Vampire Solitaire - Tome 3 - Priscilla Llorca - E-Book

Vampire Solitaire - Tome 3 E-Book

Priscilla Llorca

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Beschreibung

« Après avoir fait face à la plus grande menace du monde des vampires, Anna Andolini a fait le choix de renoncer à la vie dont elle rêvait pour protéger ceux qu’elle aime de sa nature et des dangers de son monde.
  Seulement d’autres spectres de son passé sont toujours bels et bien présents.
  Plus dangereux.
  Plus sournois.
  Et plus maléfiques encore.
  Elle a fui son passé toute sa vie.
  Elle va maintenant devoir y faire face.
  Sera-t-elle prête à l’ultime sacrifice ? »

À PROPOS DE L'AUTEUR

Priscilla Llorca, née le 15 Décembre 1989, à Toulon, écrit depuis l’âge de 15 ans : « Au départ, il s’agissait seulement de fan-fiction. Je reprenais des épisodes de mes séries préférées pour donner les fins que je souhaitais avoir. Puis un jour, j’ai eu un déclic : écrire ma propre histoire, mon propre roman, avec mes personnages. Et Vampire Solitaire est né… »

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Vampire Solitaire

Pour Melinda et Alicia,

L’important dans la vie est la liberté d’être qui l’on souhaite devenir.

Faites ce qui vous rend heureuse.

Profitez de la vie.

Chérissez chaque instant.

Amusez-vous.

Riez jusqu’à en perdre haleine.

Aimez les autres et surtout aimez-vous.

Profondément.

Sincèrement.

Réellement.

C’est le moment de se libérer de tout.

Des chaînes.

Des fardeaux.

Soyez fières de vous.

Vous douterez probablement.

Vous hésiterez certainement.

Vous pleurerez sûrement.

Vous réussirez forcément.

Pour chaque étape de vos vies, ne doutez jamais d’un point :

Je serai toujours là.

Et surtout je vous aime.

« Si vous ressentez vos chaînes,

Vous êtes déjà à moitié libre. »

Prologue

Anna

Trancher une tête, il n’y avait rien de plus radical.

Du sang coulait, telle une fuite d’eau, tandis que le corps de mon ennemi tombait lourdement sur le sol. Vêtue de ma tenue de guerrière entièrement de cuir noir, je pouvais aisément dissimuler toute trace visuelle du combat venant d’avoir lieu.

Dans une existence classique, lorsque l’on se rend dans une boîte de nuit, c’est pour apprécier l’alcool qui était servi, la musique pour danser et pour certains qui désireux se rencontrer pour passer une agréable deuxième partie de soirée. J’avais vécu ces moments de plaisirs. Bien qu’à mon époque, ce n’étaient pas des boîtes de nuit, où le seul objectif était de trouver une nouvelle proie.

Une nouvelle victime.

Un nouvel amant d’une soirée.

Après avoir été transformée en vampire par mon ex-mari Jared, décédé quelques années plus tôt, j’avais suivi un chemin ténébreux, où il ne régnait de mort, sexe, et sang. Je n’avais été désireuse que d’une chose : oublier.

Oublier mon humanité passée.

Oublier que j’avais été trahi par le seul homme que j’avais aimé.

Oublier cette douleur qui me donnait l’envie de mourir.

Oublier que j’avais été celle qui avait tué l’ensemble de ma famille.

Du moins, c’était ce que je croyais à l’époque.

La réalité avait été tout autre finalement.

Mon père et ma sœur avaient survécu… jusqu’à la grande bataille contre notre créatrice Gina, qui avait conduit à la mort de ma sœur. Cette pensée me serra le cœur, consciente du mal que je lui avais fait. J’avais cru pouvoir l’atteindre, l’émouvoir de nouveau, et quand j’avais pensé que j’y arriverais, elle me fut arrachée, me laissant à jamais avec le poids du remords… du regret.

Ce fut pourquoi à présent, j’étais dans les rangs de l’armée des vampires.

J’avais trouvé une autre raison de subsister.

J’étais là en tant que guerrière de l’ombre, missionnée par le Conseil des vampires pour mener à bien la tâche qu’il m’avait confiée.

Devenue l’un des atouts essentiels de mes aînés, j’avais depuis plusieurs années trouvé un nouveau but à mon existence. Après avoir été une tueuse, je me retrouvais maintenant à punir les vampires ayant commis des crimes.

Ironique, non ?

Je m’étais totalement détournée des humains, pour n’être qu’avec les miens. Je n’étais plus dans le déni de moi-même, j’avais fini par accepter ce que je suis, d’utiliser mes pouvoirs pour aider ceux qui n’en avaient pas la possibilité.

Certains vampires voyaient mon choix comme étant intéressé, dans le but unique de me repentir.

Peut-être était-ce le cas dans le fond ?

Je portais toujours ce poids de la culpabilité.

Mais, j’avais voulu me détourner de cette vie criminelle. Celle que je m’étais façonnée après avoir retrouvé mon âme.

Condamnée pour mes crimes, je fus emprisonnée durant un demi-siècle, avant d’être libérée avec pour seule condition de retrouver mon humanité perdue.

Dès ce moment, j’avais voulu me détourner du monde des vampires qui m’avait détruite et dans lequel je ne me reconnaissais pas.

À la place, j’avais opté pour une existence solitaire, dans le monde des humains.

Seulement la réalité était que je n’y appartenais pas non plus.

Pourtant, je voulais m’y accrocher ardemment.

J’aimais cette vie.

J’avais construit une petite existence normale, où la mort n’était plus, où il n’y avait pas d’ennemi, pas de combats, pas de proies, pas de chasse, pas de meurtres. En m’installant à New York, j’avais même réussi à trouver l’amour. Chose que j’avais pensé impossible à la suite de mon mariage avec Jared, mon premier amour. Après la trahison était venue la destruction.

Entre nous, il y eut haine, mépris, rancœur, dépendance affective et aussi sexuelle.

Tout était destructeur dans notre relation.

Autant lui envers moi.

Que moi envers lui.

J’étais peut-être même pire en réalité.

J’avais aimé jouer de lui.

De ses sentiments.

De son amour.

Jusqu’à pouvoir en faire ce que je souhaitais pendant des siècles.

Pourtant, il y avait eu du bon dans notre histoire.

Pendant un temps, j’avais vraiment cru que c’était lui.

Même lorsque j’étais humaine et qu’il m’avait confié ce qu’il était, j’étais certaine qu’il serait l’homme avec qui je passerai ma vie. Mais tout avait changé quand il m’avait transformé sans mon consentement. Et je fus encore plus éloignée de lui en retrouvant mon âme. Il n’y eut plus de jeu de manipulation, plus de rapprochement comme autrefois. Puis, j’avais rencontré Nick.

L’amour de ma vie.

Et c’en fut fini de mon histoire avec Jared, ce qui l’avait conduit à trahir Ilena, avant de le conduire à sa propre mort…

Avec Nick les choses étaient plus simples.

Je menais une existence simple et pourtant profondément heureuse.

Seulement, j’avais fini par le perdre lui aussi.

J’avais préféré renoncer à lui, plutôt que de voir son prénom dans la liste des proches décédés par ma faute.

Et dès cet instant toute ma vie avait perdu de son sens.

J’étais seule.

Sans attache.

À part mon père.

Ma meilleure amie était morte.

Tout ce qui me caractérisait n’existait plus.

J’avais perdu l’essence même de ma vie.

Ainsi, à défaut de vivre, autant permettre à des innocents de le faire pleinement.

Tel était maintenant mon chemin de vie.

Ça n’avait rien de dramatique.

C’était ainsi.

Je ne voulais plus que la mort m’accompagne, ni mette mes proches en danger.

J’avais compris que je ne serais pas heureuse moi-même et que je ne pouvais partager ma vie avec personne. Pourtant, j’étais amoureuse. Plus que ce que je n’avais jamais été. Mais cette relation n’était pas pour moi.

Je ne le méritais pas.

Pas après tout ce que j’avais fait.

J’avais fini par accepter ma condition.

Pour vivre une toute nouvelle autre vie qui me satisfaisait.

Et de me focaliser sur des vampires criminels.

Le criminel du jour ?

Un vampire connu pour le kidnapping d’enfants, dont il aimait s’abreuver pendant de longues semaines, avant de ramener leurs cadavres à leurs parents. Propriétaire de cette discothèque dans laquelle je me trouvais, j’avais dû jouer de mes charmes pour le désarmer totalement.

Un homme, vampire ou humain, était très basique.

Une tenue aguicheuse.

Un sourire enjôleur.

Un décolleté suffisamment plongeant pour le laisser voir la marchandise, et le tour était joué. De plus l’avantage des combinaisons des guerriers de l’ombre était qu’elles étaient suffisamment moulantes pour dévoiler la forme et en descendant quelque peu la fermeture éclair cela donnait une vue imprenable sur ma poitrine.

Avec les années, l’on peut croire que les bas instincts d’un homme évoluent.

La réalité était toute autre.

Ils étaient peut-être encore plus obsédés par la sexualité.

Probablement parce qu’il n’y avait pas la moindre limite.

Les vampires étaient à la recherche d’une seule chose : le plaisir et certains prêts étaient prêts à tout pour l’obtenir. Y compris les monstruosités comme celle-ci.

Il était maintenant temps de trouver la pièce qu’il dissimulait pour retrouver la petite fille qu’il avait enfermée ici.

Les yeux clos, je posais ma main directement sur le sol imbibé de sang pour percevoir la moindre vibration, la moindre émotion, la moindre essence de crainte de l’enfant.

Laissant naviguer cette énergie en moi, je me dépossédais totalement de tout ce qui était matériel, pour aspirer les souvenirs se murant entre chaque fissure. Je déployais mes sens à la fois de vampire et de sorcière. Tout s’était subitement tu. Il n’y avait plus de musique. Plus de voix autour de moi. Plus de tambourinement de gens se remuant avec ferveur.

Mon esprit était clos.

Au point même de me donner la sensation d’avoir quitté mon corps pendant un instant.

Je naviguais contre les recoins de chaque mur pour percevoir la moindre vibration, le moindre murmure, le moindre battement de cœur.

La réalité était que la matière avait de la mémoire.

Chaque évènement.

Chaque chose qui s’était produite ici était dans la mémoire de ce lieu.

Ainsi, je la découvris, en train de hurler et se débattre.

Maintenue par les chevilles et les poignets, il l’avait ligoté avec une corde.

Cela éveilla une colère vive quand finalement je fus en capacité de savoir où exactement dans la boîte de nuit elle se trouvait. Maintenant qu’elle m’était perceptible, je ressentis tout son effroi.

Elle était terrorisée.

Elle pleurait.

Mon cœur se fissura à l’attente de ses supplications.

Elle appelait sa mère.

Me munissant de mon téléphone gisant dans la poche intérieure de mon manteau, je composais de mémoire le numéro de mon coéquipier, Émilien, ou plutôt Em pour les intimes.

—Il est mort, c’est ça ?

—Je crois que tu commences à me connaître un peu trop, dis-je sur le ton de la plaisanterie.

—Le but c’est quand même qu’il soit jugé.

—Ça s’appelle le jugement dernier.

—Qu’est-ce qu’il a tenté de faire celui-là ? Il t’a touché les seins ? Les fesses ?

—Il s’est montré vulgaire dans ses propos.

—Le contraire m’aurait étonné.

Il reprit son sérieux.

—Comment veux-tu procéder ? La boîte est bondée…

J’entendais d’ici la musique tambouriner, l’odeur des humains se trémoussant allégrement, sans conscience du réel danger qui rodait autour d’eux.

Cette légèreté me manquait.

L’insouciance du mal.

Il était loin le temps où je n’avais qu’à me soucier de ma petite personne, à ne penser qu’à mes propres besoins, les plus éphémères les uns que les autres.

C’était le prestige de mon ancienne existence d’humaine : ne penser qu’à moi, trouver un sens à ma vie, être en quête d’amour et surtout être dans la méconnaissance de ce monde surnaturel.

Bien sûr, certains humains connaissaient l’existence des vampires comme Nick qui…

Ne pense pas à lui.

Ça ne sert à rien.

Il a certainement dû t’oublier.

Cette pensée me serra le cœur.

C’est mieux comme ça.

—Tu es toujours là ?

—Oui, dis-je après être revenue à la réalité.

—Tu as une fenêtre aux alentours ?

—Pas suffisamment grande pour qu’il passe.

—Eh bien, tu sais maintenant ce qu’il te reste à faire.

—Je n’aime pas découper les corps.

—Tu n’as qu’à arrêter de les tuer, ça serait bien plus simple !

Des bruits de pas s’avançant vers moi attirèrent mon attention.

Deux humains, un jeune homme et une jeune femme, furent sur le point d’entrer quand je me mis face à eux. Ne se rendant même pas compte de ma présence, ils se dévoraient la bouche, prompts à se dévêtir et débuter leur petite escapade nocturne.

Je les attrapai l’un et l’autre par la gorge et les regardais fixement.

Utilisant mon pouvoir de persuasion pour les paralyser totalement, je leur ordonnai de repartir et de surtout ne pas se retourner. Ce qu’ils firent sans tarder. Dans un mutisme total, ils étaient totalement sous mon emprise.

Tous deux acquiescèrent et repartirent.

Peu fervente de cette capacité, je ne l’utilisais qu’en cas extrême urgence comme celle-ci.

Le rôle premier d’une guerrière était de garder secrète l’existence des vampires. La découverte de notre existence serait un bouleversement trop important. Il fallait donc se montrer particulièrement vigilant.

Ce monde n’était pas encore prêt.

Et les vampires non plus.

M’attelant à la tâche, je retournais vers le cadavre pour le faire passer à la fenêtre.

—Je l’ai, entendis-je de l’extérieur.

Avec précipitation, je me dirigeais vers les sous-sols pour récupérer la petite-fille. M’efforçant de garder une apparence détendue, je sentais autour de moi que les vampires commençaient à percevoir le danger.

L’odeur du sang.

Bordel !

Rapidement, tous les regards des vampires furent sur moi.

Les tirs débutèrent et je dus me cacher derrière le bar pour me protéger de leur assaut. Récupérant les deux pistolets plaquaient contre mes reins, camouflés par ma veste, j’attendis que le maximum d’humains sorte avant de riposter.

Les balles continuaient de voler et percuter tout ce qui se trouvait dans leur direction. Quand enfin les cris cessèrent, je me redressais et répliquais à mon tour.

Puis, ce fut Em qui débarqua, une mitraillette à la main et tira sans le moindre ménagement. Cela me donna l’opportunité de me faufiler pour arriver à la porte menant dans le sous-sol.

D’un coup de pied, elle tomba et je dévalais les escaliers à toute hâte.

Arrivée en bas, trois vampires m’attendaient.

Il ne me fallut que trois balles pour les voir s’écrouler à leur tour.

Derrière eux, se trouvait la petite fille.

Un tissu plaqué devant les yeux.

Les pieds et les mains maintenus.

Des traces de morsure étaient visibles sur ses bras et son cou.

Enfoiré !

Lentement, je m’avançais vers elle et me mis à genou.

Elle était encore plus terrorisée.

—Tout va bien, la rassurai-je tandis que je pris sa main dans la mienne. Je suis venue pour t’aider.

Lui ôtant des yeux son tissu, je cherchais immédiatement son regard pour qu’elle ne voie pas ce qu’il se trouvait autour d’elle.

—Tu es en sécurité maintenant, n’ai pas peur d’accord ?

Je pris le poignard enfoncé dans ma botte pour la défaire de ses liens.

Pendant de longues secondes, elle plongea ses yeux dans les miens, ne sachant pas si elle devait me faire confiance ou non. Puis, elle se plongea dans mes bras et commença à pleurer ardemment.

Émue, je serrais mes bras autour d’elle.

—Tout va bien ma chérie, la rassurai-je. C’est fini maintenant.

—Je veux… voir maman…

—Tu vas la retrouver, lui promis-je. Comment tu t’appelles ?

—Lenaëlle.

—C’est un très joli prénom Lenaëlle. Moi, je m’appelle Anna, lui dis-je avec douceur.

—T’es une méchante comme eux Anna ? Me demanda-t-elle terrorisée.

—Non, lui assurai-je en lui caressant délicatement sa joue, je ne suis pas là pour te faire du mal. Je te le promets.

Je la soulevais du sol.

—Je suis venue pour te ramener à ton papa et à ta maman, mais pour ça j’ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi ?

—Quoi ?

—Tu ne dois pas regarder ce qu’il y a tout autour de nous, alors je te demande de garder les yeux clos jusqu’à ce que je te dise de les rouvrir, peux-tu le faire ma chérie ?

—D’accord, dit-elle d’une voix tremblotante.

Une heure plus tard, je garai la voiture à l’adresse indiquée de mon GPS.

Pour Émilien, rien ne valait une carte pour se guider. Déjà parce que tu n’étais soumis à rien d’autre qu’à la direction à prendre selon l’endroit où il était sans être guidé aveuglément par une technologie qu’il ne maîtrisait toujours pas.

Tournant ma tête vers le siège arrière, je vis Lenaëlle emmitouflée dans mon manteau. Profondément endormie, elle était angélique. Ses boucles retombaient sur ses joues, tandis qu’un léger ronflement s’extirpait d’elle.

Bouleversée par sa ressemblance avec Emma à son âge, j’eus aussitôt une montée de larmes.

Elle devait être si grande aujourd’hui.

Une jeune femme.

Je m’étais obligée à ne plus la voir, à ne pas la contacter, à ne pas la chercher sur les réseaux sociaux dont les humains de son âge étaient si friands. Mais c’était une véritable torture de ne pas savoir, de ne pas avoir de ses nouvelles, de ne pas échanger et lui dire combien elle me manquait.

Mais je devais accepter la vérité.

Je l’avais abandonné.

Elle devait me voir comme celle qui lui avait promis de revenir et qui n’avait pas su tenir sa parole.

Peu importe, la dureté de cette décision, je savais que je l’avais blessée, qu’à cause de moi, elle avait dû surmonter un nouvel abandon et affronter une peine que je n’avais jamais voulu lui faire endurer.

Ouvrant la porte, je pris Lenaëlle dans mes bras.

Traversant le chemin de pierre, je marchais jusqu’à la porte d’entrée. La peur transpirait entre ces murs. J’entendais d’ici les sanglots de la mère et le père crier à son interlocuteur au téléphone de tout mettre en œuvre pour que soit fille retrouvée.

Un bonheur soudain m’envahit le cœur.

J’aimais être porteuse de bonne nouvelle et celle-ci était sans doute la plus belle pour ce couple. De mon côté, j’étais de plus en plus nerveuse, consciente que je pouvais être soumise à de nombreuses questions.

Je n’osais même pas imaginer ce que l’on pouvait ressentir en ignorant où se trouve la personne que l’on aime le plus. À se demander si elle souffrait, sans savoir quoi faire ni comment la retrouver.

Traversant le chemin de pierre, je marchais jusqu’à la porte d’entrée.

La peur se dégageait d’entre ces murs.

J’entendais d’ici les sanglots de la mère.

Le père hurlait au téléphone de tout mettre en œuvre pour que sa fille soit retrouvée.

Toc toc toc.

Et ce fut le silence absolu.

Plus aucun son ne sortait de la bouche des parents.

C’est à peine si j’entendais les battements de leur cœur et leur respiration. Ils étaient démunis, apeurés, craignant que ce soit la venue qui détruise à jamais leur vie.

Mon propre cœur commença à s’emballer dans ma poitrine.

Puis la porte s’ouvrit.

Et ce fut le choc.

Le père s’appuya à l’embrasure de la porte pour ne pas s’écrouler.

Ses traits dévoilèrent autant de joie, de soulagement, que de désarroi. Des larmes embuèrent aussitôt ses yeux, à la vue de sa fille endormie dans mes bras.

Saine et sauve.

Sa main vint se plaquer sur sa bouche pour étouffer son sanglot.

—Lenaëlle…

À l’entente du prénom de sa fille, l’épouse nous rejoignit dans une course rapide. S’accrochant à son mari, tous deux s’effondrèrent sous mes yeux tandis qu’ils venaient poser leur main sur le dos de leur fille.

En sentant leur touché, la petite fille ouvrit ses yeux.

Ses prunelles marrons se posèrent naturellement sur moi. Je lui adressai un sourire réconfortant, avant de lui faire signe de se retourner.

Dès lors, elle se jeta au cou de sa mère comme si elle était son tout.

Tous trois s’étreignirent avec force et vigueur.

Émue par leurs retrouvailles, je me contentais de les observer, heureuse d’avoir pu contribuer à une telle chose.

Sur le point de les laisser, ce fut une poigne vive qui me rattrapa.

—Attendez, co… comment ? Où l’avez… vous…

La mère n’attendait guère de réponses.

Elle était juste profondément reconnaissante.

Avec force, elle s’agrippa à mon cou et m’enlaça affectueusement.

Guère coutumière de ces élans d’affection, j’avais perdu l’habitude du contact humain et de la tendresse en découlant. Je m’étais éloignée de tout ce qui pouvait me toucher émotionnellement et personnellement.

Ainsi, recevoir une telle reconnaissance me désarma totalement.

—Merci tellement ! Vous avez sauvé ma fille…

—Vous n’avez pas à me remercier, lui assurai-je en me reculant d’un pas. Sachez seulement qu’elle ne risque plus rien.

—Que pouvons-nous faire pour vous remercier ? Me demanda le père.

—Soyez heureux.

Chapitre 1

Anna

Arrivée dans ma chambre d’hôtel, je me déshabillais directement pour ne plus avoir le sang tout ce sang. Ma tenue totalement imbibée, j’avais besoin de me laver pour m’en séparer.

Jetant ma combinaison au sol, je marchais d’un pas rapide dans la salle de bain pour ouvrir l’eau chaude de cette douche à l’italienne.

La jetant sur le sol, je m’empressai d’aller dans la salle de bain pour me plonger sous la douche à l’italienne faite de pierre qui faisait très SPA. Le pommeau de douche était fixé au plafond. Il y avait de fins écoulements d’eau, telle de la pluie. L’eau brûlante me caressa avec douceur. Les yeux ouverts, l’eau prit une teinte rougeâtre jusqu’à ce que je me sois libérée de tout ce sang. Puis, j’eus une sensation désagréable qui s’éveilla au niveau de mon bras, de mon épaule, de mon ventre et une au niveau de ma cuisse droite. Ayant été sous le coup de l’adrénaline pendant tout ce temps, je commençais à peine à relâcher la pression.

J’avais des impacts de balles.

Serrant les dents, je fermais les yeux et enfonçais mes doigts pour extraire les balles par moi-même. Ce fut douloureux, mais je gardais la mâchoire serrée et les ôter une à une avant de toutes les jeter à même le sol.

Naturellement, dès que ma chair ne fut plus en contact avec l’argent – un véritable poison pour nous vampires – mes plaies se refermèrent. Il n’y avait pas de cicatrices, donnant presque l’illusion que rien ne s’était produit.

Seulement à l’intérieur, c’était différent.

J’étais meurtrie de toute part.

La quasi-totalité de mes marques de tortures était invisible à l’œil nue, à l’exception de celle au-dessus de mon sein, qui représentait le coup de poignard que je m’étais reçue pour que retrouver mon humanité perdue. Délicatement, je l’effleurais tout en l’observant un instant. Mais, elle n’était pas la pire de mes cicatrices. Celles dans mon dos étaient les plus abominables, déjà parce qu’elles mirent des années à se refermer. Mon bourreau utilisait un fouet avec de l’argent limé rajouté afin de m’empêcher de guérir rapidement. L’objectif était de me faire regretter d’être née et il avait réussi.

À cette pensée, ce fut comme si je ressentais de nouveau les lacérations de mon bourreau.

Pour oublier tout cela, je plongeais ma tête sous l’eau et me shampouinait ardemment pour ôter l’odeur de sang dans ma longue chevelure brune.

Je poussai un soupir profond.

La réalité était que j’étais épuisée.

Je ne me donnais plus l’opportunité de me poser ou de rester inactive.

Chaque journée avait son propre but, pour m’éviter de penser, de ressasser et surtout de me rappeler ce qu’il me manque en réalité.

Le manque était mon fardeau.

L’absence d’une étreinte.

L’absence d’amour.

L’absence de vie.

L’absence de Nick.

L’absence d’Emma.

L’absence de Nina…

Arrête, m’intimai-je.

Ce n’est pas le moment de penser à eux.

Je devais vivre sans eux.

Même si c’était difficile.

C’était la meilleure solution.

Ils étaient mieux sans moi.

Ils n’étaient plus en danger.

Ils pouvaient vivre une vie sans se soucier de l’ennemi qui viendrait frapper à leur porte.

Sortant de la douche, je récupérai une serviette et l’enroulai autour de moi avant d’entrer dans ma chambre. A ma grande surprise, je découvris Émilien, confortablement allongé, une cigarette à la main et la télécommande dans l’autre tandis qu’il cherchait une émission à regarder.

Nous avions une relation unique.

Il était mon coéquipier en mission, mais par-dessus tout il était devenu un ami.

Une intimité s’était créée entre nous.

Nous vivions quasiment ensemble.

Nous partagions tout de notre vie.

Bien que la sienne était nettement plus trépidante.

Émilien ne se posait aucune question existentielle.

Il aimait la vie.

Il aimait chaque partie qu’elle lui offrait.

Il la vivait, conscient qu’à tout moment tout pouvait s’arrêter.

—Commençons simplement, qu’est-ce qui t’arrive ?

—Tout va très bien, mentis-je en me digérant vers le placard contenant l’ensemble de mes affaires.

—Anna, on va éviter de perdre cinq minutes, où tu vas tenter de me convaincre que ça va, pour au final me dire réellement ce qui te travaille.

Je restais volontairement dos à lui, consciente que mon regard était suffisamment éloquent pour qu’il puisse lire en moi. Seulement, je n’avais pas envie de m’épancher. Il était inutile de continuer à ressasser les mêmes choses, la finalité restera inchangée.

J’avais pris une décision.

J’avais renoncé à ce qui me comblait de bonheur, à cette seconde chance que je n’obtiendrai plus jamais.

J’avais tout perdu cette nuit-là :

Mon équilibre.

Mon amour.

Mon amie.

Ma sœur…

Il me fallait vivre avec ce poids.

Ces absences.

Je n’avais pas le choix.

—Ça fait dix ans maintenant, commença-t-il. Tu ne peux pas continuer à vivre dans le passé. Chaque jour, je t’observe en train marcher sur ce fil, en me demandant si c’est aujourd’hui qu’il va céder.

—Il n’y a pas de raison de s’inquiéter.

—Je m’inquiète parce que tu es importante pour moi. Tu ne te vois peut-être pas, mais tu t’es renfermée sur toi-même depuis trop longtemps, au point de ne plus être accessible pour personne. Tu réalises que tu ne vois quasiment pas ton père, ni même ta nièce ? Tu passes tout ton temps en mission, tu refuses de…

—Tu m’as déjà fait ce discours maintes et maintes fois. J’ai trouvé mon équilibre et ça me convient amplement.

Je récupérai un jogging et un débardeur avant de m’habiller.

—J’aide ceux qui en ont besoin.

—Et qui t’aides à toi ?

—Je n’ai pas besoin d’aide.

Agacée, je m’apprêtai à sortir par la fenêtre pour prendre un peu l’air et surtout me détourner de cette conversation au plus vite.

Mais je fus stoppée sur place.

Les battements de mon cœur accélérèrent dans ma poitrine.

Je fus soudainement prise de tremblements et son regard se matérialisa dans mon esprit. Ces yeux bleu océan, qui dégageaient tant d’émotions.

La gorge serrée, je dus m’accrocher au meuble pour ne pas tomber à genou.

Émilien se rendit compte de mon trouble, car il vint à moi à toute hâte.

—Anna, que se passe-t-il ?

Nick n’avait pas cherché à entrer dans mon esprit depuis notre séparation.

Pas une seule fois.

D’ici, je percevais son effroi, son inquiétude, sa peur.

—Anna ? Entendis-je.

Seul lui prononçait mon prénom de la sorte.

L’émotion audible dans sa voix me fit monter les larmes aux yeux.

Tout mon corps.

Tout mon être.

Tout en moi réagit à lui, comme si j’étais profondément assoupie et que je venais de me de réveiller après un très long sommeil.

Pour la première fois depuis des années, je fus gagnée par l’émoi.

Une joie brute.

Sincère.

Savoureuse.

Mais qui fut remplacé par tant d’autres sentiments.

—Il… il est arrivé quelque chose.

Je voulais lui répondre, mais même mon psychisme m’en empêchait. Je m’étais tellement obligée à ne songer à lui qu’à de très rares occasions, à prétendre quelquefois qu’il n’avait jamais été dans ma vie.

Maintenant, je me reprenais toute cette réalité mise de côté et reniée.

Cette blessure.

Ce mal que je pensais avoir encaissé et digéré.

Cette brèche se rouvrit avec vigueur.

Je me sentais saigner de l’intérieur.

Comme si mon cœur lui-même, difficilement reconsolidé, venait de se détruire pour ne laisser qu’une traînée de sang.

—Emma… elle… elle a été… enlevée…

À cette annonce, je m’écroulais littéralement au sol, sous les yeux ahuris d’Émilien qui s’empressa de se mettre à genou devant moi pour comprendre ce qu’il m’arrivait.

Il me parlait.

Je voyais ses lèvres bouger.

Il m’attrapa même par les épaules, pour me secouer et attirer mon regard.

Mais il ne restait plus qu’un bourdonnement sourd et lourd dans mes oreilles.

Je ne voyais plus.

Je n’entendais plus.

Je n’étais plus là.

Il n’y avait que mon enveloppe charnelle.

—Je sais que c’est… un vampire… Ry… Ryan me l’a dit… Anna, je t’en prie… j’ai… j’ai besoin de toi ! Aide-moi… retrouve-la, je t’en supplie…

Dix années s’étaient écoulées depuis notre séparation.

Dix années où je m’étais obligée à les faire disparaître de mes pensées, percevant leur souvenir comme un fardeau trop lourd à porter.

J’avais fini par me persuader que je ne les reverrai plus, qu’ils avaient fini par m’oublier, que je n’existais plus.

J’avais cru même avoir l’envie de ne plus faire partie de leur vie.

Mais tous les sentiments.

Toutes les émotions.

Tous les regrets.

Toutes les peines cumulées depuis tout ce temps revinrent tel un tsunami.

Sonnée.

Désarçonnée.

J’arrivais enfin à me remettre sur mes pieds.

Émilien se redressa tout aussi rapidement et me demanda :

—Anna, que se passe-t-il ?

—Je… je dois aller à New York.

—New York ? Pourquoi ?

—Nick vient de… Emma est…

Je n’arrivais plus à parler.

Je n’arrivais pas non plus à faire le tri de mes pensées.

J’avais l’impression d’être passée dans une machine lavée.

Mon cerveau.

Tout en moi était totalement retourné.

Je ne savais plus vraiment où j’étais.

—Emma a été kidnappée…

****

Nick

Aucune réponse.

Rien.

Anna resta aussi silencieuse qu’une tombe.

J’avais pensé qu’elle me répondrait, que notre imprégnation n’était pas cloisonnée par sa propre pensée.

M’avait-elle tout simplement annihilée ?

Anna avait une capacité inégalable pour clore son esprit à toutes personnes extérieures. Elle l’avait fait pendant de nombreuses années avec Jared pour éviter tout contact.

Nerveux, la main tremblante, je récupérai mon téléphone et m’empressai d’appeler Alicia, la grande sœur de Ryan. Étant maintenant la femme de Sébastian, l’un des membres du Conseil des vampires, et résidant dans le Manoir de New York, je savais qu’elle utiliserait ses relations pour m’aider.

—Nick, j’allais justement t’appeler, me dit-elle d’une voix douce. Tu n’as pas à t’inquiéter, nous avons envoyé des guerriers de l’ombre pour retrouver sa trace.

—Je te remercie.

—Je vais passer d’ici une heure. Je finis de régler quelques trucs et j’arrive.

—Non, ne… ne t’embête pas. Tu n’as pas… à…

—Vous êtes ma famille. Le reste n’a pas d’importance.

—Merci ma chérie.

Totalement bouleversé, je me contenais pour ne pas m’effondrer.

J’étais tellement inquiet.

M’asseyant sur le canapé, les coudes reposés sur mes cuisses, les doigts massant mes tempes, je tentais de réenclencher le lien que j’avais avec Anna pour l’atteindre. Je n’avais pas oublié. C’était une sensation d’appartenance profonde, qui ne me quittait jamais totalement. Elle m’effleurait chaque jour. Je n’avais pas besoin d’y penser. C’était comme un lien.

Une part de moi lui appartiendrait toujours.

Elle était en moi.

Et j’étais en elle.

Constamment.

Tout le temps.

Alors pourquoi continuait-elle de ne pas me répondre ?

Une main douce et délicate se posa sur mon épaule, tandis qu’une odeur de thé à la menthe éveilla mon odorat. Levant les yeux, je vis Bridget, ma petite amie, depuis deux ans maintenant, l’air toujours inquiet, me tendre mon mug où il était écrit « perfect daddy ».

C’était un cadeau d’Emma pour la fête des Pères.

Le prenant entre mes doigts, j’eus une nouvelle vague d’émoi.

Comment tout ceci avait pu nous arriver ?

Pourquoi cette nouvelle épreuve ?

Je ne devais pas craquer.

Je le savais.

Je devais continuer à rester fort.

À m’accrocher.

Pour Emma.

Et pour moi.

Mais j’avais peur.

Tellement peur.

Ma fille était tout pour moi.

Je ne pouvais pas imaginer ma vie sans elle.

Je ne pouvais pas supporter l’idée que quelqu’un puisse lui faire du mal et ne plus jamais revoir son sourire.

L’éventualité de la perdre était la pire chose qui puisse m’arriver.

Elle était ma chair, mon sang, la prunelle de mes yeux.

Je n’avais pas pu la protéger.

Elle non plus.

Le souvenir de Sarah, mon épouse décédée, me revint en mémoire.

Je lui avais promis que je veillerais sur notre fille.

Et j’avais failli.

Encore.

Je devais protéger ma femme et elle fut assassinée.

Et maintenant Emma était disparue, enlevée par des monstres avides de sang et j’étais une nouvelle fois démunie.

—Je sais ce que tu es en train de faire et ça ne t’apportera rien de bon, me souffla ma petite amie d’une voix douce.

—C’est ma faute, culpabilisai-je.

—Non, absolument pas, m’assura-t-elle en venant s’agenouiller face à moi. Les policiers vont la retrouver. Mon père a mis ses meilleurs éléments sur le coup. Ils ne lâcheront rien tant qu’elle ne sera pas rentrée à la maison.

Je la regardais, conscient qu’il y avait tant de choses qu’elle ignorait.

—J’ai… j’ai déjà perdu tellement… je ne supporterai pas de la perdre elle aussi.

—Tu ne la perdras pas, me garantit-elle dans une confiance totale.

Soudainement, ce furent des coups à la porte d’entrée qui attirèrent notre attention.

Pris de panique, mon cœur claqua dans ma poitrine avec force tandis que je m’extrayais de l’étreinte de Bridget pour me diriger jusqu’à la porte.

Les pires scénarii se matérialisèrent dans mon esprit.

J’ouvris.

Mon Dieu.

Je fus pris comme dans un étau.

Troublé.

Bouleversé.

Ému.

Elle est là.

Face à moi.

Elle était exactement comme dans mon souvenir.

Elle avait cette même chevelure brune qui venait s’étendre jusqu’à ses épaules et formait de jolies boucles.

Anna est là.

Ce même regard émeraude.

Cette même apparence juvénile.

Cette même façon de se vêtir avec des couleurs sombres.

Et pourtant, elle était méconnaissable.

Elle ne ressemblait plus à la jeune femme que j’avais connue.

Sa mâchoire était serrée.

Son visage, autrefois galvanisé par la tendresse, avait laissé à une froideur impassible.

C’était comme si toute vie avait disparu.

—Je suis venue aussi vite que j’ai pu, m’avoua-t-elle d’une voix dénuée d’émotion.

Pas un bonjour.

Pas une once de sympathie ou même d’empathie.

Je m’attendais à ce qu’elle ait un geste, un signe distinctif qui montrait qu’elle était aussi atteinte.

Il n’y eut rien de tout cela.

Elle était impassible

D’accord, je ne m’attendais pas à ce qu’elle me prenne dans ses bras en me disant que mon absence fut douloureuse et que je lui avais manqué. Après tout, elle était celle à m’avoir quitté. Mais là c’était comme si nous étions de parfaits étrangers.

Et puis, il s’agissait d’Emma.

Elles avaient toujours eu une relation privilégiée et beaucoup d’affection l’une pour l’autre.

—Est-ce que je peux entrer ? Me demanda-t-elle en me voyant rester stoïque devant elle.

J’acquiesçai, n’arrivant pas à décrocher un mot.

Je me décalais sur la droite et la laissais entrer.

Plongeant dans mon appartement, elle traversa le couloir laissant dévoiler les photos d’Emma au fil des années, de bébé jusqu’à son âge actuel.

Anna ne tourna même pas la tête, se contentant de regarder face à elle.

Arrivée dans le salon, Bridget était debout, les sourcils froncés, le regard hagard à la vue de cette jeune femme qu’elle avait entrevue dans un cadre photo gisant dans la chambre d’Emma depuis toujours.

Bridget me dévisagea sans comprendre.

Il était difficile de lui expliquer que j’avais fait appel à mon ancienne petite amie, parce qu’elle était un vampire et qu’elle était potentiellement la seule personne à pouvoir m’aider à retrouver ma fille.

Forcément, sa présence rendait la situation incompréhensible, mais ce n’était pas important.

La seule chose qui comptait, c’était retrouver ma fille.

Ainsi Bridget, comme pour conforter son statut face à Anna, se dirigea naturellement vers moi. Sa main droite vint se poser sur mon ventre, tandis que l’autre gisait sur mes reins avant que ses lèvres m’effleurent la joue.

Anna la suivit du regard, aussi impassible que la mort.

Aucune jalousie apparente.

Elle était de marbre.

De mon côté, je n’étais guère à l’aise.

—Anna, je te présente ma… petite amie Bridget, lui dis-je. Et Bridget, voici Anna.

—Quand est-ce arrivé ? Me demanda Anna sans préambule.

—Hier soir. Ils allaient prendre le métro pour rentrer…

—Qui ça ils ?

—Emma et Ryan.

—Où est-ce arrivé ?

—Dans le métro.

Si une qualité ressortait de cette entrevue, c’était d’être concis.

J’avais l’impression de subir un interrogatoire.

—Ryan a pu donner des signes distinctifs visuels sur celui qui a fait cela ?

—Ils étaient plusieurs.

—Je ne voudrais pas vous manquer de respect, s’impatienta Bridget frustrée, mais qu’est-ce que ça vous apporte exactement d’avoir ces informations ? Ce n’est pas comme si vous pouvez faire quelque chose de plus !

—J’ai des relations, trancha Anna, et des fonds illimités.

Anna reposa son regard sur moi.

—Ryan est chez lui ?

—Je crois oui, dis-je.

—Je vais aller le voir.

Chapitre 2

Anna

Quittant l’appartement de Nick, je descendis d’un étage pour me retrouver devant son entrée. Face à moi se trouvait la porte de mon appartement. Celui dans lequel j’avais résidé dès mon arrivée à New York. C’était dans ce couloir que Nick et moi nous étions croisés pour la première fois. À ce moment précis, il avait capturé mon cœur, avant même que je ne comprenne la signification de tout ceci.

Être ici ravivée tellement de souvenirs.

J’avais tout sauf envie d’être là et pourtant quand j’y réfléchissais, c’était mes meilleurs moments.

Ma vie.

Mon existence.

Tout avait repris son sens dès l’instant où j’avais commencé à vivre ici.

J’avais rencontré des individus exceptionnels.

Toute cette vie me réjouissait.

Mais toutes bonnes choses avaient une fin.

Mon passé m’avait rattrapée.

Anna ? S’écria Nick derrière moi.

Bon sang.

Pourquoi est-ce que ça me secouait autant d’être près de lui ?

Dix ans étaient passés.

Dix !

Fermant les yeux un instant, je me recentrai sur moi-même pour ne rien laisser apparaître. Je n’avais pas le droit de lui dire qu’il m’avait manqué. Pas après ce que je lui avais fait.

Je l’ai quitté.

Je lui ai brisé le cœur.

Je me suis séparée de lui pour ne pas l’obliger à affronter les ténèbres de mon monde.

Mais je ne pouvais pas supporter de le voir avec cette espèce de blonde.

Elle était là.

Devant moi, en train de le toucher, le prendre dans ses bras.

Je me devais de contenir mon instinct primaire de possessivité.

Nous ne sommes plus ensemble.

Je lui fis face.

Vêtu simplement, Nick portait un jogging gris et un débardeur noir. Il était aussi séduisant que dans mon souvenir. Il avait toujours cette même corpulence, cette musculature saillante.

Il était beau.

Son marcel avantageait encore plus sa silhouette plus développée que dans mon souvenir. Complètement captivé, je le regardais de bas en haut.

Puis, mon regard trouva ses yeux océans.

Aussitôt captivé par lui, mon cœur commença à réagir par des battements successifs.

La nervosité tirait ses traits et durcissait son visage.

Il avait l’air désespéré.

Je n’avais jamais eu cette lueur dans ses yeux.

Il était atteint, dans son cœur, dans sa chaire.

Je voulais le consoler, le prendre dans mes bras et lui dire que tout irait bien, mais les mots ne sortaient pas.

Je n’y arrivais pas.

Et puis, j’avais prêté serment.

Les mots de Marcus, l’un des membres du Conseil des vampires, Général des guerriers de l’ombre, raisonnaient encore dans mon esprit :

Être guerrière de l’ombre, c’est un don de soi. Tu dois oublier ton passé, être sans attache et être dévoué au Conseil éternellement. 

Et pourtant, je me retrouvais près de Nick depuis moins d’une demi-heure et j’étais déjà mise à mal.

Dis-moi que tu peux faire quelque chose, m’implora-t-il.

J’ai besoin de plus d’informations.

Anna, je ne peux pas me contenter de cette réponse, se frustra-t-il les larmes aux yeux. C’est de ma fille dont on parle. Pas une inconnue. C’est Emma ! Elle a été kidnappée par un vampire, bon sang, ils peuvent lui faire n’importe quoi !

Je le sais, affirmai-je. C’est pourquoi, je vais voir Ryan.

Et après ?

J’irai sur les lieux, pour essayer de sentir quelque chose, mais dans un lieu public ça risque d’être compliqué.

Je viendrai avec toi.

Non.

Je ne peux pas continuer à rester dans mon appartement à attendre. Je vais devenir complètement fou entre ces murs.

Préférant ne pas épiloguer et rentrer dans une conversation qui n’aboutirait à rien, nous marchâmes vers l’appartement de Ryan.

Je frappais à la porte.

Des bruits de talons précipités se firent entendre.

La seconde d’après, Ryan, mon neveu apparut.

Devenu un homme, j’étais troublée par cette transformation physique. La dernière fois que je l’avais vu, c’était encore un petit garçon. Et maintenant, j’avais en face de moi un homme, avec une barbe.

—Tante Anna, sourit-il avant de se jeter dans mes bras.

Encerclant mes bras autour de sa nuque, il me souleva du sol de plusieurs centimètres et me fit tourner en l’air.

—Tu es toujours aussi magnifique, me complimenta-t-il en gardant mes mains dans les siennes. Tu n’as pas changé.

—Toi en revanche tu es devenu un si bel homme, me réjouis-je.

Je fis un pas en arrière et repris mon apparence impassible.

—Tu sais que je ne suis pas ici par hasard.

Il approuva.

—J’ai essayé Anna. J’ai fait de mon mieux pour les repousser, mais je n’ai rien pu faire. Ils étaient trop forts. Je n’y arrivais pas. Il y avait trop de vampires.

—Il n’y avait rien que tu puisses faire Ryan, le rassurai-je en cherchant son regard. Ils auraient pu te tuer, c’est déjà un miracle que tu sois encore en vie.

Je l’embrassai sur le front.

—Retrouve-la, je t’en prie, m’implora-t-il.

—Je vais faire de mon mieux, lui promis-je. Comme tu le sais, en plus d’être un vampire, j’ai des pouvoirs de sorcière. Alors si tu veux bien me laisser faire, je vais poser mes mains sur ton visage pour avoir un réel aperçu de ce qu’il s’est passé.

—Euh… oui, d’accord.

—C’est totalement indolore, d’accord ? Mais, je te demande de rester immobile et de ne songer qu’à cet évènement.

Je lui adressai un sourire réconfortant.

Commençant par les effleurer du bout de doigts, je fermai les yeux un instant, et laissai choir la magie qui sommeillait en moi.

Des vibrations traversaient mes veines pour venir créer une onde de magie au bout de mes doigts avant de s’implanter directement au niveau de ses tempes. Ryan s’agrippa aussitôt à mes poignets, tandis qu’il serrait vigoureusement les dents.

Les yeux clos, nos esprits furent connectés et je pus plonger dans sa mémoire.

—Focalise-toi sur Emma, lui demandai-je.

Le visage d’Emma apparut.

Face à la transformation physique d’Emma, j’eus une émotion soudaine.

Elle était grande.

Brune.

Avec des yeux tellement similaires à ceux de Nick.

Dans le métro, les bras enroulés autour du cou de Ryan, ils étaient tous les deux en train de partager un baiser amoureux, entre deux sourires. Beaucoup d’affections étaient perceptibles entre les deux. Ils se regardaient avec adoration.

Leur complicité d’enfant s’était transformée pour devenir quelque chose d’encore plus fort et c’était beau à voir.

Ils étaient dans leur bulle.

Jusqu’à ce que les vampires apparaissent.

Menaçants.

Dangereux.

Seulement, l’un d’eux se différencia.

À sa vue, je crus perdre mon souffle.

Aussitôt, je relâchai Ryan et tombai à terre.

Pas lui.

Non.

Oh, mon Dieu.

Prise de tremblements, il fallait absolument que je sorte.

Face au regard stupéfait de Nick et Ryan, je ne pus leur dire ouvertement ce que j’avais vu et ce que je venais de réaliser.

Emma n’était pas seulement avec un vampire.

Elle était avec lui.

Nikolaï.

—Anna ? Se soucia Nick venu m’aider à me redresser. Qu’est-ce que tu as vu ? Que s’est-il passé ?

Je n’arrivais pas à parler.

Je me sentais soudainement oppressée.

L’angoisse, je ne l’avais pas ressentie depuis des années et je fus totalement étouffée par elle.

—Je dois sortir maintenant.

Chapitre 3

Anna

Nikolaï.

Le Conseil le recherchait depuis des siècles.

Il n’était pas un simple vampire.

Par-dessus tout, il était mon mentor, celui qui m’avait appris à ne pas seulement être un vampire assoiffé de sang, mais de devenir un vampire chasseur. De taire toute conscience. Mais surtout le but était de prendre plaisir.

Plaisir à tuer.

Plaisir à chasser.

Plaisir à terroriser.

Plaisir à détruire.

Nous avions une réelle proximité, une connexion dans l’horreur, où notre existence se résumait à nos désirs de sexe et de sang. Souvent, l’on composait même les deux. Nous aimions chasser ensembles, trouver notre victime du soir, avant de la capturer, partager nos ébats sexuels et pour finir par la tuer sans le moindre ménagement.

Je revoyais des victimes par dizaine réapparaître devant mes yeux et ça me glaçait littéralement le sang.

—Anna, s’inquiéta Nick.

Nikolaï n’avait pas dû s’en prendre à Emma par hasard.

Ça ne pouvait pas être une simple coïncidence.

Pas avec lui.

Pas avec tout ce qu’il s’était passé entre nous.

Je fus le seul vampire à avoir pu me détourner de lui, à refuser d’être considéré comme une de ses fidèles.

J’avais ma liberté.

Et j’étais prête à tout pour la conserver.

Quitte à mettre ma propre vie en danger.

Je savais qu’il aurait pu me tuer pour refuser une allégeance totale et complète, mais il avait accepté.

Sans même tenter de me garder dans son clan.

Alors, pourquoi maintenant s’en prendre à Emma ?

Que viens-tu de voir, Anna ?

J’ouvris la bouche pour lui parler, aucun mot n’arrivait à sortir.

Je ne pouvais pas lui dire la réalité.

Je ne voulais pas l’anéantir plus encore.

Il était déjà si dévasté, qu’elle soit entre les mains de Nikolaï était la pire nouvelle qui soit.

—C’est… c’est… Nikolaï.

Nick fronça les sourcils.

—Son clan est composé de vampires transformés par ses soins qu’ils conditionnent et éduquent de façon à qui lui soient totalement loyaux. Ils sont machiavéliques, démoniaques, et totalement dévoués. Ils lui appartiennent, au point de les posséder réellement, physiquement, psychiquement.

Il me regarda avec frayeur, réalisant la teneur de mes propos.

—Nous n’avons jamais retrouvé la moindre de ses victimes vivantes, continuais-je la gorge nouée par l’émotion. Seule une poignée de vampire s’est montrée négligeante et nous a permis de retrouver leur corps…

Après l’effarement, le choc, son visage s’était maintenant transformé pour dévoiler une colère que je ne lui avais jamais vue.

—Comment tu peux me dire ça avec une telle insensibilité ? Me cracha-t-il. Comme si l’on parlait d’une humaine quelconque ? Me demanda-t-il d’une voix enrouée par l’émotion. Tu es en train de me dire quoi ? Que ma fille va mourir c’est ça ?

—Nick, soufflai-je pour tenter de le calmer.

—Tu es abominable ! Cria-t-il. C’est donc ça que tu es devenue ? C’est pour ça que tu es partie ? Pour devenir ça !

—Que veux-tu entendre exactement ? Tu veux que je prenne un air condescendant pour que la finalité soit exactement la même ? La situation est grave. Très grave. Et je préfère que tu le saches !

—Il s’agit de ma fille dont tu parles ! M’hurla-t-il entre peine et rage. Celle qui se mettait au milieu de nous deux lorsqu’elle faisait des cauchemars le soir ! Cette même personne ! Celle que j’ai promise de protéger toute ma vie ! Celle que tu prenais dans tes bras lorsqu’elle avait peur pour la consoler et lui dire que personne ne lui fera de mal tant que tu seras là !

Je reçus ses mots tel un coup de poignard en plein cœur.

Pensait-il réellement que j’étais indifférente au sort d’Emma ?

—Depuis tout à l’heure, je te regarde, et je me demande qui tu es ! Tu ne ressembles en rien à celle que tu étais…

—Tu es en colère, je…

—Non, je ne suis pas en colère, beugla-t-il. Je suis terrorisé ! J’ai peur de perdre ma fille ! Et j’espérai en t’appelant que tu…

Il s’arrêta aussitôt et détourna les yeux pour essuyer ses larmes coulantes le long de ses joues.

—Que je quoi ? Demandai-je.

—Ça n’a plus d’importance aujourd’hui. On est déçu que de ses propres attentes de toute façon, répondit-il avant de retourner dans l’immeuble pour me laisser seul à l’extérieur.

J’avais envie de pleurer, de courir vers lui et me plonger dans ses bras pour m’excuser. Mais, je n’avais pas le choix. Je ne devais pas le laisser de nouveau entrer dans ma vie.

C’était trop dangereux avant.

Ça l’était encore plus maintenant que Nikolaï se trouvait dans l’équation.

Dans la noirceur de la nuit, je m’aventurai à l’extérieur du cinéma dans lequel Ryan et Emma s’étaient rendus. Les yeux clos, je marchais avec seulement mon odorat. Avec les éclairages extérieurs, les restaurants ouverts, les bars, les voitures avec leur feu de croisement, les taxis, il y avait de la vie ici.

Beaucoup de passage.

Beaucoup trop même pour pouvoir récolter une piste.

Je recherchais la fragrance d’Emma.

Son odeur.

Son empreinte olfactive.

C’était l’essence même de son être.

Je m’en rappelais comme si je l’avais étreinte hier. Ainsi, tandis que je me renfermais sur moi-même, je me revis en train de l’enlacer affectueusement. J’avais l’impression que ses bras étaient en train de s’entourer autour de ma nuque tandis que mes narines se plongeaient dans sa nuque.

Son odeur fruitée, avec une fine pointe de Canel se différencia du reste…

Il y avait tant de choses que je voulais lui dire, que je voulais lui expliquer sur les raisons de mon départ. Ce n’était pas lié à un manque d’amour, loin de là.

Je l’aimais comme si elle était ma fille.

Dès que ses yeux océans s’étaient posés sur moi, elle avait capturé mon cœur.

Fais le vide en toi, me soufflai-je.

Mon affection pour elle ne devait pas me parasiter.

Je devais me détacher.

Prendre du recul et de la hauteur.

Ainsi, après plusieurs secondes, je déployais mon sens pour me centrer sur la fragrance d’Emma. Annihilée par une multitude d’autres senteurs autour de moi, telles que l’asphalte, l’essence, les égouts, la pollution, sans évoquer celles des passants et de la nourriture des restaurants se trouvant à proximité, je finis par toutes les rejeter pour qu’il ne me reste qu’Emma.

Continuant de marcher, je longeai le cinéma attiré par les conversations insouciantes des humains m’entourant. Il y avait des couples se tenant par la main, des amis en train de rire, d’autres en train de fumer une cigarette en débattant sur la qualité du film qu’ils venaient de voir.

Quand soudainement, une odeur désobligeante titilla mes narines.

De la putréfaction.

Un vampire était là.

Tout parut se refroidir autour de moi.

Je rouvris les yeux.

Je le vis.

Se tenir face à moi, en pleine conversation avec une jeune femme d’à peine dix-huit ans. Plaquée contre le mur, dans la petite allée sombre se trouvant près du cinéma ;

Il était l’archétype du vampire : bel homme, grand, large des épaules, un regard fascinant, un sourire charmeur, avec de l’assurance et une posture impressionnante.

Il se pencha vers elle.

Elle était totalement fascinée.

Au point même que je sus de façon immédiate, qu’elle était sous son envoutement. La manipulation mentale était une utilisation récurrente du vampire assoiffé de sang.

Autrefois, je me serai détournée.

Maintenant, je ne pouvais pas prétendre que je n’avais rien vu. Les vampires étaient autorisés à se nourrir, mais cette gamine n’était pas en parfaite connaissance des évènements.

Je jetai un regard autour de moi et vis des caméras tout autour de nous.

L’imprudence était le premier risque de notre destruction. Avec les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, notre monde pouvait être dévoilé sans qu’on ne puisse empêcher l’hémorragie.

Puis, il sortit les crocs et enfonça ses dents dans sa gorge. Aussitôt, elle voulut hurler, mais il posa sa main sur sa bouche pour contenir son cri, tandis qu’il serrait les dents plus vigoureusement encore.

Les yeux ouverts, elle tenta de se débattre, de le repousser, mais il était beaucoup trop fort. Ainsi, dans une course rapide, je me précipitais jusqu’à eux.

D’une poigne féroce, je l’attrapais par l’entrejambe et dévoilais mes flammes du bout des doigts pour qu’il la relâche instantanément. Elle tomba à terre en plaquant sa main sur sa plaie tandis qu’elle pleurait ardemment.

—Je ne faisais que me nourrir, se dédouana-t-il. Qui… qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

—Voilà une demande offensante, dis-je à voix haute. J’étais persuadée que j’étais connue de tous.

Les crocs déployés, je poussai un grognement animal tandis que les flammes se répandirent dans mes yeux, pour laisser entrevoir les pouvoirs sommeillant en moi.

—À… vous êtes Anna… Andolini, trembla-t-il.

—La seule et unique ! Tranchai-je en l’attrapant par la mâchoire pour avoir toute son attention. J’ai des questions, alors mieux vaut que tu sois entièrement transparent. Si tu refuses, que je sens que tu me prends pour une conne, tu le regretteras, sois en sûr !

Il acquiesça dans un tremblement.

—Chasses-tu régulièrement ici ?

—Oui.

—Tu sais sur quel territoire tu te trouves ?

—Celui de… Oksana et Aristarkh.

—Est-ce ton clan ?

—Oui.

—As-tu vu des vampires ne faisant pas partie de votre clan hier ?

—Non, mentit-il.

Mes flammes s’éveillèrent autour de son cou et l’odeur de la chair brûlée s’étendit dans mes narines. Il tenta de contenir son cri, mais j’enfonçais mes ongles pour accroître la douleur. Il avait mal. Je le lisais dans son regard.

Je n’aimais guère procédée à la torture.

Mais, ce qu’il y avait en jeu dépassé ma conscience.

La seule chose à laquelle je pensais, c’était Emma.

Je ne voyais qu’elle.

Son silence caractérisait un danger pour elle.

Le plus grand danger.

Je savais ce que réservait Nikolaï à ses victimes.

Et le simple fait d’y penser me donnait envie de le tuer.

—D’ac… d’accord, acquiesça-t-il. Il… il a dit que si… je disais quoique ce soit. Il me tuerait !

—Si tu ne dis rien, c’est moi qui te tue. Maintenant ! Dis-je d’une voix blanche.

— Mes maîtres ne doivent pas l’apprendre, paniqua-t-il. Je t’en prie…

— Parle !

— C’était les sbires de Nikolaï. Ils… ils recherchaient une humaine… quand… ils l’ont trouvé… ils m’ont ordonné de ne pas intervenir et de ne prévenir personne…

— Pourquoi tu n’as rien dit à tes maîtres ?

— Parce qu’il n’aurait pas hésité à m’assassiner pour les avoir trahis.

Je le relâchais tout en le regardant avec mépris.

— Sais-tu où ils l’ont amené ?

— Je les ai… suivis. Ils sont allés jusqu’au port… et l’ont monté… sur un yacht.