.

Le général s’arrêta un moment, soudain pris d’une vague d’émotion qu’il réprimait par un bref silence, alors que John le dévisageait avec une affection teintée d’admiration.

— Mon fils est d’ailleurs devenu, par la suite, le frère que ses trois meilleurs amis ont toujours souhaité avoir.

Le général redirigea ses yeux bleus sur John et dit :

— Pour te remercier d’exister, ces trois loustics m’ont demandé de lire ce poème, rédigé par leur soin.

Aussitôt, le marié observa ses trois compères par-dessus son épaule et vit leurs clins d’œil et jeux de sourcils malicieux.

Qu’est-ce qu’ils me réservent ?

Intrigués, les deux amoureux observèrent de nouveau leur officiant pour l’écouter proclamer sur un ton d’orateur grec :

Des plaines de Pennsylvanie aux bayous du Sud,

John aux cheveux blancs, un réglisse au bec,

Courait les aventures, nourrissait sa solitude,

En sachant que cette vie menait à l’échec.

Le célibataire endurci, au style de dandy,

Plus amoureux de ses voitures que des nanas,

Pensait ne jamais être épris,

Jusqu’au soir où June l’arrêta.

Désormais, l’amour le tient entre ses rets,

L’intrépide policière l’a mis en détention,

Pour une peine à perpétuité,

Officialisée par les liens de leur union.

Une salve d’applaudissements et des commentaires amusés déflagrèrent tout autour des mariés alors même qu’ils riraient en observant les trois taquins. Hudson, Keir et Lex avaient passé la veille à rédiger ce poème humoristique, hésitant sur les mots, se chamaillant sur les rimes et concluant sur les conseils de leurs épouses.

— Vous êtes forts, les mecs, lança John en se tournant vers eux. Je suis impressionné par vos talents de poètes.

— Et encore, on a réfréné Lex, répliqua Keir, goguenard. C’était comme si Pouchkine l’avait possédé tout au long de la rédaction.

Si June et les personnes à proximité s’amusèrent de cet échange, le capitaine balafré reçut de la part de l’instructeur militaire un coup de coude dans les côtes, comme pour lui imposer un petit silence bienvenu afin de poursuivre la cérémonie.

— Maintenant, je tiens à vous parler de June, ma belle-fille, reprit le général avec sérieux, lorsque le silence regagna l’assemblée. Dans ma vie, j’ai rarement croisé de femme aussi brave, courageuse, déterminée et… casse-cou. C’est fou comme elle sait utiliser les armes et représenter l’ordre sans renoncer à une once de féminité. Sérieusement, je n’ai jamais vu de femme aussi séduisante qu’elle dans un uniforme.

À la fin de sa phrase, le vieil homme offrit à sa belle-fille un clin d’œil coquin, en retour duquel il reçut un baiser aérien.

— La force, la solidité, mais également la sensibilité de June font d’elle une femme formidable. Je suis fier de l’accueillir dans ma famille en la mariant à mon fils.

La policière sentit ses yeux s’humidifier, mais la présence de son mascara l’obligea à retenir ses larmes, même s’il était supposé être waterproof. Elle sentait de toute évidence le regard attentif et menaçant de sa jumelle dans son dos, qui guettait la moindre larme pouvant anéantir son travail de maquilleuse.

— Dis, tata June, pourquoi c’est aussi long le mariaze ? demanda Juliette en soupirant bruyamment dans ses bras, ce qui suscita encore des rires, notamment celui de son père.

En revanche, la fillette s’attira un regard d’avertissement de la part de Scarlett, assise à trois mètres derrière, qui l’aurait récupérée sur ses genoux si la mariée n’avait pas insisté pour la garder contre elle.

John tendit le bras vers Juliette pour la caresser à la joue, la petite Phoebe toujours blottie contre lui. Celle-ci avait d’ailleurs niché sa tête dans son cou, les yeux frémissant de sommeil.

— Ne t’inquiète pas, ma puce, je vais désormais passer à l’essentiel, puisque les mariés savent d’avance pourquoi ils signent ! la rassura le général en pliant la feuille rose en deux, avant d’observer les deux protagonistes, très concentré dans son rôle. Mes enfants, consentez-vous à vous unir et à vous chérir jusqu’à la fin de votre vie ?

John se tourna vers sa promise, lui prit une main et les yeux plantés dans les siens, dit avec une assurance d’airain :

— La mission de ma vie est de m’unir à toi, de te chérir et te protéger jusqu’à mon dernier souffle. Alors, oui, j’y consens.

Tout en retenant ses larmes (alors qu’elle entendait May renifler pour contenir ses propres émotions), June pressa la main de son mari tendrement et lui répondit :

— Je suis née pour t’appartenir, John, et je consens à te chérir jusqu’à ma dernière nuit.

Keir, qui était le gardien des alliances, se détacha du groupe des garçons d’honneur pour rejoindre Bruce, dont la mission était de présenter les anneaux aux mariés. Le garçon se retrouva donc dans les bras de son père, à la même hauteur que John et June, et leur présenta cérémonieusement les bagues.

— Procédons à l’échange des alliances, annonça le général.

Les concernés saisirent chacun un anneau et se les glissèrent mutuellement aux annulaires, sous les regards admiratifs des enfants, en particulier celui de Juliette, toute rose de bonheur dans les bras de la policière. Lorsque le moment de sceller l’union par le baiser traditionnel vint, John attira June vers lui par la taille et rapprocha leurs deux visages. Mais au moment où il allait pour posséder cette bouche tant aimée, Juliette s’interposa vivement entre eux et reçut le baiser sur sa joue de poupée.

— Juliette ! s’écria Scarlett, effarée.

Face à cette attitude, June répandit la première son rire de cristal, bientôt imitée par John et les autres convives. La fillette souriait de toutes ses dents, satisfaite d’être à l’origine de cette jovialité, mais contrairement aux autres adultes, ses parents ne semblaient pas s’en amuser autant. Après avoir déposé Bruce au sol, son père l’attrapa donc dans ses bras, si vivement qu’elle ne put se débattre, et en profita même pour récupérer la somnolente Phoebe.

— Je m’excuse pour les rouquines, elles sont intenables, glissa-t-il à John avant de rejoindre ses autres frères d’armes, un peu plus à l’arrière.

Cette fois-ci, le pilote saisit librement sa femme par la taille, si près qu’une règle ne pouvait pas se glisser entre leurs deux corps, puis l’embrassa avec une tendresse qui les propulsa sur un nuage d’amour.