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Hervé Larose, un braqueur particulièrement dangereux, criminel sans scrupules, orchestre une évasion sanglante du Centre pénitentiaire. Son objectif ? Organiser avec ses complices un nouveau hold-up de bijoux. Un des policiers chargés de l'enquête, le lieutenant Tran, tombe sous le charme de Karine Rochas, la ravissante matonne prise en otage lors de la fuite du truand. Mais il découvre qu'elle ne dit pas toute la vérité. L'inquiétude grandit quand plusieurs membres du gang perdent la vie dans des circonstances violentes. Un polar haletant, riche en rebondissements, dont l'intrigue est tissée avec jubilation par le Dr K. –
À PROPOS DE L'AUTEUR
L'auteur.
Olivier Kourilsky (le Dr K) a publié dix romans policiers, dont quatre ont été primés. Au fil des ouvrages, on suit la carrière du docteur Banari, du commissaire Maupas et du commandant Chaudron, une jeune chef de groupe à la Crim'. Le Dr K a également écrit un émouvant témoignage de son parcours médical, "La Médecine sans compter".
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Seitenzahl: 188
Veröffentlichungsjahr: 2024
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À Bob, Marie-Thérèse et Françoise,qui me manquent tellement.
« Ma vengeance est perdue s’il ignoreen mourant que c’est moi qui le tue. »
Jean Racine, Andromaque.
Ce roman est une fiction. Toute ressemblance avec des événements ou des personnages réels serait une coïncidence.
Le chauffeur descendit au dernier sous-sol, réservé aux abonnés. Il gara la grosse Mercedes sur son emplacement numéroté et prit l’ascenseur. La sortie du parking se trouvait juste en face du Palais de justice. Un voisinage qu’il n’appréciait pas particulièrement, mais le prix de l’abonnement était raisonnable… par rapport aux autres parcs du coin. Et puis, le Tribunal de Paris se trouvait maintenant dans le quartier des Batignolles, à côté de la Brigade criminelle. On respirait un peu mieux !
Il était près de vingt-trois heures. À cette heure tardive, le boulevard du Palais était peu fréquenté. L’homme, portant un élégant costume bleu marine, traversa le pont Saint-Michel, rejoignit la rue Danton et entra dans le bel immeuble du numéro sept. Il habitait au dernier étage.
En sortant de l’ascenseur, il se retrouva face à une silhouette vêtue de noir et masquée. Il n’eut pas le temps de se poser de question ni de réagir : la décharge puissante du Taser dans le cou, presque à bout portant, le paralysa.
Son agresseur vérifia que l’escalier était désert, prit les clés de l’appartement dans la poche de sa victime, ouvrit la porte et traîna l’individu, incapable de se défendre, à l’intérieur.
Quelques minutes plus tard, un corps s’écrasa sur le trottoir avec un bruit sourd. Bientôt, des cris s’élevèrent dans la rue, un attroupement se forma.
Dans l’obscurité, personne ne remarqua la silhouette noire qui se glissait hors de l’immeuble.
Septembre 2021, Centre pénitentiaire sud-francilien.
Le lieutenant Tran arriva vers dix heures. Il avait dû utiliser son GPS pour trouver la prison, absente de tout panneau indicateur. C’était un lieu moins touristique que le château de Vaux-le-Vicomte ou celui de Blandy-les-Tours, distants d’à peine quinze kilomètres.
Cet établissement de près de huit cents places, construit à proximité de Réau en Seine et Marne, comportait plusieurs quartiers de détention, pour les hommes et pour les femmes, un Centre national d’évaluation et une maison centrale de vingt-huit places, accueillant des détenus condamnés à de longues peines. C’est là qu’il se rendait pour interroger Hervé Larose, un dangereux braqueur de banques en détention provisoire depuis un an, attendant son procès. Le dernier braquage s’était mal terminé : un otage tué et Larose interpellé au terme d’une course-poursuite en voiture que n’aurait pas reniée Jean-Paul Belmondo. L’otage était une jeune mère de famille de vingt-sept ans, employée de la banque, abattue sans hésitation par le gangster au moment où elle cherchait le bouton du système d’alarme. Les lourds antécédents du brigand lui faisaient craindre une condamnation à la perpétuité.
Hervé Larose avait un profil particulier. Bac plus cinq, ingénieur forestier, cet homme d’une intelligence affûtée avait, de façon surprenante, dérivé vers le grand banditisme et réuni autour de lui une petite bande avec laquelle il organisait des braquages de plus en plus audacieux. Banques, bijouteries, transport de fonds… Dénué de toute once d’humanité, il révélait lors de ses attaques à main armée une brutalité sans limites et une froide cruauté. Les membres de sa bande étaient plus ou moins identifiés, mais demeuraient introuvables. L’un d’entre eux avait été arrêté lors d’un précédent braquage. C’est ce qui avait permis aux policiers d’en apprendre un peu plus sur le personnage, bien que le suspect n’ait lâché aucune information permettant de remonter jusqu’au chef. Mais à la façon dont il en parlait, on comprenait que Larose exerçait un ascendant considérable sur ses troupes, des hommes dévoués à sa cause. Outre des contacts dans les sphères les plus variées de la société, il bénéficiait de nombreuses planques secrètes.
Quelques mois plus tôt, le procureur avait saisi la Crim’ en raison d’un élément nouveau. Un promeneur avait découvert le cadavre décomposé d’une jeune joggeuse disparue dans la forêt d’Armainvilliers depuis plus d’un an. La victime, Béatrice Milovanovic, avait la colonne cervicale brisée. Le corps était dissimulé sous des branchages dans un coin reculé du massif forestier. De toute évidence, le meurtrier connaissait bien la région. On avait trouvé de l’ADN sous les ongles de la victime. Les prélèvements furent examinés sans urgence particulière au laboratoire de l’Institut national de police scientifique de Paris. Et là, surprise : Cet ADN se révéla être celui de Larose. Et Larose habitait Coubert et travaillait à l’Office national des forêts avant de changer d’orientation… Compte tenu de la personnalité du suspect, ennemi public presque numéro un, le juge d’instruction avait dessaisi la PJ de Versailles au profit de la Crim’.
« Décidément, il a toutes les qualités, celui-là », avait commenté Claude Chaudron, la chef de groupe, en recevant la commission rogatoire.
Tran avait déjà pris connaissance du dossier établi par ses collègues versaillais et avait réinterrogé la famille de la victime. Le père, Bogdan Milovanovic, d’origine serbe, était peu causant. Brigitte, la mère, assurait l’essentiel de la conversation. Les gendarmes leur avaient annoncé quelques semaines plus tôt la découverte du corps et leur avaient demandé d’identifier les vêtements et les effets retrouvés sur le cadavre. C’est ainsi, qu’après vérifications génétiques, on avait pu affirmer qu’il s’agissait bien de Béatrice, en l’absence de tout papier d’identité sur elle et de téléphone portable.
Béatrice Milovanovic avait donc disparu depuis plus d’un an et Tran comprit vite que les parents en voulaient à la gendarmerie de ne pas avoir pris au sérieux cette disparition au début. Il observa donc une réserve prudente et manifesta toute l’empathie possible en évitant de dénigrer ses collègues, qui avaient fait ce qu’ils pouvaient.
Le lieutenant s’entretint aussi avec le jeune frère de la victime, Frédéric, qui habitait chez ses parents. Il paraissait presque résigné, un peu effacé, et surtout peu bavard. Tran n’en tira rien de plus.
*
Situé en pleins champs, le Centre pénitentiaire était un quadrilatère de béton aux couleurs plutôt claires, blanc et jaune, entouré de hauts murs. En partie réalisé par des groupes privés – système maintenant bien connu des administrations publiques, l’État n’ayant souvent plus les moyens d’investir… –, il avait été le théâtre de plusieurs évasions, dont celle spectaculaire de Redoine Faïd en hélicoptère. Ce qui avait donné lieu à un titre provocateur de l’Express : « Contrats en or, prisons en carton ».
*
Tran gara son véhicule sur le parking presque désert – les visiteurs ne se bousculaient pas le matin –, ajusta son masque FFP2 et se passa un peu de gel hydroalcoolique sur les mains. Il se dirigea vers l’imposant portail métallique. La quatrième vague de covid refluait, mais les gestes barrières demeuraient de rigueur.
Le regard le subjugua. Il s’attendait si peu à une telle rencontre dans cet endroit. La féminisation des surveillants pénitentiaires, amorcée en 1983, progressait aussi dans cette profession, jusque-là très masculine ! Des yeux bruns, à peine maquillés, rieurs et pétillants. Il ne voyait pas le visage à cause du masque. Les cheveux châtain foncé, aux reflets auburn, étaient longs mais tressés en natte. Elle était grande, un peu plus grande que lui, remarqua-t-il avec un brin de frustration. Sa démarche était souple et élégante, et son uniforme ne parvenait pas à dissimuler une silhouette très féminine.
– Bonjour, vous êtes le lieutenant Tran ? dit l’apparition d’une voix gaie et mélodieuse.
Muet de saisissement, le policier acquiesça d’un signe de tête.
– Enchantée, je suis Karine Rochas. Voulez-vous prendre un café pendant qu’on va chercher votre client ?
– Avec plaisir, dit Tran qui aurait sauté sur n’importe quel prétexte pour prolonger cet instant.
Karine le conduisit à un petit bureau meublé de façon spartiate. Une cafetière pleine trônait déjà sur la table. La jeune femme passa un appel pour prévenir que l’officier de police de la Crim’ était arrivé, puis attrapa deux tasses et les remplit.
– Avec ou sans sucre ?
– Sans sucre, merci.
Ils s’installèrent face à face et Karine baissa son masque pour boire.
Tran découvrit un visage charmant, une bouche bien dessinée rehaussée d’un rouge à lèvres vif qui l’attirait comme un aimant. Le regard de la jeune femme l’hypnotisait.
– Vous devriez retirer votre masque, ce serait plus facile pour boire, dit-elle avec un sourire moqueur.
Le policier s’exécuta d’un geste brusque. « C’est donc ça qu’on appelle un coup de foudre ? » pensa-t-il. Tran, après une liaison avec Chrystel, une infirmière qu’il avait rencontrée lors d’une précédente enquête, était célibataire1. Mais il ne se rappelait pas avoir un jour ressenti une telle attirance pour une femme.
– Vous… vous êtes très jolie.
C’était sorti tout seul. Il se sentit ridicule. Mais elle ne sembla pas s’en offusquer.
– C’est gentil, répondit-elle.
Un silence un peu gêné s’installa. La jeune femme reprit la parole.
– Alors, La Crim’ s’intéresse à notre pensionnaire ? Il a déjà un pedigree bien fourni, pourtant. Qu’y a-t-il ajouté ?
Son sourire le fascinait.
– Eh bien, disons qu’il a laissé ses traces ADN sur une scène de crime ancienne, un peu avant son arrestation. Mais le corps n’a été retrouvé que récemment.
Karine Rochas se pencha en avant, intéressée.
– Il aurait tué un homme ou une femme ?
– Une jeune femme, dans la forêt d’Armainvilliers.
– Quelle horreur !
Elle semblait sincèrement choquée et il se retint de lui prendre la main.
Un appel téléphonique rompit le charme.
Il vit le visage de Karine s’assombrir.
– Quoi ? … Ça tombe vraiment mal ! Tout de suite ? Bon…
Elle raccrocha sèchement.
– On a un problème. Le détenu a été pris de douleurs abdominales violentes et a vomi. Il n’est pas en état d’être interrogé maintenant, et il faut l’emmener à l’hôpital. Il n’est vraiment pas bien.
Tran ne put retenir un juron. Il s’était déplacé pour rien. Et il ne pouvait se départir d’une certaine méfiance : la coïncidence entre ce malaise brutal et sa visite était surprenante.
– Je dois monter dans le fourgon avec lui, dit la jeune femme, ajoutant une frustration supplémentaire pour le policier qui espérait passer un peu de temps avec elle. On programmera dès que possible un autre rendez-vous.
*
Une dizaine de minutes plus tard, le fourgon prit la route du Centre hospitalier. Tran avait aperçu Larose, menotté et soutenu par un maton et par Karine. L’homme avait la trentaine passée, il en paraissait plus. Des cheveux noirs et longs encadraient un visage peu avenant, mal rasé ; ses yeux sombres le fixèrent un moment avec hostilité. Il avait une carrure de lutteur, mais il paraissait mal en point, le teint livide. Son regard perçant mit Tran mal à l’aise.
Depuis 2019, c’est l’administration pénitentiaire qui se chargeait des opérations de transfert de détenus. Le personnel étant réduit, l’escorte ne comprenait que deux agents et Karine Rochas, qui monta à l’arrière avec Larose.
Tran avait laissé son numéro de portable à la jeune femme, qui lui avait promis de le tenir au courant. Le contact n’était donc pas rompu… Le lieutenant alla récupérer son arme de service qu’il avait dû laisser en entrant dans la prison.
C’est au moment où il se dirigeait vers sa voiture qu’il entendit, au loin, des rafales d’armes automatiques.
1 Voir Marche ou greffe ! Éditions Glyphe, 2018.
Tran courut jusqu’à sa voiture. Le moteur cala et il perdit un temps précieux à s’acharner sur la clé de contact. Lorsque le moteur démarra enfin, Tran partit en trombe, abandonnant au passage quelques grammes de caoutchouc sur le sol, et fonça vers la sortie du Centre pénitentiaire. Au premier rond-point, il s’engagea à vive allure sur la gauche dans la rue des Poiriers qui menait à l’autoroute A5. Il pila net.
Le fourgon était immobilisé sur le bas-côté, juste avant la maison de retraite installée dans le château de Plessis Picard.
Le lieutenant dégaina son pistolet et s’approcha avec prudence du véhicule. Il était encore entouré d’un nuage de fumée. Des impacts de balles étaient visibles sur la carrosserie, la porte côté conducteur était entrouverte, la porte arrière aussi. Aucune trace du prisonnier ni de Karine Rochas. Il sentit l’affolement le gagner.
Tran découvrit le chauffeur affalé sur son volant, sérieusement blessé. Son gilet pare-balles lui avait sauvé la vie, mais plusieurs projectiles l’avaient atteint à l’épaule et à la cuisse. Il saignait abondamment. Son collègue était écroulé sur la banquette avant. Mort. Il avait pris une balle en pleine tête. L’odeur métallique du sang emplissait l’habitacle.
Le policier sortit son portable et appela le centre pénitentiaire.
– Lieutenant Tran, de la Criminelle. Le fourgon a été attaqué ! Il y a deux agents à terre, dont un mort ! Le prisonnier s’est évadé et le troisième agent a disparu ! Appelez les secours ! Je reste sur place !
– C’est fait, lieutenant. On a entendu les coups de feu. Une équipe est en route. On a contacté le Samu.
Tran regarda du côté de la prison et aperçut un véhicule arriver en trombe et piler net à quelques mètres. Deux gardiens en jaillirent.
– C’est pas vrai ! lâcha l’un d’entre eux en s’approchant du fourgon. Où est Michel ?
Il semblait bien connaître un des agents. Tran l’arrêta d’un geste.
– Il y a un mort et un blessé grave. Le prisonnier s’est évadé et Karine Rochas a disparu.
Il sentit sa gorge se nouer.
Mais le gardien avait eu le temps de voir. Il avait les larmes aux yeux.
– Putain, les salopards ! C’est Michel qu’ils ont tué !
Tran s’approcha du blessé. Celui-ci, très pâle, grimaçait de douleur. Le policier trouva une boîte de Kleenex dans l’habitacle et tenta de comprimer la plaie de la cuisse, celle qui saignait le plus. L’homme cria.
– Courage. Les secours arrivent. Vous allez vous en tirer. Avez-vous la force de me dire ce qui s’est passé ?
– Ils nous attendaient… Leur véhicule barrait la route. Ils nous ont tiré dessus sans hésiter… J’ai été touché. Ils ont crevé les pneus… Michel a voulu sortir du fourgon, ils l’ont flingué… Pendant que l’un d’entre eux me tenait en joue, l’autre a balancé une grenade fumigène à travers la grille de séparation et a fait sauter la serrure de la porte arrière à la Kalachnikov… Ils ont emmené Karine avec eux… Ça s’est passé très vite.
– Ils sont partis par où ? Vous avez vu leurs visages ? Leur voiture ?
– Ils étaient deux… Trois avec le chauffeur… Ils portaient une cagoule… L’un d’entre eux était très baraqué, c’est tout ce que j’ai remarqué… J’ai à peine eu le temps d’apercevoir leur véhicule avant qu’ils ouvrent le feu… Une grosse berline noire… Peut-être une BMW… Je ne suis pas sûr.
Le blessé était épuisé, avait le souffle court. Il avait déjà donné beaucoup de détails malgré son état.
Tran entendit une sirène. Le Samu arrivait. Il jeta un regard à la route déserte. Les malfrats devaient déjà être loin. Il se demanda avec angoisse ce qui était arrivé à Karine. La savoir prise en otage par ces gangsters sans pitié n’avait rien de rassurant.
Le groupe du commandant Chaudron était au complet dans un grand bureau du nouveau 36, situé rue du Bastion dans le quartier des Batignolles. Malgré la modernité et la fonctionnalité de leurs nouveaux locaux, les policiers avaient bien du mal à oublier le quai des Orfèvres.
Le capitaine Maurice Pivert et les lieutenants Ange Robin, Sami Helal, Nathalie Machaut, Alain Versoni et Tran s’étaient répartis autour de la table de réunion.
– C’est rocambolesque cette évasion, attaqua Claude Chaudron. En plus, ce n’est pas la première à Réau. Il a dû préparer cela de longue date, et a peut-être bénéficié de complicités sur place. Il n’attendait qu’une occasion comme celle-ci. Je suppose qu’on l’avait averti de la visite de Tran. A-t-on des nouvelles du véhicule dans lequel ils se sont enfuis ? Toujours pas identifié ? L’analyse des caméras de surveillance de l’A5 n’a rien donné ? Ils ne se sont quand même pas évaporés !
La chef de groupe ne cachait pas son humeur de dogue.
– Non, aucune nouvelle pour l’instant, répondit Tran, humilié et inquiet pour Karine. Des barrages ont été mis en place aussi vite que possible, mais ils avaient déjà pris de l’avance. On est en train d’éplucher toutes les visites qu’Hervé Larose avait reçues récemment.
– Et alors, ça donne quoi ?
– Elles étaient rares. Il y a son avocat, Maître Sollaro, et sa sœur, Sabrina, enseignante dans un lycée à Marne-la-Vallée.
– Attends, Sollaro, je connais…
– C’était pas le guacamole de Bardu ?1 intervint Pivert, qui ne reculait jamais devant un mauvais calembour.
– Bien vu, acquiesça Claude Chaudron. Il a beaucoup de clients dans ce… milieu.
– Il était donc averti de la visite de Tran. Bizarre qu’il n’ait pas souhaité être présent, non ? insista Pivert.
– Il avait un empêchement majeur, mais a demandé à recevoir le rapport d’audition et se réservait la possibilité de contestation, précisa Tran.
– Tiens, tiens, quelle coïncidence…
– Oui, il va falloir l’interroger avec des pincettes, il est particulièrement retors, dit la chef de groupe. Et sa sœur ?
– Aucun casier. Enseignante sans histoire. Elle rend visite à son frère une fois par mois environ. On ira l’interroger.
– Larose n’avait pas accès à un téléphone ? demanda Ange Robin.
– En principe non, mais comme tu sais les détenus se débrouillent toujours pour obtenir un portable. Il y a des trafics incessants dans les maisons d’arrêt.
Le portable de Tran sonna. Il répondit avec précipitation.
– Oui ? Ah ! bonne nouvelle ! Elle n’a rien ? pas blessée ? … Quel soulagement ! Pouvez-vous la conduire jusqu’ici ? Il faut qu’on la débriefe.
Le visage du policier, renfrogné jusque-là, rayonnait, ce qui n’échappa pas à Claude Chaudron.
– C’est la gendarmerie de Provins. Karine Rochas a été libérée par ses ravisseurs sur une route de campagne entre Nangis et Provins. Elle a arrêté un automobiliste et a fait prévenir les gendarmes.
– Et le véhicule des ravisseurs ? Toujours pas repéré ?
– Non. Mais on va peut-être en savoir plus. Je vais interroger Karine dès qu’elle arrive.
– Bon, conclut la chef de groupe. Répartissons-nous les tâches. Ange et Sami, vous allez retourner à Réau enquêter sur une éventuelle complicité à l’intérieur de la prison. Alain et Maurice, vous vous chargez de Maître Sollaro… Et restez diplomates ! Nathalie, peux-tu voir avec la gendarmerie si on n’a pas une idée sur la localisation de la voiture du gang ? S’ils n’ont pas changé de véhicule, on devrait bien finir par la repérer. Tu iras aussi interroger Sabrina Larose. Je reste avec Tran pour débriefer Karine Rochas.
Le lieutenant ne put dissimuler une grimace de contrariété, ce qui conforta Claude Chaudron dans son intuition.
– Tran, reste avec moi, j’ai quelque chose à te dire.
Elle attendit que les autres membres du groupe aient quitté son bureau et colla en évidence un post-it devant elle : « Appeler Clotilde ».
– Tu sais, je pense qu’on ne sera pas trop de deux pour discuter avec cette jeune femme. C’est un interrogatoire délicat. Elle va être encore sous le choc. Il faut qu’on arrive à mettre le doigt sur des détails importants auxquels elle ne pensera pas forcément. Et il y a autre chose…
Le lieutenant la regarda d’un air surpris.
– Il n’est pas exclu qu’elle soit impliquée dans cette évasion. Nous devons rester professionnels, quelle que soit la sympathie qu’elle nous inspire. Donne-moi deux minutes, je dois appeler la fille au pair.
Claude Chaudron, désormais en couple avec son collègue Hubert Piron des Stups, avait donné naissance à un garçon il y a plus d’un an. Elle devait maintenant s’adapter à de nouvelles contraintes et l’aide de Clotilde, sa fille au pair, était précieuse. Elle avait trouvé une perle.
Claude ne serait bientôt plus la seule à affronter ces problèmes : Nathalie Machaut était enceinte du lieutenant Igor Pougnisky, un officier des Stups également. Le groupe du commandant Chaudron virait à la pouponnière.
1 Voir Le Septième Péché, Éditions Glyphe, 2e édition, 2022.
Elles étaient toutes les deux cachées par l’arbre, à l’abri des regards indiscrets. La clôture du jardin se trouvait à deux mètres de là. Elles s’étaient glissées avec précaution entre les barbelés et s’étaient accroupies. Elles se tenaient face à la petite boîte en métal.
La fillette aux couettes blondes déposa avec solennité la petite bague en métal doré qu’elle avait gagné à la fête foraine. L’autre, avec ses cheveux châtain foncé attachés en queue-de-cheval, choisit son bracelet avec des perles en plastique colorées.
– Attends.
Trois petits coquillages, souvenirs de colonie à la mer, vinrent rejoindre les bijoux. Puis, deux gros cailloux bleus lisses. Elles ajoutèrent ensuite un cliché photomaton où elles faisaient des grimaces, un ruban rouge, puis une carte postale du château de Blandy-les-Tours.
Elles fermèrent soigneusement la boîte avec un gros élastique, creusèrent un trou au pied de l’arbre et enfouirent leur trésor. Ensuite, elles recouvrirent la boîte de terre et prirent la précaution de remettre l’herbe en place. La végétation avoisinante dissimulait leur cachette et il fallait s’approcher très près pour remarquer quelque chose.
– Comme ça, Dodo ne le trouvera pas.
Elles se faufilèrent entre les fils barbelés. La blonde poussa soudain un petit cri. Elle venait de s’érafler l’avant-bras sur une pointe et du sang perlait.
– Laisse-moi faire.
Son amie tamponna la plaie avec son mouchoir jusqu’à ce que le saignement s’arrête. Elle essuya ses doigts tachés de rouge.
– À la vie, à la mort, conclut-elle en riant.
Elles coururent jusqu’à la maison, satisfaites.
Personne ne les avait vues.
Lorsque Karine Rochas, accompagnée d’un gendarme, entra dans le bureau, Claude Chaudron comprit mieux l’émoi de Tran. Même dans son uniforme de matonne, et, malgré les événements de la journée, la jeune femme irradiait de charme. Ses cheveux tombaient en cascade sur ses épaules, sa natte s’était défaite en cours de route. Son teint était blafard, mais son regard, qui avait séduit Tran, était toujours aussi vif.
– Asseyez-vous, Madame Rochas, je vous en prie. Vous devez être épuisée. Nous allons faire aussi vite que possible.
– Merci beaucoup. La journée a été éprouvante, c’est vrai, confirma la jeune femme en s’installant d’un mouvement souple, presque félin, dans un fauteuil.
– Racontez-nous ce qui s’est passé exactement.
– Eh bien, nous venions de quitter l’établissement pénitentiaire. Michel et Christian, mes deux collègues, étaient à l’avant du fourgon, moi derrière avec le détenu. On avait à peine tourné à gauche dans la rue des Poiriers qu’on est tombés dans un guet-apens.
La jeune femme s’interrompit, la gorge serrée, la bouche sèche. Tran lui apporta un verre d’eau. Elle le remercia d’un hochement de tête.