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Extrait : "La poésie du paysage, au faubourg, c'est la rue mouvementée du foule, c'est l'aspect d'élément que prend l'humanité en marche dans les défilés, les ravins de maison, sur les sommets et les pentes des montées, aux creux et aux tranquillités de vallées des boulevard et des avenues."
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• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 40
Veröffentlichungsjahr: 2016
La poésie du paysage, au faubourg, c’est la rue mouvementée de foule, c’est l’aspect d’élément que prend l’humanité en marche dans les défilés, les ravins de maisons, sur les sommets et les pentes des montées, aux creux et aux tranquillités de vallées des boulevards et des avenues.
J’ai surtout vu la beauté de l’émouvant décor au retour des voyages accomplis vers les landes, les grèves, la mer de Bretagne.
Du haut de quelque rue en raidillon ou en lac et dessinée au flanc de Belleville, du haut de quelque apparence de falaise des Buttes-Chaumont, l’immense ville étendue au loin emplit l’horizon comme un océan creusé par le vent et soulevé par la force intérieure.
C’est la même beauté d’éloignement, de masse, de rythme, qu’aux rivages de l’autre océan, quittés hier. Je sais bien que toutes ces maisons, ces rues, dont je vois tout proches les premiers plans et les premières lignes, sont immobiles, rigides, et qu’une illusion d’esprit leur donne seule l’élan et la cadence des lames. Mais aussi les innombrables fumées éparses et toutes les nuées en course leur communiquent une vie tremblante et bougeante par leurs déroulements continus et leurs déplacements d’atmosphère. Il semble véritablement qu’on ait sous les yeux les reliefs et les gouffres d’une mer oscillante, les dures vagues crêtées d’écume, les soudaines accalmies huileuses.
Toute cette fantasmagorie de réalité se réfléchit ainsi dans l’esprit, reste dans la mémoire. On garde le souvenir d’un Paris océanique avec ses phares dressés sur la houle, ses monuments qui chavirent, ses flots qui se hâtent, sa haute marée qui déborde le cirque des collines.
Le spectacle plus immédiat de la foule en marche n’enlève rien à la signification mystérieuse de la vision lointaine.
Cette noire multitude qui descend à pleine rue s’en va logiquement à pas pressés vers ce fond bleui et livide où couve l’orage et se brasse la tempête. L’homme du faubourg marche sur Paris comme l’homme de Bretagne marche vers la mer. Il va, comme l’autre, lutter contre la fatalité, chercher au profond la proie qui le fera vivre et fera vivre les siens.
Pour tous deux, c’est le champ de bataille. Contre l’individu, la nature et la société se valent : c’est sur elles qu’il faut conquérir, et elles savent se défendre. Elles réparent vite leurs pertes, et chaque jour offrent le combat. On n’aura rien d’elles sans effort, sans patience, sans énergie. Heureusement pour la volonté de l’homme que la nécessité de vivre est là qui commande, qui veut pour lui. Grâce à elle, il s’arme de courage, il recommence sans cesse, il consent à ce qu’aujourd’hui soit semblable à hier, à ce que demain soit semblable à aujourd’hui. Il accepte bataille et labeur, il refait, chaque jour, à la même heure, le chemin déjà tant de fois parcouru, il marque une empreinte monotone, il use sans cesse le même obstacle, machinalement, sans savoir s’il recommence sa défaite ou s’il va enfin vers une victoire.
Si j’essaie de montrer, au début de ce petit livre, la vie de la rue, la vie de la foule, avant de dire quelques aspects précis, quelques rencontres particulières, c’est pour donner un exact point de départ à cette promenade à travers le réel.
La vie sociale trouve dans la foule son élément premier. Quelles que soient les forces dirigeantes qui s’établissent, les influences individuelles qui s’exercent, il faut bien en venir à reconnaître l’existence permanente de cet élément à la fois stable et changeant. Lorsqu’une période d’agitation cesse, lorsqu’une influence de classe ou d’individu prend fin, que reste-t-il ?
Il reste l’Histoire, il reste l’esprit humain, accru ou changé – et il reste l’humanité, les millions d’êtres qui continuent de vivre, qui reçoivent et transmettent le dépôt qui leur est confié. Sans ces anonymes, il n’y aurait rien, l’esprit ne s’épanouirait pas, de même qu’il n’y aurait pas d’arbres et de fleurs sans la terre. Pourquoi donc séparer ce qui se trouve si bien réuni ? La tentative est d’ailleurs vaine. Toujours il y aura dans les masses profondes de l’Histoire en formation.
C’est la raison pour laquelle j’évoque cette marche journalière, régulière, aux mêmes heures, de la population qui va, au matin, vers la besogne nécessaire, qui s’en revient, au soir, pour recommencer le lendemain. C’est l’élément toujours nouveau, formé de tout ce qui naît, de tout ce qui vient à lui. Combien de courants et de vagues au creux et à la surface de cet océan ! Combien de physionomies diverses dans cette multitude !