Une ombre au tableau - Sophie Détample-Caron - E-Book

Une ombre au tableau E-Book

Détample-Caron Sophie

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Beschreibung

Quel chemin Éva va-t-elle emprunter ? Peut-elle réellement faire face à son destin ?


Dans une salle de cinéma sombre et vide, Éva lit trois phrases sur l’écran :
Pour la douleur d’un être ivre
Pour le meilleur et pour le pire
Pour le bonheur et pour le vivre
Ce sont trois options, trois destins qu’elle peut vivre, trois chances de modifier le passé pour réparer le présent. Et comme Éva aimerait le changer, son passé ! Effacer la violence d’Anatole, son épave, qu’elle aimait pourtant, le sauver peut-être, trouver du réconfort auprès de quelqu’un et non du tableau de son salon qui reflète curieusement ses humeurs ; comme elle aimerait tout cela !
À présent, elle a le choix. Vivre ou mourir, échec ou bonheur, Éva parviendra-t-elle à construire le bon scénario pour atteindre le happy end dont elle rêve depuis des années ?


Dans ce roman ambitieux, Sophie Détample-Caron emboîte habilement trois histoires, trois routes que la fragile Éva va emprunter tour à tour pour se (re)construire, s’affirmer et devenir l’héroïne de sa propre destinée.


À PROPOS DE L'AUTEURE


L’auteure hypersensible a trouvé, depuis sa plus tendre enfance, refuge dans les livres. D'une âme poète son stylo l'a très tôt aidé à évacuer son trop plein d'émotions qui la rendait timide, susceptible et asociale. En grandissant Sophie s'est découvert une vocation : « sauver les autres » et pousser constamment l’ « être » à chercher à comprendre le fonctionnement de son cœur afin qu’il soit en résonance avec sa santé et avec le reste de l’humanité. Malgré plusieurs déboires personnels Sophie est resté courageuse. Elle a refusé de s’aigrir et a décidé de faire publier ses romans et ses recueils de poésies pour partager les richesses issues de son imaginaire, inspirées par des situations, des individus, des scénarios et des paysages réels. Elle a décidé de rester dans une dynamique de remise en question et de reconstruction. Les notions d'Amour, de Partage et d'Humanité restent les mobiles principaux de ses écrits.

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UNE OMBRE AU TABLEAU

DU MÊME AUTEUR

* La Nounou, Édition Jets d’Encre, 2017

* La Secte du Bâton doré, Édition Jets d’Encre 2018

* Un soir une histoire, Édition Jets d’Encre 2018

* Une Ombre au tableau, ÉditionJets d’Encre 2019

* Naufrages en Miroir, Published by Amazon 2020

1) Première partie (les échoués de St Lauris)

2) Deuxième partie (Au delà des maux, les sentiments)

3) Roman Complet – Amazon 2021

& PNL (numérique tous formats)

* Le Club des 13 Crimes et Sentiments, Published by Amazon (octobre 2020) et by bookelis

* Un jour un Conte, Published by Amazon, 2021

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L.122-5, 2 et 3 a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à son utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou des ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

ISBN : 978-2-35523-129-2

Sophie Détample-Caron

Une ombre

au tableau

Avant-propos

« Pour quelqu’un qui ne sait pas lire, les lettres sur une page semblent avoir été choisies au hasard mais, en réalité, elles ont été ordonnées avec précision. »

Deepak Chopra.

N’est-ce pas aussi le cas de l’existence humaine ? Aristote, le célèbre philosophe grec, croyait que tout arrivait toujours pour une raison et que chaque expérience avait pour but de nous dynamiser et de nous guider vers une version de notre être ultime et plus grande que nous n’aurions jamais pu imaginer.

La seule chose qui empêche le bon déroulement de ce procédé, c’est de manquer de sagesse pour le voir.

Certains peuvent trouver cela difficile à croire, mais tout arrive pour une raison, surtout en période de deuil ou de perte. Sur le moment même, il peut être très difficile de voir la bénédiction en soi, car tout ce que l’on ressent c’est de la douleur, mais c’est pendant ces périodes creuses de notre vie que nous gagnons en sagesse et permettons à la force nouvelle d’émerger.

Sans la mort, nous ne saurions apprécier la vie, et sans la tristesse, nous ne saurions apprécier l’amour.

Un quartier calme

Le quartier ouest de cette petite ville était réputé pour être très calme. Pourtant, un long et insistant miaulement se fit entendre, suivi d’un autre et d’un autre encore, plus strident, plus langoureux. Les mâles appelaient leur bien-aimée. Ce son fluctuant, tantôt rauque, tantôt aigu, évoluant en intonations tout en trémolos et vibratos, alternait entre des nuances timides et calmes et des tons beaucoup plus dynamiques et plein d’emphases, aux limites de la violence. Ce concert de chats en chaleur, auxquels les femelles répondaient en chœur avec des miaulements ressemblant aux pleurs des nouveau-nés, présageait l’arrivée imminente du printemps.

Le ciel étoilé se teintait peu à peu d’ un immense rideau bleu marine recouvrant les toits des maisons et les champs de blé, laissant place, dans les rues, à un silence feutré où seules les souris, et quelques passants pressés ainsi que de rares automobilistes, continuaient de circuler.

Dans les appartements et les petites maisons du lotissement, la plupart des familles s’affairaient à préparer le dîner tandis que les écoliers terminaient leurs devoirs.

Malheureusement, dans une de ces modestes maisonnettes, un drame se jouait. Rien n’allait plus, un homme et une femme s’entre-déchiraient lors d’une terrible dispute.

Cellule de crise

Elle était effondrée, son mec venait de la rabaisser encore une fois, de la mettre plus bas que terre. Elle était persuadée qu’elle n’avait rien fait et qu’elle ne méritait pas un tel traitement. Mais Anatole était bourré, encore une fois. Ce soir, sa chimie s’était à nouveau emballée et il était d’humeur agressive. Il avait besoin de s’en prendre à quelqu’un, et comme elle était là, elle était devenue son punching-ball moral. Le problème, c’est qu’il ne se rendait même pas compte que c’était lui qui était à l’origine des hostilités. Alors qu’il passait ses nerfs sur elle, il l’accusait dans un même élan de « chercher la bagarre ». Elle était vraiment triste, se sentait seule, désemparée et elle se mit à pleurer. Cela eut malheureusement pour effet de l’énerver encore plus et il se mit à crier en lui disant que si elle continuait comme ça, il allait la quitter.

Et pourtant, elle l’aimait son homme ! Elle se disait qu’elle devait être complètement maso. D’autant plus qu’il ne se passait plus rien entre eux depuis six mois. Pas de câlin, pas de sexe, pas de compliments, pas de mots gentils. Rien ! C’était le désert affectif et la « douche dévalorisante » tous les soirs. Mais comme elle le disait à son entourage : « Il est gentil, il bricole, me prépare à manger. Il fait le ménage et il entretient la maison. Il fait tellement de choses pour moi ! » Peu de gens savaient à quel point elle était en manque d’affection, à quel point son besoin d’amour était brûlant et déchirait son cœur. Elle vivait, encore une fois, un désert amoureux et cette situation lui pesait de plus en plus. Avec les années qui s’écoulaient si rapidement, elle se sentait de plus en plus vieille, moche et indésirable. Pourtant, c’était une femme pétillante et pleine de vie, enjouée et charismatique, et quand elle souriait et qu’elle racontait toutes sortes d’histoires plus loufoques les unes que les autres, elle rayonnait et était réellement charmante. Si seulement son « amoureux » pouvait la voir telle qu’elle était et poser sur elle un regard un peu plus doux et chaleureux, il se rendrait compte à quel point il détenait une perle précieuse ; mais au lieu de cela il s’adonnait tous les soirs à son addiction favorite, la boisson, pour oublier son douloureux passé, bien trop présent encore dans sa vie et dans sa tête, et il vivait à côté de cette douce muse sans la voir. Il gâchait ce bel amour, noircissait son cœur et semait peu à peu des graines de poison, tuant ainsi sa joie de vivre et sa spontanéité, brisant à tout jamais sa jeunesse en détruisant sa bonne humeur et éteignant son sourire.

Ce soir, Anatole avait, une nouvelle fois, atteint sa cible. Il était satisfait, elle s’était recroquevillée dans son coin, refermée sur elle-même comme une huître et elle ne parlait plus, ne bougeait plus, ne riait plus. Elle profita d’un petit moment d’accalmie pour se lever et se réfugier derrière son bureau, dans un coin du salon. Elle s’était mise à trier des papiers, comme si c’était de première importance. En réalité, elle faisait n’importe quoi parce qu’elle ne parvenait pas à se concentrer. Ses émotions avaient pris le pas sur son mental, alors elle agissait de façon mécanique. Elle faisait des piles et déplaçait des tas. Cela ne servait à rien, elle le savait, mais elle devait bouger les doigts pour ne pas tomber plus bas, pour penser à autre chose. Cela fonctionnait assez bien en général. Quand elle avait besoin de se défouler davantage, elle se mettait à déchirer ou froisser des publicités et elle les jetait à terre en jubilant intérieurement. Cela lui redonnait un peu d’énergie car elle pouvait ainsi, sans le laisser paraître, et donc sans provocation, extérioriser sa colère. Bref, ceci et le ménage avaient toujours représenté deux excellents exutoires.

Cependant, au bout d’un moment, devant l’absence de réactions de la jeune femme, Anatole revint vers elle et recommença à la titiller. Il n’était pas satisfait et, poussé par des pulsions agressives non assouvies, il chercha à nouveau le conflit.

Non loin de là, quelques heures avant, Marc.

L’après-midi était pluvieuse, mais il faisait tout de même assez doux. Marc, vêtu d’un long pardessus marchait jusqu’au Grand Palace. Arrivé dans le hall, il réajusta nerveusement sa cravate. Son rendez-vous n’allait pas tarder, il s’agissait d’être à la hauteur et de ne pas se laisser surprendre par son interlocuteur, car l’avenir de la boîte dépendait de ce contrat. Pourvu que M. Millau accepte de le signer !

Marc était en avance. Il s’installa au bar de l’accueil et commanda un expresso. Il déballa son ordinateur pour vérifier un dernier diagramme tout en sirotant son café.

Il était totalement absorbé par son travail, révisant nerveusement son argumentaire, quand il sentit une main se poser doucement sur son épaule. Marc sursauta et se retourna, mais il n’y avait rien ni personne ! Il se raisonna et se traita de dingue en se disant qu’il était, décidément, bien trop stressé. Il allait se concentrer de nouveau sur sa méthodologie quand il vit M. Millau pénétrer dans le grand hôtel. Marc s’empressa alors de fermer la page active de son ordinateur et se leva pour saluer cet important personnage.

Bien que M. Millau se montre extrêmement pointilleux et pose toutes sortes de questions, l’entretien, qui dura près de deux heures, se termina en apothéose puisqu’il finit par signer le gros contrat que Marc avait pris soin de préparer en triple exemplaire. Toutefois, après la signature, cet important homme d’affaires avait rapidement pris congé, non sans avoir catégoriquement refusé l’invitation gastronomique que lui proposait Marc dans cet hôtel cinq étoiles, pour fêter leur accord. Il avait été plutôt vexé par ce rejet, mais il n’avait rien laissé paraître. Après tout, peu lui importait puisque le contrat avait été signé. Il irait donc célébrer cela tout seul.

Quand Éva fait un faux pas…

Ce soir, comme plusieurs autres soirs précédents, Anatole avait été particulièrement insupportable.

Elle était malheureuse, une fois de plus. Elle se demandait pourquoi elle tombait sans arrêt sur des hommes qui, dans le fond, ne l’aimaient pas. Ils faisaient des choses pour elle, certes, mais à la fin elle se retrouvait toujours dans des situations délicates où elle était rabaissée, humiliée et dénigrée. Elle réagissait puis se taisait, cela ne servait à rien d’attiser le feu. Elle comprenait qu’elle n’était pas estimée et aimée et qu’en définitive, elle provoquait chez l’autre un sentiment de rejet ou d’indifférence. Après tout, on s’en fichait pas mal de ce qu’elle pouvait ressentir, elle était méprisée, voire pire, traitée par le déni. C’était normal puisqu’elle n’existait pas vraiment ! Elle connaissait ce sentiment, elle l’avait déjà vécu dans son enfance avec sa mère qui, probablement, ne l’aimait pas non plus. Elle l’avait toujours dérangée et elle n’avait pas eu le droit d’être, elle le savait. Mon Dieu, elle venait de comprendre pourquoi elle se retrouvait avec un homme pareil : parce qu’il se comportait avec elle de la même façon que sa mère l’avait fait durant toute son enfance. Quelle horreur ! Mais pourquoi donc avait-elle reproduit ce schéma qui l’avait pourtant tellement fait souffrir ? Sans doute parce que dans les tréfonds de son esprit nébuleux, elle devait assimiler cela à une forme d’amour familier puisqu’elle n’avait jamais rien connu d’autre.

Comme d’habitude, il recommençait ses accès maniaques et il l’envoyait sur les roses en lui tenant des propos très durs, heurtant de plein fouet sa sensibilité. L’alcool aidant, un relent d’agressivité larvée s’était à nouveau éveillé et avait eu pour effet de le rendre méchant, psychorigide et obsessionnel. Il l’avait regardée avec une supériorité glacée et il lui avait tenu plein de propos désagréables et dégradants. Elle était mortifiée mais, pour ne pas aggraver les choses, elle prit le parti de ne pas répondre, de ne plus lui parler, mettant en place son bouclier mental et se renfermant sur elle-même comme un escargot rentrant dans sa coquille. Et, comme il se retrouvait face à un mur, il se mit à insister et se montra de plus en plus blessant pour la pousser à réagir. Cela finit par marcher, et une violente dispute éclata. La jeune femme sortit de ses gonds et traita son compagnon de tous les noms. Celui-ci, extrêmement vexé, la gifla. Elle se mit à hurler et le poussa contre la cheminée avant de prendre la poudre d’escampette. Elle sortit en claquant la porte. Le poêlon à marrons, accroché juste au-dessus de la cheminée, lui tomba sur la tête, il perdit l’équilibre et son front heurta le sol moquetté. Assommé, il perdit connaissance. Il était tout seul et à terre.

Le tableau

Au mur du salon, un tableau était suspendu qui appartenait à Éva. C’était un cadeau que lui avait offert sa mère dans un bon jour, qui le tenait elle-même de son arrière-grand-mère. Il représentait un soleil couchant sur une rivière qui tombait dans un lac. On voyait au fond un petit voilier. Il y avait de la verdure tout autour et un chemin de pierre conduisait en haut d’une petite colline jusqu’à une maisonnette. Sur la gauche, comme reliant la terre et le ciel, un étrange cylindre creux se dressait de façon presque indécente et envahissait l’espace. Un rayon de soleil le frappait en plein cœur et le remplissait afin d’irradier le sol d’une chaleur et d’une énergie concentrées, presque surnaturelles. Ce cylindre demeurait une énigme pour Éva. Un jour, il faudrait qu’elle rencontre ce peintre, s’il était encore en vie, pour lui demander ce que cet objet symbolisait.

Mais ce soir, le tableau semblait s’être assombri. Le rayon venant du ciel et pénétrant dans le cylindre avait pris une couleur violet sombre avec des reflets verts. C’était vraiment étrange. Sauf que pour l’heure, personne ne le regardait, donc nul être vivant ne remarqua ce curieux phénomène.

Larmes et analyse de la situation

Elle s’assit sur un banc, la tête totalement parasitée, de grosses larmes remontèrent jusqu’à ses yeux et coulèrent le long de ses joues en une fontaine intarissable. Son corps fut secoué par de gros sanglots en réponse aux appels de détresse de son cœur impuissant, désarmé et fragilisé, qui était comme un soldat vaincu, à terre, seul, sans arme, blessé, abandonné, attendant la mort. Elle était dans un endroit désertique, ce qui lui évitait de se donner en spectacle et de devoir se justifier. Elle avait horreur de ça. Dans un petit sursaut de survie, sa raison s’était un peu réveillée, mais son cœur, lui, s’en fichait : il était bien trop chagriné pour se contenir. Il criait sa douleur, ne lui laissant pour seule possibilité que celle de pleurer amèrement pour lui rappeler qu’elle était encore vivante.

Elle commença alors à réaliser que jamais cet homme ne changerait. Cela la fit déprimer encore davantage. Le tempérament caractériel d’Anatole avait l’art de gâcher des soirées pourtant bien commencées. Quand des préoccupations personnelles surgissaient, il ne supportait pas une ambiance décontractée, bon enfant et heureuse. Il s’énervait alors pour des raisons intérieures obscures qui demeuraient une énigme pour l’assistance. Parfois même, plusieurs objets volaient en éclats. Il s’en prenait à n’importe qui et à n’importe quoi. Surtout s’il se sentait mal et qu’il n’était plus le centre d’attraction de la soirée. Un peu comme un enfant qui fait des bêtises pour attirer l’attention sur lui.

En réalité, cet homme avait le cœur brisé, c’était un écorché vif qui, avec les années, était devenu hyper réactif, émotionnellement instable et sauvage. Elle savait bien que dans un second temps, il allait culpabiliser et s’en vouloir, mais chaque fois, tout recommençait et à chaque nouvelle altercation, son caractère en dents de scie et sa violence interne remontaient à la surface. Elle lui avait déjà proposé des thérapies, mais il les avait toujours refusées. Il ne supportait pas les psys. Il était trop pudique pour exposer ainsi sa vie, ses blessures et ses problèmes, et il était persuadé que cela ne servait à rien. Et même si elle le désapprouvait, dans le fond, elle le comprenait. Et puis elle lui pardonnait toujours. Elle l’aimait et il le savait.

C’est alors qu’elle se ressaisit : après tout, c’était très bien comme ça, car au moins, puisqu’aucune autre femme ne pourrait jamais le supporter, on ne le lui « piquerait » pas. Il était si beau ! Elle se surprit à sourire.

Au bout d’une dizaine de minutes, elle reprit ses esprits et commença à s’en vouloir. Extrêmement inquiète, elle se dit qu’elle était folle, qu’elle n’aurait jamais dû le laisser seul dans son état, il pouvait lui arriver n’importe quoi. Elle sécha très vite ses larmes et rentra précipitamment.

Quand elle arriva, elle trouva Anatole couché et endormi dans son lit. Elle se sentit, à tort, rassurée.

La soirée de Marc

Il aurait dû être le plus heureux des hommes, mais Marc se sentait un peu seul et ne décolérait pas face au refus de M. Millau d’accepter son invitation. Il se sentait vexé et bafoué. Cette attitude avait un côté supérieur et méprisant qui lui déplaisait fortement. Décidément, les personnes qui avaient de l’argent se comportaient souvent comme des sales gosses égocentriques, hautains et capricieux.

Marc était un homme des plus charmants et accumulait les conquêtes d’un soir, mais il ne s’était jamais fixé. C’était un célibataire endurci qui n’avait pas rencontré de femme lui donnant l’envie de se poser. Il estimait que la vie était trop courte pour passer son temps à vivre des obligations morales et des contraintes à la place du plaisir. On en avait suffisament comme ça dans le monde du travail si on voulait faire carrière et gagner assez d’argent pour vivre de façon décente et agréable. Pour le reste, il était inutile de s’enchaîner. Pourtant, paradoxalement, cet homme avait un sens de l’éthique et de la morale extrêmement développé et, en réalité, son besoin de liberté cachait un fond totalement idéaliste et sentimental. Aussi, dès sa première déconvenue, il avait mis un cadenas sur son cœur et blindé son accès à tout sentiment amoureux. Même s’il passait des moments intenses de désir, de plaisir et de jeux sensuels de toutes sortes avec des femmes frivoles et légères, monnayés la plupart du temps, il ne poursuivait jamais trop longtemps ses ébats avec la même, dans le but de se préserver et de ne pas s’attacher.

Ce soir, il avait fait le tour de son répertoire et aucune femme n’était disponible. Il pouvait toujours aller au Donjon rose, s’il le souhaitait, mais il était un peu las. Il avait besoin de parler et d’échanger. Il ne voulait pas de sexe. Il voulait juste une compagnie séduisante et amicale, et personne ne répondait à ces critères. Il était lassé de tous ces jeux de charme et il voulait vivre autre chose. Il ne trouva pas d’autre consolatrice qu’une bouteille de vodka. Ce fut à elle qu’il raconta ses tourments.

Mais, au bout d’une heure, il se retrouva dehors, dans le froid, la tête plongeant par intermittence dans une fontaine publique. Il avait été sorti par le videur de l’hôtel parce qu’il commençait à parler trop fort à sa bouteille et à se mettre en colère contre elle. Il avait déjà cassé plusieurs verres. Il se fit donc dessaouler par le videur de la façon la plus radicale qui soit : la tête dans la fontaine ! Ce dernier ne faisait qu’appliquer les consignes données par le barman qui ne voulait pas être tenu pour responsable si son client avait un accident de voiture en rentrant chez lui. Au bout de quelques minutes, Marc fut abandonné là à son triste sort, mouillé et frigorifié.

Un sommeil un peu trop profond

Éva était allongée à côté d’Anatole. Il était froid. Son regard s’était figé d’un coup. Elle ne voyait pas l’évidence car elle ne voulait pas le quitter. D’instinct, elle le recouvrit et se rapprocha. Elle posa sa tête sur son bras. Elle lui parla, mais il ne réagit pas. Et pour cause. Elle lui prit les mains, lui tapota la joue, mais rien n’y fit. Elle se dit qu’il dormait profondément. Elle se cala contre lui, comme d’habitude, et s’endormit également.

Deux heures après, quand elle se réveilla, elle avait très froid, et lui aussi. Elle le secoua pour qu’il se lève, car il allait être en retard au travail, mais il ne bougea pas. Il avait toujours le même regard fixe. Comme l’autre jour, il devait dormir les yeux ouverts. Elle ne se rendait même pas compte qu’il ne respirait pas. Elle lui caressa l’épaule pour l’éveiller tout en douceur, il n’aimait pas être bousculé, elle le savait bien. Il devait être malade, elle le couvrit davantage et le laissa dormir. Elle téléphona à son patron pour signaler qu’il avait pris froid et qu’il dormait encore. Il ne viendrait pas au travail cette nuit, elle le tiendrait au courant pour le lendemain.

Pendant qu’Anatole dormait, elle se rendrait plus utile en allant faire les courses. Elle devait se dépêcher car le dernier magasin allait bientôt fermer et quand il se réveillerait, comme il était très fatigué, il aurait sûrement faim et besoin d’elle.

Rencontre

Elle venait de sortir du supermarché et elle était embarrassée parce que la voiture avait du mal à démarrer. Mais, en insistant un peu, elle y parvint. Elle était à douze kilomètres de chez elle, il fallait absolument qu’elle rentre. Malheureusement, au bout de cinq minutes, le véhicule se mit à avoir des ratés puis il s’immobilisa. Impossible de redémarrer.

Comme l’assurance du véhicule était périmée, elle n’osait pas appeler l’assistance. Tant pis, elle décida de rentrer à pied. Prenant son sac de courses, elle ferma la voiture à clé et se mit à marcher sans vraiment avoir la notion du temps que cela lui prendrait.

La lune était très brillante. Elle était pleine aux trois-quarts et entourée d’un halo lumineux blanc et doré. Non seulement c’était très joli mais en plus cette lampe du ciel lui permettait de ne pas avancer dans l’obscurité totale. La pénombre suffisait amplement à sa lente progression.

Elle trouvait son sac de plus en plus lourd et commençait à avoir mal aux pieds. Le découragement était en train de la gagner. Elle ne pouvait appeler personne car elle avait oublié de recharger son téléphone portable. Elle s’assit alors un instant au bord de la route. C’était une départementale entourée de champs et, en plein milieu de la nuit, Éva ne se sentait guère rassurée. Elle regrettait de s’être ainsi éloignée de tout. Elle n’aurait pas dû quitter sa voiture. Elle aurait mieux fait de s’y reposer et de prendre le car du matin. Puisqu’Anatole dormait, ça n’aurait pas changé grand-chose.

Fatiguée, elle piocha dans ses provisions pour se concocter un pique-nique improvisé. Cela faisait environ vingt minutes qu’elle s’était arrêtée de marcher quand elle vit les phares d’une voiture. Elle se décala un peu pour ne pas se faire renverser et se remit à marcher sur le côté, à la limite d’un champ de blé, tout en agitant les bras, dans l’espoir qu’on la voie et, comprenant sa détresse, qu’on s’arrête. Miraculeusement, ce fut le cas ! Un homme fit halte à son niveau, lui demanda si tout allait bien et ce qu’elle faisait là, seule, dans la nuit. Elle lui expliqua qu’elle était en panne à environ cinq kilomètres de là, qu’il lui restait encore sept kilomètres à parcourir pour rentrer chez elle, mais qu’elle commençait à être fatiguée.

Marc se présenta. Il était commercial, célibataire et en train de rentrer chez lui après un important dîner d’affaires légèrement arrosé. Il était de bonne humeur car il venait de décrocher un gros contrat. Très amusé par cette situation rocambolesque, il se montra très courtois et décida d’aider cette pauvre femme, d’autant plus que son visage et sa façon de parler lui rappelaient quelque chose. Il avait la curieuse impression de la connaître. Elle monta volontiers dans l’Alfa Roméo du jeune trentenaire qu’elle trouvait charmant et élégant. Elle avait eu beaucoup de chance de tomber sur quelqu’un de sympa. Pendant les quelques kilomètres qui la séparaient de chez elle, ils discutèrent comme s’ils étaient de vieux amis et qu’ils se connaissaient depuis toujours. Assurément, le courant passait très bien entre eux.

Marc n’avait pas envie de laisser filer une jeune femme aussi charmante. Devant la porte d’entrée, au moment de se dire au revoir, encore grisé, il fit preuve d’audace. Il plaqua Éva contre la porte et l’embrassa voluptueusement. Bien que très surprise par ce geste inattendu, elle répondit d’abord favorablement à ce baiser agréable, puis elle le repoussa gentiment.

— Je ne peux pas, j’ai quelqu’un dans ma vie. Il est en haut, dans la chambre, en train de dormir. Il est malade, je dois m’occuper de lui. Je suis ravie d’avoir fait votre connaissance mais restons-en là, si vous le voulez bien.

Marc était à peine surpris. Il avait pris un risque qui avait abouti à un demi-échec, ce n’était pas grave, cela ajoutait même un peu de piquant à l’aventure. Il avait toujours aimé les défis. Il n’était pas près de renoncer à une femme aussi chouette, mais comme il était respectueux, il souhaitait avant tout un consentement dans une relation. Il lui tendit sa carte de visite avec un sourire.

— Je suis désolé de m’être montré aussi entreprenant. Si vous voulez bien, restons tout de même amis. Voici mon numéro de téléphone. Si jamais vous vous retrouvez une nouvelle fois en panne de voiture en pleine nuit, ou pour toute autre chose, appelez-moi !

Éva le remercia et il partit.

Elle remonta dans la chambre pour voir si son petit ami s’était enfin levé. Il dormait toujours et n’avait visiblement pas bougé. Zut, à l’évidence, il avait même un peu régurgité. Décidément, il semblait bien malade et son sommeil était très profond. Elle lui nettoya la bouche. Il avait toujours aussi froid ; elle ajouta une couverture supplémentaire. Très lasse, elle se coucha à côté de lui. Ils mangeraient tous les deux un peu plus tard, quand Anatole irait mieux.

Un réveil difficile.