Un Ascenseur pour Zanzibar - Eric Deciror - E-Book

Un Ascenseur pour Zanzibar E-Book

Eric Deciror

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Beschreibung

Pendant le premier confinement du printemps 2020, François voulut écrire un livre « pour laisser une trace de lui ». N’y parvenant pas, il décida de puiser dans la prose érotique échangée avec cinq inconnues approchées sur un site de rencontre et désireuses de relever le défi. Il espérait ainsi y trouver l’inspiration.
Le narrateur de ce livre retrouve par hasard ces courriels restés lettre morte et tente à son tour d’en faire une œuvre littéraire. Il classe cette correspondance en un abécédaire sensuel afin de mieux sublimer cette ode à la jouissance, tel un hymne à Éros. Toutes les lettres de l’alphabet, dont une doublée, seront l’outil de corps à corps tendres, passionnés, parfois très crus et d’un corps à cœur amoureux.
C’est un voyage en zigzag entre création littéraire et variation sur les relations virtuelles et luxurieuses de François et ces cinq femmes, toutes différentes les unes des autres mais avec un dénominateur commun : la quête effrénée des plaisirs de la chair.
Une aventure qui débute au rez-de-chaussée de l’Ascenseur, passe par l’Inconnu et se termine à Zanzibar.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Libéré des obligations professionnelles, Éric Deciror s’aventure à la conquête du temps retrouvé et aborde le chemin escarpé et scabreux de l’écriture érotique. Il a pris beaucoup de plaisir à composer ce recueil. Peut-être d’autres suivront ? Ne dit-on pas que l’oisiveté est la mère de tous les vices ?

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ÉRIC DECIROR

UN ASCENSEUR POUR ZANZIBAR

Nouvelles

ISBN : 979-10-388-0336-7

Collection Alcôve

2678-2553

Dépôt légal : avril 2022

© couverture Ex Æquo

© 2022 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite

Éditions Ex Æquo

6 rue des Sybilles

88370 Plombières-Les-Bains

www.editions-exaequo.com

Préface

Imaginez-vous devant un ascenseur, de préférence celui d’un grand immeuble. Vous êtes au rez-de-chaussée, les portes s’ouvrent et vous l’empruntez. Il y a vingt-neuf étages. Au premier, tel un prologue, vous rencontrez le narrateur qui vous dira les circonstances qui lui ont permis de découvrir les échanges de courriels entre François, Jeanne, Hélène, Émilie, et Myriam.

Chaque niveau vous entraînera dans leur imaginaire charnel composé de désirs crus, d’envies concupiscentes, d’érotisme débridé, de sensualité poétique. Vous vous balancerez au rythme de la musique de Gainsbourg, Bashung, Ryuichi Sakamoto ou Haendel. Vous embarquerez pour Cythère ou Venise, jouerez sous les ponts de Strasbourg, volerez vers Ispahan. Vous rêverez d’un Inconnu ou de Lilas de Lune. Vous jardinerez des fleurs, telles celles que Georgia O’Keeffe a si magnifiquement peintes, respirerez les essences des corps à l’Heure bleue. Vous découvrirez les fantasmes de la soumission, de la podophilie, de la sitophilie.

Tout cela et plus encore.

À l’aide de sa plume alerte, Éric Deciror nous livre des mots délicieusement excitants enrobés de références cinématographiques, littéraires, musicales, géographiques, avec un savoir-faire qui titillera tous vos sens, tout comme les miens l’ont été lors de mon premier voyage dans cet ascenseur vers Zanzibar.

Quel étage aura votre préférence ?

Bonne lecture et bon voyage !

Jeanne Malysa

PROLOGUE

Le temps était venu pour François de laisser une trace. Une trace de soi derrière soi. Une sorte de désir d’éternité probablement, aussi vain que vaniteux, mais qui lui tenait à cœur. Peut-être parce qu’arrivé par hasard sur terre, spectateur de sa vie, en perpétuelle attente et toujours de passage, il lui semblait nécessaire (mais pour qui, à part lui ?) de fixer quelque chose du film de sa vie, susceptible de subsister après le clap de fin.

Pour François, cette trace ne pouvait s’imaginer que dans le domaine des arts et des lettres, celui de l’unique et du singulier, le seul qui vaille la peine à ses yeux. Mais quelle discipline choisir ? La danse ? Il avait passé l’âge depuis bien longtemps. Et quand bien même il aurait été plus jeune, que reste-t-il aujourd’hui du génie de Nijinski ? Que demeurera-t-il bientôt des sauts prodigieux de Noureev ? La danse est par essence l’art du mouvement, celui de l’éphémère qui se consomme et se consume dans le même instant. Chorégraphe peut-être mais il n’y a qu’un seul Béjart par siècle. À quoi bon, donc : cloué au sol avant même d’y songer.

La musique, exclue d’office aussi, François était incapable de lire une partition. Devenir pianiste s’avérait tout à fait illusoire. Les pastilles de couleur collées sur les touches du piano pour reconnaître les notes ne lui avaient été d’aucun secours.

La peinture ? François s’était essayé au dessin et à l’aquarelle. Le résultat fut laborieux, besogneux, tout au plus honnête quelquefois mais rarement. En tout cas, rien d’original ni d’exceptionnel. Du travail d’amateur, pas mieux.

François arriva assez rapidement à la conclusion que sa seule chance passait par l’écriture.

Encore fallait-il trouver l’inspiration. Écrire sur quoi ? Écrire comment ?

François buta longtemps sur l’absence de réponse à ces questions. Et ses travaux d’écriture demeurèrent à venir, des mois durant.

Lui vint un jour l’idée d’utiliser la plume des autres, en les faisant écrire pour lui sans qu’ils le sachent afin de se nourrir de leur prose. Il était tenté par un éventuel portait de femme. Cette femme, il la préférerait sensuelle et charnelle, énigmatique et mystérieuse. Un personnage qui serait à la fois braise sous la cendre et feu sous la glace, à la sensualité suggérée et nuancée comme Dominique Sanda dans Le Voyage en douce ou Isabelle Adjani dans Adolphe.

Il envoya donc des mails à des femmes contactées par internet sur un site de rencontres et qu’il avait choisies en s’attachant à l’originalité de leur présentation. Sur la fiche de son profil, il indiquait qu’il souhaitait entretenir une relation érotique mais uniquement épistolaire. Il pensait qu’il valait mieux rester dans le virtuel pour laisser toute liberté aux fantasmes et à l’écriture. Il fut étonné du nombre de réponses souvent impudiques, parfois crues qu’il reçut. Peut-être, un des effets du confinement qui s’abattit sur la France, comme une chape de plomb, au printemps 2020.

Quand il eut réuni assez d’écrits aussi disparates et hétérogènes les uns que les autres, il se demanda ce qu’il pourrait faire pour les relier, les assembler et leur donner une certaine cohérence. Il aurait peut-être pu tenter de concevoir une sorte de comédie humaine de l’ère internet, de ce monde dans lequel se cachent et se réfugient tant de ses contemporains à la recherche d’excitation en toute sécurité.

Il aurait probablement pu faire quelque chose de ce matériau mais il manqua d’imagination et de persévérance ou tout simplement de temps. Son projet était resté dans l’état où je le trouvai moi-même, un jour, dans le tiroir du petit scriban que j’avais chiné dans une brocante : une liasse de courriels en désordre, de longueur variable, de styles, de rythmes et de tons différents, mais inspirés par un seul et même thème : l’érotisme. Variation inlassable à l’infini et à l’ivresse.

François avait laissé aussi une longue lettre — c’est ainsi que je sus son prénom — dans laquelle il relatait sa quête, ses tentatives, ses espoirs, ses difficultés puis son échec. François donnait aussi parfois quelques indications, en marge de ses mails, sur son humeur, sur les musiques qu’il écoutait ou sur les films qui l’inspiraient au moment où il écrivait — un peu comme Eugène Boudin notait sur les esquisses de ses marines le temps qu’il faisait à Honfleur ou à Trouville. Quelquefois aussi sur ses correspondantes. Il y avait Hélène, cultivée et raffinée, à l’humour plutôt osé et libertin ; Myriam, les pieds solidement ancrés dans le réel mais la tête flottant dans les nuages de ses rêves. Puis Émilie, l’infatigable voyageuse et Jeanne, l’unique, d’une sensualité exceptionnelle. Une autre encore, plus éphémère.

Je ne fis pas beaucoup mieux que François. Je me contentai de donner un ordre alphabétique, et plus ou moins chronologique, à tous ces mails envoyés, reçus, échangés. Cela donna une espèce d’abécédaire érotique, de voyage amoureux en vingt-six étapes (ou plus exactement vingt-sept).

Un ascenseur pour Zanzibar.

L’ASCENSEUR MERVEILLEUX

François avait toujours aimé les ascenseurs pour les promesses que procurait leur attente.

À leur arrivée, il guettait fébrilement les femmes qui les empruntaient en espérant y trouver celle qui accompagnerait délicieusement son voyage. Il y entrait comme dans un ventre, à l’abri des agressions du monde extérieur, et se laissait emporter sur les ailes du désir, disponible, à la merci de tout.

Juste avant le début du confinement du printemps 2020, François avait pu emprunter à la médiathèque voisine plusieurs DVD dont Le Conformiste de Bernardo Bertolucci et Le Mépris de Jean-Luc Godard. Il avait commencé par revoir Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle dont il avait retrouvé, avec toujours autant de plaisir, la virtuosité de la prise de vue, la musique magique et inspirée de Miles Davis, et bien sûr le charme de Jeanne Moreau.

Comment pouvais-je mieux débuter l’ordonnancement des mails de François qu’avec le « A » de son ascenseur ?

Pour amorcer leur relation épistolaire, François avait envoyé à Jeanne, sa première correspondante, un mail dont l’action débutait dans un ascenseur. Dans une note manuscrite, il avait indiqué que, pour ce tout premier texte adressé en guise de test, il choisissait le thème de ce lieu de rencontre par excellence, voire d’aventure amoureuse. Thème assez banal mais qui permettrait probablement à Jeanne d’être inspirée par cette cabine suspendue entre ciel et terre et qui procure des sensations verticales sans repère de vision de déplacement. Parfois baigné de musique dite d’ambiance, tout se prêtait pour faire de cet endroit clos une boîte à fantasmes.

Jeanne lui répondit qu’elle avait écrit quelque chose à partir d’une histoire vécue mais dont elle n’était pas vraiment satisfaite. Elle trouvait cela trop plat, trop prosaïque. Elle lui fit parvenir quand même son texte mais, comme pour s’excuser, elle le fit immédiatement suivre de celui de François qu’elle avait entrelacé d’une liane de mots chauds et juteux comme une orange.

***

« Lundi, huit heures, ses dossiers sous le bras, elle attend, impatiente, un des ascenseurs de la tour du quartier de la Défense où elle travaille. En voilà un qui remonte enfin des parkings du sous-sol, il est bondé. Elle est en retard, elle décide de s’y introduire coûte que coûte, se faufile et se retrouve serrée parmi tous ses occupants qui font grise mine.

Soudain, elle sent un frôlement léger sur ses fesses. Vu le nombre de passagers qui se trouvent dans la cabine, c’est probablement normal. Cette fois, non, ce n’est plus le hasard. La main se promène maintenant doucement sur son postérieur. Elle caresse minutieusement, palpe consciencieusement et commence même à pétrir carrément ses rondeurs.

Pendant qu’elle réfléchit à la réaction à adopter, la voilà gagnée par l’excitation et elle apprécie même cette diversion. Ne percevant pas de résistance, les doigts poursuivent leur exploration méthodique de son popotin.

Elle regarde à droite et à gauche pour voir si quelqu’un a remarqué le manège mais les gens ont tous le regard vague d’un lundi matin chagrin, et la forte promiscuité ne permet pas de repérer que quelqu’un derrière elle a les mains baladeuses. Le tissu de sa jupe est léger, et sous l’effet des caresses, il vient, lui aussi, frotter sur ses fesses et renforcer son trouble.

Elle n’a pas envie de voir le visage de l’inconnu (car dans son esprit, il s’agit nécessairement d’un homme) : garder le mystère de cet aparté charnel accroît son émoi. L’ascenseur s’arrête. Dans le mouvement des passagers qui sortent, l’homme en profite pour préciser ses intentions : il passe sa main le long de la cuisse de la femme et vient littéralement se plaquer contre elle. Il la serre tant qu’elle a l’impression qu’il veut la pénétrer, là, tout de suite.

Il y a toujours beaucoup de monde dans la cabine et personne n’a rien deviné encore, croit-elle. De toute façon, prise au jeu, elle se laisse faire. La voilà même en train de bouger lentement, imperceptiblement : ses ondulations épousent la tige de marbre de l’inconnu et sa respiration s’accélère dans ce recoin à la fois isolé et ouvert aux yeux de tous.

Petit à petit, l’ascenseur se vide. Elle tente alors de s’avancer un peu pour appuyer sur le bouton de son étage de destination. Mais, c’est peine perdue, la main retient sa tentative, l’inconnu a décidé d’aller jusqu’au bout de son envie. Sans savoir pourquoi, elle obtempère et se laisse faire. Collés l’un à l’autre, leurs mouvements s’amplifient encore. Tout à coup, le corps de l’homme lui signifie qu’elle doit se pousser. En même temps près de son oreille, il murmure : « Retournez-vous, je vais descendre, je ne veux pas que vous bougiez avant la fermeture des portes. Bonne journée. » Sa voix ne lui est pas tout à fait étrangère mais elle fait ce qu’il dit. Elle respecte cet anonymat qu’il requiert et qui, en définitive, lui convient.

Enfin, elle arrive au dixième étage, encore émue, et plus encore mouillée. Elle se précipite aux toilettes pour calmer le feu au ventre que l’homme a allumé. Heureusement, à cette heure matinale, les lieux sont déserts et elle peut s’isoler le temps d’aller jusqu’au bout de cette excitation. Elle roule vivement sa jupe jusqu’à la taille et se caresse sur la cuvette comme une collégienne. Pas longtemps, il est vrai. L’inconnu avait tellement préparé le terrain qu’elle jouit rapidement, là, seule, en revivant son ascension vers le plaisir et en se disant : “Tu es indécente “, mais cela exacerba encore sa jouissance. Ses doigts sont gluants. Elle ne peut retenir son envie de les sentir, elle y retrouve la délicieuse odeur d’amande des petits pots de colle de son enfance. Et elle les lèche, un à un, comme elle le faisait avec la toute petite spatule blanche. »

***

Il est vrai que ce premier texte de Jeanne n’était pas vraiment excellent (elle s’attachait plus à décrire qu’à exprimer) mais, après tout, c’était une mise en jambes, ce qui n’est pas tout à fait faux puisque le voyage dans un ascenseur se fait en position debout et en recherche constante d’équilibre… Quant à celui de François, je me demande, bien qu’il ne l’évoque pas dans les notes qu’il a laissées, si, outre la trompette de Miles Davis, il n’avait pas été aussi inspiré par la chanson de Calogero, En apesanteur : « Et sans la regarder / Je sens la chaleur d’un autre langage ». Bien sûr, je n’en suis pas certain et j’espère qu’il ne m’en voudra pas si cette référence ne l’enchante pas.

Les mots que Jeanne avait tressés en italiques autour de ceux de François, à coup sûr, n’appartenaient qu’à elle. Elle seule pouvait écrire de la sorte et choisir des images si évocatrices et suggestives. Son imagination aurait-elle été stimulée par la réminiscence de la sourde angoisse du lieu, conjuguée à un zeste d’adrénaline ? Peut-être aussi, par le souvenir des ébats dans un ascenseur filmés dans Liaison fatale ou dans Top Gun,mais Jeanne était indubitablement la sensualité même et serait une correspondante de tout premier ordre. Et pourquoi pas l’égérie de François, la muse qui inspirerait le livre qu’il appelait de ses vœux ?

***

« Maintenant, ton texte, François, pénétré du mien, si j’ose (mais peut-être est-ce l’inverse ?).

Nous sommes, toi et moi, les deux seuls occupants d’un ascenseur tombé en panne entre le quatrième et le cinquième étage. Par l’interphone, nous apprenons que le dépanneur ne pourra intervenir avant au moins une demi-heure. Tu n’as pas l’air très rassurée dans la pénombre, veux-tu que je m’emploie à tenter de soigner ta claustrophobie ?

Déjà, ma main se faufile le long du sillon de tes fesses rebondies. À travers les lèvres souples de ta déchirure, mon poignet froissant doucement ton sexe, vient tutoyer, l’air de rien, ton clitoris.

Très vite, il réagit, gonflant sous la pression de tes doigts qui le roulent, le triturent, le malaxent subtilement. Mon souffle s’écourte et prend des intonations de plaisir, mes soupirs et mes râles se succèdent et s’enchaînent. Mon vagin s’étire et grandit pour t’enserrer davantage, comme un voluptueux boa qui voudrait t’avaler d’abord la main puis le sexe. J’aimerais te faire entrer tout entier dans mon ventre qui se dilate sans fin dans une envie folle de toi.

L’obscurité de l’habitacle me rend plus animale encore. Je ne suis plus que sensations. Je me frotte à ta fusée dressée sur sa rampe de lancement, et n’ose te dire déjà que je la désire, puissante et envahissante, au fond de ma fente humide. Te dire aussi que j’ai envie de sentir ta semence couler loin dans ma gorge et déborder en rigoles le long des commissures de mes lèvres ; j’aimerais me pourlécher de ce nectar crémeux. Je rêve, dans ce noir désinhibiteur, que tu me retournes et forces l’entrée du plus étroit de mes orifices : je sentirais alors ton gland rond, bien décidé à entrer le plus loin possible pour me posséder et me remplir là aussi. Tu le fouirais si intensément que je ne pourrais plus m’asseoir sans souiller les sièges et je ferais en sorte de ne pas laisser se refermer ce trou plein de toi. J’irais même le voir dans un miroir, heureuse de découvrir les perles blanches de ton sperme autour de l’anneau de mon cul.

Mais tu poursuis tes explorations et mon imagination a moins d’importance que de me sentir à la merci de ce que tu veux obtenir de moi.

Tu écartes légèrement les jambes. Je ramène ma main en arrière et pousse l’index et le majeur dans ta brèche radieuse. Accoudée à la barre de l’ascenseur, tu regardes fixement la glace de la cabine sans rien cacher de la montée de ton plaisir. Tandis que mes doigts te fouillent, et que mon pouce enfoncé dans ton anus se frotte contre mon index à travers la mince membrane de peau, tu ouvres légèrement la bouche dans un spasme, puis un second, avec un imperceptible mouvement de menton à chaque soupir extasié. Je sens ton orifice se contracter à m’en couper le pouce. Tu inclines le visage vers moi, cherchant ma bouche. À ce moment très précis, la cabine sursaute, éructe et redémarre. Dommage que nous ayons eu affaire à un dépanneur diligent. Tu laisses retomber prestement ta jupe et l’ascenseur nous dépose en douceur.

Pourtant tout palpite en moi et je veux que tu jouisses, que tu connaisses à ton tour les plaisirs que tu as su me donner. Je veux te sucer, t’avaler, m’empaler et te répandre à grands coups au fond de mon ventre assoiffé de toi.

Mais nous ne descendons pas et nous appuyons sur le bouton du haut, celui du septième étage. Septième ciel aussi, peut-être. Quand nous y parvenons, la porte d’accès à la terrasse, par chance, n’est pas fermée à clé et nous pouvons recommencer là où nous avons été interrompus.

Tu colles ton ventre contre le mien et me tends tes lèvres pour que nous reprenions le baiser inachevé. Dans le même temps, tes doigts défont la ceinture de mon pantalon.

Rapidement, je m’agenouille et absorbe, heureuse, ta queue déjà raide. Excitée par tous les reliefs de ta verge, je la suce longuement, sans retenue, sans pudeur, comme si ma bouche se faisait vagin constricteur. C’est si bon de te déguster que je passe en même temps une main sous mon ventre et que je suis vite trempée. J’attire tes doigts sur mes seins, j’ai envie que, eux aussi, tu les titilles, que tu les saisisses et qu’ils t’appartiennent.

Nous cherchons du regard un point d’appui, ce qui ne manque pas sur les toits de Paris. Agrippée à une gouttière, je soulève ta jupe, viens taquiner ta barre de réglisse puis m’introduis dans ton intimité.

Alors, enfin, enfin, tu t’enfonces, tu sens la voie royale que je t’offre, tant mon humidité t’entraîne au fond de mes entrailles. Tu sors, entres, ressors, entres encore, parcours de ta tige dure toute ma vulve visqueuse et collante. Ton gland rubicond, gonflé et coulant déjà, l’ouvre et l’offre au ciel, indécemment écartelée et illuminée par ce soleil intense qui nous exhorte à jouir comme lui. Puis je me penche pour avaler encore une fois ton pieu explosif, étalant ce mélange de mouille et de petit lait sur mes lèvres. Je me redresse ensuite, et en écartant totalement mes cuisses, j’attrape tes fesses pour que tu emplisses et combles mon ventre. Tu me pénètres loin, très loin. Ta queue est délicieusement faite pour moi ; sur mesure, elle me fore si bien.

Nous pouvons ainsi donner libre cours à notre plaisir. Il n’y a que toi et moi, et les pigeons sur ce toit. “Prends-moi fort, très fort et viens jouir en moi “, me dis-tu, à bout de souffle.

 Sous le ciel rougissant qui a accompagné nos cris de jouissance, coule maintenant le long de mes jambes, ce nouveau miel que nous avons fait naître de notre folie partagée sans limites. Je suis là, près de toi, je te sens assouvi, je le suis tout autant, et nos sexes, encore il y a peu palpitants et complices, se reposent, à présent, repus et séparés dans un Élysée délicieux. »

B.B.

C’est dans un pub du cœur de Londres où il avait trouvé son salut dans la fuite que Serge Gainsbourg composa Initials B.B., ode somptueuse à Brigitte Bardot qui venait de le quitter.

Mais c’est à Paris que se situent les initiales B.B. des courriels échangés entre François et Jeanne. On y connaît, il est vrai, de bien troublantes ivresses. Jeanne peut en témoigner.

François était à la recherche d’un thème susceptible de mesurer un peu plus le pouvoir des mots sur Jeanne. Musique et sexe, même frisson, pensa-t-il. François et Jeanne avaient évoqué leur passion commune pour la musique et la danse. Pourquoi ne pas tenter d’explorer le septum, cette zone du cerveau dont la stimulation entraîne des sensations proches de l’orgasme ? Il parait en effet que lorsqu’on écoute de la musique, le cerveau active le même réseau associé au plaisir que celui stimulé par le sexe, sous l’effet de la dopamine, de l’ocytocine, de l’endorphine et autres substances chimiques synonymes de bien-être.

François envoya donc à Jeanne un texte qu’il intitula : « B comme Beethoven » et qu’il accompagna d’un lien You Tube pour la Symphonie n° 9, interprétée par l’orchestre philharmonique de Radio France, sous la direction de Myung-Whun Chung, aux Chorégies d’Orange, en juillet 2018… Et advienne que pourra !

« B comme Beethoven

Deux places ont été achetées pour l’interprétation de la Neuvième Symphonie : les meilleures, vers le milieu du parterre, près de l’allée centrale, là où convergent les regards de tous les spectateurs des balcons quand ils ne sont pas captivés par ce qui se passe sur scène. Des tentures de velours rouge carmin, des lumières flatteuses, des dorures patinées, des boiseries sculptées, des fauteuils à l’ancienne, tout concourt à faire de ce théâtre un magnifique écrin pour des effleurements et des caresses.

Les femmes de l’assistance resplendissent. Tu portes une robe de soie, bleu nuit pour changer un peu du noir, fluide et fendue sur le côté droit jusqu’à mi-cuisse. Je suis secrètement fier de t’avoir à mon bras. Prenant place, j’ai gardé mon imperméable que je tiens plié sur les genoux : officiellement, il s’agissait de ne pas perdre de temps au vestiaire à la sortie… Quand tu t’assieds à ma gauche, ta robe s’ouvre largement, découvrant ta jambe gainée de noir, évidemment. Les lustres s’éteignent, l’orchestre et les chœurs prennent place, longs applaudissements de la salle et le concert commence.

Je recouvre de mon vêtement ta cuisse offerte qui s’écarte largement vers moi et laisse ma main gauche errer délicatement sur le chemin de grâce qui va du bas soyeux à ton intimité douce et chaude. Tu glisses, à ton tour, ta main droite sous l’imper et trouves mon sexe qui t’attend, déjà ferme et souple à la fois. Tu en titilles d’abord doucement le bout moelleux, le tiens fermement puis accélères le rythme, tout du long de ma verge, suivant le tempo crescendo de Beethoven. Ces attouchements secrets, échangés avec le souci de ne pas éveiller l’attention de nos voisins, ajoutent encore à notre excitation dont l’origine, il va de soi, n’est pas uniquement musicale…

Au moment précis où débute le tonitruant Hymne à la joie final, j’atteins de mes doigts impatients ton antichambre brûlante, frôle ton bouton de rose durci, pénètre ton antre trempé tandis que je sens ma tige se tendre à en exploser, raide de bonheur sous son abri. Enfin tous deux, les yeux fermés et dans un souffle retenu, nous exultons de concert. C’est la fin de ce chœur inoubliable. Un tonnerre de bravos fuse alors dans la salle encore plongée dans la pénombre. Ludwig avait-il imaginé une aussi merveilleuse ode à la jouissance ? On ne le saura jamais.

Il se pourrait pourtant que des spectateurs distraits aient remarqué nos têtes penchées l’une vers l’autre, le discret mouvement de nos épaules. Il se pourrait aussi qu’ils aient deviné nos étreintes, perçu notre émoi et qu’ils en rêvent encore aujourd’hui en entendant le cri de Schiller : “Joie “».

***

Jeanne doubla le B de Beethoven du B de Béjart et fit résonner l’hymne jouissif de François d’un écho fauve et haletant.

Jeanne disait préalablement dans son mail que la Neuvième lui avait procuré beaucoup de plaisir et qu’elle mettait d’ailleurs toujours de la musique quand elle faisait l’amour : « En silence, je ne suis pas dans l’instant mais dans l’analyse. La musique me permet de ne plus penser à rien. Quand il n’y a pas de bruit, attentive à tout ce qui se passe, je me pose des questions sur mon corps ou sur mes gestes. Et cela me bloque parfois. En tout cas, je ne profite pas pleinement du moment qui m’est offert. Le silence m’angoisse, il me met à nu (bien que déjà dénudée…) en me faisant vivre la scène qui se joue avec une acuité dérangeante, presque gênante. Chaque détail devient plus perceptible : on entend le corps à corps, le peau à peau, les seins palpitants se froissant mutuellement, les souffles haletants mais aussi les bruits des sexes en contact, celui des couilles venant battre au bas de mes fesses. J’ai besoin des frissons de la musique pour jouir et orgasmer intensément sous les caresses de mon amant. Tu le comprendras, j’espère, à la lecture de mon texte. » 

« Je reste haletante de ce plaisir à haut risque que nous avons pris en public. Est-il possible que personne ne voie le rougeoiement de ma gorge et de mes joues, provoqué par l’orgasme que tes doigts agiles ont su déclencher ? Je devais contenir mes soupirs et mon envie de crier lorsque ta main a forcé l’entrée de mon sexe, qu’elle s’est enfoncée entre mes chairs intimes, les caressant, les écartant, les fouillant comme si tes phalanges étaient devenues langues et tentacules multiples et habiles. Tu t’amusais à sentir ma vulve se contracter au fil de tes investigations puis se laisser entraîner au-delà de la bienséance. Tu voyais mon corps et mon visage se tendremalgré la retenue que je tentais d’observer. Tu te penchais vers moi, étonné toi-même des profondeurs que tu atteignais. Mon intimité gorgée de plaisir aspirait toujours plus ta main, l’entourant de ses muqueuses et de sa mouille. Tout cela s’intensifiait de la délicieuse brûlure que je sentais au bout de mes doigts fébriles qui effleuraient ton gland rond et tendre.

Mais il faut partir, la salle se vide. J’ose à peine me lever car je me doute que j’ai laissé la trace de ma jouissance sur cette belle chaise de velours et que ma robe porte l’auréole de ce que tes phalanges ont provoqué. Malgré le plaisir que je viens de prendre et celui que tu as lâché dans le creux de ma main, je ne suis pas rassasiée et je ne peux plus attendre.