À l'école des patates - Shivamama - E-Book

À l'école des patates E-Book

Shivamama

0,0

Beschreibung

Habituée à raconter ses frasques en tout petit format sur les réseaux sociaux, Shivamama a laissé traîner sa plume un peu plus longuement, cette fois-ci, sur quelques pages de papier, pour partager avec ses lecteurs ses aventures d'enseignante dans le milieu hostile de l'Éducation Nationale. Entre anecdotes et mots d’enfants, ce livre revient à suivre Mike Horn dans la jungle, sauf que là, on y parle d'enfants de trois ou quatre ans plutôt que de bonobos, de politiques largués et d'un système moisi plutôt que de narcotrafiquants. Shivamama parle surtout de la vraie vie, sans langue de bois et avec beaucoup trop de gros mots pour une maîtresse. Un récit sans filtre, mais avec humour et tendresse pour vous raconter « ses patates », son parcours, ses blessures, sa passion d’enseigner et l'histoire d'une certaine petite boîte pleine de rêves et de promesses…


À PROPOS DE L’AUTRICE

Après trois épisiotomies en trois ans (même pas mal) et une vie dans le webdesign (elle a aussi vendu des nems et des soutiens-gorge pour gagner sa croûte... mais pas en même temps), Shivamama devient professeur des écoles titulaire d'une classe de maternelle en 2017 et commence un blog de ses aventures.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 252

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



謍謍謍謍謍謍謍謍謍謍騍騍騍騍騍騍騍騍騍騍꘍꘍꘍꘍꘍꘍꘍꘍꘍꘍䬍䬍䬍䬍䬍䬍䬍䬍䬍䬍촍촍촍촍촍촍촍촍촍촍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍⬍⬍⬍⬍⬍⬍⬍⬍⬍⬍阍阍阍阍阍阍阍阍阍阍㘍㘍㘍㘍㘍㘍㘍㘍㘍㘍茍茍茍茍茍茍茍茍茍茍ꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍꠍ䌍䌍䌍䌍䌍䌍䌍䌍䌍䌍不不不不不不不不不不꘍꘍꘍꘍꘍꘍꘍꘍꘍꘍∍∍∍∍∍∍∍∍∍∍鬍鬍鬍鬍鬍鬍鬍鬍鬍鬍栍栍栍栍栍栍栍栍栍栍㸍㸍㸍㸍㸍㸍㸍㸍㸍㸍픍픍픍픍픍픍픍픍픍픍؍؍؍؍؍؍؍؍਍਍਍਍਍਍਍਍⨍⨍⨍⨍⨍⨍⨍⨍匍匍匍匍匍匍匍匍輍輍輍輍輍輍輍輍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍洍谍谍谍谍谍谍谍蜍蜍蜍蜍蜍蜍蜍ꬍꬍꬍꬍꬍꬍꬍ蔍蔍蔍蔍蔍蔍蔍ⰍⰍⰍⰍⰍⰍⰍ뼍뼍뼍뼍뼍뼍뼍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍ꐍꐍꐍꐍꐍꐍꐍ圍圍圍圍圍圍圍錍錍錍錍錍錍錍괍괍괍괍괍괍괍崍崍崍崍崍崍崍ꨍꨍꨍꨍꨍꨍꨍ瀍瀍瀍瀍瀍瀍瀍켍켍켍켍켍켍켍鐍鐍鐍鐍鐍鐍鐍餍餍餍餍餍餍餍ꨍꨍꨍꨍꨍꨍꨍ쬍쬍쬍쬍쬍쬍쬍名名名名名名名㜍㜍㜍㜍㜍㜍㜍蜍蜍蜍蜍蜍蜍蜍꼍꼍꼍꼍꼍꼍꼍栍栍栍栍栍栍栍䰍䰍䰍䰍䰍䰍䰍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍✍ȍȍȍȍȍ脍脍脍脍脍蠍蠍蠍蠍蠍쌍쌍쌍쌍쌍稍稍稍稍稍复复复复复复퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍퀍砍礍砍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍礍찍꘍퀍砍쨍퀍-찍礍-꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ--꘍찍ℍ礍ﴍ찍ℍ礍

Shivamama

À l’école des patates

ISBN : 979-10-388-0765-5

Collection Résonance

ISSN : 2970-7285

Dépôt légal : octobre 2023

© couverture Ex Æquo

©2023 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays

Toute modification interdite

À Maîtresse Françoise, forcément,

À mes patates, assurément,

Aux parents d’élèves, fatalement,

Avant-propos

Elles en ont de la chance, les patates, d’avoir Shivamama comme maîtresse. Ça me donnait franchement la frite de lire ses posts gratinés, me poêlant joyeusement face aux facéties des lardons sur le grill de l’école, partageant l’enthousiasme, les combats comme les coups de mou de la blogueuse.

D’autant plus que, je dois l’avouer ici, Shivamama n’est pas tout à fait une anonyme pour moi. J’ai eu le bonheur de la croiser dans sa période pré yaourt et marketing édulcoré. Je travaillais à l’époque dans un groupe de presse spécialisé dans les magazines pour enfants. J’ai vu débarquer cette jeune fille timide, s’armant d’un sourire et d’une paire de baskets increvables, pour un contrat en alternance en accord avec son école. Je la sentais un peu paumée derrière son écran d’ordinateur et les directives d’un boss à la pédagogie floue. Elle s’ennuyait sévère à décortiquer du code, la motivation dans les chaussettes colorées. Mais elle retrouvait toute sa bonne humeur quand elle débarquait le matin avec son panier de muffins maison qu’elle préparait avec amour dans sa cuisine en mouchoir de poche, de la chambre de bonne qu’elle occupait. Dans l’incapacité moteur et intellectuelle de tenter la moindre expérience culinaire, je dégustais avec gratitude et respect ces douceurs du matin.

Nous échangions de temps à autre sur les perspectives d’avenir et les chemins de vie de chacun. La rédaction, joyeuse bande de trentenaires attardés, s’amusant à tester consciencieusement le gadget du mois offert dans les magazines, tenait un discours commun de noceurs intempestifs profitant des plaisirs de la Capitale. Une petite voix s’élevait alors pour s’affirmer avec toute la force de sa jeunesse. Elle, son rêve, c’était de vite quitter Paris pour retrouver son chéri à Cherbourg et avoir des enfants. Nous la regardions avec étrangeté, en essayant de jouer les tentateurs du jour : « Mais non, profite, amuse-toi, tu es à Paris ! » Mais elle persistait dans son rêve qui se rapprochait au fil des mois, jusqu’au moment où elle a pu enfin refermer son ordinateur, quitter sa chambre de bonne et retrouver son bien-aimé à Cherbourg. J’ai longtemps regretté ses muffins.

Nous sommes restées en contact par la voie impénétrable du numérique. Je l’ai vue concrétiser son idéal de construire une famille. Et un… et deux… et trois enfants. Presque coup sur coup. Félicitations et bon courage ! Et puis, un jour, j’ai lu qu’elle avait amorcé un virage à 180 degrés et qu’elle était devenue maîtresse. Impressionnée, j’étais. Rares sont les gens qui sont capables de se jeter dans le vide pour tenter de réaliser leur rêve. La jeune fille timide était devenue maman comblée et madame maîtresse. Shivamama en action.

Elle m’a embarquée dans son univers, sa poésie tapissée de mots crus, sa plume percutante qui tombe pile-poil, son humanité déployée en douceur d’expression libre. Mais le temps est une denrée rare et en rade de carburant dans le moteur, le blog s’est progressivement arrêté. Je n’étais pas la seule à être triste de ne pas retrouver ces posts en boost d’énergie, comme un shoot de gin-tonic. Quand j’ai développé la collection Résonance, son témoignage s’imposait. Je lui ai proposé le projet comme une lettre ouverte. Et là, j’ai retrouvé la timidité de la jeune fille au temps des yaourts, le doute faisant cailler son envie d’écrire un livre. Alors, j’ai ressorti ma trousse de motivation d’urgence, héritée de ma prof de yoga face à mes incertitudes quant à mes capacités pour réaliser pleinement la posture de la sauterelle : « Fais-toi confiance ! » Sans pression de temps ni contrainte de forme, j’ai laissé sa petite boîte s’imprimer sur le papier pour composer un trésor de tendresse, de délicatesse et d’amour qui m’a réconciliée avec toutes les maîtresses peau-de-vache que j’ai pu avoir et m’a donné envie de replonger dans le monde de l’enfance… à l’école des patates.

Ange Lise

Directrice de la collection Résonanceﴍ

Préface

Quel plaisir de vous retrouver. Que le temps passe vite. À cette époque, j’avais encore tant à apprendre et c’est toujours le sentiment que j’avais au moment de ma retraite. C’est un métier merveilleux, je ne dis pas simple, mais exaltant. Il faut découvrir, inventer, comprendre pour guider (au moins essayer) tous ces enfants en devenir avec amour (et humour), bienveillance et empathie. Et un jour, une ancienne élève, trente-et-un ans après, son manuscrit sous le bras, vous écrit…

Un moment de surprise puis une foule de souvenirs sont remontés à la surface, entraînant un flot d’émotions. La cage à écureuil, le banc en pierre, les petites mains qui cherchent les miennes, les yeux remplis de larmes ou de joie, les réussites qui remplissent de bonheur et les échecs qui apprennent autant à moi qu’aux enfants.

Fierté d’avoir réellement participé au choix d’une carrière et d’être restée si présente dans le cœur d’une enfant, de l’appréhension face à la demande d’une préface, mais je suis honorée de le faire et touchée d’avoir pu me voir au travers des yeux d’une de mes pitchounes. J’ai adoré mon métier, les enfants m’ont tant appris et vous en avez fait partie alors merci à vous. 

Maîtresse Françoise

Maîtresse Françoise

__________

Elle avait de grands cheveux noirs, lisses qui tombaient en cascade jusqu’aux fesses. Le teint hâlé contrastant avec ma petite main claire sur son bras. Elle était si grande. Elle avait une carrure de guerrière. Massive comme un roc au milieu d’une trentaine de trolls. Si ça se trouve, elle faisait 1m40, mais j’avais 4 ans. Pour moi, c’était Goliath… ou Godzilla quand elle se fâchait.

Elle sentait un peu la cigarette, beaucoup le parfum. En récréation, elle s’asseyait sur un long banc de pierre et elle nous autorisait à jouer avec ses longs cheveux. J’avais l’impression de coiffer Pocahontas et je me sentais privilégiée. Je tentais de lui faire une grande tresse en ne prenant que deux brins. Un dans chaque main. Mes petites mains de gosse. Je croisais et je recroisais à l’infini. On devait lui faire de sacrés nœuds, mais elle n’a jamais rien dit. Et c’était moins dangereux que de jouer dans la cage à écureuil en fer à 3m20 du sol (les années 90, quelle époque !).

Elle avait toujours un stylo accroché autour du cou. Le bouchon était un pendentif avec le logo de l’école et elle venait insérer le crayon à l’intérieur. “Clic” que ça faisait. Ouais mec, c’était la Mac Gyver de l’Éducation Nationale. L’inspecteur Gadget de la maternelle. À l’époque, je ne savais pas que c’était des qualités indispensables pour devenir enseignante. Sur le moment, à 4 ans, pour moi c’était normal.

Elle s’appelait Maîtresse Françoise et c’était la meilleure maîtresse du monde. Trente ans après, son souvenir reste si doux, empreint d’une nostalgie qui réchauffe le cœur. Des souvenirs d’elle, cousus d’odeurs. Celle du pain d’épices qu’elle découpait pour le goûter. De sons. Celui de sa voix grave quand elle chantait. De sensations. Celle d’être aimé et en sécurité au creux de sa classe et du coin poupées.

Elle s’appelait Françoise et c’était ma maîtresse. La meilleure du monde.

Alors, dans le secondaire, quand on m’a demandé ce que je voulais faire plus tard, j’ai répondu que je voulais faire « Maîtresse Françoise ». Ce n’est pas un métier pour le commun des mortels “Maîtresse Françoise”. Pour moi non plus. Ce n’était pas un métier. C’était un rêve de petite fille. Pas de devenir “Enseignante” ou “Professeur des écoles”. C’est trop terne. Désincarné. Sans relief. Moi, je voulais faire “Maîtresse Françoise” dans tous ses reliefs. Toutes ses odeurs, ses sons et ses sensations.

Pourtant l’ordinateur du C.D.I m’avait conseillé de me diriger vers une carrière de pilote de chasse suite à un QCM plus que douteux (véridique). Ça ne manque pas de sensations me direz-vous. Prendre les commandes d’un Fouga Magister ne m’intéressait pas. Moi, je voulais être ce roc au milieu d’une salle de classe bondée, les pieds bien sur terre. Je voulais apprendre par le jeu, par le corps et l’objet parce que clairement apprendre derrière un bureau me faisait des escarres à mon âme d’enfant. Je voulais les regarder comme ELLE nous avait regardés. Avec des yeux pleins d’amour inconditionnel et puis des gros yeux aussi. Parce que Maîtresse Françoise, elle pouvait aussi faire les gros yeux.

Je l’avais cet amour inconditionnel que Maîtresse Françoise ou quelques autres m’avaient offert. J’en ai compris la valeur du haut de mes 4 ans. Le bras dans le plâtre à essayer de lui faire une énième tresse en récréation. Je l’ai gardé dans une petite boîte, qu’on m’a forcée à cacher bien trop longtemps.

Parce qu’on m’a répondu que ce n’était pas pour moi. Ni la petite boîte, ni la carrière. Que maîtresse de maternelle ça n’existait pas. Encore moins “Maîtresse Françoise”. Qu’on enseignait de la petite section au CM2 au hasard d’une affectation et qu’on fermait bien sa gueule (ça, pour le coup, c’était vrai). C’était peut-être une mise en garde : N’entrez pas dans l’Éducation Nationale, jeune vierge. Fuyez !

J’avais pourtant plus peur du loup que de ce ministère. Le temps me dira que j’aurais dû me méfier des deux.

On m’a répondu que ce n’était pas assez créatif pour moi. Cette conseillère d’orientation n’a donc jamais vu un professeur des écoles confectionner quatre-vingts œufs de dinosaure en balles de ping-pong à 22 h pour essayer de faire émerger la notion de quantité chez des élèves récalcitrants aux mathématiques.

Non, elle ne savait pas. Moi non plus. Mais à 16 ans, tu écoutes encore (un peu) les anciens. Et tu ranges ta boîte et tous les rêves qui vont avec. Elle devait avoir 35 ans. Et je faisais partie de ces jeunes ignares qui pensent qu’au-delà de 30 ans, on est vieux. Alors je suis retournée sur l’ordinateur du C.D.I. Plus vieux que la conseillère d’orientation. Ça a un peu ramé. Moi aussi.

Et j’ai choisi d’être infographiste.

Spoiler alert : ce n’était ni pour moi. Ni pour ma petite boîte.

7h30-8h00

Le calme avant la tempête

Tu arrives à l’école et tu as déjà eu mille vies.

Celle de mère déjà. Tu la connais. Réveil en fanfare. Sortir avec un chausse-pied tes trois enfants de leurs lits, leur enlever les cacas des yeux. Le petit-déjeuner avec celle qui mange ses céréales la tête en bas, celle qui n’est pas du matin et celui qui te demande de signer des autorisations de sortie et autres documents administratifs du collège à 6h42 “J’ai pas pensé hier m’man”. Leur suggérer de se coiffer. Lâcher l’affaire. Leur suggérer de mettre une culotte et de se brosser les dents. Maintenir son autorité parentale sur les sujets des sous-vêtements et l’hygiène bucco-dentaire. Répéter 741 fois de mettre leurs chaussures. Hurler une 742 ème fois de mettre leurs chaussures. Courir jusqu’à la voiture. Mettre sa ceinture. Détacher sa ceinture. Dégivrer. Retourner dans la maison parce qu’elle n’a pas pris son bonnet. Remettre sa ceinture. Checker que tu as trois enfants dans la voiture. En jeter un au bus en lui disant je t’aime. En jeter deux à la garderie en leur disant je t’aime.

Ta vie d’humain froissé aussi. Ne croyez pas, comme les élèves, que la maîtresse se réveille fraîche comme la rosée. Un petit bouton d’or au milieu d’un jardin printanier. À 6h30, t’es froissée. Ce n’est pas joli joli à voir.

Froissée de ta courte nuit et des messages matinaux des parents d’élèves et des collègues que tu tentes de lire encore dans ton lit, les yeux collés. Tu lis les motifs d’absences des élèves du jour (rares, on s’en balek de prévenir la maîtresse, elle n’a rien prévu à part des boules de pâte à modeler de toute façon, non ?) et ceux des collègues maîtresses, ATSEMs et AESHs. Tu comprends rapidement que tu vas avoir 28 élèves, plus 7 de la classe d’une maîtresse pas remplacée et que tu as une chance sur deux d’avoir ton ATSEM ou ton AESH parce qu’elles aussi ont le droit de tomber malade. Ça te donne le ton. Le ton est épicé. C’est du thon à la catalane. Pas ton préféré d’autant plus que tu es végétarienne. Mais ça réveille.

Faut repasser tout ça. Pas tes vêtements parce que tu n’as pas le temps (tu as arrêté après ton premier accouchement et ton fer à repasser et sa table gisent dans la cave en attendant le prochain mariage, seule fois dans l’année où tu daignes repasser une robe). Tu repasses au moins ton faciès. Pour ne pas faire peur aux enfants. Avec du maquillage si tu veux. Moi, j’ai abandonné il y a bien longtemps. Je n’ai pas le temps. Et je ne sais pas faire. J’oscille entre Donald Trump et le Joker (version Heath Ledger) quand je tente quelque chose avec mes pinceaux. Je les réserve pour les ateliers d’arts visuels. Je suis plus douée. Quoique. Certains matins, tu tentes de te lisser les cheveux histoire de dire que tu t’es coiffée. Les autres jours, tu rassembles ta tignasse au sommet de ton crâne façon coiffé-décoiffé. C’est grave la mode (enfin je crois, ne me dites rien). Et ça t’arrange bien.

Tu choisiras tes vêtements selon les critères que ton emploi impose. Tu banniras le blanc. Pas parce que le papa de Matteo va voir ton tanga en dentelle par transparence, mais parce que les risques de projections en maternelle sont accrus : des liquides corporels en tout genre (ne tentez même pas d’imaginer, vous seriez encore loin du compte) et des petites mains pleines d’encre qui trouvent trop rapidement tes cuissots. Les jupes seront à privilégier les mercredis et les week-ends. Tu passes beaucoup de temps à quatre pattes ou sur des chaises de nains qui te font remonter les genoux à hauteur de menton, tu ne veux imposer ça à personne. Les décolletés même si tu ne dépasses pas le bonnet A sont à proscrire également. Les tables à 50 cm du sol t’imposent de te pencher sévèrement (tu ramasseras tes lombaires au passage). Les jeans (que tu troueras régulièrement te donnant un look grunge en parfait accord avec ton chignon, toujours pour une histoire de quatre pattes) seront ta panoplie préférée ainsi que les sacro-saints bodys qui te permettront de ne pas brûler la rétine de tes élèves avec ta raie de plombier. Des chaussettes (si possible les mêmes sinon tu n’as pas fini d’entendre tes élèves s’interroger sur ce sujet de fond). Une paire de baskets (qui te permettront de courir rapidement dans la cour remonter le pantalon de celui qui aura décidé de pisser dans la haie en récréation).

Il est 7h10. J’ai l’air d’une ado à la sortie du collège, le crop top en moins. Mais ne faut-il pas garder son âme d’enfant pour enseigner ?

À 7h30, tu débarques à l’école. Certaines arrivent bien plus tôt, certaines préféreront rester tard le soir. C’est selon l’organisation du planning familial, le mien étant fortement impacté par un mari pompier. Alors je compose et choisis l’option “rester très tard quand il n’est pas de garde et venir beaucoup pendant les vacances scolaires”.

Vous ne faites pas réellement partie des érudits qui pensent que nos journées ne commencent qu’à 8h30 et se terminent à 16h30 ? Ne me vexez pas, il est bien trop tôt.

Il te reste 30 min pour mettre en place toutes tes heures de recherches et de préparations élaborées en amont chez toi, en hurlant “Pas maintenant, maman travaille !!!”. C’est comme la plongée en apnée. Le pince-nez en moins (pourtant, ce n’est pas faute d’en avoir parfois besoin). Des heures à respirer comme un con sur le bateau, à checker tout son matériel, à faire des calculs savants, à étudier le corps humain et ses capacités, avant de plonger pour quelques minutes seulement. Mais de vous à moi, même si la préparation théorique à base de fiches de prép’ et de cahier journal est grisante, le plus fun : c’est la mise en pratique avec pour cobayes des trolls de 3 ans. (Spoiler alert : le gouffre entre tes attentes théoriques et la réalité est parfois abyssale. Je vous en parle tout à l’heure).

Sortir les cinq ateliers du jour savamment préparés conjointement avec ton ATSEM jusqu’au moindre feutre. Relire ton cahier journal pour te plonger minute par minute dans la journée qui t’attend. Mettre sur les tables le matériel pour l’accueil. Épandre leurs étiquettes-prénoms, prêtes à être accrochées fièrement. Les dernières photocopies. Les derniers papiers à distribuer pour la sortie. Ta gamelle au frigo. Et puis boire un thé, le premier d’une longue série. Dans un mug de maîtresse, évidemment.

L’ultime petit pipi avant de longues heures.

Pause.

Tu observes ta classe, ton royaume. Immaculée, calme, prête à les recevoir. Eux. Les vraies têtes couronnées du lieu. Toi ? Tu auras tous les autres rôles du château. Abaissez le pont-levis : c’est parti.

Pots de yaourt et miches hâlées

__________

Infographiste. Ce n’est pas un sot métier. Ça n’existe pas les sots métiers. Sauf être caché dans les machines pour payer les tickets de parking. Ce n’est pas drôle comme métier ça. Mais j’ai appris à 6 ans qu’il n’y avait personne dans les machines pour payer les tickets de parking. Tout comme dans les distributeurs de billets. Ça m’a rassurée.

Non, infographiste n’est pas un sot métier. Bien au contraire. Mais je n’en avais ni le talent ni la passion. Moi, j’avais une boîte. Mon amoureux aussi.

Quand je rentre chez moi, j’ai un mari pompier qui m’explique comment il a sauvé huit vies. Enfin, c’est ce que moi j’entends. Il me raconte surtout qu’il a relevé une mamie à 4 h du matin, tombée de son lit, et qu’il a ramassé du vomi à 6 h, tombé d’un estomac. Il me raconte aussi comment il a diffusé des annonces SNCF sur les haut-parleurs de la caserne au petit matin ou le nombre de tranches de fromage à raclette qu’il a insérées derrière le radiateur de la chef pour « déconner ».

Mais il a aidé des gens. Avec sa petite boîte. Soit en leur portant secours, soit en les faisant rire. Et l’humour, c’est une mission humanitaire, non ? C’est du pareil au même.

Je suis là, derrière mon ordi. Je suis à mi-temps parce que j’ai trois mômes en bas âge à la maison. Je retouche un pot de yaourt pour que le monsieur en vende le plus possible. Mais il n’a pas compris que s’il choisit le logo le plus moche, ça ne marchera pas.

- Oui, mais on ne voit pas assez mon nom. Vous pouvez mettre du rouge ?

Que non non non, définitivement NON : mettre une femme avec un décolleté à t’en arracher la rétine n’a AUCUN rapport avec les produits laitiers, sauf dans son esprit douteux.

Non… Ça ne va pas. Il faut que je change. J’ai 28 ans. J’ai eu trois mouflets en trois ans. Ça manque un peu de projets et de rythme par ici. Non, je déconne. Je suis au bout de ma vie. Le périnée en sautoir. Le compteur sommeil à -231 jours. Mais il faut que cela change quand même. C’est ma petite boîte qui me le souffle. Cachée au creux de mon ventre. Avec les odeurs, les sons et les sensations d’une classe de moyenne section des années 90.

Pendant qu’on prépare notre mariage (Oui, on n’est pas à un ou deux projets près donc…) me revient cette première envie. Ce vieux rêve qui a moisi dans un C.D.I. du secondaire. Je m’arrache le peu de cheveux épargnés par le post-partum à trouver une solution pour reprendre mes études. Je n’ai qu’un bac +3, il faut un bac +5 pour se présenter au concours des maîtresses. Financièrement, je ne peux pas repartir deux ans à la fac. À 100 km de mon domicile. Ma triple épisiotomie et moi, on est déjà prêtes à renoncer à ce doux rêve et à refermer définitivement notre petite boîte quand j’apprends qu’avec trois enfants, je suis exemptée de diplôme. Cette grossesse surprise serait donc mon pass pour le concours ? Voilà donc le sens caché de ce petit pont à mon stérilet royalement exécuté par ma petite dernière ?

Elle a clairement changé ma vie, mon Kinder Surprise. Elle m’a appris le lâcher-prise level 802 déjà. Et que l’amour ne se divise pas, même quand on retombe enceinte trois mois après la seconde, son aîné tout juste âgé de deux ans et qu’on s’imagine déjà mourir en couches de fatigue et d’épuisement. Il se multiplie. De manière exponentielle.

Elle va changer ma carrière. C’est la clé magique de ma petite boîte.

Entendons-nous bien : on ne me DONNE pas le concours. On me dit juste :

« Ok… La petite dame, là, avec l’utérus sur les genoux, si tu arrives à ravaler tes cernes, apprendre la didactique du français, des maths, à monter un dossier sur une séquence d’apprentissage en sciences, à mémoriser toutes les lois et les programmes, à proposer une séquence de sport également…plus tout un tas d’autres trucs qui te serviront plus ou moins sur le terrain : tu as le droit de déposer un dossier. »

« Ok » que je réponds.

Dix ans après être partie à la fac pour apprendre un métier que je n’aimais pas, j’enfile un collier stylo. Je remonte mes manches. Je quitte tout (sauf mon mari et mes enfants parce que bon, je les aime bien) et je fonce. J’ai 28 ans et quand je serai grande, je serai Maîtresse Françoise.

8h00-8h20

L’accueil

Les pieds bien ancrés sur le tapis. La main sur la poignée de ta porte. Ta classe prête dans ton dos (Enfin… Tu penses qu’elle est prête, que tu es parée à toute éventualité. En vrai, les élèves trouveront toujours la faille pour te la retourner. C’est un objectif de vie à 3 ans.).

C’est le calme avant la tempête. Avant les quatre heures qui s’en viennent, la tête dans le guidon. Sans pause. Tu ne peux pas dire à vingt-huit bambins « Temps morts les gars, on prend dix minutes et on débriefe après.» Les 240 minutes suivantes seront intenses et sans répit. Ta matinée a intérêt à être parfaitement calculée et paramétrée, sinon ils te picorent le foie au moindre temps mort.

Spoiler alert : il y a et il y aura toujours des imprévus. Tu développeras l’art de rebondir avec plus ou moins de panache et de lâcher-prise. Les maîtresses sont faites de caoutchouc.

Le portail s’ouvre au loin. Un rituel millimétré. Toujours les mêmes gestes. Dans le même ordre. Un ballet doux que tu observes depuis la porte extérieure de ta classe. Un moment suspendu. Hors du temps. Comme cet intervalle où les athlètes calent leurs pieds dans les starting-blocks. Le gauche, puis le droit. Les doigts maintenant, déposés méthodiquement derrière la ligne blanche.

PAN !

Tu les vois arriver, débouler du petit portail blanc. Telle une attaque de zombies. Dans ta tête, c’est la musique des dents de la mer.

Tadadadadadadada !

5,4,3,2,1,0 : Débarquement dans ton royaume imminent.

Ils ont d’abord chacun leur style d’arrivée. Celui qu’on traîne du bras, du caca encore dans les yeux. Celui qui a déjà bien trop d’énergie à huit heures du matin et qui met quinze mètres à son daron et à sa daronne qui tentent de courir à ses trousses. Un footing de parents bien trop matinal. La tête en avant, l’espadrille qui frotte le bitume. Celui qui termine son petit-déjeuner et dont le parent tente discrètement de l’introduire dans ta classe, la crêpe Wahou lui gonflant encore les joues. Celui qui te saute dans les bras et commence déjà à te raconter le dernier épisode de la Pat Patrouille. Celui qui t’a fait un dessin, mais n’ose pas te le donner. Celui qui a arraché les jonquilles municipales pour te les offrir, sans honte pour le coup. Celui qui ne te calcule pas et rentre dans la classe comme on rentre dans les chiottes, le regard vague, mais des objectifs précis. Sans un bisou à sa mère. Génitrice qui reste en chien sur le pas de la porte. Celui qui arrive en pyjama « parce qu’il n’a pas voulu mettre son pantalon ». Celui qui est clairement shooté au Doliprane et qui sent le Vicks Vaporub à trente mètres « Non, mais il va mieux là ! Allez à ce soir ! ». Celui qui pleure encore en février parce que « Putain, mais j’avais vraiment pas compris que l’école, c’était tous les jours », mais qui sitôt maman partie, s’arrête net, se mouche dans sa manche et part à la recherche d’un truc en plastique à introduire dans son nez.

Il y a tous les parents qui me jettent chacun une information. « Il ne mange pas à la cantine exceptionnellement. » « C’est sa mamie qui viendra la chercher, elle n’est pas inscrite comme personne autorisée, mais elle s’appelle Geneviève. » « Je vous redonne des slips à mettre dans son sac de change. » « Je voulais vous demander : il a fait caca hier ? » « C’est trop tard pour commander la photo de classe ? »

Eux pensent que tu vas retenir facilement et aisément leur unique information. Surtout qu’elles sont toutes de la plus haute importance. Précieuse et solaire comme leur bambin. Sic.

Mais tu viens d’en recevoir vingt-huit des informations solaires. Comme une mitraillette. TATATATATATA. Et tu n’as pas de casque anti-bruit. Tu tentes de faire le point, professionnelle que tu es : « Donc… Je résume : Ce sont les slips de Geneviève qui ne va pas à la cantine depuis qu’elle a fait caca avant la photo de classe.» Impeccable. Une passation d’informations rondement menée.

Adios les parents. On vous aime bien, mais ici, c’est sans vous. Oui oui, même la petite dame qui essaie de regarder encore à travers les stores une fois la porte fermée. Vous ne nous voyez pas, mais nous si, et vous faites peur aux enfants. Même au vôtre.

Au large, les parents. Ici, c’est sans vous. Un îlot sans daron et sans daronne. Notre îlot. Notre île de la Tortuga sans le rhum, mais l’ivresse qui va avec. On vous invitera peut-être, de temps en temps, pour faire des ateliers jeux de société ou pour la semaine du goût afin de râper quelques carottes. Si vous êtes sages.

Du balai les aïeuls, c’est le temps de l’accueil.

C’est un moment de transition où les minots passent de leur statut d’enfant à celui d’élève. Une espèce de portail intergalactique entre deux mondes. Celui de la maison et celui de l’école. Un portail dont on ne revient pas indemne, mais plutôt avec les cheveux en pagaille et mille souvenirs qu’ils ne partageront pas forcément avec leurs parents. C’est notre jardin secret. Une aventure sans papa/maman. Rien qu’à eux. À nous. Et elle commence maintenant.

C’est un moment à la fois formel et informel. Une suite de rituels bien orchestrés :

- Enlever sa veste, trouver son porte-manteau, mettre ses chaussons : revêtir son costume d’élève.

- Poser son doudou dans la boîte ou garder encore un peu, le temps de l’accueil, l’objet transitionnel qui nous aide à émerger dans cet univers parallèle.

- Prendre un dernier shoot de tétine avant de la mettre de côté pour papoter et développer son langage avec les copains et la maîtresse.

- Accrocher son étiquette-prénom pour signaler qu’on est dans la place ! Présent maîtresse ! “Chui là, t’as vu !” “Oui oui j’ai entendu aussi.”

- Choisir une activité, un coin jeu pour entrer tout doucement dans sa peau d’élève et tout ce qui s’y rapporte.

- Retrouver les copains et osciller entre respecter les règles de classe ou vivre sa meilleure vie avec eux et courir en hurlant autour des tables, une voiturette dans chaque main.

Moi aussi, je passe le portail intergalactique. Moi aussi, je serai décoiffée et sans mon papa et ma maman. Moi aussi, j’aurai des rituels précieux et bien orchestrés…

Prendre son temps, s’asseoir avec eux, les regarder, les découvrir ou les redécouvrir, refaire le monde, sans objectifs langagiers précis, les écouter, les câliner, prendre son shoot pas de tétine (j’ai arrêté), mais de love, d’amour inconditionnel, leur ouvrir ma petite boîte et leur distribuer le mien, moucher des nez… et jouer à la dînette à 35 ans “Je peux avoir une soupe à l’oignon mon poussin s’te plaît ? Sans banane. Merci.”

Et enfin, quand tout le monde a revêtu le bon costume, celui de la maîtresse, celui d’élève, se lever pour brancher l’enceinte et mettre Aldebert à fond. Pas “Pour louper l’école”, mais “Range ta piaule” et les voir s’activer aux premières notes pour tout remettre en place… plus ou moins.

Voir certains feindre de ne pas entendre, frôlant l’Oscar, mais je suis une membre du jury très pointilleuse. Allez, Jean Dujardin, au bouzin ! D’autres vont se planquer dans le tipi, laissant leurs deux petits chaussons dépasser du tissu. Ils en sont persuadés, ce tipi, c’est leur cape d’invisibilité. Et leur maîtresse, une cruche bien naïve. Bouh, les gnomes, on sort de sa cachette et on s’y met. Il y a celui qui range consciencieusement chaque ustensile de cuisine (pour gagner du temps). Et celui qui bourre tous les légumes et referme vite la porte, pour ne pas que ça tombe ! Chacun à sa manière, objet après objet, enfantillage après enfantillage, la classe se range et s’arrange.

La ruche s’active après un doux sommeil sous les rayons du soleil qui filtrent à travers les stores d’une belle lumière orangée. Ça bourdonne de partout. Ça fait encore deux ou trois conneries. Puis sagement ou presque, les petites abeilles viendront s’asseoir autour de la reine au coin regroupement.

Saviez-vous qu’on repère la reine des abeilles à son gros cul ?