Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Extrait : "Situation. – L'Océanie, à laquelle les géographie modernes donnent avec raison le nom de Monde maritime, n'est autre que l'ensemble des terres baignées par le Grand-Océan, appelé aussi Océan Pacifique. Les limites sont : au nord, le parallèle du 34e degré ; à l'est, les deux Amériques ; au sud, jusqu'aux découvertes des intrépides navigateurs du pôle austral ; à l'ouest, l'Asie et l'Océan Indien."
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 478
Veröffentlichungsjahr: 2015
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
EAN : 9782335041620
©Ligaran 2015
Les transformations de l’Océanie. – Ligne nationale de navigation. – Le mouvement colonial en France et à l’étranger. – Action des sociétés de géographie. – Entreprises urgentes. – L’Australasie. – La Nouvelle-Calédonie. – Les récidivistes. – Les Nouvelles Hébrides. – Nos possessions océaniennes et le canal de Panama. – Objet de l’ouvrage.
Les transformations de l’Océanie. – Un coup d’œil sur un planisphère suffit pour se rendre compte des destinées de l’Océanie et de la part qui revient à la France dans les transformations actuelles de cette partie du monde.
Considérons, en effet, la situation de la Nouvelle-Calédonie et de ses dépendances, y compris l’archipel des Hébrides. Nous voyons que ces territoires, voisins de l’Australie, sont placés d’une part entre les deux Amériques, et d’autre part entre l’Asie et l’extrémité de l’Afrique.
Dans peu d’années, notre « pourfendeur de grands continents » aura abrégé de 2 000 lieues la route du Pacifique par Panama, c’est-à-dire le voyage de Brest, Rochefort, Bordeaux, le Havre, Dunkerque à Taïti, à Nouméa, aux Hébrides, à Sydney, Melbourne et autres ports australiens.
En ce qui concerne l’Afrique, les grandes nations européennes cherchent toutes à prendre pied dans ce vaste continent. Les établissements européens se trouveront dès lors d’autant plus rapprochés de l’Océanie que les grandes lignes nationales de navigation à vapeur, les réseaux télégraphiques terrestres et sous-marins, les correspondances postales rapides et la diffusion de la presse auront supprimé les distances.
Ligne nationale de navigation. – Aussi l’inauguration récente de la ligne directe de paquebots-poste français de Marseille vers la Réunion l’Australie et la Nouvelle-Calédonie n’est-elle pas seulement un fait d’une grande importance commerciale, mais d’un intérêt national.
Le mouvement colonial en France et à l’étranger. – Ce qu’il y a de remarquable dans l’essor que reprend dans notre pays ridée de colonisation lointaine, dans cet heureux renouveau des grandes entreprises, qu’il faut saluer comme l’aurore d’une ère nouvelle de prospérité matérielle et de grandeur morale, c’est que la préoccupation, l’impression, l’agitation qui se produisent dans tous les esprits clairvoyants se manifestent plus vivement, plus hautement parmi tous nos voisins que parmi nos nationaux, longtemps endormis dans une fausse sécurité pendant que nos rivaux agissaient vigoureusement.
Si nos concurrents jaloux se préoccupent à ce point de ce nouvel état de choses, comment pourrions-nous y rester indifférents ? Après nous avoir supplantés sur bien des points du globe où nous avions les premiers montré glorieusement notre pavillon, comme aux Indes, au Canada, à la Louisiane, après nous avoir devancés sur d’autres points où nous appelaient cependant nos intérêts spéciaux, s’ils témoignent une inquiète jalousie et s’ils cherchent à susciter des entraves à nos légitimes projets, comment pourrions-nous hésiter à aller résolument de l’avant ?
Prévost-Paradol s’écriait naguère : « Avant un siècle, le monde sera anglo-saxon. » M. Thiers disait : « Si nous voulons sauvegarder notre état social, il faut coloniser. » M. Renan ajoute que « toute nation qui ne colonise pas est vouée à la guerre intestine ou extérieure », « à moins, reprend M. Foncin, qu’elle ne se laisse étouffer chez elle par les nations voisines toujours grandissantes. »
La population augmente, en effet, dans les États de l’Europe, tandis qu’elle diminue en France. Le remède, c’est de « faire des Français », comme le disait un illustre homme d’État ; c’est de peupler de Français ces territoires qui sont le prolongement de notre pays au-delà des mers, car partout où flotte notre pavillon, là est encore la France.
Action des sociétés géographiques. – En travaillant à la propagation des idées de colonisation, en en répandant le goût parmi la jeune génération, en l’éclairant sur les voies et moyens propres à assurer le succès, les sociétés de géographie, si nombreuses maintenant en France, qu’elles forment une grande famille, une grande « amitié » patriotique, travaillent donc au salut de notre chère patrie.
C’est grâce à ces sociétés de propagande colonisatrice, unies entre elles sous des dénominations diverses, mais tendant au même but, qu’ont été renouées les traditions coloniales de notre race. Depuis la perte de nos grandes possessions du XVIIIe siècle, nous avons été si absorbés par nos affaires politiques à l’intérieur que nous sommes, pour notre malheur, restés indifférents à tout ce qui se passait au dehors ; mais nous n’avons pas perdu cet amour des lointaines entreprises et surtout cette facilité d’assimilation inhérente à notre caractère social qui fait que les populations de nos colonies s’attachent à nous et nous aiment. Nos rivaux nous rendent d’ailleurs cette justice.
Entreprises urgentes. – Mais, en face des projets pour l’avenir qu’il nous faut évidemment assurer, en Afrique, au Congo, à Madagascar, à Obok, il y a le présent : l’action urgente, indispensable, est en Indochine, au Sénégal, en Océanie. C’est là que doivent sans désemparer se localiser nos efforts les plus ardents et les plus persévérants.
Nous avons fait connaître notre situation en Indochine, nous allons l’exposer également en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie et les Hébrides.
L’Australasie. – Ces territoires sont à quatre jours de vapeur de l’Australie, du « continent sans pareil », du « chef-d’œuvre de la colonisation moderne ».
L’Australasie est un vaste ensemble de colonies qui en soixante-dix ans a vu sa population passer de 1 200 habitants à 2 800 000.
En 1823, on a vendu sur le marché de Londres 2 200 francs les douze premières balles de laine australienne. Aujourd’hui il y a 66 millions de moutons produisant pour 400 millions de francs de laine. Or la France achète par au 300 millions de laine brute et exporte pour la même valeur en laines manufacturées.
L’État a besoin pour nos troupes de 80 millions de rations de viande conservée. Or l’Australie possède 8 millions de bœufs, contre 12 millions seulement en France. L’Australie peut fournir à l’exportation 200 tonnes de viande par jour, c’est-à-dire un million de tonnes par an pouvant nourrir 20 millions d’hommes.
Le commerce australien est de deux milliards 400 millions. Le nôtre est cinq fois moindre et devrait atteindre 37 milliards pour rivaliser avec celui de ce jeune peuple. Autrement dit, le commerce australien est de 1 200 francs par habitant, et le nôtre de 200 francs.
Les transactions franco-australiennes n’étaient que de 2 400 000 francs à l’exportation de France et de 9 500 000 francs à l’importation en provenance d’Australie. C’est que tout ce commerce se faisait sous pavillon britannique, par l’intermédiaire forcé des courtiers de Londres, Anvers et Hambourg.
On voit, en ce qui touche notre consommation de laines, de viandes conservées, de blé, de vin de coupage, etc., quelles transformations avantageuses nos échanges vont subir.
La Nouvelle-Calédonie. – Quant à la Nouvelle-Calédonie, on s’occupe de la relier à nous par le télégraphe. Le service maritime des voiliers de Bordeaux se transforme en service à vapeur. Le Havre, Nantes, Dunkerque demandent une ligne nouvelle de navigation.
Les mines de toute espèce et surtout de nickel, le « métal français », sont aussi variées que fécondes.
Les Récidivistes. – La transportation ou relégation des récidivistes au nombre de 5 000 par an va suivre celle des 10 000 condamnés aux travaux forcés, amenés en Calédonie depuis 1863 et dont le nombre s’augmente annuellement de 7 à 800 hommes. La relégation des récidivistes va nécessairement entraîner l’occupation de l’archipel des Nouvelles-Hébrides.
Ce sont des questions d’État et des questions sociales, en même temps que des questions coloniales.
Nos possessions océaniennes. – Les Nouvelles-Hébrides. – Enfin, le canal de Panama va nous rapprocher de toutes nos possessions océaniennes, des deux archipels de Taïti, notre nouvelle colonie, dont l’intégrité est à sauvegarder malgré les Allemands et les Anglais ; des Gambier, des Tuamotou, des Toubouaï, des Marquises, lieu de relégation ; de ces îles si nombreuses et si belles qu’un géographe allemand, Carl Ritter, les appelait « la voie lactée des eaux » ; des Nouvelles-Hébrides, notre « trouée de Belfort » vers Panama, dépendance naturelle de la Calédonie et dont le sol appartient en partie à une compagnie française fondée à Nouméa ; de la Calédonie enfin que son premier gouverneur appelait « la clef de l’Océanie ».
Sur la route de Panama ces possessions se succèdent, en effet, sur l’azur des eaux comme les étoiles sur l’azur du firmament.
Objet de l’ouvrage. – Puisqu’ainsi nous avons, nous Français, notre part toute faite dans cette « Méditerranée océanienne » bordée par les deux Amériques, l’Asie et l’Afrique, il s’agit de faire bien connaître notre situation et d’en tirer parti : c’est le but de ce nouvel ouvrage.
Déjà en 1878 nous avons publié, par ordre du ministère de la Marine et des Colonies, un important ouvrage ayant pour titre : la Colonisation française en Nouvelle-Calédonie et dépendances.
Cet ouvrage a été couronné à Paris, Bordeaux, Sydney et Melbourne. La principale des cartes qui l’accompagnent a été reproduite par le ministère de la Marine et des Colonies en annexe des comptes rendus que ce Département distribue aux chambres annuellement au sujet de la situation de l’administration pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie.
Depuis lors, la colonie a subi de terribles évènements : insurrection, crises minière et financière, etc. Elle est victorieusement sortie de ces épreuves et a pris un nouvel essor. Le pays se transforme rapidement. En exposant sa situation actuelle et les conditions nouvelles de son avenir, nous espérons mériter l’attention de tous ceux qui s’intéressent au développement de nos relations commerciales et coloniales.
De nombreuses gravures, exécutées d’après nature par un artiste de talent, permettront au lecteur de se rendre compte de visu des hommes et des choses et de nous suivre pas à pas et sans fatigue dans ce voyage à pied aux antipodes.
CH. LEMIRE.
Situation de la Nouvelle-Calédonie. – Étendue. – Découverte. – Explorations. – Occupation. – Aspect du pays. – Climat et saisons. – Les récifs et la navigation côtière. – Influences physiques et morales de la vie coloniale. – La vie dans la brousse.
Situation. – L’Océanie, à laquelle les géographes modernes donnent avec raison le nom de Monde maritime, n’est autre que l’ensemble des terres baignées par le Grand-Océan, appelé aussi Océan Pacifique.
Les limites sont : au nord, le parallèle du 34e degré ; à l’est, les deux Amériques ; au sud, jusqu’aux découvertes des intrépides navigateurs du pôle austral ; à l’ouest, l’Asie et l’Océan Indien.
La superficie de toutes les terres de cet océan est un peu plus considérable que celle de l’Europe.
Le chiffre de la population est fixé, approximativement, à 18 millions, d’âmes par Soulier (de Sauve), 1849 ; à 20 millions d’âmes par Balbi, 1840 ; à 23 millions d’âmes par Malte-Brun, 1837 ; à 30 millions d’âmes par Cortambert, 1856. Ce qui revient à dire qu’il n’est pas connu.
Les indigènes se composent de Malais, d’hommes de race jaune, de Polynésiens et de nègres.
Le mahométisme domine dans la Malaisie, et le fétichisme dans les autres parties de l’Océanie.
L’influence des missionnaires catholiques ou protestants et celle des gouvernements européens qui ont des établissements dans l’Océanie, tendent de plus en plus à répandre la civilisation européenne sur les populations indigènes, qui vivaient, pour la plupart, dans la plus profonde misère morale.
L’Océanie produit de l’or, du fer, de l’étain, des diamants, du charbon de terre, du nickel, du cobalt, du chrome, du cuivre, etc., etc.
Toutes les cultures des autres parties du monde paraissent possibles en Océanie, suivant la position géographique et l’étendue des îles.
Les grands animaux de l’Asie se trouvent dans la Malaisie. La plupart des animaux des autres continents, quoique n’ayant pas été trouvés en Océanie, peuvent s’y acclimater. Le plus curieux des phénomènes est celui que présentent les myriades de polypes, de ces faiseurs de mondes, comme dit Michelet, travaillant incessamment à former des récifs qui, sortant des eaux, deviennent des îles.
Divisions. – Les géographes ont établi quatre grandes divisions théoriques dans l’Océanie, savoir :
Micronésie (au nord). – Cette division comprend, ainsi que l’indique son nom, une multitude de petites îles, dont les principales sont : 1° archipel Magellan ; 2° archipel d’Anson ; 3° îles Palas ou Pelew ; 4° îles Mariannes ou des Larrons ; 5° îles Carolines ; 6° îles Marshall et Gilbert.
Polynésie (à l’est). – Cette division comprend, suivant son nom, un très grand nombre d’îles de diverses dimensions, dont les principales sont : 1° îles Sandwich ou Hawaï ; 2° îles Marquises ; 3° archipel Tuamotu ; 4° îles de la Société, 5° archipel de Cook ; 6° îles Samoa ou des Navigateurs ; 7° îles Tonga ou des Amis ; 8° Nouvelle-Zélande.
Mélanésie (au sud). – Les indigènes de cette division sont de race noire, d’où le nom de Mélanésie. Les îles principales sont : 1° Nouvelle-Guinée ou Papouasie ; 2° Nouvelle-Bretagne ; 3° Nouvelle-Irlande ; 4° archipel Salomon ; 5° archipel de la Louisiane ; 6° archipel de Lapérouse (Santa-Cruz) ; 7° archipel du Saint-Esprit (grandes Cyclades, Nouvelles-Hébrides) ; 8° les îles Vitis ou Fidjis ; 9° Nouvelle-Calédonie ; 10° île Nouvelle-Hollande.
Malaisie (à l’ouest). – Les indigènes de cette division sont de race malaise, d’où le nom de Malaisie. Elle est aussi appelée Grand Archipel d’Asie ou Archipel Indien. Les îles principales sont : 1° îles Philippines ; 2° îles des Moluques ; 3° îles Célèbes ; 4° îles de la Sonde (Sumatra-Java) ; 5° île Bornéo.
Ces divisions ne sont plus logiques ni admissibles aujourd’hui et devront être remaniées.
Sporades. – Les géographes ont désigné sous le nom générique de Sporades de l’Océanie (les Sporades sont les îles de la Méditerranée dispersées le long de la côte sud-ouest de l’Asie-Mineure) les petites îles du Grand-Océan ne se rattachant à aucun groupe. Telles sont, au sud de l’équateur, les îles de Pâques (la plus orientale de l’Océanie), Rapa, Pitcairn, Peuryhn, etc. Elles prennent le nom de Sporades australes. Au nord de l’équateur, ces îles ainsi dispersées prennent le nom de Sporades boréales.
Nouvelle-Calédonie. – Étendue. – « La Nouvelle-Calédonie s’étend du sud-est au nord-ouest, entre 20° 10’ et 22° 26’ de latitude méridionale, et entre les méridiens de 161° et 164° 25’ à l’est du méridien de Paris. Elle est grande quatre fois comme la Corse. Elle a. 13 lieues de large et 175 lieues de long à vol d’oiseau.
Découverte. – Cette île, la plus considérable de l’Océan Pacifique, si l’on en excepte la Nouvelle-Zélande, fut découverte le 4 septembre 1774, par le célèbre navigateur Cook. La première terre aperçue fut le massif de montagnes qui domine le cap Colnett, pointe remarquable, qui reçut le nom du volontaire qui la signala.
Voyage de Cook. – Après avoir croisé quelques jours devant l’île et reconnu l’île d’un seul arbre (île Pin), île plate, remarquable par un sapin gigantesque, qui existe encore aujourd’hui, les deux bâtiments de l’expédition, Adventure et Résolution, traversèrent la chaîne du grand récif et vinrent mouiller près de l’îlot de sable Poudioué, au nord de Balade. Des relations fréquentes et amicales s’étaient déjà établies avec les indigènes, dont les nombreuses pirogues étaient venues faire des échanges le long du bord, et la bonne harmonie ne cessa de régner pendant cette relâche de Cook, qui ne dura que quelques jours ; aussi le naturaliste Forster fait-il le portrait un peu flatté des naturels. En mémoire de la visite de Cook ; un groupe de cocotiers, qui existe encore, fut planté près du village de Bouayaoup.
« Après avoir renouvelé son eau et fait quelques observations astronomiques, Cook appareilla de Balade le 13 septembre, sortit du récif et voulut d’abord tourner l’île par le nord ; la chaîne du grand récif extérieur, qui s’étendait toujours à perte de vue dans le nord-nord-ouest, le détourna de ce projet ; il vira de bord et longea la côte dans le sud-est. Arrivé par le travers du grand massif de Kuebüni, auquel il donna le nom de cap de la Reine Charlotte, il prolongea de nouveau le grand récif et vint passer quelques jours au mouillage d’Amère, qu’il nomma Botany-Island. Il poursuivit ensuite sa route au sud-est jusqu’à l’île Kunié, qu’il reconnut le 23 septembre et qu’il nomma île des Pins, à cause de la grande quantité d’arbres de cette espèce qu’il y aperçut, et termina là son exploration de la Nouvelle-Calédonie.
Voyage de La Pérouse. – L’attention du gouvernement français fut éveillée par les relations des voyages de Cook et de ses importantes découvertes, et, en 1788, les corvettes la Boussole et l’Astrolabe furent envoyées dans le Pacifique, sous le commandement de La Pérouse. Les instructions qui devaient diriger cette campagne furent rédigées par le roi Louis XVI avec un soin minutieux, et prescrivaient une reconnaissance complète de la Nouvelle-Calédonie et des ressources qu’elle pouvait offrir. Les dernières nouvelles de cette expédition, qui se termina si malheureusement à Vanikoro, datent de Botany-Bay, et il n’existe en Nouvelle-Calédonie aucune trace, aucun souvenir de son passage. Il est naturel de croire que la première apparition d’un navire européen a pu seule faire époque dans la tradition indigène, si obscure déjà chez un peuple alors complètement sauvage, et que les successeurs de Cook n’ont plus excité qu’une attention passagère et des souvenirs de courte durée.
Voyage de d’Entrecasteaux. – Le 29 septembre 1791, la Recherche et l’Espérance partirent de Brest, sous le commandement du contre-amiral Bruny d’Entrecasteaux, pour aller à la recherche de La Pérouse, et arrivèrent en vue de l’île des Pins le 16 juin 1792 ; ils longèrent les récifs qui bordent la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie sur une longueur de plus de 300 milles, tandis que Beautemps-Baupré, l’hydrographe de l’expédition, dressait sous voiles la carte de l’île. D’Entrecasteaux découvrit plusieurs îlots au nord de la Nouvelle-Calédonie et détermina la position du récif qui porte son nom. Il ne pénétra pas dans le récif ; mais il eut connaissance du port de Saint-Vincent, auquel il donna le nom de havre Trompeur, n’ayant pu découvrir la passe. Après avoir visité les archipels situés à l’ouest et au nord de la Nouvelle-Guinée et l’archipel des Amis, sans avoir trouvé de traces de La Pérouse, d’Entrecasteaux revint en Nouvelle-Calédonie, et mouilla le 18 avril 1793, à Balade, au premier mouillage de Cook, où il passa trois semaines.
Ce fut pendant cette relâche que mourut le capitaine Huon de Kermadec, qui fut enterré sur l’îlot Poudioué, nuitamment et sans bruit, de crainte que son corps ne fût enlevé par les naturels, dont les instincts hostiles et les goûts anthropophages étaient alors évidents. Les navires quittèrent Balade le 9 mai 1793 ; allèrent reconnaître les récifs que Cook avait découverts au nord-ouest de la Nouvelle-Calédonie, poursuivirent ensuite leur route dans le nord, et passèrent, le 19 mai 1793, devant Vanikoro, où l’on eût peut-être pu retrouver quelques malheureux survivants du naufrage de La Pérouse.
Voyage du Vigilant. – L’extrémité du grand récif extérieur fut découverte, en 1791, par le capitaine Hunter, du navire hollandais le Vigilant (Waakzaamheyd), qui se trouva dangereusement engagé dans la grande baie formée par les récifs du sud et ceux de l’île des Pins.
Fort de Saint-Vincent. – « Le premier qui entra dans le port de Saint-Vincent fut le capitaine Kent, du Buffalo, qui l’a exploré et décrit d’une manière assez complète, en 1793 (ou 1805). Les nombreuses découpures de la côte et les îles qu’il signale dans le sud-est de Saint-Vincent lui avaient fait pressentir les baies de Dumbéa et de Nouméa, mais il ne les a point visitées.
Voyage de Dumont d’Urville. – Le commandant Dumont d’Urville est le premier qui, en 1827, ait déterminé la position de l’extrémité septentrionale des immenses récifs qui prolongent la Nouvelle-Calédonie. Le 28 novembre 1792, le capitaine Henri Bond, commandant le Royal-Admirai, et alors en route pour chercher le grand passage par l’est pour la Chine, faillit se perdre sur les récifs qui avoisinent l’île Huon, et ne dut son salut qu’à la méfiance que lui inspira l’état tranquille de la mer et la cessation complète de la grande houle de l’Océan sous le vent des récifs. Le commandant d’Urville rapporte qu’il a passé à 4 milles de l’extrémité nord du récif le 22 juin 1827, et qu’il forme en ce point une baie de 6 milles de profondeur et de 13 milles d’ouverture. Les petites îles Huon, dont la principale a 1350 mètres de long et moins de 100 mètres de large, sont les seules parties de ce récif qui s’élèvent au-dessus de l’eau. À 2 milles à l’ouest de cette île, le récif court presque directement au nord l’espace de 9 milles, et se termine par une pointe étroite, sur laquelle se trouvent plusieurs roches peu élevées au-dessus de l’eau. L’une d’elles, de 6 à 8 mètres d’élévation, est plus remarquable que les autres, et le récif ne s’étend pas à plus de 1 mille au nord de cette dernière. Les oiseaux et les tortues vertes y sont en grand nombre.
Canal Woodin. – Le canal Woodin, qui sépare l’île Ouen de la grande terre, a été découvert, le 1er décembre 1847, par un capitaine sandalier, qui lui a donné son nom. C’est en cherchant un passage direct de l’île Amère à la côte ouest, pour éviter le long trajet que l’on faisait alors en doublant l’extrémité sud du grand récif, que le capitaine Woodin a trouvé cette route intérieure, actuellement la seule suivie.
Passage de la Havannah. – Le passage de la Havannah n’a été reconnu qu’en 1852, par le bâtiment de guerre anglais de ce nom, qui a fait quelques bons travaux hydrographiques dans cette partie de l’île. »
Premiers habitants français. – En 1843, une corvette française, le Bucéphale, porta des missionnaires en Nouvelle-Calédonie.
La corvette le Rhin visita la Nouvelle-Calédonie en 1845, et la corvette la Seine s’y perdit en 1846.
La corvette française l’Alcmène faisait, en 1851, l’hydrographie de la partie nord de la Nouvelle-Calédonie, lorsque deux embarcations montées par quinze hommes et commandées par deux jeunes officiers furent assaillies à l’improviste et par trahison par les naturels. Les deux officiers et douze matelots furent pris et tués. On avait éventré et vidé les cadavres. Des morceaux de chair humaine avaient été envoyées aux tribus voisines et aux alliés des sauvages.
Occupation. – L’hydrographie du nord de l’île était achevée. On s’occupait en France de préparer une loi sur le système pénitentiaire et sur la transformation du régime des bagnes en transportation. On cherchait une contrée salubre où les criminels pussent être conduits et établis sur des terres qu’ils seraient chargés de mettre en culture. Le massacre de l’Alcmène criait vengeance. On résolut donc, malgré les graves préoccupations de la guerre d’Orient, d’occuper la Nouvelle-Calédonie.
Le 24 septembre 1853, l’amiral Febvrier Despointes prit possession de la grande île à Balade au nom de la France.
Il se rendit ensuite à l’île des Pins sur la corvette à vapeur le Phoque. Des négociations étaient entamées par le commandant d’un bâtiment de guerre anglais pour l’occupation de l’île ; mais les missionnaires qui s’étaient établis dans l’île en 1848 s’étaient ingéniés à retarder ces négociations en agissant à la fois auprès de l’état-major du navire anglais et auprès du chef canaque. Ils firent prévenir secrètement l’amiral français, préparèrent le chef à bien recevoir ses ouvertures, et lorsque, le jour suivant, l’amiral anglais débarqua, le pavillon français flottait depuis quelques heures, depuis le lever de l’aurore, sur cette île magnifique. C’était le 29 septembre 1853. On voit qu’il s’en est fallu de bien peu que notre domaine ne nous échappât ou ne fût morcelé. La destinée des peuples et des pays dépend souvent de circonstances fortuites et futiles.
Nouméa. – « Enfin, au mois de janvier 1854, quatre mois après la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par le gouvernement français, le capitaine de vaisseau de Montravel, commandant la Constantine, en visitant les divers points de l’île, découvrit la bonne et sûre rade de Nouméa qui fut choisie pour l’établissement, du chef-lieu de la colonie. Ce point est par 21° 16’ de latitude sud et 164° 6’ de longitude orientale.
« Cette rade est vaste et d’un accès facile. »
Phares. – À 2 milles en dedans du grand récif s’élève le phare de l’île Amédée. Il est visible à 20 milles en mer. La tour en fer est peinte en blanc et a 50 mètres de haut.
Pour permettre aux navires de franchir ce passage la nuit, on va construire un nouveau phare sur l’île Tiendu, à l’entrée de la passe de la Dombéa. Ce phare coûtera 120 000 fr.
Le port est formé par une presqu’île accidentée qui présente dans ses découpures plusieurs anses pouvant recevoir des navires de fort tonnage, et par l’île Nou (ou Dubouzet), qui court parallèlement à la côte, dont elle est séparée par un canal d’une longueur de 3 milles et d’une largeur moyenne d’un mille. Ce canal, qui a deux issues, l’une au sud, l’autre au nord-ouest, offre partout un mouillage à l’abri de tous les vents. Il est divisé en deux parties par un banc qui le coupe à son point le plus étroit, sans toutefois interrompre la communication de l’une à l’autre pour les navires calant moins de 5 mètres 4 centimètres. La partie sud est le port et le mouillage ordinaire des bâtiments.
« Les nombreux baleiniers et sandaliers qui ont passé en Nouvelle-Calédonie avant l’apparition du Bucéphale, qui amena les premiers missionnaires maristes dans l’île, en 1843, n’ayant laissé ni relations de voyages, ni cartes, il n’y a lieu de mentionner leur passage qu’au point de vue de son influence sur la conduite des indigènes vis-à-vis des équipages blancs, qui s’attirèrent souvent de justes représailles. Cette mauvaise influence a disparu depuis l’établissement d’une administration régulière et sévère, et les populations se rendent utiles sous bien des points de vue. »
La colonie avait été d’abord considérée comme une annexe des établissements français de l’Océanie, dont le centre était Taïti, mais notre possession fut déclarée colonie distincte en 1860. Un capitaine de vaisseau en fut nommé gouverneur et chef de la division navale. En même temps s’y établissaient des Français, des Anglais et des Allemands. Le gouvernement de la France y attirait des émigrants et des colons par des promesses de concessions de terres et de secours en outils d’agriculture et en vivres.
Îles Bélep. – « Dans le prolongement nord-ouest et à 25 milles de la Nouvelle-Calédonie se trouve une chaîne d’îles et d’îlots élevés, qui se termine par le groupe des îles Bélep, dont l’une, l’île Art, offre un bon mouillage dans sa partie ouest. »
Récif et îlots du nord. – En juillet 1876, le commandant Chambeyron, sur le navire le Curieux, fit l’exploration du grand récif du nord. Au-delà du grand passage, il ne trouva que quatre îlots nommés : Huon, Surprise, Leleizour et Fabre, où les oiseaux de mer sont si, nombreux qu’il faut les écarter avec des bâtons. La biche de mer y est de qualité supérieure. La faune et la flore, décrites dans une note du R.P. Montrouzier, en sont des plus chétives. C’est sur l’île Fabre que se perdirent deux navires anglais : le Plato, en 1873, et le Maitland, en 1874, sans que leurs équipages aient songé à venir demander secours en Nouvelle-Calédonie.
Dans la même direction et à 500 milles, se trouve un groupe d’îlots, les Chesterfield, que nous occupons depuis 1878 et d’où l’on a déjà exporté environ 5 000 tonnes de guano.
Île des Pins. – L’île des Pins est située à 30 milles au sud-est et dans le prolongement de la grande île. C’est un vaste plateau aride entouré d’une lisière de terrains bas boisés propres à la culture, et dominé, dans sa partie sud, par un piton conique régulier de 226 mètres d’élévation, bien visible de 30 miles, de beau temps. Elle n’offre que deux mouillages fort mauvais, à Vao et à Gadji.
Groupe des Loyalty. – « Enfin, dans le nord-est de la Nouvelle-Calédonie et presque parallèlement à elle, s’étend l’archipel des Loyalty, composé de trois îles principales, Maré, Lifou et Ouvéa, des îles Pléiades, Beaupré, et de quelques îles très petites situées entre Maré et Lifou, et séparé de la grande terre par un canal de 16 à 20 lieues de large. Il fut, dit-on, découvert par le capitaine Butler, à bord du Walpole, en 1800, ou, d’après une autre version, à bord du Britannia, en 1803. Mais c’est à Dumont d’Urville qu’on doit la première exploration de ces îles. »
Elles forment une chaîne parallèle à celle de la Nouvelle-Calédonie, dont on les croit contemporaines. Elles semblent, dit M. Chambeyron, dues à un même soulèvement, bien qu’il y ait entre elles une différence absolue d’aspect, attendu que la chaîne du sud-ouest (celle de Calédonie) supporte une île énorme d’origine plutonienne et sédimentaire, très élevée et très accidentée, tandis que les roches plutoniennes manquent dans la chaîne du nord-est (celle des Loyalty). Darwin et Dana, bien que n’ayant pas eu connaissance des grands récifs calédoniens, admettent que, dans cette partie de l’Océanie, les phénomènes de soulèvement et d’affaissement ont pu se produire simultanément dans des parties très voisines les unes des autres.
Aspect et constitution du sol. – « Le sol de la Nouvelle-Calédonie est essentiellement montagneux et de formation très ancienne. La nature y a éprouvé de violentés convulsions, dont on retrouve des traces à chaque pas. Quoique plusieurs de ces massifs paraissent dus à des mouvements volcaniques, on n’y a point encore découvert de cratères de volcans éteints, et l’on ne peut attribuer, jusqu’à ce jour, qu’au volcan Mathew, situé à 80 lieues dans l’est de la Nouvelle-Calédonie, les secousses de tremblement de terre qui ont été ressenties dans toute l’île en 1869 et en 1876.
« Avant que l’île eût été traversée d’une côte à l’autre, diverses hypothèses ont été faites sur l’existence d’une ou de plusieurs chaînes parallèles ; nous avons fait plusieurs voyages dans l’intérieur de l’île, et voici le résultat de nos observations à ce sujet. Dans ce que nous appellerons la partie sud de l’île, c’est-à-dire au sud-est d’une ligne tracée du mont d’Or à Unia, la côte est bordée de montagnes élevées, tourmentées, diminuant graduellement de hauteur à mesure qu’elles se prolongent dans le sud. La chaîne de la côte ouest se termine à l’entrée de la baie du Sud ; celle de la côte est, entre Kuebüni et le port-Boisé.
La partie la plus bouleversée de la Nouvelle-Calédonie se trouve comprise entre la ligne qui joint Unia au mont d’Or et celle qui irait de la vallée de Thio à la baie d’Uaraï. Dans tout cet espace, les massifs des montagnes semblent jetés dans le plus grand désordre ; ils ne se relient point lias uns aux autres, et se composent généralement de deux ou trois sommets très élevés, projetant d’énormes contreforts dans toutes les directions, et dont les pentes de 30 à 35 degrés, et souvent même tout à fait inaccessibles, encaissent tantôt de simples filets d’eau, tantôt des torrents considérables.
« Toute la côte est bordée, dans cette partie, de falaises escarpées et de pentes abruptes, excepté dans quelques baies, dont nous donnerons plus loin la description. Le sol ferrugineux existe sur le bord de la mer jusqu’à la vallée de Thio, quoique d’une teinte moins rouge que dans le sud. Dans l’intérieur, il disparaît en partie pour faire place aux roches de trachite et de diorite dont sont presque exclusivement composées les montagnes. Aussi la végétation est-elle partout rabougrie, et nulle en beaucoup d’endroits sur ce rivage.
Le sommet principal de ce chaos est le pic Humboldt, situé à 11 milles au sud de l’île Toupéti et élevé de 1 640 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il est entouré au sud-est et à l’ouest de nombreux pitons de 1 500 mètres à 1 600 mètres de hauteur, et c’est à moins de 300 mètres au-dessous de son sommet que commence la Tontouta, qui vient se jeter à la mer dans la partie est du port Saint-Vincent. Dès son origine, en égard surtout à sa situation singulière, le torrent est beaucoup trop abondant dans la saison sèche pour être attribué seulement à l’écoulement des eaux de pluie.
Les montagnes dominant la baie du Prony, qui s’ouvre sur la côte ouest, sont garnies de grandes forêts, dont les principales essences sont, le chêne-gomme, le kaori, le pin colonnaire et le tamanou.
Le littoral de cette côte, depuis le mont d’Or jusqu’au-delà d’Uaraï est moins accidenté que celui de la côte est. Les contreforts des montagnes ne viennent plus que rarement jusqu’à la mer et sont remplacés par des collines très accessibles. Les plaines y sont vastes et très fertiles, et c’est dans cette partie que se trouvent les grands établissements agricoles.
La partie nord de l’île diffère de la partie sud sous le rapport du sol ; les terres ferrugineuses disparaissent ; le quart et le silex remplacent, dans la charpente de l’île, les diorites, qui dominent dans le sud ; les montagnes sont moins abruptes, moins tourmentées. Des roches basaltiques de formes bizarres, des falaises percées de magnifiques grottes, rompent la monotonie de la côte dans le petit port de Yenguène, sur la côte est. Au nord de l’île seulement existent deux chaînes de montagnes bien distinctes et séparées par la vallée du Diahot, la rivière la plus considérable de l’île, qui se jette à la mer vis-à-vis de Balabio.
La chaîne du nord-est suit le rivage de la mer et ne présente que des vallées insignifiantes. L’île de Balabio semble être son prolongement. La chaîne du sud-ouest est plus étroite et borne au nord plusieurs plaines assez étendues. Cette chaîne se prolonge de 12 à 15 milles plus loin que celle de la rive droite, jusqu’à l’île de Paaba ; toutes deux se terminent par des mornes dont la hauteur diminue graduellement et régulièrement.
Climat. – La salubrité du climat de la Nouvelle Calédonie est désormais incontestable ; les travaux de force qui y sont exécutés dans les conditions les plus pénibles n’y ont pas encore occasionné de maladies, et la mortalité est notablement moindre qu’en France. La température, grâce aux fraîches brises qui règnent presque toute l’année, n’y atteint jamais des limites très élevées. Dans la saison d’hivernage, ou saison chaude, en janvier, février et mars, elle atteint jusqu’à 33 degrés au-dessus de zéro, et ne descend guère au-dessous de 16 pendant la nuit en juillet et août. Elle n’est pas exposée à des changements brusques comme à Taïti.
Lorsqu’on entreprit à Nouméa, et plus tard à Canala, les premiers travaux de terrassement dans des terrains bas et fangeux, on craignit de voir se déclarer des fièvres paludéennes. Il n’en fut heureusement rien, parce que ces terrains ne sont rien moins que des marécages. On n’y trouve point les plantes qui remplissent ordinairement les marais, et quoique les eaux y paraissent stagnantes et semblent privées de tout écoulement, nous sommes convaincu qu’elles se renouvellent constamment par les crevasses du sous-sol, qui est partout de corail à une plus ou moins grande profondeur. Dans les plaines du littoral d’Yaté et d’Unia, où les alluvions ont bien moins d’épaisseur que sur la côte ouest, ce sous-sol perce par place en maints endroits, et l’on voit loin de la mer surgir des têtes de corail au milieu de marais dans lesquels les indigènes cultivent le taro avec succès.
Ces divers faits nous ont amené à des remarques qui, selon nous, mériteraient une étude spéciale de la part des hommes compétents. Dans les îles intertropicales où les coraux sont vivants, telles que la Nouvelle-Calédonie, Taïti, la majeure partie de la Polynésie, les Seychelles, nous avons remarqué l’absence ou l’innocuité des fièvres et autres maladies ordinaires dans ces climats, tandis que, dans des parages entourés de coraux morts, tels que la Vera-Cruz, les Antilles et les Nouvelles-Hébrides (près de la Nouvelle-Calédonie), ces maladies présentaient, au contraire, un caractère très grave. N’y aurait-il pas, dans le premier cas, un mouvement et un écoulement permanent des eaux qui s’opposerait à la formation des marais proprement dits, écoulement qui ne trouverait plus d’issue dans le second cas ? Nous ne résoudrons la question dans aucun sens, et nous nous contenterons de la présenter aux hommes spéciaux.
Saisons. – Dans les pays situés en dehors des tropiques, la division de l’année en quatre saisons se fait parfaitement. Dans les régions avoisinant l’équateur, ces variations sont moins sensibles, mais n’en existent pas moins.
« En Nouvelle-Calédonie, on peut reconnaître un été austral, correspondant à l’hiver dans l’hémisphère nord. Il comprend les mois de décembre, janvier et février ; puis deux époques de transition entre l’hiver et l’été, et réciproquement. L’une d’elles, qui forme le printemps austral, est parfaitement caractérisée par sa sécheresse. Elle comprend septembre, octobre et novembre. L’autre, à laquelle nous donnerons le nom d’automne, est caractérisée seulement par une augmentation de pluie très sensible. Elle comprend mars, avril et mai, enfin, un hiver caractérisé par l’abaissement de la température, et comprenant les mois de juin, juillet et août.
En prenant la température pour base dans le classement des saisons, nous n’avons plus ni automne ni printemps, mais uniquement la saison froide et la saison chaude. Cette saison chaude, en Nouvelle-Calédonie, n’a, en réalité, qu’une durée de trois mois, comprenant novembre, décembre et janvier, contrairement à presque tous les pays tropicaux, où la saison chaude dure six mois complets.
Si nous considérons l’humidité seulement, l’année se divise en deux saisons très inégales. La saison sèche, bien que la sécheresse soit toute relative, comprend septembre, octobre et novembre, et se prolonge même plus ou moins au commencement de décembre. La saison humide comprend les neuf autres mois de l’année ; mais cette division en saison sèche et pluvieuse variant beaucoup, ne peut pas être considérée comme règle.
Vents. – Les vents alizés de sud-est et d’est-sud-est règnent le plus généralement en Nouvelle-Calédonie ; seulement, si ce fait est constant pour la partie nord de l’île, il offre de nombreuses exceptions dans la partie sud. La force et la direction du vent présentent souvent de singulières anomalies dans cette dernière, et l’on ne peut donner de règles fixes à ce sujet. Pendant toute l’année, mais principalement au commencement de la belle saison, on est exposé à des séries de brises de nord-ouest et d’ouest aux environs de Nouméa, qui sont parfois très fraîches, accompagnées d’orage et de pluie torrentielle, pendant que la côte est jouit d’un jolie brise de sud-est. Quelquefois ces bourrasques arrivent subitement, mais elles ne conservent leur violence que pendant les deux ou trois premières heures, et passent au sud-ouest et au sud. Dès que le vent hâle le sud-ouest, le temps devient très clair. Elles succèdent généralement à des brises de nord-est ou à un temps calme et lourd, et n’ont guère lieu que lorsque le baromètre est entre 754 et 757 millimètres. Elles sont quelquefois tellement locales qu’en 1861, deux bâtiments mouillés, l’un à Uitoé et l’autre à Nouméa, avaient simultanément, le premier une forte brise d’est-sud-est, et le second grand frais d’ouest-nord-ouest. Elles ne peuvent être classées parmi les coups de vent giratoires, n’ayant aucun mouvement de translation et étant toujours circonscrites dans l’espace de quelques dizaines de milles.
Les brises de terre, assez fréquentes sur la côte ouest, que l’on pourrait presque appeler la partie sous le vent de l’île, sont rares sur la côte est, généralement balayée, jour et nuit, par la brise du large. Elles ne s’étendent jamais jusqu’au grand récif extérieur et n’existent que dans les vallées de quelque importance, à Yaté, Unia, Canala. Elles cessent généralement vers huit heures du matin.
« La partie nord de la Nouvelle-Calédonie étant plus étroite et plus basse que le reste de l’île, et se trouvant en même temps par une latitude sous laquelle les vents alizés sont établis plus régulièrement, exerce sur eux une influence beaucoup moindre. La brise y est généralement plus fraîche et plus continue ; on y est cependant exposé, particulièrement en septembre et octobre, à des orages très violents de la partie de l’ouest, précédés par un temps lourd, brumeux, très chargé, et un calme plat.
Ouragans. – Pendant tout l’hivernage, mais principalement en janvier et février, on est exposé à des ouragans qui sévissent parfois avec violence et pendant lesquels nous avons vu deux fois le baromètre tomber à 711 millimètres. Ils sont précédés par un temps couvert, incertain, une chaleur accablante, et leur passage n’est indiqué quelquefois que peu d’heures à l’avance par la baisse du baromètre. En général, cependant, après quelques jours de temps à grains, à rafales accompagnées de pluies abondantes, avec un ciel uniformément gris, ou surtout traversé par plusieurs couches de nuages cuivrés, le baromètre se maintenant à 750 ou 749 millimètres, on doit se tenir en garde contre les ouragans. Leur diamètre est généralement peu étendu, car ceux qui traversent le milieu de l’île ne se font nullement ressentir aux extrémités au même moment. Leur mouvement de rotation s’effectue de droite à gauche, comme l’indique la loi des tempêtes pour l’hémisphère sud, et le mouvement de translation dans le sud varie du sud-sud-ouest au sud-est. Toutes les parties de l’île sont exposées à ces phénomènes, qui n’ont, du reste, rien de précis dans l’époque de leur passage pendant l’hivernage. On prétend cependant que l’île des Pins en a toujours été exempte.
Pression atmosphérique. – Les oscillations du baromètre sont plus sensibles peut-être en Nouvelle-Calédonie qu’elles ne le sont généralement dans les pays intertropicaux, et présentent cette particularité qu’après un ouragan ou un très mauvais temps occasionnant une baisse notable, la colonne barométrique restera plusieurs jours avant de reprendre son niveau normal, malgré la sérénité de l’atmosphère. Pendant les ouragans observés jusqu’à ce jour, le baromètre est descendu entre 734 et 710 millimètres. Lorsque la brise du sud-est est régulièrement établie, le baromètre se maintient environ à 759 millimètres. Lorsqu’il monte à 767 ou 768 millimètres, le temps se mettra à grains et soufflera grand frais du sud-est jusqu’à ce que le mercure commence à descendre. Si, au contraire, les vents de sud-est ou d’est-sud-est fraîchissent avec un temps couvert, le baromètre descend ; il faut s’attendre à de grandes brises de nord-est, et, si la baisse est rapide, à un coup de vent du nord-est à l’ouest-nord-ouest et à l’ouest. Dans ce dernier cas, nous avons vu, en octobre, le mercure tomber à 741 millimètres.
Pendant les mois de mai et juin, les brises sont encore fraîches et irrégulières, les grains assez fréquents. En juillet et août, le temps est généralement beau, sec, et les vents alizés, bien établis. Les mois de septembre et octobre sont les plus beaux de l’année : brise régulière et modérée, température égale et très douce, pluies très rares. Vers la mi-novembre, les fortes brises et les grains reparaissent par intervalles, et, dans l’opinion des personnes fixées depuis longtemps dans l’île, le jour de Noël peut être considéré comme le commencement de la saison d’hivernage ou été austral.
Courants et marées. – La mer marnant en général de 1 mètre 20 centimètres en Nouvelle-Calédonie, et l’île étant défendue dans presque tout son pourtour par une chaîne de récifs à fleur d’eau qui ne laissent que des passes étroites de loin en loin, l’espace compris entre ces récifs et la terré n’est sujet qu’aux courants périodiques des marées, tantôt assez lents, tantôt très rapides, comme dans le canal de la Havannah et le détroit Devarenne. Leur cours est régulier, leur direction connue. Il n’en est pas encore de même de ceux que l’on rencontre dans le voisinage extérieur du grand récif.
Courants de la Havannah. – C’est dans le sud-est de la Nouvelle-Calédonie, à la sortie des deux passages de la Havannah et de la Sarcelle, que l’on rencontre les courants les plus forts et les plus irréguliers.
« L’établissement du port a été déterminé avec soin sur les deux côtes. Il se trouve être à peu près le même dans la baie du Sud et au port Boisé ; mais, sur la côte est, à Yaté, le premier port où l’abri des récifs a permis de faire des observations sûres, la mer est pleine près de trois heures avant de l’être dans la Havannah. Pendant la moitié du flot et la moitié du jusant, il existe donc deux courants contraires se rencontrant presque à angle droit devant la Havannah et la passe de la Sarcelle. À l’époque des nouvelles et des pleines lunes, le flot et le jusant ont une vitesse de quatre à cinq milles à l’heure dans ces deux passes, et de près de deux milles au large. Il en résulte, à la sortie du récif, des remous de courants extrêmement violents, qui se déplacent continuellement et rendent la mer tellement dure et clapoteuse que la chaîne des récifs paraît non interrompue de la grande terre à l’île des Pins. À moins d’une forte brise, les bâtiments à voiles ne ressentent plus l’action du gouvernail dès qu’ils entrent dans ces remous, et les goélettes sont obligées de condamner leurs panneaux. En général, il est prudent d’attendre, avant de franchir la passe, que le phénomène ait perdu de son intensité. Lorsque l’aviso à vapeur le Coëtlogon fit son premier voyage de Nouméa à la côte est, sous vapeur et en calme, il trouva du cap N’doua à l’entrée du port de Goro, la mer unie comme une glace ; il conserva toute sa vitesse et donna à raison de 11 nœuds dans le mascaret (nom sous lequel ces remous sont connus en Nouvelle-Calédonie). Le premier effet qu’il en ressentit fut un coup de tangage qui submergea sa tente de l’avant, élevée de plus de 7 mètres au-dessus de l’eau et ébranla le bâtiment comme s’il eût donné sur une roche.
Dès que l’on peut, en sortant par la Havannah, tourner la pointe des récifs qui la terminent à gauche, on rentre immédiatement dans une eau dormante et calme, et, continuant la route au nord, on ne rencontre plus que le flot ou le jusant, toujours modérés, de la côte est. Il n’en est pas de même si l’on continue la route à l’est-nord-est ou à l’est. Les courants y prennent toutes les vitesses et toutes les directions possibles. Il nous est arrivé plusieurs fois d’attaquer le canal de la Havannah à la tombée de la nuit et au commencement du jusant ; par suite, de ne pouvoir entrer avant le lendemain et d’attendre toute la nuit au large. Mettant en panne à 2 milles de l’entrée à 9 heures 30 minutes et même 10 heures du soir, nous nous sommes trouvés, à 5 heures 30 minutes du matin, une fois à 25 milles au nord-est de la Havannah, une fois au nord de l’île des Pins, et, un jour de nouvelle lune, en vue et près de Maré ! Il serait très imprudent, d’une nuit obscure et par une mer calme, de chercher à se rapprocher jusqu’à ce qu’on entende le mugissement monotone de la mer sur les grands récifs extérieurs. Dans presque toutes les circonstances on les entend de plusieurs milles ; mais il arrive parfois, quoique très exceptionnellement, qu’ils ne déferlent pas. Telle a été la cause de l’échouage de la Bonite sur les récifs du nord de Kié, après quarante et un passages, dont près de moitié de nuit, effectués sans accident par son capitaine. »
Navigation côtière. – En résumé, la navigation, côtière dans les eaux de la Nouvelle-Calédonie, tout en exigeant une prudence constante, s’effectue dans des conditions exceptionnellement favorables, dues à la nature elle-même. La ceinture de récifs dont l’île est entourée forme comme un canal parallèle à la côte, qui abrite les bâtiments de la houle du large et permet à de petites embarcations de naviguer d’un point à l’autre de l’île sans grand danger. Dans un pays où la création des transports par terre ne fait que commencer, ces avantages sont inappréciables et devraient tendre au développement du cabotage. Mais il est en partie entre les mains d’armateurs ou de capitaines anglais. Aussi le gouvernement cherche-t-il, en protégeant nos nationaux, à ramener ce trafic sous le pavillon français.
L’école de pilotins fondée par le gouverneur actuel, M. Pallu de la Barrière, en 1883, fournira les plus précieux éléments pour l’armement des caboteurs battant pavillon national.
Influences physiques et morales de la vie coloniale. – Les détails concernant la température, les prévisions du temps, les saisons, sont généralement les points sur lesquels on cherche à s’éclairer avant de quitter l’Europe pour aller résider dans un lointain pays. Il est essentiel de savoir d’avance à quelles nouvelles influences le corps sera soumis et comment il les supportera ; car, ainsi qu’on l’a dit, « changer de climat, c’est naître à une vie nouvelle. »
Ces influences ne sont pas seulement physiques ; elles atteignent le moral : la vue continuelle des mêmes visages, la répétition des mêmes habitudes, la mise en présence d’intérêts identiques ou des mêmes compétitions légitimes, le frottement des mêmes caractères, dont les qualités sont injustement oubliées et les aspérités vivement ressenties, coups d’épingles qui se transforment en coups de poignards, telles sont les causes premières qui introduisent dans les esprits de la passion et de l’aigreur, et rendent bientôt les rapports ordinaires de la vie intolérables. Une occupation continuelle est une sauvegarde contre ces tristes écueils.
« Qui peut, a dit Vauban, entreprendre quelque chose de plus grand et de plus utile qu’une colonie ? » Or, si l’on regarde comme un temps d’exil le séjour aux colonies, il est difficile de fournir son contingent à l’œuvre de colonisation. On n’a pas même la satisfaction de se dire, en partant, qu’on a travaillé au bien commun, qu’on a apporté sa pierre au nouvel édifice et qu’on laisse après soi quelque trace de l’intelligence et de l’activité européennes. Ceux qui se sont placés à ce point de vue général, qui se sont considérés comme membres de la grande communauté civilisatrice, qui ont fait ouvrir les yeux à l’indigène sur le progrès accompli dans son pays, qui lui ont fait comprendre ses véritables intérêts en devenant sujet français ; ceux-là sont méritants. Leurs actes peuvent rester obscurs ; leur gloire et leur bonheur seront dans la prospérité de la colonie à laquelle ils auront consacré une partie de leur existence. Car, ainsi que le dit le docteur Forget, « ce n’est jamais impunément que l’homme rompt par l’émigration ces rapports mystérieux qui lient son organisation aux conditions du climat sous lequel il est né. »
Relations avec la France. – Il y a des âmes sensibles et faibles qui songent constamment à la France, à leur famille. Cette pensée les absorbe et les porte à la mélancolie. On ne saurait croire avec quelle fébrile impatience sont attendus les courriers qui apportent chaque quinzaine les lettres de France. C’est cet échange de correspondances qui entretient, ainsi qu’on l’a toujours remarqué, « la santé morale d’une armée en campagne ». « Les natures impressionnables et aimantes, dit le docteur Fonssagrives, trouvent dans leur éloignement de la famille une source de tristesse, d’inquiétude et de découragement qui s’alimente des lettres elles-mêmes, ponts fragiles jetés par-dessus les mers, entre le foyer domestique et la terre d’exil. » De là à la nostalgie il n’y a qu’un pas, et la maladie est incurable sur place.
La vie dans la brousse. – Comment les colons vivent-ils dans l’intérieur du pays ? C’est intéressant à savoir au moment d’aller partager cette existence active, en recevant dans les habitations une libérale hospitalité.
De même que les Australiens disent constamment bush-life, life in the bush, nous disons de même : la vie dans la brousse. En Australie, on appelle bush les forêts de gommiers qui couvrent le territoire. En Calédonie, c’est la forêt de niaoulis, au tronc blanc, à l’aspect grêle et uniforme. Mais que ce soit forêts, montagnes, vallées ou plaines, tout ce qui est situé en dehors des centres de population s’appelle la brousse, comme on dit, en France, la campagne, les champs.
Pour se rendre aux habitations dans la brousse, il ne faut pas compter sur les routes ; on suit des sentiers bordés d’interminables rangées de niaoulis monotones. Pas d’animaux, presque pas d’oiseaux, si ce n’est quelques pigeons notous. Quelques indigènes çà et là, et à quelque distance les toits pointus de leurs cases ; quelques colons voyageant dans leur buggy, léger véhicule fait pour la brousse, de forme américaine, haut sur roues, résistant à tous les chocs, facile à réparer. Les voyages se font le plus souvent à cheval, comme en Australie. Les cavaliers australiens dans la brousse emportent, dans une couverture ficelée sur la selle : deux chemises de jour, une chemise de nuit, une paire de pantalons, des pantoufles et les objets de toilette ordinaires. Toujours pratiques, gentlemen ! On fait ainsi 100 kilomètres par jour. On ne va qu’au pas ou au petit galop, à la méthode des Australiens, qui trouvent le trot fatigant.
Dans les habitations de la brousse, on trouve des chevaux à louer, ou le plus souvent à emprunter, sellés et bridés. Le prêt des chevaux fait ainsi la navette et l’on se rend de réciproques services. Les chevaux ne sont pas ferrés et paissent en liberté. Pour les ramener, on va vers eux en secouant du mais dans un tamis ; ils viennent immédiatement et se laissent prendre.
Les habitations sont généralement situées sur les bords d’un ruisseau ou d’une rivière. Elles sont en bois ou en remplissage de pierres, ou le plus souvent en torchis et même en peaux de niaoulis. Le toit est en paillotte. Autour de l’habitation, le paddock (encore un anglicisme) ou enclos pour les chevaux, les vaches laitières, etc. Bien des paddocks sont traversés par un sentier, de sorte que le cavalier trouve devant lui des barrières qu’il lui faut ouvrir et fermer à son passage. Ces barrières, qu’on appelle aussi fence, sont en bois ou en brins de niaoulis, ou en fils de fer de 5 millimètres. La garde du bétail et le recensement annuel ou muster se font par des hommes à cheval (stockmen) armés de longs fouets à court manche. À côté de la maison, l’indispensable potager et quelques plantations : maïs, patates, etc. Toutes les habitations sont munies d’une verandah, ou appentis extérieur ombragé par des lianes, où l’on vit en plein air. La cuisine est toujours séparée des habitations. Celles-ci contiennent toutes un lit à offrir au voyageur de passage, et l’hospitalité se pratique en Calédonie envers tous largement et cordialement. Nous l’avons éprouvé maintes fois par nous-même, et nous avons vu donner la nourriture et l’abri, tant à la table du maître que dans les hangars, à tout passant. Cette générosité fait honneur aux colons.
Le matin, on se lève de bonne heure, et l’on a pris le thé avant le lever du soleil. Vers onze heures, on déjeune ; on dîne à six heures et l’on se couche peu après huit heures. Presque partout du pain, des légumes, de la viande, des conserves ; souvent de la viande fraîche autre que celle de porc ; du thé, du gin. L’éclairage se fait au pétrole généralement, ou encore à la bougie, ou enfin à l’huile de coco. Dans la plupart des stations française on trouve des livres, mais en petit nombre, mal choisis, mal soignés, peut-être peu lus, encore moins de journaux. Chaque station anglaise a sa petite bibliothèque et l’on y reçoit les publications hebdomadaires d’Australie si fécondes en renseignements de tout genre.
Voyages dans l’intérieur. – Distances à parcourir. – Époque du voyage. – Préparatifs. – Routes. – Ponts. – Bacs. – Bagages et vivres. – Guides et porteurs. – Obstacles à surmonter.
Voyages dans l’intérieur. – Le double service de bateaux à vapeur réguliers qui existe aujourd’hui entre Nouméa et la côte, a facilité les voyages dans l’intérieur.
Autrefois, aller de Nouméa à Canala entraînait bien des difficultés. À moins de braver tous les inconvénients du voyage par terre, il fallait attendre pendant un mois le passage du navire à son retour ou encore remonter jusqu’au nord. Aussi, un ancien gouverneur disait-il que la colonie finissait à Bourail dans l’ouest et à Canala dans l’est.
Aujourd’hui les choses ont complètement changé. A-t-on dans l’intérieur une propriété à visiter, une mine à explorer, un commerce à surveiller, une industrie à exploiter ? on fait rapidement le voyage aller et retour en 8 ou 10 jours. Il en est de même pour venir de l’intérieur à Nouméa, le service des deux vapeurs étant installé de façon à parcourir la côte en sens inverse.
Celui qui ne connaît de la Nouvelle-Calédonie que les environs de Nouméa ou les côtes brûlées du littoral sud-est ne peut se faire une idée de la richesse de la végétation qu’offrent les vallées de l’intérieur. Ce spectacle est d’autant plus frappant et agréable qu’il se produit par un brusque changement de décor. Il semble que les yeux se reposent avec plus de plaisir sur cette luxuriante végétation lorsqu’ils ont été fatigués par les spectacles des montagnes dénudées qui avoisinent Nouméa.