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Jérôme est un jeune homme trentenaire traversant une période de doutes, de conflits intérieurs et de changements aussi brusques que douloureux. Entre la perte d'un être cher, un amour interdit et la fermeture annoncée de l'entreprise dans laquelle il avait trouvé un semblant d'équilibre ; ce dernier va devoir puiser dans ses ressources afin de calmer la tempête qui le submerge et réordonner sa vie qu'il peine à maitriser. Parviendra-t-il à dompter ces turbulences, venir à bout de ses fragilités et enfin trouver la paix ?
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Seitenzahl: 116
Veröffentlichungsjahr: 2024
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CHAPITRE 1 : UN ADIEU
CHAPITRE 2 : BIENVENUE DANS MON MONDE
CHAPITRE 3 : KATELYN… ET LES AUTRES
CHAPITRE 4 : FOLIE NORMALE
CHAPITRE 5 : LES MEILLEURS PARTENT TOUJOURS LES PREMIERS
CHAPITRE 6 : UN LOURD PASSIF
CHAPITRE 7 : RESPIRER
CHAPITRE 8 : UN AVENIR RADIEUX
C’était inévitable. Comme une évidence que l’on se refuse d’admettre. J’ai appris sa mort ce matin tôt, par un coup de téléphone quelque peu intriguant, me laissant un soupçon d’appréhension. J’ai reçu les mots sans les concevoir, sans en saisir le sens. Ils n’étaient, à cet instant, rien de plus que des mots. J’ai fini par raccrocher le téléphone, et, nonchalamment, ai pensé qu’il était l’heure de partir effectuer mes courses alimentaires hebdomadaires, comme si de rien n’était, comme si cet appel n’avait jamais intégré le cours de ma réalité. Je me suis dirigé vers mes grands sacs à l’effigie de la chaine de magasins au sein de laquelle je vais depuis que je me suis installé dans cet appartement situé plein centre de cette petite ville agréable qu’est Bettembourg, à quinze minutes de train de la capitale luxembourgeoise, de l’autre côté de la frontière. Je me suis avancé vers ces deux grands sacs, me suis baissé afin de les saisir, et, tout à coup, je me suis effondré. Littéralement. Lamentablement. Je me suis retrouvé les genoux sur le carrelage à sangloter continuellement dans le silence qui est le mien face à la douleur lorsqu’elle m’enivre aussi violemment. C’était à cet instant que j’ai réalisé. Mon cerveau venait d’intégrer la teneur de ce fait. Ma grand-mère était morte. Mamie Odetta, cette femme rustre au caractère véhément mais d’une extrême bonté de cœur, au phrasé chantant et reconnaissable entre mille, cette femme ayant souffert la majeure partie de son existence, méprisée, bafouée, exploitée… cette femme foudroyée par la mort de l’homme ayant partagé sa vie pendant cinquante longues et belles années, avant de s’être vu dépérir lentement, douloureusement, mois après mois, dans l’agonie d’un corps qui l’abandonnait fatalement. Cette femme a rejoint les cieux, quittant cette terre de misère, cet enfer infâme pour qui ne née pas du bon côté de la rivière, afin de recouvrer les êtres partis avant elle, ces êtres qu’elle a tant aimés, et dont elle a tant souffert l’absence des années durant. Mamie Odetta, ce n’était pas qu’une femme, une simple mamie. C’était un personnage de dessin animé incarné en chair humaine comme un miracle qui nous avait été donné afin de cueillir, le temps d’un weekend, d’une semaine, ou de quelques heures, suffisamment d’innocence, de bienveillance et de rires à gorges déployées pour que les torpeurs, les injustices, les drames et les douleurs de la vie quotidienne dans ce monde gris et terne nous paraissent finalement surmontables. Malgré son tempérament volcanique et sa voix puissante, je n’avais rarement rencontré autant de tendresse, de luminosité, de gentillesse dans la plus pure expression à l’intérieur d’une seule et même personne. Enfant ou pendant mon adolescence, je souffrais beaucoup de l’absence de dialogue, d’affection et de soutien de la part de ma mère, un être que j’ai pourtant toujours admiré. C’était dans les bras de Mamie Odetta que je trouvais refuge. Les séjours chez elle ainsi que mon grand-père Aldo me faisaient l’effet de journées portes ouvertes au Paradis. Avec mamie Odetta, mon insécurité, mes angoisses, mes douleurs et cette tristesse qui vivaient en moi depuis toujours s’évaporaient à l’instant où je franchissais la modeste entrée de cet appartement situé dans les H.L.M d’une petite commune de la région parisienne. Elle se tenait là, bras tendus et ouverts, souriant aux éclats, acclamant ma venue comme si le Roi d’Angleterre en personne lui rendait visite. Moi qui dans ma vie quotidienne d’enfant apeuré et souffrant puis adolescent traumatisé, ne me sentait pas exister ni compter pour qui que ce soit ; durant ces instants fugaces, je me sentais enfin vivre, porter un nom, être moi, une véritable personne à part entière. Mamie Odetta était un antidote. Plus tard, elle s’est montrée d’un grand soutien sans faille, lorsque la galère financière, professionnelle ainsi que la dépression m’eurent submergé des orteils jusqu’au cou. Lorsque tous les amis de façade eurent oublié mon existence et que certains membres de ma famille plus ou moins éloignée creusaient le trou de mon cercueil, mamie Odetta était là, fidèle à elle-même. Elle était heureuse de me voir, de m’entendre au téléphone, et tenait parfois quelques mots de réconforts, des paroles sages de ces gens simples qui ont trop vécu. Elle ne pouvait m’offrir davantage, mais ce fut déjà beaucoup. Ces dernières années, devenu un homme à proprement parlé, je me suis tenu à son chevet durant chacun de mes congés, comblant la distance comme je le pouvais, afin de lui rendre, modestement, tout ce qu’elle m’avait apporté durant ces trente longues années où j’avais eu l’honneur de la côtoyer. Aujourd’hui, mamie Odetta nous a quitté. Le moment était venu d’abréger cette souffrance inutile qu’elle subissait depuis bien trop longtemps. Cette souffrance, je l’ai perçue, je l’ai ressentie à chaque instant. Chaque seconde, chaque respiration, chaque pas, chaque tâche des plus basiques étaient devenues des épreuves. Habituée à survivre au travers d’une vie de misère, de maladies mal traitées et de blessures de l’âme aucunement considérées, elle s’était résignée et acceptait sa sentence. Chaque fois que je l’observais, je me demandais comment je pouvais me plaindre, être triste, me sentir malheureux, moi qui étais jeune, en bonne santé et profitait d’une situation correcte. Je culpabilisais. Pourtant, aucun malheur ne se compare, car chaque histoire est unique et seule la souffrance compte. Que l’on ait connu la guerre, ou que l’on ressente un vide immense depuis que notre ex nous a quitté ; le point commun est la souffrance. Toutefois, assister à ces ouragans de douleur auprès de cette femme que j’aimais tant me faisait l’effet d’un poignard planté au cœur, que l’on sortait au milieu de ma chair déchirée avant de le planter de nouveau avec la plus grande cruauté. Mamie Odetta nous a quitté. Repose en paix, du repos le plus majestueux qu’il puisse être possible d’expérimenter…
J’ai immédiatement prévenu ma supérieure hiérarchique, madame Claudine, à la boutique alimentaire dans laquelle je travaille depuis plus de quatre ans désormais. Cette dernière, femme au tempérament particulièrement prononcé faisant office de carapace protégeant un cœur grand comme le monde et une sensibilité des plus touchantes, m’a offert sa compassion sincère et accordé une semaine de congés sans une once d’hésitation. Durant ma vie, je n’ai pas eu la chance de rencontrer beaucoup d’êtres humains particulièrement bienveillants ni équilibrés psychologiquement, ce qui a eu l’effet de me rendre parfois sombre et déséquilibré à mon tour ; toutefois il existe des rencontres qui changent le cours de notre existence, et madame Claudine est de cette trempe-là. J’aurais probablement l’occasion d’en dévoiler les raisons un petit peu plus tard…
J’apprends au fil des heures de cette journée me semblant plongée au fin fond d’un mauvais rêve que les obsèques sont prévues dans trois jours. Je cours donc acheter mes billets de train et me prépare mentalement à cette rude épreuve qui s’annonce. Au téléphone, mon père, fils de mamie Odetta, a éclaté en sanglots. Etrangement, je suis parvenu à le réconforter, à maitriser mon émotion. C’était au repas du soir, mangeant seul autour de cette longue table arpentée d’une nappe jaunâtre fleurie de petits graphiques assez typiques des nappes de grands-mères – qui appartenait bien évidemment à mamie Odetta-, que je me suis projeté de nouveau chez elle, dans son appartement à la décoration d’après-guerre, partageant un bon repas à ses côtés, profitant de ses exclamations de joie continues à chaque bouchée, elle qui aimait tant la bonne nourriture, qui aimait tant manger avec les gens qu’elle aimait d’un amour qu’aucun mot ne pouvait décrire… elle qui aimait la vie, dans sa plus simple expression. Durant ce moment, plongé dans cette solitude qui soudainement m’a semblée pesante, j’ai de nouveau croisé son regard empli de fierté, me répétant inlassablement à quel point elle me trouvait brave, fort et intelligent, disait partout autour d’elle qu’à ses yeux, j’étais un roi (rien que cela) et à quel point elle admirait le chemin que j’avais parcouru ces dernières années. Je me suis souvenu de ce que je ressentais, lorsqu’elle me disait ces mots. Un torrent parcourant mes entrailles jusqu’à caresser délicatement ma gorge, et ma réponse qui ne parvenait à sortir de ma bouche, par pudeur, probablement. Je me suis entendu penser à quel point je l’aimais, à quel point j’étais fier d’être son petit-fils, à quel point je la trouvais courageuse, et combien sa présence et sa chaleur m’aidaient, me faisant office de bouffée d’oxygène hors de mon quotidien qui m’épuise parfois. Mes mots restaient dans ma gorge et dans mon cœur, figés par l’émotion. Je me contentais de la fixer, les yeux humides, hocher la tête en guise de remerciement, et lui sourire. Toute la scène s’était rejouée dans mon esprit au milieu du silence de ma solitude, et c’est alors que je me suis effondré de nouveau, pleurant toutes les larmes de mon corps. Mamie, si tu savais comme je t’aime…
Je cherche à rationaliser, à maitriser la peine qui me fissure. Elle avait quatre-vingt-cinq ans. Ce n’est que le cycle logique des choses de la vie et de la mort. Ce n’est donc pas un drame à proprement parler. Cela devait arriver. Elle souffrait tellement… parfois, j’en viens même à ressentir une forme de délivrance. Souffrir pour souffrir, sans solution, sans remède, n’a aucune vertu, aucun intérêt, sinon une forme de sadisme malsain dont la vie sur Terre fait bien trop souvent preuve à mon goût. La laisser partir est le meilleur cadeau que je puisse lui offrir dorénavant. Mais il va me falloir du temps. La mort n’est jamais douloureuse pour les êtres qui l’affrontent mais plutôt pour ceux qui vivent et la côtoient. La mort nous prive d’êtres précieux qui donnent sens à une existence qui, intrinsèquement, n’en a aucun. La mort a ce don de nous arracher le cœur qui battait essentiellement au rythme de ceux que nous aimons, et qui, une fois son œuvre effectuée, bat dans le vide que l’absence dessine. La mort nous oblige à composer avec ce vide et le remplir par quelque manière que ce soit, sous peine de plonger dans les basfonds de notre psyché et ne plus ressentir le goût savoureux que la vie peut contenir lorsque nous sommes en capacité mentale et physique de l’expérimenter à sa juste valeur. Aussi douloureuse et angoissante que puisse être la mort pour les vivants, elle n’est cependant que rarement synonyme de fin. Elle n’est qu’une blessure qui s’ajoute à d’autres. Cela va de la petite entaille jusqu’à l’hémorragie, selon les histoires ainsi que les liens qui nous unissent et nous appartiennent. Mais la vie continue son chemin, et nous nous devons, en l’honneur de nos morts, de nous y agripper et nous laisser porter parce que la vie est le plus grand miracle qui puisse exister. Ce cœur qui bat dans notre cage thoracique et cet air emplissant nos poumons est ce que nous possédons de plus précieux et mérite tous les combats.
Deux jours plus tard, je fus de retour au bercail, dans la maison de campagne qui m’aura vu grandir, à cinq-cents kilomètres de mon environnement d’adoption, rejoignant ainsi mon pauvre père au regard ombragé où les larmes peinèrent à se tenir sages aux bords de ses fragiles paupières. Je retrouvais également ma mère, me souriant jusqu’aux oreilles, le regard plein de vie, malgré les circonstances, visiblement enchantée de ma présence après de longs mois d’absence causée par la distance géographique et un emploi dans le domaine du commerce croquant constamment la moitié de mes weekends. Enfin, s’est jetée dans mes bras à travers l’hystérie qui la caractérise jusque dans ses pores, ma petite sœur, Dana. Ce grand bout de femme à l’allure éternellement juvénile, la silhouette menue, un regard tristoune camouflé derrière ses lunettes, et une énergie magistrale à n’importe quel moment de la journée, capable de lâcher des bêtises incommensurables, ciblant très souvent sous la ceinture, en improvisation des plus spontanées, sans jamais craindre la panne d’inspiration. Ce grand bout de femme que j’ai vu grandir, que j’ai vu subir, dont j’ai perçu les failles et que j’ai vu sombrer face à mon impuissance déchirante durant nos adolescences respectives, que j’ai tenté de sauver, d’accompagner, avec mes faibles moyens, mes petits bras et toute ma bonne volonté, et malgré ses mots, parfois, qui m’ont profondément blessés, dans l’expression de sa souffrance atroce, de ce monstre qui lui rongeait les tripes et qu’elle seule pouvait anéantir une bonne fois pour toutes. Observer l’un des êtres que l’on aime le plus au monde s’autodétruire est l’une des choses les plus difficiles à expérimenter. Par chance, ou plutôt grâce à sa force mentale sans égale, ma petite sœur est parvenue à prendre le dessus dans le combat de son existence. Elle est parvenue à dompter le monstre et depuis, se reconstruit, morceau par morceau, malgré les difficultés constantes qu’elle peut rencontrer dans sa vie de jeune femme. Elle se doit à la fois de lutter contre ses démons du passé qui ne meurent jamais, et trouver sa place dans le présent, créer son épanouissement dans un environnement où les perspectives d’avenir sont proches du néant, qui plus est après un parcours scolaire chaotique, et trouver cet homme qui saura la porter vers les sommets de son immense potentiel vis-à-vis des qualités humaines qui sont les siennes, chose particulièrement