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Extrait : "BERTHE, lisant : « La coupe de mes jours s'est brisée encor pleine... » On entend un coup de fusil au dehors. LA MARQUISE : Ah ! bon Dieu ! qu'est cela? BERTHE : Grand-mère, c'est Léon qui chasse dans le parc. LA MARQUISE : Ces pauvres lapins ! Léon leur fait une rude guerre. BERTHE : Grand-mère, c'est un lièvre, et non un lapin, que Dominante et Randonneau viennent de lancer ! Il paraît même que Léon a manqué le lièvre, puisque la voix des chiens s'éloigne..."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN
Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.
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Seitenzahl: 46
Veröffentlichungsjahr: 2015
Saynètes et monologues, édité par Tresse de 1877 à 1882, regroupe six volumes de textes courts en vogue dans le Paris des cercles littéraires d’avant-garde comme dans les soirées mondaines. Un répertoire de dialogues, monologues, saynètes, comédies et opérettes portés à un art véritable, dont la modernité apparaît avec évidence, et dans lequel se côtoient Charles Cros, Paul Arène, Nina de Villard, Charles de Sivry, Théodore de Banville, Eugène Labiche, Charles Monselet ou encore Villiers de L’Isle Adam.
Le présent ouvrage a été sélectionné parmi les textes publiés dans Saynètes et monologues. De nombreux titres de cette fresque sont disponibles auprès de la majorité des librairies en ligne.
Comédie en un acte
par M. Henri de Bornier
Salon dans un château. – Porte sur le perron. – Portes latérales. – Fenêtres sur le parc. – Tables à jeu et à ouvrages, avec papier encre, plumes. – Sur un des panneaux, petite bibliothèque.
Personnages
LÉON DE VILLIERS.
LUDOVIC DE BÉON.
LA MARQUISE DE GHISTELLE.
BERTHE, sa petite-fille.
Berthe, la Marquise.
Les deux femmes sont assises, la marquise brodant, Berthe lisant.
« La coupe de mes jours s’est brisée encor pleine… »
On entend un coup de fusil au dehors.
Ah ! bon Dieu ! qu’est cela ?
Grand-mère, c’est Léon qui chasse dans le parc.
Ces pauvres lapins ! Léon leur fait une rude guerre.
Grand-mère, c’est un lièvre, et non un lapin, que Dominante et Randonneau viennent de lancer ! Il paraît même que Léon a manqué le lièvre, puisque la voix des chiens s’éloigne vivement ; il est probable que le lièvre va gagner les landes, puis passer près d’ici, et enfin revenir au gîte.
Ta ! ta ! ta ! petite ! tu as raison. Et je vois avec plaisir que tu commences à connaître la chasse ; ton pauvre père eût été fier de ta science.
Ma science… c’est à Léon que je la dois.
Nous lui devons bien autre chose encore, à Léon ! – Viens te rasseoir près de moi, fillette. (Berthe se rassied près de la marquise.) Berthe, aimes-tu Léon ? Réponds-moi franchement.
Si j’aime Léon ! Mais, grand-mère, c’est presque me demander si je t’aime ! – Crois-tu que j’aie oublié tout ce que Léon a fait pour nous ?
Il est certain que Léon s’est conduit admirablement. Il n’avait que vingt-deux ans, et il était sorti de l’École polytechnique avec le n° 3 ; dans dix ans, il eût été colonel, général peut-être ! Eh bien ! pour nous, Berthe, Léon a sacrifié ce brillant avenir ; à la mort de ton père, au milieu de mille embarras de fortune, que serions-nous devenues ? – Léon s’est fait pour nous homme d’affaires, fermier, avocat, agronome ; grâce à lui, notre fortune est sauvée, mais sa carrière est perdue…
Et tu demandes si je l’aime !
La ! la ! la ! ne te fâche pas, ma mignonne ! Je conviens que tu aimes Léon, et cependant quand je te parle de l’épouser…
Épouser Léon ! Est-ce qu’on épouse son frère ? Mais vous savez bien, bonne maman, que je suis une romanesque ! Vous savez bien que je veux faire un mariage de sentiment, un mariage de poésie… Ne riez pas !
Laisse donc avec ta poésie ! – Parce que tu as lu les Méditations, et composé quelques romances, musique et paroles, tu te crois poète ! Et tu voudrais épouser un poète, peut-être ? Fi donc, Mademoiselle ! – J’en conviens avec toi, Léon est un chasseur, tout simplement ; il a même le tort de dédaigner la poésie…
Et c’est un tort très grave ! Hier, par exemple, je lui ai lu le Poète mourant, de Lamartine… Léon s’est endormi à la dixième strophe !
C’est très mal, mais ce n’est pas un crime.
Aussi la punition ne sera pas bien cruelle.
C’en est une que de ne pas t’épouser, chère mignonne.
Oh ! la grand-mère flatteuse !
Voyons, ma petite Berthe ! tu sais si je t’aime ! Mais plus je t’aime, plus ton avenir m’inquiète. Après moi, qui te protégerait ? Personne. Léon est trop jeune pour remplir décemment ce rôle de tuteur quand la grand-mère ne serait plus là ! Ce qu’il y a donc de plus simple et de plus sage pour toi, c’est d’être sa femme.
Mais, grand-mère, qui te dit que Léon pense à m’épouser ? Il me regarde encore comme une enfant, j’en suis sûre.
On ne sait pas ! on ne sait pas ! il faudra que petit à petit je le fasse un peu causer à ce sujet…
Sérieusement, grand-mère, je te supplie de renoncer à cette idée.
Oh ! oh ! quelle gravité, Mademoiselle ! Et pourquoi ce ton solennel ?
Écoute, grand-mère… c’est ta faute, tu m’y as forcée ! Mais puisque tu parles de mariage, tu sais bien que depuis cinq ans…
Tais-toi, Berthe ! je t’ai dit qu’il ne fallait plus jamais me parler de cette folie.
Mais, grand-mère…
Assez, Mademoiselle ! je vous en supplie.
Tu es fâchée contre moi, grand-mère ?
Oui.
Grand-mère ! grand-mère ! pardonne-moi ; ne boude pas ta petite Berthe ; tu sais bien que je t’aime ! Regarde-moi de ton bon regard, je t’en prie, grand-mère ! Je te promets d’être sage ; je ne le ferai plus, bonne maman !