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"Je crois que c'est comme ça que la rouille s'est infiltrée. Dès mes premières larmes séchées, elle s'est déposée dans mes pensées. Et comme je n'ai laissé personne m'approcher, la rouille s'est incrustée de partout." Il y a trois ans, Yuna a dressé une liste de défis à réaliser avant le bac, avec son meilleur ami Issa. Aujourd'hui, elle est seule et s'apprête à traverser la France afin de réaliser son dernier défi. Sur la plateforme de covoiturage, elle a prévenu qu'elle veut qu'on lui fiche la paix. Mais les covoitureuses sont curieuses. Leurs échanges et leurs questions amènent Yuna à un terrible constat : elle est devenue tout ce qu'elle détestait avant. Le deuil, la rancune et la colère ont grippé tous ses mécanismes de vie. Pour se débarrasser de la rouille qui l'ankylose, Yuna va devoir accepter d'ouvrir sa boîte à souvenirs, pour le pire mais surtout pour le meilleur. Or, faire confiance à ses partenaires de voyage, c'est aussi faire confiance à celle qu'elle était lorsqu'elle a imaginé cette liste pleine de pep's et de joie. Dans un récit mêlant tranches de vie et feel-good, plongez dans les souvenirs de Yuna, au coeur d'une amitié puissante et festive, d'une créativité joviale, mais aussi dans le drame qui a tout ravagé. Et accompagnez Yuna dans sa remontée à la surface.
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Seitenzahl: 295
Veröffentlichungsjahr: 2023
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À ma fille Djanaé,
Que la rouille n’engloutisse jamais
tes belles couleurs.
À ceux qui restent,
Qui apprennent à vivre sans,
Et puis un jour avec.
Avec la vie qui jamais ne s’arrête.
Chapitre 1 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 07h21
Chapitre 2 : TROIS ANS PLUS TÔT - Jeudi 18 octobre, 16h12
Chapitre 3 : TROIS ANS PLUS TÔT - Jeudi 18 octobre, 17h04
Chapitre 4 : TROIS ANS PLUS TÔT - Jeudi 18 octobre, 19h21
Chapitre 5 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 08h07
Chapitre 6 : DEUX ANS ET DEMI PLUS TÔT - Lundi 31 décembre
Chapitre 7 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 08h56
Chapitre 8 : HUIT ANS PLUS TÔT - Mercredi 18 juillet
Chapitre 9 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 09h31
Chapitre 10 : DEUX ANS PLUS TÔT - Dimanche 15 septembre
Chapitre 11 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 10h43
Chapitre 12 : UN AN PLUS TÔT - Mardi 27 août
Chapitre 13 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 11h19
Chapitre 14 : DEUX ANS ET DEMI PLUS TÔT - Samedi 20 janvier
Chapitre 15 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 12h38
Chapitre 16 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 13h26
Chapitre 17 : UN AN ET DEMI PLUS TÔT - Jeudi 26 novembre
Chapitre 18 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 15h03
Chapitre 19 : DEUX ANS PLUS TÔT - Samedi 27 juin
Chapitre 20 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 17h12
Chapitre 21 : DEUX ANS PLUS TÔT - Samedi 19 octobre
Chapitre 22 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 17h29
Chapitre 23 : UN AN PLUS TÔT - Samedi 31 août
Chapitre 24 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 18h04
Chapitre 25 : UN AN PLUS TÔT - Mardi 27 août
Chapitre 26 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 18h41
Chapitre 27 : UN AN PLUS TÔT - Samedi 25 mai
Chapitre 28 : AUJOURD’HUI - Lundi 8 juin, 19h52
Chapitre 29 : AUJOURD’HUI - Mardi 9 juin, 08h47
Chapitre 30 : AUJOURD’HUI - Mardi 9 juin, 14h07
ÉPILOGUE - 3 ans plus tard
Je reconnais la voiture. Une Dacia Sandero bleu-turquoise. De bon matin,ça pique les yeux. Mais vu la tête de la nénette qui conduit, y a pas photo : elle assume totalement. Elle se gare et me rejoint en souriant. Ses longs cheveux blonds ondulés maintenus en arrière par de grandes lunettes de soleil, sa petite robe blanche nouée derrière son cou, ses sandales compensées de la même couleur que la voiture, on dirait une star de cinéma. Je lâche son regard bleuté pour fixer mes vieilles converses autrefois blanches. Dans quoi est-ce que je m’embarque ?
Elle sourit.
— Salut, je suis Mélanie. Tu es Yuna ?
J’acquiesce. Pourvu que les autres arrivent vite. J’ai pas du tout envie de faire la conversation.
— Prête pour le grand voyage ?
Elle croit pas si bien dire. Plus de huit heures de route jusqu’à Paris, puis encore trois heures pour la Normandie, pour finir par près de deux heures de marche. Qu’est-ce que je ne ferais pas pour Issa ?
Je ramène une de mes nombreuses mèches folles derrière mon oreille et relève la tête.
— Je suis prête.
— Super. On est quatre à faire le voyage. Il n’en manque plus que deux. Ah, ben tiens, les voilà !
Une voiture vient d’arriver sur le parking. Une dame un peu plus âgée que ma mère en sort, accompagnée de deux personnes plus jeunes. Une brunette aux cheveux bouclés qui doit avoir quelques années de plus que moi et un homme d’une trentaine d’années en jean et chemise. Il a beau faire très bon en juin, à Mandelieu-la-Napoule, même à 7 heures du matin, un frisson me parcourt le corps. Je croyais que c’était un covoiturage cent pour cent féminin ? J’avais coché, merde !
La jeune fille s’approche en premier et nous tend la main – elle n’a clairement pas fini sa croissance, elle est aussi minuscule que mon frère de onze ans – pendant que l’homme sort deux petites valises de leur voiture.
— Hello, je suis Ariel. Là-bas, c’est ma mère, Jeanne. Et mon frère Paul.
Je balbutie à peine mon prénom. Mélanie engage la discussion d’un ton joyeux et ouvre son coffre pour faire le transvasement des bagages. L’homme porte les deux valisettes. Il a retroussé les manches de sa chemise sur ses coudes. Exactement comme Kimi a l’habitude de le faire. Avait. Je me mordille la lèvre.
— Yuna ?
Hein ? Quoi ?
— Tu n’as pas de bagage à mettre dans le coffre ?
Je fixe mon petit sac à dos calé entre mes deux pieds. Je n’ai pris qu’une culotte de rechange et un pull. Au cas où. Coincés entre mon smartphone, mon portefeuille, mon carnet et un crayon de papier, je n’ai besoin de rien d’autre pour accomplir ma promesse.
Si Issa avait été là, on aurait fait la virée ensemble, après avoir soudoyé son frère pour qu’il nous conduise. On aurait mis la musique à fond, on aurait fait des grimaces aux voitures croisées sur l’autoroute, et Kimi aurait râlé de ma mauvaise influence sur son petit frère. J’aurais pris des bonbons bien chimiques et collants, et surtout, j’aurais emporté ma folie et ma bonne humeur. Sauf qu’elles sont enterrées avec Issa, chemin du sanglier, deuxième allée à droite à partir de la porte principale. Alors non, je n’ai rien à mettre dans le coffre qui vient de claquer, annonçant le départ imminent.
L’homme fait la bise aux deux voyageuses qu’il vient de déposer et s’en va. Bon débarras !
Je m’assois derrière la place du mort. Dans le coin, j’espère être invisible dans le rétroviseur. Si je tourne la tête vers la vitre, ma voisine de gauche ne pourra pas voir si je fais semblant de dormir. Je cale mes écouteurs dans mes oreilles. C’est pas poli, mais j’ai pas payé 90 euros pour faire la causette. J’ai prévenu sur mon profil que j’étais pas bavarde. Qu’elles se racontent donc leurs vies merveilleuses ! La mienne est sur pause depuis 285 jours.
— Alors ? Si c’est pas indiscret, pourquoi la Côte d’Azur-Paris, aujourd’hui ?
On a eu droit qu’à une seule minute de silence. Sérieusement ?! On ne pourrait pas juste se taire pendant les neuf cents prochains kilomètres ? L’aïeule se trémousse sur le siège devant moi et répond, enjouée :
— C’est ma première fois à Paris. Mes enfants m’offrent une semaine à la capitale pour mes 60 ans. Je suis… comme une gamine.
Je confirme. Elle applaudit toute seule, sa voix est suraiguë… On est mal barré.
— Et moi, je l’accompagne pour être sûre qu’elle ne se perdra pas, rajoute ma voisine aux cheveux bouclés.
Les trois femmes rient. J’ai envie de me taper la tête contre la vitre.
— C’est la première fois que je quitte Mougins, reprend la plus âgée. Je rêvais de visiter la Ville lumière pour notre voyage de noces avec Jacques. Mon mari. Mais à l’époque, on n’en avait pas les moyens. Alors on s’est dit pour nos dix ans de mariage. Puis on a encore reculé. Vous savez, la vie, le travail, les enfants. J’en ai quatre. On a commencé à mettre de côté, pour nos 50 ans. Puis mon Jacques est décédé. Toute la cagnotte est partie dans ses funérailles. Et plus le temps file, plus les rêves s’éloignent.
Et allez ! Un peu de pathos pour rendre le voyage encore plus lourd. Merci bien, la vieille !
— Alors avec mes frères et sœurs, on s’est dit qu’on allait lui offrir ce rêve, complète Bouclette à ma gauche. Pour ses 60 ans. C’était il y a quatre mois.
— C’est un magnifique cadeau, affirme notre conductrice. Je suis sûre que vous allez adorer. Si vous avez besoin de conseils, je peux vous donner quelques idées en dehors des sentiers battus. J’ai habité Paris pendant plus de cinq ans alors…
— Oh, oui ! C’est fantastique ! Lorsque nous ferons une pause, je prendrai des notes, décide la plus âgée du covoiturage.
C’est chiant. Plus que chiant. Même la voix de P!nk ne couvre pas complètement leur discussion ennuyeuse à mourir. Je suis réellement obligée d’écouter ça ?
— Se fixer des objectifs, des rêves à réaliser, des listes, ça donne des buts joyeux pour la vie, rebondit Mélanie en mettant son clignotant. On se lève le matin avec plus d’entrain. J’en sais quelque chose, je suis la reine des listes.
Les bouclettes de ma mini-voisine rebondissent sur ses épaules au moment où elle se penche vers l’avant pour mieux écouter. C’est fascinant. En moins de dix minutes, ces femmes se sont déjà créé une bulle. Qui la fera exploser en premier ?
Je baisse le volume de la musique dans mes oreilles. Discrètement.
— Je suis esthéticienne, explique la jolie blonde derrière son volant. Au travail, je fais des listes pour chaque cliente et je note les choses importantes qu’elles m’ont révélées. Je les relis avant chaque rendez-vous. Je fais aussi des listes pour toutes les idées qui me traversent la tête concernant les choses à faire chez moi. J’ai aussi une liste de mes amis proches et moins proches. Je note la date chaque fois que je leur envoie un petit mail, un texto, une carte, ou que je leur téléphone.
Elle est pas un peu psychorigide miss Blondie ? Avant, j’aurais pouffé. Mais je ne sais plus faire. Depuis 285 jours. Mon rire a dû rouiller et s’est bloqué quelque part entre mon ventre et ma gorge.
— J’ai aussi une énoooooorme liste de toutes les choses à faire pour mon mariage. Je me marie dans cinq jours.
— Hooooo, félicitations !! s’exclament la mère et sa fille en chœur.
— Merci.
Rien qu’à sa voix, je sais qu’un sourire immense étire les lèvres de notre conductrice. Tant qu’elle n’oublie pas de regarder la route…
— C’est pour ça que vous allez sur Paris ? Pour vous marier ?
— Oh, non ! J’habite à Mandelieu-la-Napoule depuis deux ans, maintenant. Je rejoins ma ville de cœur pour réaliser le dernier objectif d’une autre liste.
J’ai beau ne pas regarder dans leur direction, je sens les regards avides de curiosité de Bouclette et de sa mère. C’est qu’elle sait créer le suspense, Blondie ! Je me rends compte que j’ai carrément mis P!nk sur pause.
— J’avais fait une liste avec ma meilleure amie, Clémentine. Une liste des choses à faire avant de se marier.
— Oh, quelle bonne idée ! s’excite ma voisine. Et y avait quoi sur cette liste ?
— Des défis pas toujours très sensés. On a noté nos idées après une nuit blanche, on n’était pas très fraîches, donc soyez indulgentes. Il y a par exemple : manger des fraises avec de la mayonnaise, chanter le plus faux possible pendant un karaoké, faire un semi-marathon…
— Ouch ! Ça, c’est dur !!
Ou pas. Il suffit de n’avoir plus que ça pour ne pas exploser et les kilomètres sont piétinés bien trop vite. J’en sais quelque chose !
— On a dû s’entraîner pendant des mois. Mais c’est rien à côté des autres défis. Comme se faire téter les pieds par des poissons, se faire un masque du visage avec de la bave d’escargot ou manger tout un repas d’insectes.
Beuaaark. Mais pourquoi j’écoute tout ça ? Je ne suis pas la seule à faire la grimace au vu des bruits qui s’échappent des bouches des deux autres. En réponse, le rire de la fiancée résonne dans l’habitacle.
— On a fait cette liste à nos 30 ans. L’idée était de ne surtout pas s’enfermer dans une routine, dans un train-train morose. En réalité, on avait peur de vieillir, de devenir trop sérieuses, d’oublier de vivre pour nous-mêmes dans la grande quête de l’amour.
J’essuie une larme rebelle qui s’est échappée de mon œil sans ma permission. Nous aussi, avec Issa, on a inventé notre liste pour se créer une vie différente de celle des autres. Ils étaient déjà tous des mini-adultes, stressés et perdus sans leurs écrans. Nous, on voulait se marrer, être fous sans permission, avoir des choses à raconter, être uniques. Foutaises ! La voix d’Ariel me ramène, et son prénom me revient en même temps qu’elle cale ses pieds sur le côté, comme la Petite Sirène sur son rocher.
— Et c’est quoi ce dernier défi que tu vas faire avant ton mariage ?
— Un stage de survie et commando.
Hein ?! Devant moi, la mère d’Ariel glousse. C’est quoi son nom, déjà ?
— Jeanne, ne vous moquez pas ! la gronde gentiment notre conductrice.
Voilà. Jeanne. Et d’abord, qu’est-ce que je m’en fous de comment elles s’appellent !
— Excusez-moi, se justifie la vieille, c’est juste que… à vous voir, dans votre jolie robe blanche, vos longs cheveux blonds et vos ongles magnifiquement manucurés, j’ai du mal à vous imaginer allumer un feu ou dormir en pleine forêt.
— À vrai dire… ce sera bien plus simple que ce que vous dites. C’est seulement quelques heures, mercredi après-midi. On n’a pas réussi à trouver un véritable stage sur deux ou trois jours qui correspond à nos emplois du temps. Mais Clémentine a trouvé un parcours survie et commando avec une dizaine de défis. Ce sera mon enterrement de vie de jeune fille. On sera huit et, à part Clémentine, personne ne sait ce qui nous attend.
Bouclette se cale contre son siège et se tourne vers moi. Je sens son regard avant même qu’elle n’ouvre la bouche.
— Et toi ? Yuna, c’est ça ? Pourquoi tu vas à Paris ?
Gros silence. Voilà, on y est. Je ne peux pas ouvrir la portière et sauter. De toute façon, ma bouche est une traîtresse. Avant même de réaliser, je m’entends dire :
— Aussi pour une histoire de liste.
Ma bouche est pâteuse, ma voix enrouée. Je me racle la gorge. Même si je n’ai pas l’intention de rajouter quoi que ce soit.
— C’est dingue, s’exclame Ariel. J’ai 23 ans et je n’ai jamais fait de liste. Comment t’est venue ton idée de liste, à toi ? De quoi elle est faite ? Tu as une date limite ? Combien de choses tu as à cocher ? Combien il t’en reste ?
— Hého, du calme Ariel, laisse la p’tiote tranquille, enfin ! C’est pas comme ça que j’t’ai éduquée ! Mais où sont passés tous les bons principes que je t’ai inculqués, hein ? La curiosité est un vilain défaut.
Bouclette souffle. Moi, c’est mon cœur qui soupire. Ma voisine vient d’ouvrir ma boîte à souvenirs. Ça crisse, ça résiste, ça fait mal.
— Hé, psssttt, le lapin !
Je sais que c’est à moi que l’autre cruche s’adresse, mais je l’ignore. Ou du moins, j’essaie.
— Lapinou, houhou !
Elle prend sa voix suave pour enrober sa moquerie. Comme les chocolats avec de l’alcool dedans. On les reconnaît tout de suite, ce sont les seuls qui ont un emballage doré dans la boîte. C’est comme si c’était écrit en gros « attention, dégueu » ! Pour Margot, c’est pareil. Joli emballage mais infecte à l’intérieur.
— Yuna, ho ! T’es sourde ou quoi ?!
Même si Madame Péluchon, alias Polochon – en référence au poisson jaune de la Petite Sirène – est en train d’écrire au tableau, Margot est franchement pas discrète. Je me retourne et la toise.
— Tu devrais crier plus fort, je suis pas sûre que Polochon t’ait entendue !
Elle lève les yeux au ciel. L’avantage, c’est qu’on ne voit plus la tartine de peinture bleue qu’elle a étalée sur ses paupières. Elle me tend un bout de papier du bout de ses longs ongles vernis, comme si elle avait peur d’être infectée.
— Tu crois que ça m’amuse de jouer les factrices ? Tiens, c’est de la part de ton amoureux.
Tout le monde sait qu’Issa et moi, ça n’a rien à voir avec de l’amour. Enfin, si… mais pas celui que l’autre cruche sous-entend. Les mecs nous charrient souvent, pour le plaisir de provoquer une compet’ de testostérone qui finit toujours en grande rigolade. Les filles sont juste jalouses. Je traîne avec le plus beau mec de la classe. Du collège, en fait. Le plus beau, le plus cool, le plus intelligent, le plus musclé, le plus fun, le plus tout. Ouais ! Et ça me fait rire parce qu’il était loin d’être tout ça quand on est devenus amis ! Pas comme son frère Kimi. Ah, Kimi… Je lâche un soupir, regarde par-dessus l’épaule de Margot et repère le sourire éblouissant d’Issa, assis au fond de la classe. Il ne lui manque plus que l’auréole au-dessus de sa tignasse crépue, et le tour est joué. Quand il n’est pas tressé, sa gouffa ressemble à un soleil. Un cercle d’or en plus et on pourrait presque y croire, à son rôle de petit ange.
— Mademoiselle Micla ? C’est devant que ça se passe !
Je planque le papier et me retourne fissa, en essayant d’arborer mon air le plus contrit possible.
— Comme vous avez l’air de vouloir faire face à vos camarades, venez au tableau.
Hé merde ! Me voilà affichée à cause d’Issa. Y a intérêt à ce que ce soit important, sinon je lui fais bouffer son papier à la fin du cours.
En me levant, je découvre enfin ce que Polochon était en train de griffonner à la craie : « 3 novembre : journée de la gentillesse »
— Mais on n’est pas le 3 novembre, madame !
— Ce serait cool, pour la journée de la gentillesse, que vous ne nous donniez pas de devoirs pendant les vacances, non ?
— Ah ouais ! Bonne idée ! Ou alors, vous nous donnez à tous un 20/20.
— C’est écrit journée de la gentillesse, pas journée de la stupidité, Einstein !
— C’est toi qu’est stupide !
— Ça, c’est pas très gentil. Ça mérite un zéro.
Je regarde la prof, qui regarde la classe se renvoyer des vannes pourries. C’est eux qui s’insultent et racontent n’importe quoi, et c’est moi qui suis devant alors que je me suis juste retournée. Pffff.
— Stop ! soupire la prof. On arrête les frais, vous me donnez mal à la tête. Heureusement que c’est la dernière heure de la journée.
Arthur applaudit, Suzanne bâille et Dania joue sur son téléphone. Pas du tout discrètement. Polochon n’est pas méchante. Juste soporifique. Je ne sais pas pourquoi personne ne lui a jamais dit que de parler sur une seule tonalité, c’était le succès assuré pour endormir son auditoire. Et niveau autorité, c’est pire ! Elle a de la répartie, certes, mais y en a même pas la moitié qui l’écoute , alors…
— Je disais donc, elle reprend sans toutefois hausser la voix. Journée de la gentillesse. Pour le jour de la rentrée, je vous demande un seul travail. Et ce n’est pas moi qui le noterai. Mais vous !
Gros silence. Tout n’est pas perdu ! Madame Péluchon a réussi à attirer l’attention de toute la classe. Même celle des M&M’s : Margot et Mélusine.Margot a refermé le clapet de son mini miroir et Mélu vient de ranger sa lime à ongles. Bel exploit, Polochon ! Bel exploit !
— Yuna va passer dans les rangs avec ceci.
La prof de français me pose dans les mains une boîte vide de Ferrero Rocher.
— J’aurais préféré qu’elle soit pleine, je grommelle.
Journée de la gentillesse de mes fesses, ouais ! Pour une fois, cette pensée furtive est restée dans ma tête.
— Chacun de votre prénom est écrit sur un bout de papier. Vous allez en piocher un à l’aveugle. Et pour la rentrée, je veux que vous écriviez une lettre de gentillesse à la personne qui va vous être attribuée.
Les soupirs, les moqueries et les râleries s’élèvent en une cacophonie qui me donne envie de leur crier de la fermer.
— Si vous voulez offrir des cadeaux à la personne que vous allez piocher, vous le pouvez aussi, poursuit la prof su le même ton tout mou. Tout acte de gentillesse est accepté. Mais le courrier est le seul devoir qui sera noté.
— Et c’est qui qui va noter notre devoir, alors ? La classe tout entière ?
— Monsieur Broissard, « c’est qui qui » n’existe pas dans notre chère langue française. Mais pour répondre à votre question, non, ce n’est pas la classe qui va noter votre devoir. Votre lettre aura un caractère intime, donc c’est la personne à qui vous allez la donner qui lui attribuera une note.
Nouveau tollé.
— Mais madame, c’est injuste !
— Et si on tombe sur quelqu’un qui nous aime pas, on va avoir une sale note ?
— Si j’pioche quelqu’un qu’j’aime pas, j’peux changer ?!
La prof soupire et répond de sa voix monocorde. Je parie qu’elle entend chaque année les mêmes questions, les mêmes objections.
— Non Elias, vous ne pouvez pas changer. Écrire quelque chose de gentil à quelqu’un qu’on aime déjà, c’est facile. Je vous demande de chercher au-delà de ce qui est évident. Quant à la note, je vous proposerai une grille de notation et je vérifierai votre impartialité.
Est-ce qu’ils savent même ce que ce mot veut dire ? En tout cas, ils se renfrognent tous sur leur chaise. Je commence mon tour de table. À part les M&M’s qui font rouler les bouts de papier comme si elles tiraient les boules du loto, ça va vite. Issa me glisse un autre petit mot en passant, ce qui me rend mon sourire. Tout le monde parle fort et glousse. La moitié de joie, l’autre de gêne.
Le dernier papier qui reste est pour moi. Et c’est mon nom qui est écrit dessus. Je le montre discrètement à Polochon, pendant que toute la classe se lève pour révéler sa pioche à qui de droit.
— Je peux changer ?
— Pas d’exception, mademoiselle Micla.
— Donc je vais m’écrire à moi-même, et me noter moi-même ?
— Pour la note, on s’arrangera.
Polochon récupère sa boîte et demande s’il y a des questions. Une façon comme une autre de me congédier. Je profite du brouhaha pour lire les mots d’Issa.
« Parce qu’il voulait montrer à sa belle ce qu’il avait dans le ventre. »
« Pourquoi le hérisson a-t-il traversé la route ? »
Je remets les deux dans le bon ordre. Sa blague m’arrache un petit gloussement absolument sadique, mais on s’en fout. Un peu d’humour noir au milieu de cette cacophonie, ça aide pour tenir jusqu’à la sonnerie.
— Hééé, Youuuu, attends !
Issa déboule après s’être extrait du cercle de ses nombreux potes et dépose une grosse bise sur le haut de ma tête. Faut dire que depuis cet été, il a poussé comme un bambou.
— Tu veux faire jaser, c’est ça ?
— Nan, j’avais juste envie.
— Mes fesses, ouais !
— Yuna, c’est moche ce genre de mot dans ta bouche. Regarde, même tes dents elles sont pas d’accord !
Et vlan, une tape derrière la tête. Je suis sûre qu’il n’a rien senti avec sa touffe de cheveux-airbag. Il se marre et se recoiffe tout en regardant derrière, l’air de rien.
— Qui est-ce que tu essaies d’observer discrétos, Issa ?
— Qu… quoi ? Mais non ! Qu’est-ce que tu racontes ?
Je me plante devant lui, moi, mes yeux de chat et mes dents du bonheur.
— OK. C’est Camille.
— Bah dis donc, t'avoues plutôt vite pour quelqu’un qui n’avait rien à dire.
Il hausse les épaules.
— Et pourquoi tu la regardes, au fait ?
— J’ai pioché son nom. Et toi ? T’as pioché qui du coup ?
— Moi.
Issa éclate de rire. J’adore son rire. Tonitruant. Le contraire de son propriétaire. Issa est plutôt du genre discret et posé, élevé dans les strictes règles de la bienséance de sa mère, avocate arriviste, et de son père, ministre en Afrique de l’Ouest. Très bon élève. Excellent élément en volley. Modèle de bogossitude sans péter plus haut que son cul. Mais son rire, c’est comme jouer au ballon dans le salon de mes parents. Ou pire, dans celui de sa mère, dont les murs sont blancs comme un cul (enfin, le mien, celui d’Issa est plutôt chocolat), où des objets d’art aussi moches que chers – et qu’on ne doit surtout pas toucher – sont disposés un peu partout. Le rire d’Issa, on n’entend que lui, on ne voit que lui et il fracasse tous les silences du monde.
— Et Polochon, elle en a dit quoi ?
— Pas d’exception, gnagnagna…
— Arrête de râler, si tu veux, je te l’écris ta lettre de gentillesse. J’ai déjà plein d’idées.
— C’est gentil.
— J’reste dans le thème.
Je lui tire la langue avant de rajouter :
— Mais tu sais ce que je pense de la facilité.
— Ouais, c’est pour les faibles ! Allez, viens, on va réfléchir à tout ça autour d’un chocolat chaud.
— Avec de la chantilly ?
— Évidemment !
Un jour, Issa et moi, on s’assoira à ces mêmes tabourets et on commandera de la bière. Ou on jouera au billard en sirotant des cocktails. Et on se souviendra en riant de nos sirops de gamins, puis de nos chocolats chauds d’ados. On se souviendra qu’on n’enviait même pas les adultes, sauf quand Hakim débarquait avec sa bande. Comme maintenant.
Hakim est en terminale. C’est l’homme de ma vie. Enfin… non. C’est ce que j’aimerais, au fond, mais je ne suis pas stupide. Ni naïve. Je sais bien que ça n’arrivera jamais. Déjà parce qu’à ses yeux, je suis une gamine qu’on a bercée un peu trop près des murs étant bébé, et surtout, parce que c’est le petit copain de Louise. Depuis… toujours, en fait. Sauf que je n’ai pas encore rencontré quelqu’un qui me fasse l’oublier. Alors en attendant, je l’évite. Ce qui est compliqué. Très compliqué, puisque c’est le grand frère d’Issa.
Hakim et Louise. Louise et ses cheveux blonds toujours bien lissés, ses vêtements classes mais sobres, son visage de poupée de porcelaine avec ses grands yeux bleus magnifiques et sa peau parfaite. En même temps, vu les soins que sa mère lui paie, y a intérêt à ce que les résultats soient à la hauteur. Louise est pour Hakim ce que je suis pour Issa. Sa meilleure amie d’enfance. Sauf qu’entre eux, la limite de la friend-zone a toujours été très floue.
Je ne saurais pas dire à partir de quand ils ont commencé à sortir ensemble pour de vrai. Louise a toujours été pour la mère d’Issa et Hakim, la fille qu’elle n’a jamais eue. Et surtout, elle répond à tous ses critères : fille de bonne famille, bien éduquée, belle, douce, qui ne fait jamais de vague, et le top du top, qui a toujours souhaité devenir avocate, comme Hakim. Et comme elle. Beurk !
Issa adore se moquer de Louise. Elle n’est pas méchante. Juste un peu chiante. Elle n’a pas vraiment d’avis personnel, reste toujours un peu en retrait. Et bien sûr, elle est dans tous les éloges de Madame Banko. Valérie. La mère d’Issa et Hakim. On l’appelle Val. Elle détesterait si elle nous entendait. Ce serait trop familier. Irrespectueux. Indigne. Quoi qu’il en soit, Val reporte sur Louise tous ses rêves perdus avec Issa. Son dernier fils qui ne suit pas sa voie. Il ne suit même pas ses ordres. Faut dire qu’il y en a à la pelle, et tout un tas qui ne servent à rien. Et d’après Val, ce serait un peu de ma faute. Moi, la fille du peuple, qui préfère jouer au volley plutôt que d’apprendre les langues étrangères, qui a toujours les joues rouges et les cheveux emmêlés d’avoir rigolé trop fort ou couru on ne sait où. Trop fofolle, trop hors cadre. Fort sympathique, mais... de loin. Encore un peu plus, s’il vous plaît. Quelques pas supplémentaires. Un avion, même ? Voilà. Parfait !
Issa a toujours refusé de porter les chemises que sa mère lui imposait. Il a milité pour qu’on ne lui coupe plus les cheveux dès qu’il a eu l’âge de parler, et faisait des crises monstrueuses chaque fois qu’on l’emmenait de force chez le coiffeur. Ses premières tresses ont fait fulminer son père, mais Issa s’en fichait. Il a toujours clamé haut et fort que plus tard, il sera journaliste sportif et il s’est inscrit au club de volley alors qu’il était censé démarrer l’équitation.
Alors certes, je suis un des éléments perturbateurs du plan soi-disant parfait de Madame Banko, mais le terrain était déjà bien fertile avant que je débarque avec mon impulsivité, ma créativité et mon énergie à revendre.
— T’as vu un fantôme ?
Hakim est à contre-jour, mais je devine son sourire de côté. Ses mains dans les poches de son jean, sa chemise repassée même après une journée de cours, le bras de Louise glissé dans le creux de son coude à lui...
— Salut, je bafouille avant de replonger ma tête dans mon grand mug bien chaud.
Issa vient à mon secours.
— On a un devoir un peu bizarre à faire pendant les vacances et You a du mal s’en remettre.
Je cligne doucement des yeux pour le remercier. La feinte n’est pas tellement géniale, mais ça a l’air de passer.
— Et c’est quoi, ce devoir ?
— Écrire une lettre de la gentillesse pour la journée de la gentillesse.
— Tu nous as habitués à être plus combative que ça, Yuna ! Ce sujet a l’air bien moins épineux que ton exposé sur la place de la femme dans la société ou ta recherche de pelotes de réjection pour le cours de SVT. C’est quoi le problème ?
Issa pouffe de rire, autant pour le langage un peu trop chic de son frère que pour la situation dans laquelle je me retrouve.
— Elle doit s’écrire une lettre à elle-même.
J’ai beau lui envoyer des fléchettes invisibles, Issa continue de ricaner, de plus en plus fort. Les gens commencent à se retourner. Il n’en faut pas moins à Louise pour faire un pas pour rejoindre les autres de sa classe. Ceux qui sont matures. En terminale, pas en troisième.
— Kimi, tu viens ? elle l’appelle de sa petite voix de souris.
Kimi. Ce surnom nous a toujours fait rire. On se moque souvent de Hakim en imitant Louise. Sauf que depuis quelque temps, ça sort de plus en plus naturellement de notre bouche. J’évite de regarder Issa, on frôle le fou rire.
— Je te rejoins tout de suite. Commande-moi un demi.
Et il lui caresse la joue. Le fou rire se suicide tout seul dans ma gorge. Issa regarde le fond de son mug, moi je me demande si Hakim n’accepterait pas de commander un verre de whisky pour moi. Dans les films, ça a l’air de redonner un coup de fouet. Ou du courage.
— Alors, Yuna, c’est quoi cette histoire de lettre à toi-même ? reprend l’homme de mes rêves et de la vie d’une autre.
— Polochon a demandé qu’on écrive une lettre de la gentillesse à la personne de la classe qui nous serait attribuée. Tout le monde a pioché un nom, mais sur le papier que j’avais, y avait mon propre nom.
— Madame Péluchon, je vois. Et où est le problème ?
— Je suis la seule à trouver ça bizarre d’écrire un auto-éloge ?
— Un éloge à soi-même, pas un auto-éloge.
— T’as compris c’que j’voulais dire.
— Qu’est-ce qui te gêne ?
— Je trouve ça vach’ment orgueilleux. Mielleux. Et puis, c’est carrément pas objectif.
— Tu peux être gentille envers toi-même sans pour autant faire un éloge de toi-même. Une lettre de la gentillesse ne veut pas forcément dire faire des compliments.
Issa se gratte la tête. Il ne voit pas non plus où son frère veut en venir. Est-ce que les points d’interrogation se lisent sur mon front ? Ou s’évaporent de ma tête, comme des bulles ?
— Je ne vais pas faire ton travail à ta place, ma belle ! Mais réfléchis à ce que je viens de te dire.
Réfléchir à quoi ? Il a dit « ma belle » et ces deux mots viennent d’entamer une valse dans mon cerveau. Je me force à cligner des yeux pour écouter la suite.
— Ne pense pas forcément « compliments ». Pense à ce qui te ferait plaisir que quelqu’un te dise ou te fasse, par gentillesse. Vois grand. Et n’attends pas que quelqu’un d’autre le fasse pour toi. Fais-le directement.
Hakim pose ses lèvres sur ma tête, comme Issa quelques minutes plus tôt, et rejoint sa belle qui l’accueille avec un baiser dans le cou. Voilà. Maintenant, j’ai envie de pleurer.
— You, arrête de faire ça.
— Faire quoi ?
— Oublie-les. Concentre-toi sur notre devoir. D’ailleurs, je crois que j’ai déjà des idées pour Camille.
Issa sait pour Hakim. On n’en parle jamais, parce que les rares fois où il a voulu aborder ne serait-ce que les contours du sujet, j’ai fondu en larmes. Alors maintenant, il fait tout pour faire diversion. Sauf que là, je suis un ch’touille de mauvaise foi.
— Pas difficile, c’est la plus belle fille de tout le collège.
— Et ?
— Bah voilà.
— Donc tu crois que je vais écrire un truc du genre « Camille, avec tes longs cheveux noirs, tes yeux comme des saphirs étoilés... »
— Des saphirs étoilés ? Mais d’où tu sors ça ?
—C’est une pierre noire qu’on ne trouve qu’en Thaïlande. T’iras voir sur Internet, on dirait les iris de Camille.
Je le regarde bouche bée avant de le toiser en croisant les bras.
— Depuis combien de temps, au juste, tu regardes en secret à quoi ressemblent les yeux de Camille ?
— Peu importe. Donc, je disais, tu crois simplement qu’écrire un truc sur son physique, ça correspond à ce qu’est une personne ? Toi ? La nana la plus chiante de la Terre en ce qui concerne le fait de s’intéresser à ce qu’il y a à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur ?
— Ouais, bon, ça va !
— Nan, ça ira seulement quand tu auras reconnu que c’est pas facile d’écrire une lettre de la gentillesse, même à la nana la plus canon du bahut.
Issa craque pour Camille. J’essaie d’associer ces mots dans ma tête. C’est juste fou.
— Me dis pas que t’es amoureux !?
— …
— Oh non ! T’es amoureux ?!!! Genre, pour de vrai ?!!
— Dis pas « genre », comme ça, on dirait les M&M’s.
Je me lève en manquant de faire tomber le tabouret et lui saute dans les bras.
— Ça va, n’en fais pas toute une histoire, non plus ! You, s’te plaît, tu nous affiches.
— Et ?
Issa soupire, mais resserre quand même ses bras dans mon dos. Mon meilleur ami est amoureux. Et il a plutôt bien choisi.
— J’suis fière de toi, ma chaussette, je rajoute, une larmichette au coin de l’œil.
— Va falloir arrêter avec ce surnom stupide, on est grands maintenant !
— On peut être grands et garder son âme d’enfant ! N’oublie pas : il est interdit de rouiller.
Je lui tends mon plus beau sourire, celui où le petit trou entre mes deux dents de devant, celles du haut, s’affiche fièrement ! J’attrape mon sac et me dirige vers la sortie.
— Mais attends, Yuna, où tu vas comme ça ?
— J’viens d’avoir une idée pour mon devoir de français. Faut que je note tout ça avant d’oublier. Ça urge. J’t’envoie en photo quand j’ai fini. Tu vas a-do-rer.
Je n’entends même pas sa réponse que je suis déjà dehors.