À travers les silences - Tome 2 - Laurence Koëss - E-Book

À travers les silences - Tome 2 E-Book

Laurence Koëss

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Beschreibung

Se construire et se redécouvrir...

Tandis que Hissa apprend petit à petit à aimer de nouveau la vie, Rayan remet ses sentiments en question. Est-il sûr d’aimer la bonne personne ? Pourra-t-il un jour accomplir son rêve de famille unie avec Crystal ?
Ana, quant à elle, est terrifiée par les sentiments puissants qui la ravagent depuis plusieurs mois... Marc, de son côté, est prêt à tout pour accueillir encore plus de lumière dans son quotidien.
Tous les quatre arriveront-ils à laisser le passé derrière eux, et à s’autoriser le bonheur, ensemble ?

Retrouvez les personnages attachants de Laurence Koëss, dans ce deuxième tome attendrissant de la saga À travers les silences.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

" J'ai adoré retrouver la plume magnifique de Laurence, une bienveillance et une gentillesse ressort de ses écrits." - Livres2Nana sur Instagram

"Une très jolie aventure humaine." - Petiteplume13 sur Instagram

EXTRAIT

Cette douceur parfumée la replongeait à chaque fois dans son enfance heureuse avec ses parents, dans les câlins maternels et l'affection paternelle.
— Tu sens bon, ma fille ! Ma merveilleuse Hissa, lui disait souvent son père d'une voix chaleureuse en respirant l'odeur familière de ses cheveux.
Tout à coup, c'est celle d'Antoine, sortie tout droit des enfers, qu'elle entendit lui balancer à la figure que la coupe Jackson five était démodée depuis les années 90 et que cette odeur était immonde.
Cette intrusion dans ses souvenirs heureux lui glaça le sang.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Après avoir travaillé comme infographiste et dans la jeunesse, Laurence Koëss se consacre actuellement à sa famille et à sa passion : la lecture. Depuis deux ans, elle se lance dans l’écriture de romances contemporaines et de comédies romantiques feel-good. À travers les silences est sa première trilogie publiée chez les éditions Feel So Good.

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Seitenzahl: 511

Veröffentlichungsjahr: 2020

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Chapitre 1

— Normalement, nous arrivons les derniers au chalet, précisa Rayan. Et comme ça roule bien, nous devrions y être…, dit-il en regardant sa montre, en fin de matinée.

À travers le pare-brise de la voiture, la chaîne majestueuse enneigée des Pyrénées se dessinait sur un ciel bleu azur. Leurs paires de skis et les bâtons sur la galerie, Rayan et Anastasia faisaient route plein sud.

Anastasia retomba de son nuage. Elle qui rêvait depuis quelques jours de passer une semaine aux sports d’hiver en tête à tête avec Rayan, c’était loupé ! Mais c’était trop beau pour être vrai de toute façon !

— Depuis le temps que je t’en parle, je vais enfin te présenter ma petite bande de potes.

Anastasia était heureuse d’entrer dans sa vie et de rencontrer son groupe d’amis. Sauf pour cette brune aux cheveux courts, bien trop jolie et un peu trop proche de Rayan à son goût.

Rayan lui expliqua le déroulement habituel du séjour. Le premier matin à leur arrivée, ils s’installaient dans les chambres puis ils mangeaient sur place et ne skiaient que l’après-midi. Sinon, le reste de la semaine, ils allaient sur les pistes tous les jours de l’ouverture à la fermeture. Ils dînaient au refuge en haut de la station tous les midis. Sauf le lendemain du réveillon qu’ils passaient au chalet pour profiter du site.

— Tu te sens d’attaque pour skier tous les jours ? demanda-t-il.

— Je devrais tenir la route ! répondit-elle, enchantée d’en faire autant pendant les vacances.

Rayan lui expliqua aussi qu’Éthan et Nina étaient originaires du coin. Et étant sur place pour les fêtes de Noël, ils s’étaient occupés, comme chaque année, de prendre les forfaits du groupe à la semaine pour ne pas perdre de temps à faire la queue au guichet le matin. Anastasia trouva l’idée astucieuse et très sympa.

— Éthan et Nina, répéta-t-elle pour mémoriser les premiers prénoms. Frère et sœur donc, en conclut-elle.

— Aaaaah ! Non ! Fiancés ! Et depuis peu. Ils sortent ensemble depuis le collège et sont très amoureux. Ils se marient l’été prochain. Attends ! J’ai une idée, s’écria-t-il en attrapant son smartphone sans quitter la route des yeux. Du pouce, il fit défiler ses photos dans sa galerie et en sélectionna une avec tout le petit groupe datant de l’année précédente durant leur séjour au ski. Rayan la lui décrivit en lui présentant ses amis alignés de gauche à droite en combinaisons.

— C’est le casting d’une série américaine ou quoi ? s’étonna-t-elle devant la beauté des visages.

Rayan éclata de rire.

— C’est vrai que les filles sont très jolies dans notre bande, reconnut-il.

— Pas qu’elles à ce que je vois !

— Merci ! dit-il, le menton relevé, en prenant un air flatté.

— Je ne parlais pas de toi ! le taquina-t-elle d’un coup de poing amical sur le bras. Tu m’as toujours fait penser à Gollum dans Le seigneur des anneaux.

Rayan pouffa en se sentant chambré et commença la description.

— Sur la gauche, la première blonde, c’est Éloïse, mais tout le monde l’appelle « Élo ». Juste à côté d’elle, le beau black qui plaît à toutes les filles, c’est Arthur, son mec, précisa-t-il. Tu ne pourras pas le louper ! Tu as déjà entendu ses cris, mais tu vas voir en live, c’est du lourd !

Anastasia lâcha un rire amusé.

— Vous êtes tous en sup de co ?

— Non pas du tout. Seulement Éthan et moi. À la base, Éthan, Agathe et moi, on est potes depuis le lycée. On était dans la même classe jusqu’en terminale. Dès la première année, Éthan est sorti avec Nina, qui passait un bac littéraire dans notre bahut. Et Nina nous a présenté sa meilleure amie Éloïse qui, à l’époque, passait un CAP coiffure. Elle travaille aujourd’hui dans un salon dans le quartier Saint-Georges. Elle a rencontré Arthur il y a trois ans environ. Lui, il bosse comme garagiste chez Renault à Portet. Et Agathe fait les Beaux-Arts. Elle rêve d’être illustratrice de livres pour enfants. Elle a déjà tout un univers ! C’est génial ce qu’elle fait !

Sur ses mots très élogieux qui énervèrent Anastasia, il reprit la description de la photo.

— Ensuite, tu as Cynthia. Elle fait des études de droit. C’est la dernière arrivée dans le groupe. Ne t’affole pas si tu la vois déplacer les meubles ou faire des trucs bizarres avec des plantes. T’inquiète ! C’est uniquement des plantes légales, précisa-t-il. Elle est très ésotérique, mais elle est hyper sympa.

— Ça s’appelle du Feng Shui et ce n’est pas bizarre du tout ! affirma Anastasia. C’est génial si elle est herboriste ! J’espère qu’elle m’apprendra plein de choses, s’enthousiasma-t-elle.

— Et là, c’est Ethan et Nina dont je viens de te parler.

Anastasia se souvint effectivement des deux garçons qu’elle avait déjà vus en photo chez Rayan.

— Et à côté du hideux Gollum qui te sert de chauffeur, dit-il en prenant la voix tremblante et inquiétante du Hobbit qui fit rire Anastasia, c’est…

— C’est Agathe. Je sais, le coupa-t-elle en la regardant de travers avec son visage d’actrice américaine parfaite encore très collée serrée avec Rayan.

Ce dernier la dévisagea avec étonnement puis il se rappela la lui avoir effectivement déjà montrée en photos sur le pêle-mêle de sa bibliothèque.

— Tu vas voir, elle est géniale ! Tu vas l’adorer !

Moins emballée que lui, elle hocha tout de même la tête.

— Tu te rappelles, Bébé, du service que tu me dois ?

— Heu… Vaguement, répondit Anastasia.

Elle regarda le paysage à travers la fenêtre pour essayer de l’esquiver en redoutant ce qu’il allait lui demander.

— Passagère clandestine dans le coffre d’une voiture en pleine nuit en partance pour l’étranger. Ça te rappelle toujours « vaguement » quelque chose ?

— Ça va ! Y’a prescription ! protesta-t-elle en espérant que ça passe.

— Teu teu teu ! C’était il y a à peine quatre mois.

— Déjà ? s’écria-t-elle en faisant mine de le découvrir.

Elle prit même un faux air de surprise. Rayan éclata de rire. Anastasia ne savait pas lui mentir et cela l’amusait beaucoup.

— Ben… ton service commencera dès que tu sortiras de cette voiture, annonça-t-il.

— Comment ça ? s’inquiéta-t-elle.

— Tu sais que je traverse… comment dire ? réfléchissait-il, embarrassé en cherchant ses mots, une période particulièrement difficile dans ma vie sentimentale. Mes amis se font du souci pour moi. Un peu trop à mon goût, si tu veux savoir !

— Quel rapport avec moi ? s’étonna-t-elle.

— J’y viens. Je souhaiterais leur montrer que je vais super bien, que je me suis remis et pour cela tu vas m’aider.

— OK. Je peux faire le pitre et te faire rire pendant tout le séjour, dit-elle en lui faisant des grimaces.

Il pouffa et reprit :

— Je parlais plus sérieusement.

— Je suis assez douée en animation. Comme tu sais, j’ai presque fini mon BAFD. Obligée pour l’encadrement dans le scoutisme ! J’ai aussi mon brevet de boute-en-train, dit-elle fièrement. Je suis reconnue par ma troupe comme un véritable boute-en-train ! Je sais divertir un groupe mixte en toute occasion sans vulgarité pendant au moins un quart d’heure avec un programme varié comprenant des jeux scéniques, chants, musique, danses et jeux d’adresse, marionnettes…, énuméra-t-elle enjouée.

— Je n’en doute pas ! se moqua-t-il, amusé.

— Je connais quelques jeux développant l’élocution, la présence d’esprit, la maîtrise de soi. Je sais organiser et diriger entièrement une veillée. Je chante juste et par cœur au moins dix chants scouts ! se défendit-elle sur un ton très sérieux.

— Rien que ça ! lâcha-t-il en partant dans un fou rire incontrôlable.

— Puisque c’est si drôle, je te mets au défi de le faire ! le défia-t-elle. J’ai un week-end d’éclaireuses dans quinze jours, je t’invite pour faire l’animation ! Je t’ai dit que ma troupe était composée de trois patrouilles de six à sept filles ? En tout, nous sommes une quarantaine. Souvent, on partage les veillées avec les éclaireurs. Ils comptent cinq patrouilles de sept garçons, plus leurs chefs. On arrive vite à soixante-dix, quatre-vingts personnes, surtout si des anciens se joignent à nous. Quoi ? demanda-t-elle en le voyant blêmir. C’est moins drôle tout à coup, hein ? releva-t-elle.

— OK. Je ne ris plus. Et sinon… tu as ton brevet d’actrice aussi ? s’enquit-il en gardant son sérieux.

— Oui. Mais je ne pense pas que tu souhaites que je t’énumère encore les épreuves. Pourquoi tu me demandes ça ? se renseigna-t-elle, suspicieuse.

— Pour que tu joues un rôle.

— Lequel ?

— Celui de ma nouvelle petite amie.

— T’es sérieux, là ?

Elle se figea sur son siège en le fusillant du regard. Le nez toujours face à la route, Rayan opina du chef.

— Très sérieux. Je leur ai déjà dit qu’on était ensemble.

Lorsqu’Anastasia comprit que ce n’était pas une blague et qu’elle était tombée dans un véritable traquenard, éblouie par ses beaux yeux, elle fulmina :

— Arrête la voiture ! ordonna-t-elle.

— Ana ! On est sur l’autoroute et je roule à la vitesse maximale.

— Je veux descendre ! insista-t-elle, furieuse. Je récupère mon sac et je rentre en stop ou à pied, je m’en fous, mais je veux descendre de cette voiture ! cria-t-elle.

— Je m’arrête sur la prochaine aire quand tu seras calmée, mais pas là, dit-il, désolé de la voir offusquée.

— J’ai besoin de prendre l’air, dit-elle.

Anastasia baissa la vitre en grand et passa la tête par-dessus la portière. Un froid glacial s’engouffra dans l’habitacle.

— Ana ! Referme la vitre ! Tu vas attraper la crève ! dit-il en la tirant vers lui.

— Pourquoi ? Parce que ça ficherait en l’air ton plan tordu si je tombais malade, lui balança-t-elle vertement.

Contrariée, elle obtempéra, la remonta et croisa les bras sous la poitrine.

— Je déteste mentir ! Et à des gens que je ne connais pas en plus ! Mais tu me prends pour qui, Rayan ? demanda-t-elle à la limite de l’explosion.

— Pour mon amie, répondit-il posément en toute sincérité.

Anastasia s’efforça de respirer profondément pour se détendre.

— S’il te plaît, Ana. On peut en parler ?

Rayan attendit qu’elle se calme avant de lui expliquer son plan. Il commença, mais elle le coupa aussi sec :

— Pourquoi tu ne me l’as pas demandé avant de partir et avoir attendu le dernier moment pour me le dire ?

— Je te connais et je me doutais de ta réaction. Et j’avais peur que tu ne viennes pas.

— Sans dec’ ?

Dans le silence pesant, Anastasia pensait qu’elle s’était fait berner en imaginant qu’il l’avait invitée pour les vacances parce qu’il l’aimait bien. Rayan reprit la parole sur un ton calme et posé pour justifier sa demande :

— Mes meilleurs amis s’inquiètent pour moi et ils n’ont pas tout à fait tort. Je peux bien t’avouer à toi que c’est assez rude en ce moment. Mais je les aime. Depuis que j’ai perdu mes parents, c’est un peu ma famille. Et je ne veux pas les voir s’apitoyer sur mon sort pendant tout le séjour parce que mon rêve de fonder une famille avec Crystal vient de s’écrouler.

Calée au fond de son siège, Anastasia écoutait les arguments de Rayan, la gorge serrée en entendant sa voix saccadée rongée par le chagrin. Qu’il se confie à elle de la sorte en lui confiant son état d’âme la touchait profondément.

— Ils savent à quel point c’est important pour moi et Hissa de retrouver des repères familiaux. Je veux juste leur montrer que je vais bien et que je vais m’en sortir. Tu as un mec et c’est pour ça que tu ne veux pas m’aider ?

En posant la question, Rayan se rendit compte qu’il redoutait d’entendre une réponse positive. Son estomac se noua.

— Non.

Étrangement, Rayan éprouva un soulagement de savoir qu’elle ne sortait avec personne.

— Alors, donne-moi une seule raison de ne pas jouer le rôle de ma petite amie pendant sept jours.

Parce que je suis folle amoureuse de toi, espèce de gros miro ! Ou nigaud ! Les deux en fait ! pensa-t-elle en fermant les yeux sans pouvoir le lui avouer.

Rayan interpréta son silence comme une réponse positive et lui expliqua les conditions :

— Je te demande juste de me prendre la main très souvent, de nous étreindre comme de jeunes amoureux, de se faire quelques petits baisers chastes de temps en temps…

— De temps en temps ? répéta-t-elle, stupéfaite, en imaginant ses lèvres se coller aux siennes régulièrement.

Ces mêmes lèvres qu’elle rêvait secrètement d’embrasser depuis quatre mois en repensant à leur baiser de diversion dans les escaliers le lendemain de leur rencontre.

— Ben… si on ne se fait pas de petits bisous, ça ne va pas être crédible. J’ai dit juste des baisers chastes, pas des pelles ! argumenta Rayan.

— Encore heureux ! s’affola-t-elle.

Son cœur partit en tachycardie à la limite de la crise cardiaque. Elle essaya de rester naturelle en gardant une attitude aussi « normale » que possible.

— Sympa ! Dis tout de suite que je suis écœurant ! encaissait Rayan en pensant qu’il n’était pas du tout son genre de mec puisqu’il lui faisait penser à Gollum.

Ah non ! Je ne dirais pas « écœurant », mais plutôt « canon » « génial » « séduisant » « craquant » « sexy » « parfait ». J’en ai toute une liste à te proposer ! songeait-elle, rêveuse et dépitée à la fois.

Comme de toute façon elle n’avait pas le choix et qu’elle lui devait ce service, résignée, elle soupira lourdement en se disant que peut-être, dans ces conditions-là, il finirait par succomber à ses charmes. Mais Rayan prit cette mimique d’agacement comme le signe que c’était un véritable supplice pour elle. De l’index pointé vers l’extérieur, il lui montra le panneau indiquant la prochaine aire de repos à mille mètres et sonda la jolie blonde qui secoua la tête d’un signe négatif.

— Merci, dit-il sincèrement.

— Bon ! abdiqua-t-elle. C’est d’accord pour des petits baisers chastes. Je me débrouillerai pour lâcher mes cheveux ou mettre ma main sur ta joue ou mon bras autour de ton cou pour feindre la pudeur. Cachés derrière, on fera semblant de s’embrasser, négocia-t-elle pour se protéger.

Rayan accepta ses conditions.

— Ah ! J’oubliais, se rappela-t-il. Évite de draguer un autre mec devant mes potes. Et surtout pas Arthur !

— Mais tu viens de me dire qu’il sortait avec Éloïse, répondit Anastasia, qui ne comprenait plus rien.

— Oui, mais Arthur est un séducteur né. Il allume tout ce qui bouge. C’est plus fort que lui et elles tombent toutes dans ses filets ! Et vu ton joli petit minois… En plus, je te préviens, Élo est vigilante et très jalouse.

Anastasia fut ravie d’apprendre que Rayan la trouvait jolie, mais cacha sa joie en restant réaliste. Elle était bien consciente que c’était uniquement par souci de crédibilité. Amoureuse de Rayan depuis des mois, elle n’était pas du tout intéressée par cet Arthur, aussi séduisant soit-il. Et qui plus est, ce n’était pas son genre de marcher sur les platebandes d’une autre. N’ayant pas envie de rentrer dans de longs discours, elle acquiesça.

— Donc, récapitulons ! dit-il pour résumer. On se donne la main régulièrement. On se prend dans les bras l’un de l’autre pour feindre des petits câlins. On échange des « petits baisers chastes » et on se roule des « fausses » pelles derrière tes cheveux ou nos mains puisque j’écœure madame ! Mais rassure-toi, une fois seuls dans notre chambre ce sera la zone neutre.

— Comment ça « notre » chambre ? s’écria-t-elle en le fusillant du regard, visiblement furieuse. Il y a des lits jumeaux, j’espère !

C’était déjà difficile pour elle de devoir faire semblant d’être sa petite amie, mais de devoir en plus partager sa chambre et son lit pendant une semaine allait être une véritable torture ! Déjà que dormir avec Rayan « en amis » une nuit de temps en temps, c’était un calvaire, alors sept d’affilée cela allait être l’enfer !

— Ben oui ! On est censés être en couple, je te rappelle ! Mais c’est un lit deux places. Je me suis dit que comme ce n’est pas la première fois qu’on dort dans le même, on pouvait bien redormir ensemble. De toute façon, rassure-toi ! Je ne te toucherai pas ! précisa-t-il en la voyant mal à l’aise. Tant que je suis amoureux de Crystal, il ne peut rien se passer entre nous. Tu n’as rien à craindre de ce côté-là ! Je te demande juste de faire semblant devant mes amis. Rien de plus.

Une lame lui transperça le cœur. Rayan amoureux de Crystal, elle n’aurait aucune chance de le séduire. Elle remballa tous ses espoirs. Rayan était convaincu que leur rupture était imminente. Même si pour lui leur couple était à l’agonie, il souhaitait que ce soit officiel avec Crystal avant d’annoncer leur rupture à leur entourage. Mais tant que ce n’était pas le cas, il gardait au fond de lui une lueur d’espoir.

— Et qu’est-ce qu’on leur raconte ? Je veux dire… s’ils nous posent des questions sur notre rencontre, s’enquit Anastasia.

— Ben, la vérité. Ton frère vit avec ma sœur.

Elle hocha la tête sans un mot puis se reconcentra sur le cliché du groupe pour se remémorer les prénoms et les deux couples.

— Et la personne qui prend la photo, qui est-ce ? Déjà que je ne vais pas la reconnaître, dis-moi au moins comment elle s’appelle, demanda-t-elle innocemment.

À travers le silence pesant dans l’habitacle de la voiture, elle comprit qu’elle venait de gaffer. Il s’agissait de Crystal. Elle tourna la tête vers Rayan qui, le regard noir face à la route et le nez dans le guidon, ne répondait pas à sa question. Anastasia prit peur.

— Ne me dis pas qu’elle sera là et que ton plan débile, c’est uniquement pour la rendre jalouse ! s’affola-t-elle, hors d’elle.

— Rassure-toi ! Elle ne sera pas là, affirma-t-il tristement. Elle a annulé le jour où je t’ai demandé de m’accompagner. Je ne me voyais pas rentrer dans cette chambre vide tous les soirs et passer la semaine avec le regard de pitié de mes amis, tous en couple. C’est la première fois qu’elle ne vient pas depuis qu’on loue le chalet.

Anastasia se rappela que Rayan lui avait dit qu’ils le réservaient depuis quatre ans. Il devait en avoir des souvenirs avec elle là-bas ! Face à son air triste, Anastasia se promit de lui rendre leur séjour le plus distrayant possible pour qu’il finisse par oublier l’absence de cette fille.

— Et puis... avec nos petits jeux taquins et notre complicité évidente depuis qu’on se connaît, je me suis dit que ces vacances seraient plus agréables si tu étais de la partie.

Anastasia avança sa main vers lui et il accrocha son auriculaire au sien.

— Merci, Bébé. Tu es géniale !

Géniale, mais folle de miser mon cœur dans le jeu.

Arrivés devant le chalet, Rayan se gara à côté de deux autres voitures.

— Waouh ! s’extasia Anastasia devant la bâtisse en bois d’architecture moderne qui paraissait immense.

— Au rez-de-chaussée, il y a la cuisine, la buanderie, la salle à manger, le salon, la salle de jeu et le sauna. Et à l’étage, il y a quatre chambres et le jacuzzi sur la terrasse.

— Un vrai petit palace, quoi !

Anastasia et Rayan sortirent de la voiture chacun de leur côté pour prendre leurs sacs dans le coffre, qu’ils posèrent en bandoulière sur une épaule en s’avançant vers l’entrée. À quelques pas du porche, Rayan se retourna et tendit la main à Anastasia qui la saisit. Il se pencha vers elle et l’embrassa sur la joue avant de lui chuchoter un merci. Anastasia savait que Rayan n’était pas amoureux d’elle, mais elle était persuadée qu’il avait beaucoup d’affection pour elle.

C’est une jolie blonde avec un carré parfaitement dégradé qui les accueillit en leur ouvrant la porte. Elle claqua une bise chaleureuse à Rayan et la fit ensuite à Anastasia en lui souhaitant la bienvenue.

— Éloïse, c’est bien ça ? demanda Anastasia en étant certaine de ne pas se tromper.

Sur la photo que Rayan lui avait montrée dans la voiture, Anastasia avait remarqué sa coiffure impeccable même en haut des pistes de ski.

— Élo, rectifia la jeune femme qui était ravie que la petite nouvelle connaisse déjà son prénom.

Le temps de poser son sac aux pieds des escaliers et de décrocher celui d’Anastasia encore sur son épaule pour le mettre à côté du sien, Rayan lâcha la main d’Anastasia avant de la lui reprendre.

— Hiiiiii ! Saaaluuutoooo ! Holà amigos ! s’écria un grand black hyper canon dans un jean slim et un pull près du corps en arrivant dans des cris exubérants qui surprirent Anastasia qui sursauta.

— On s’y fait vite, lui chuchota Rayan avec un clin d’œil.

Anastasia comprit immédiatement qu’il s’agissait d’Arthur. Encore plus beau en vrai que sur la photo, mais par diplomatie, elle évita de mater sa paire de fesses musclées et son buste taillé en V devant sa petite amie. Elle attendit que Rayan fasse les présentations après leur accolade virile.

— Ana… Arthur, présenta Rayan en les désignant.

— Che bellissima ! s’écria-t-il en exagérant avec un mélange d’accent hispano-italien.

Ensuite il lui fit une bise presque théâtrale, une main sur chaque épaule avant de reprendre dans un français courant. Il leur confirma qu’ils étaient les derniers arrivés, que les autres étaient en train de s’installer dans les chambres et que le repas de midi était prêt.

Anastasia remarqua rapidement que le garçon ne se prenait pas du tout au sérieux et qu’il avait plutôt l’air d’un gros déconneur, comme l’avait décrit Rayan. Ce qui l’amusa.

Ils récupérèrent leurs sacs et montèrent à l’étage. Rayan passa devant étant donné qu’il connaissait bien les lieux.

— La nôtre, c’est la dernière, indiqua-t-il.

Rayan s’arrêta devant la quatrième porte qu’il ouvrit et invita Anastasia à entrer la première. La chambre était très jolie, moderne et spacieuse avec une salle de bain indépendante.

— Elles en ont toutes une, précisa Rayan en voyant Anastasia étonnée qu’elle ne soit pas commune avec les autres.

Juste derrière la cloison, ils entendirent des gémissements sans équivoque.

— « Vraiment » amoureux, les futurs mariés ! releva Anastasia.

Rayan pouffa.

— Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? demanda-t-elle devant son attitude amusée.

Dès qu’il referma la porte, il posa son sac sur la commode et fixa Anastasia pour sonder sa réaction au sujet de ce qu’il avait omis de lui raconter :

— C’est la chambre des filles.

Stupéfaite, Anastasia resta bouche bée, les yeux écarquillés, et s’assit sur le lit.

— Agathe et Cynthia ? répéta-t-elle, assommée par cette révélation inattendue.

— Elles sont en couple depuis quelques mois, confirma-t-il. Agathe aime exclusivement les nanas, mais Cynthia est bi, d’après ce que je sais. Ça te dérange ?

En entendant qu’Agathe était lesbienne et « exclusivement » par-dessus le marché, Anastasia éprouva un énorme soulagement qu’elle oublia de cacher.

— Pas du tout ! Au contraire ! Je suis ravie de l’apprendre, gaffa-t-elle.

— Ah bon ? Toi aussi tu…, en déduit Rayan avec un air très étonné. Je n’aurais jamais cru ! Ah, mais c’est pour ça que ça te dérange à ce point de jouer ma petite amie ! dit-il, enchanté de comprendre pourquoi il était si répugnant à ses yeux.

— Ah non ! Non non non ! Pas du tout même ! s’écria-t-elle.

Elle secoua les mains dans tous les sens pour dissiper rapidement le malentendu, de peur qu’il s’imagine qu’elle soit gay.

— Je suis hétéro. Très hétéro, précisa-t-elle. Je voulais juste dire que…, s’embourba-t-elle. Que ça ne me dérange pas du tout ! Mais alors pas du tout !

Dubitatif, Rayan la dévisagea.

Miro et Nigaud, je confirme ! Je fonds littéralement et il ne voit rien ! Qu’il est chou avec ses yeux de cocker ! se dit-elle face à son air circonspect.

Pour garder la tête froide en regardant Rayan, elle se força à imaginer Gollum à la place de son visage de tombeur.

— Bon ! Gollum ! le bouscula-t-elle en se levant pour changer de sujet. Je prends l’armoire, toi la commode ? proposa-t-elle en joignant le geste à la parole.

Puis elle rit en silence en l’entendant grogner à cause de ce surnom affreux.

Juste au moment où ils finirent de ranger leurs affaires, quelqu’un frappa à la porte de leur chambre.

— Entreeeez ! chantonna Rayan en refermant le dernier tiroir.

— Salut, mon poto ! s’écria Éthan en lui donnant une accolade.

— Salut mec !

Une jeune femme brune aux cheveux longs, plutôt timide, s’avança vers Anastasia avec une voix aussi douce et jolie qu’elle :

— Salut ! Moi, c’est Nina ! se présenta-t-elle avec un sourire discret.

— Salut ! Moi, c’est Ana ! répondit-elle en s’approchant pour lui faire la bise.

— Je sais. Il me tardait de te rencontrer, avoua-t-elle, visiblement sincère.

Anastasia trouva son accueil très chaleureux. Éthan s’avança vers elle et se pencha de son mètre quatre-vingt-cinq vers le mètre soixante d’Anastasia qui, par habitude, monta sur la pointe des pieds pour lui faire la bise. Il lui souhaita la bienvenue et rajouta avec un air malin, ravi de balancer son pote :

— Alors c’est toi la jolie petite blonde pétillante de Rayan qui va passer la semaine avec nous ? demanda-t-il en prenant un ton énigmatique.

Il glissa son auriculaire dans son oreille pour illustrer l’expression « mon petit doigt m’a dit… »

— « La jolie petite blonde pétillante » je ne sais pas si c’est moi, je l’espère en tout cas ! jubilait-elle en jetant un œil vers Rayan.

Gêné, le jeune homme fit volte-face en faisant mine de chercher quelque chose dans ses affaires.

— Mais pour la semaine, reprit Anastasia, si ton petit doigt te l’a dit alors je crois que tu peux lui faire confiance. J’ai amené un gros sac ! dit-elle sur le même ton que lui, mais sans pouvoir cacher qu’elle était flattée que Rayan la décrive de cette façon-là.

Éthan éclata de rire devant sa repartie amusante.

Dans le couloir, un grincement de porte suivi de voix féminines se firent entendre.

— Visiblement, les filles ont fini de s’installer. Tu les as déjà rencontrées ? demanda Nina à Anastasia qui secoua la tête.

La jolie petite brune aux cheveux longs la prit par le bras et l’invita à la suivre. Lorsque Rayan se retrouva tout seul avec Éthan, ravi pour lui, ce dernier le chambra en lui donnant une tape amicale sur l’épaule :

— Jolie… petite… blonde… pétillante… Effectivement, tu n’as pas besoin de lunettes, toi !

Ils éclatèrent de rire. Mais Éthan n’osa pas lui dire que ce qui l’avait le plus frappé, c’était qu’Anastasia était tout l’opposé physiquement de Crystal.

Anastasia fit rapidement connaissance avec Cynthia et Agathe. Et après le repas, le temps que les filles rangent la cuisine et que les garçons chargent les voitures de leurs affaires de ski, Agathe prit Anastasia sous son aile et lui fit visiter le chalet. Bras dessus, bras dessous, elles arpentèrent les couloirs :

— Je suis contente de te rencontrer enfin ! Rayan m’a tellement parlé de toi que j’ai l’impression de te connaître ! avoua Agathe.

— Ah bon ? s’étonna Anastasia.

— Je savais que vous étiez très amis depuis votre premier week-end à San Sebastian, mais je dois te dire que j’ai été surprise quand il m’a annoncé que vous sortiez ensemble.

— Pour moi aussi, ça en était une ! avoua-t-elle sans mentir.

— C’est bien qu’il essaye de passer à autre chose.

— Qu’il essaye ? releva-t-elle. Tu penses qu’il n’y arrivera pas, en conclut-elle.

Agathe évita de répondre et ouvrit une porte qui donnait sur une terrasse couverte avec vue sur les Pyrénées. Elle remarqua une pointe de tristesse dans le regard d’Anastasia. Même si elle ne la connaissait pas, elle sentait sa sensibilité. Elle la voyait touchée par leur conversation et comprit qu’elle tenait vraiment à Rayan.

— Waouh ! s’extasia Anastasia devant le jacuzzi circulaire.

— Et ouais ! Comme tu dis ! On vient ici presque tous les soirs en rentrant du ski. C’est notre endroit préféré !

— Tu m’étonnes !

— Enfin, juste les filles ! précisa-t-elle. Les mecs eux, c’est plutôt « bières et billard » !

— Je ne suis pas très « bières et billard ». Je crois que je vais me joindre à vous ! dit-elle, enchantée par cet endroit de rêve.

— Tu as un bon niveau en ski ?

— Je me débrouille. Mais je ne connais pas du tout la station.

— T’inquiète ! Pour les pistes, on te fera visiter aussi !

Il tardait déjà à Anastasia de se retrouver sur les pistes en admirant, de la terrasse, la vue sur les Pyrénées qui baignaient dans la lumière du soleil.

*

La chambre de Marc baignait dans la lumière du soleil. Nus et enlacés, Hissa et Marc s’étaient assoupis au-dessus des draps humides. Dans le rayon qui réchauffait leurs corps, des morceaux de poussières microscopiques virevoltaient comme des flocons de neige qui ne tombaient plus dans les plaines d’Occitanie depuis plusieurs hivers.

Marc bougea légèrement dans un gémissement presque animal, ce qui réveilla Hissa dans un sourire. Blottie dans ces bras puissants, elle avait parfois l’impression de se sentir toute petite, mais elle était consciente que jamais elle ne s’était autant sentie en sécurité. Par réflexe, son index et son majeur passèrent délicatement sur ses lèvres. Combien de fois en vivant avec Antoine, elle avait eu ce geste ? Elles étaient enflées. Mais pas à cause de coups. Uniquement par les baisers passionnés et tendres à la fois dont Marc la couvrait et qu’elle lui rendait de la même façon. Ses jambes étaient courbaturées. Pas par des meurtrissures. Mais par l’intensité de leur corps à corps sensuel et lascif incessant. Ils avaient soif l’un de l’autre et ils étaient intarissables. En amour aussi Marc était sportif et endurant. Avec son nouvel amant, elle redécouvrait les plaisirs de la chair. La boîte de préservatifs sur le chevet était presque vide. Heureusement, elle avait pensé à en acheter une de plus la dernière fois qu’elle avait fait les courses.

Elle prit une profonde inspiration, ferma les yeux et son corps se pressa contre lui. Ses formes féminines épousèrent ce corps robuste, athlétique, chaud et incroyablement sexy comme pour y chercher le refuge serein, protecteur et aimant qu’elle y trouvait depuis quelques semaines. Dans une longue expiration, elle rouvrit les yeux et s’abandonna contre lui. Elle sentit instantanément le bras de Marc resserrer son étreinte.

Elle repensait au chemin qu’elle avait parcouru en quelques mois à peine, à cette force intérieure insoupçonnée que lui avait insufflée cet homme bienveillant et aimant qu’elle avait toujours cru bourru et asocial. Son regard erra sur les murs gris clair, sur les doubles rideaux gris anthracite et s’attarda sur les dessins d’enfant très colorés placés minutieusement sous-verre pour les protéger. Ces seules touches de couleurs égayaient la pièce. C’étaient ceux qu’Anastasia avait faits pour son père quand elle était petite fille. L’écriture enfantine des « pour Papa » et « je t’aime Papa » l’attendrissait à chaque fois qu’elle les regardait. Hissa devina que tout était terne dans la vie de Marc sauf ce que concernait sa fille. Il y avait une part d’ombre dans sa vie et elle espérait qu’un jour, il s’ouvre à elle. Son côté mystérieux le rendait encore plus séduisant, mais pour construire une relation stable, il fallait bâtir sur des fondations saines. Tout en caressant le torse lisse de Marc qu’elle avait rasé plus tôt dans la matinée, Hissa se demandait ce qu’un homme comme lui pouvait attendre de leur relation. Elle, elle rêvait de se marier et de fonder une famille. Lui en avait déjà construit une avec Anastasia. Et à son âge, peut-être qu’il ne rêvait plus d’agrandir la sienne.

Des gargouillements dans son estomac la sortirent de ses réflexions. Elle jeta un œil sur le radio-réveil. Il était déjà presque 14 heures et ils avaient encore oublié de manger à trop s’aimer. Une vague de joie la submergea, faisant accélérer les battements de son cœur, et étira un sourire sur ses lèvres agréablement douloureuses. Elle souleva avec délicatesse le bras de Marc pour éviter qu’il se réveille. Il avait le droit de se reposer un peu après les prouesses sexuelles qu’il venait de faire.

Après une douche revigorante, elle glissa dans son peignoir. Penchée en avant, elle enroula ses cheveux d’une serviette et quand elle se redressa, elle fixa longuement son reflet dans le miroir. Ses joues étaient encore rougies des orgasmes qui l’avaient emportée plusieurs fois ces dernières heures. Son teint était vif et elle respirait le bonheur. Cela faisait une éternité qu’elle ne s’était pas trouvée si resplendissante sans maquillage pour tricher. À nouveau, un sourire se dessina sur ses lèvres.

Après s’être frictionnée vigoureusement les cheveux dans la serviette pour les sécher, elle les étudia dans le reflet du miroir. Elle aimait ses cheveux couleur ébène et leur volume. Ils lui rappelaient ceux de sa mère. Elle saisit sa crème capillaire à l’huile de coco – secret de sa mère qui le tenait de la sienne – pour les adoucir, les faire briller et les hydrater. Cette douceur parfumée la replongeait à chaque fois dans son enfance heureuse avec ses parents, dans les câlins maternels et l’affection paternelle.

— Tu sens bon, ma fille ! Ma merveilleuse Hissa, lui disait souvent son père d’une voix chaleureuse en respirant l’odeur familière de ses cheveux.

Tout à coup, c’est celle d’Antoine, sortie tout droit des enfers, qu’elle entendit lui balancer à la figure que la coupe Jackson five était démodée depuis les années 90 et que cette odeur était immonde. Cette intrusion dans ses souvenirs heureux lui glaça le sang.

Penser à son ancien bourreau lui rappelait que la date du procès avançait à grands pas. Aurait-elle la force et le courage de soutenir son regard ? De témoigner ? Raconter devant un jury et une salle d’audience remplie de gens toutes les atrocités qu’il lui avait fait subir ? L’angoisse la saisit et lui serra la gorge, lui coupant la respiration. Un vertige lui fit perdre l’équilibre et elle s’appuya contre le plan de travail autour du lavabo. Elle chercha son regard dans le miroir et lorsqu’elle l’attrapa, elle trouva la force de se redresser.

Tu ne me briseras plus Antoine !

Plus sûre d’elle, elle sortit de la salle de bain, traversa le couloir, entra dans sa chambre et ouvrit son dressing. Les robes mantras de sa mère l’attiraient comme un aimant. Elle en choisit une et l’essaya. Dans le miroir psyché, elle l’admira. Sur elle, elle était encore plus belle. Elle caressa le vêtement resserré sous sa poitrine par sa ceinture ruban assortie. Elle aimait retrouver la sensation du tissu créole sur sa peau.

— Carnaval, c’est en février !

En entendant la voix d’Antoine, elle sursauta et se retourna pour voir s’il n’était pas derrière elle. Envahie par la peur, son cœur cognait dans sa cage thoracique. Un soupir de soulagement lui échappa lorsqu’elle se rendit compte que c’était sorti tout droit de son imagination.

Va te faire foutre, Antoine !

D’un pas décidé, elle sortit de sa chambre. En passant devant celle de Marc, elle jeta un œil à travers l’entrebâillement. Marc était allongé sur le lit à plat ventre. Les draps remontés sur ses mollets, une jambe repliée, sa main ramenée près du visage, il dormait encore. Ses fesses nues et musclées, légèrement bombées, lui donnaient une posture féline digne d’une photo de magazine.

En se rappelant leurs derniers ébats, elle se sentit rougir et s’éclipsa vers la cuisine pour leur préparer à manger.

Des odeurs de cuisine exotique vinrent chatouiller les papilles de Marc. Plongé dans le noir depuis son agression, il inspira profondément et fut transporté sur une île paradisiaque. Il sentait presque les grains de sable fin entre ses orteils et imaginait devant lui une mer turquoise. Grâce à la chaleur du soleil qui réchauffait sa peau à travers la vitre de sa chambre, il visualisait facilement, au-dessus de lui, un ciel azur strié par quelques palmes émeraude de palmiers. Il chercha les traits et les courbes féminines d’Hissa, mais il n’arrivait pas à les voir. Juste à sentir sa peau soyeuse sous ses doigts. Il étala ses bras dans le lit à la recherche de son corps, mais le lit était vide. Il lâcha un juron. Faire l’amour avec elle les yeux bandés était tellement frustrant ! Même s’il trouvait touchant qu’elle se bande les yeux à chaque fois pour être sur le même pied d’égalité.

Il finit par s’asseoir sur le bord du lit. Il chercha à tâtons son caleçon, mais las de chercher dans cette obscurité permanente, il souffla lourdement. Il avança les mains, bras tendus, et reconnut les portes de son dressing. Après avoir fait coulisser un battant, il tenta de trouver un de ses tiroirs à sous-vêtements. Il dégota un boxer et s’y reprit à deux fois pour l’enfiler à l’endroit en manquant de se flanquer par terre. Il jura encore.

Il arriva tant bien que mal à sortir de sa chambre. Droit devant lui, il trouva la porte de la chambre de sa fille. En suivant le mur sur la droite, il se dirigea jusqu’à la porte de la salle de bain. Par un élan d’orgueil, il se crut capable de se doucher sans l’aide d’Hissa. Il retira son boxer et enjamba la baignoire, se prit le bras dans le rideau de douche qu’il réussit à tirer et se concentra pour chercher les robinets. L’eau chaude coulait côté droit ou gauche ? Machinalement, lorsqu’on a l’habitude de ces gestes du quotidien, on ne mémorise jamais ce genre de détails. On voit si c’est côté rouge ou côté bleu pour régler la chaleur.

Le chaud, c’est à droite ou c’est l’inverse ?

Il se posa la même question pour le second robinet. Vers l’avant, c’était la paume de la douche ou le robinet pour remplir la baignoire ?

Il jura encore. Puis il testa. Par malchance, il reçut une averse d’eau glacée sur la tête.

Alertée par un cri rauque, Hissa accourut. Elle le sortit de son entreprise sans le ménager. À cet instant, il maudissait le patient interné en hôpital psychiatrique qui lui avait balancé cet acide dans les yeux. En sentant la présence d’Hissa, il se radoucit.

— Je crois que j’ai besoin de toi, avoua-t-il, un peu honteux de sa situation.

— Alors, appelle-moi au lieu de jouer les héros ! Heureusement que l’infirmière passe ce soir pour refaire ton bandage.

— Je préfère mon infirmière à moi.

Elle sourit, flattée du compliment. Comme elle le faisait depuis son accident, elle s’occupa de lui avec une infinie douceur. Tous ses gestes étaient maîtrisés et délicats. Puis elle l’aida à sortir de la baignoire en la guidant.

— Je vais me débrouiller maintenant. Merci Hissa.

Elle soupira en le regardant.

— Comme tu veux, répondit-elle avant de disparaître.

Après plusieurs tentatives, Marc réussit à trouver un drap de bain sur le porte-serviette et s’essuya. Il retrouva son boxer et l’enfila. Lorsqu’il se trouva devant le plan de travail autour du lavabo, il fut envahi par la colère. Il se rendit compte qu’il était incapable de faire la différence entre son spray déodorant et sa bombe à raser. Il y avait plusieurs flacons de différentes tailles. Probablement même des produits de beauté d’Hissa.

— Je ne trouve jamais rien dans cette maison ! cria-t-il, excédé.

Lorsqu’Hissa l’entendit ainsi lâcher le fameux juron du Sud-ouest, elle se précipita vers la salle de bain.

— Tu cherches quoi ?

— Mon déodorant, répondit-il, exaspéré.

— Il est là, dit-elle en le lui mettant dans la main.

— Merci Hissa. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.

Il soupira.

— Vivement qu’on m’enlève ce bandage ! Viens m’embrasser ! Je ne te vois pas, lui demanda-t-il en lui ouvrant les bras.

Hissa plongea contre son torse et lui donna un baiser. Marc la garda contre lui un moment.

C’est alors qu’elle fut étourdie par un flash-back.

*

— Quel bordel dans cette baraque !

Hissa entra dans la salle de bain. Tout était soigneusement rangé. Consciente que si par malheur quelque chose n’était pas à sa place, Antoine pouvait rentrer dans une rage folle.

— Quelle bordélique tu fais ! Regarde-moi ça ! beugla-t-il en tournant un pot de gel pour que l’étiquette soit bien en vue avant de l’aligner méticuleusement avec les autres flacons.

Ayant peur des représailles, elle se hâta de remettre les marques et les noms des flacons de produits tournés vers lui. D’un mouvement brusque, Antoine la prit par la taille, l’enlaça tendrement et l’embrassa avec fougue. Ses mains se baladèrent sur son buste et une vint finir sa course en enveloppant un sein qu’il malaxa sans stopper son baiser. Puis, front contre front, ils échangèrent un sourire.

Hissa aimait ces moments de tendresse. Elle retrouvait le Antoine des premiers jours et elle espérait qu’il finisse par redevenir comme avant.

Tout à coup, sans qu’elle ne s’y attende, elle reçut un coup de tête. Le choc fut si violent qu’elle fut étourdie quelques secondes. Prisonnière de ses bras, elle ne pouvait pas se dégager de son étreinte, encore moins s’enfuir.

— La prochaine fois, tu penseras à ranger la salle de bain correctement, lui balança-t-il durement.

*

De ces moments-là, il ne lui restait que l’humiliation et le souvenir de la douleur. Hissa secoua la tête en s’efforçant d’oublier la suite.

— Tout va bien, Hissa ? lui demanda Marc, inquiet.

Elle s’était raidie d’un coup et tremblait encore. Dans un soupir de soulagement, elle articula un oui et se blottit contre lui pour trouver le réconfort qu’il lui donna en lui caressant le dos. Il veilla à ne pas trop la serrer contre lui sans pour autant desserrer son étreinte. Il aimait l’avoir dans ses bras et il fut rassuré de voir que les tremblements disparaissaient. Elle finit par reprendre ses esprits et recula d’un pas.

— Je t’ai posé un pantalon, un tee-shirt et un pull ainsi qu’une paire de chaussettes juste-là, lui indiqua-t-elle en le guidant. Je suis dans la cuisine si tu as besoin de moi.

Hissa retourna devant ses fourneaux. Le repas était presque prêt, mais un vent de panique s’empara d’elle. La table débordait d’épluchures de légumes et de plats de préparation. Le plan de travail était à peine visible sous la pagaille. Elle s’affaira à tout ranger à une vitesse folle. La vaisselle sale se retrouva dans le lave-vaisselle, les épluchures à la poubelle et elle passa un coup d’éponge sur la table. Elle remit les condiments dans le placard, mais lorsqu’elle referma la porte, elle percuta qu’elle ne les avait pas rangés correctement. Elle les ressortit tous un par un et les replaça par ordre de taille en veillant à ce que les étiquettes soient bien en vue. Lorsqu’elle reprit sa respiration, elle se rendit compte qu’elle était en apnée.

Tout à coup, deux avant-bras musclés vinrent lui encercler la taille pendant qu’une bouche embrassait son cou. Elle poussa un cri de stupeur, et confus, Marc recula d’un pas, les bras en l’air en signe de reddition et s’excusa.

Hissa expira profondément et tenta de le rassurer :

— Ce n’est rien. Tu m’as surprise, c’est tout.

En baissant la tête, elle regarda ses pieds.

— En chaussettes, je ne t’ai pas entendu arriver.

— Je n’ai pas trouvé mes pantoufles de papi.

Hissa pouffa et retrouva le sourire. Puis elle courut à la salle de bain les lui chercher. Elle les posa devant lui et une main sur le mollet pour le guider, elle l’aida à les enfiler l’une après l’autre avant de se relever face à lui.

— J’ai l’impression d’être un grabataire ! râla-t-il en la prenant par la taille avec maladresse due à sa cécité passagère.

Hissa lâcha un rire. Sa maladresse la rassurait toujours.

— Si la définition de ce mot est « qui ne quitte pas le lit », alors je te confirme qu’aux heures que tu y passes, c’est possible. Mais heureusement pour moi, tu n’as pas le physique d’un grand-père !

Elle glissa ses doigts sous son pull et sous son tee-shirt pour caresser ses six petites tablettes de muscles pendant qu’il remonta ses mains sur son buste pour essayer de deviner sa tenue. C’était la seconde fois qu’elle osait remettre une de ses robes antillaises en présence de quelqu’un. Et la seconde fois depuis que Marc ne voyait rien. Dans ces conditions, c’était plus facile pour elle de s’affirmer.

— C’est une nouvelle robe de ta mère ?

Le souffle court, elle n’osa pas lui répondre. Ce n’est pas carnaval.

— Il me tarde tellement de te voir dedans, si tu savais !

Marc ne pensait qu’à une chose, c’était de la voir, de la regarder et d’admirer ce qu’il sentait sous ses doigts.

— Je ne t’interdirai jamais rien, je n’exigerai jamais rien de toi, mais je te demande de ne pas aller te changer cette fois. OK ?

La première fois qu’elle avait remis une de ses robes, c’était en présence d’Anastasia et de Rayan. Et elle n’avait pas eu le courage de la garder et s’était changée. C’était trop tôt pour elle. Les humiliations de cette ordure d’Antoine avaient laissé quelques séquelles. Pour Marc c’était l’inverse. Il sentait que Hissa était enfin prête à s’affirmer et à lui montrer sa vraie personnalité qu’Antoine avait tout fait pour effacer. Il était même ravi qu’elle les remette. C’était une belle étape pour elle et une marque de confiance envers lui. Il posa ses mains de part et d’autre de son visage et sentit ses cheveux lui chatouiller les doigts. Il décala ses mains pour deviner les contours de sa coiffure.

— Tu as lâché tes cheveux, releva-t-il. Je préfère quand tu ne les lisses pas.

Il déposa un baiser sur ses lèvres et des effluves de coco vinrent éveiller ses sens olfactifs.

— Tu sens bon.

Il relança leur baiser.

— S’il te plaît, Hissa. Décris-moi ce que tu portes.

Marc n’est pas Antoine, se répétait-elle comme une litanie. Elle surmonta ses peurs liées à son passé douloureux et lui détailla sa robe.

— Le tissu est mantra avec des rayures rouge et orange avec un liseré bleu bleuet tous les vingt centimètres. Elles sont horizontales sur les manches à volant au niveau des coudes et sur le grand volant de la jupe.

Marc prit un temps pour toucher les manches afin de bien visualiser mentalement la coupe de la robe. Puis elle fit glisser les mains de Marc sur son buste et il découvrit un décolleté arrondi dénudant ses épaules délicates. Il laissa ses doigts parcourir la courbe de ses seins et s’attarda sur la ceinture en tissu qui mettait en valeur sa taille fine.

— Les rayures du corps de la robe sont verticales, précisa-t-elle. Et la particularité de cette coupe, c’est que la jupe est droite.

— À rayures aussi ?

— Non. Elle est unie et rouge.

Elle le guida pour qu’il puisse sentir la différence de tissu.

— C’est de la dentelle ? s’étonna-t-il.

— Guadeloupéenne.

Marc ramena ses mains à hauteur du visage d’Hissa, les mains tremblantes, presque hésitantes. Hissa avait l’impression, tout à coup, d’être aussi précieuse que de la porcelaine. Marc réussissait souvent à le lui faire ressentir.

— Tu es magnifique !

Le cœur de la belle Métisse s’emballa et elle se sentit rougir.

— Dit-il avec un bandeau sur les yeux ! répliqua-t-elle.

Leurs rires se mélangèrent avant que leurs lèvres se retrouvent. Sans cesser de l’embrasser, il remonta sa jupe au-dessus du genou et retrouva la peau soyeuse de ses cuisses.

— Allonge-toi sur la table, Hissa. J’ai envie de toi.

Essoufflée et brûlante de désir, elle s’exécuta.

Marc sortit un préservatif de la poche de son jean avant de le déboutonner et de le baisser sur ses hanches.

— Mais comment ? Je n’ai jamais mis de…

Hissa n’avait évidemment jamais glissé de contraceptif dans sa poche.

— Toujours prêt ! s’écria l’ancien scout.

À tâtons, Marc lui attrapa les chevilles et les posa sur ses épaules.

— Je me doutais que je n’allais pas trop longtemps te résister.

Hissa défit le nœud de sa ceinture ruban et se banda les yeux avec.

Marc la couvrit une nouvelle fois de caresses pour imaginer ce qu’il ne voyait pas. Ces préliminaires lascifs éveillaient leurs sens et embrasaient leurs désirs. Puis il monta sur la pointe des pieds avant de fusionner leurs corps. Ils appréciaient pleinement d’avoir l’appartement rien que pour eux pour s’aimer où ils avaient envie de s’aimer sans penser à Anastasia qui se trouvait avec ses nouveaux amis en haut des pistes.

*

En haut des pistes, les huit amis sautèrent des remonte-pentes quatre par quatre et s’attendirent pour la première descente. À son grand étonnement, Anastasia remarqua qu’Arthur, Éthan et Agathe réglaient leurs montres à la même heure à la minute près.

Par habitude, les filles se regroupèrent entre elles pour prendre les pistes bleues et quelques rouges faciles en fin d’après-midi. Éthan et Rayan se mirent en binôme pour s’avancer vers les rouges et comme chaque année, Arthur se retrouvait tout seul et se positionna au départ de la première piste noire avec son surf.

La tête penchée sur le côté, Anastasia réfléchissait aux différentes options qui s’offraient à elle. Elle avait envie de créer des liens avec les filles, mais n’était pas vraiment emballée à l’idée de descendre des pistes bleues toute la journée. Pour elle, les rouges étaient ennuyeuses, mais c’était plus crédible de skier avec son « faux mec ». Par ailleurs, l’option noire était plus de son niveau et beaucoup plus tentante.

— Alors Bébé ? demanda Rayan. Tu rejoins les filles ou tu viens avec nous ? Tu m’as dit que tu te débrouillais en ski.

— Oui, oui. Je me débrouille, confirma-t-elle.

Puis elle glissa jusqu’à Arthur, debout devant le début de la piste noire.

— Je te suis. Je ne connais pas la station.

— Tu es sûre ? s’étonna le beau black. Moi, c’est exclusivement les noires ! lui rappela-t-il au cas où elle n’aurait pas compris.

Devant l’incrédulité du groupe, Anastasia amorça la descente et dansa sur les premières bosses avec une facilité déconcertante avant de s’arrêter trente mètres plus bas en relevant la tête.

— Bon Arthur ? Tu descends ou tu fais bronzette en haut des pistes ? lui cria-t-elle.

Un sourire étincelant aux dents blanches illumina le visage couleur café du jeune homme alors qu’Éloïse devint blême en se rendant compte que cette jolie blonde allait passer ses journées avec son petit ami.

— Cette année, les mecs, je sens que je vais m’éclater ! Y’a du niveau ! reconnut Arthur avant de s’élancer du haut de la piste pour rejoindre Anastasia en quelques secondes.

— Pas mal ! lui dit-elle alors qu’il la rejoignait. On continue ?

— Avec grand plaisir, ma belle ! Une bosse plus grande. Ça te branche ?

— Et comment ! répondit-elle, enchantée.

Ravi, Arthur passa devant. Mais après une bosse verglacée, il perdit l’équilibre et se prit une belle gamelle sous les applaudissements des garçons, écroulés de rire en assistant à sa première descente.

— 15 h 23 ! cria Éthan, le bras levé et l’index de l’autre main désignant son poignet pour lui indiquer qu’il venait de relever l’heure sur sa montre.

— Ah, les fumiers ! lâcha Arthur en se redressant, devant Anastasia qui ne comprenait pas le rapport avec l’heure.

En haut de la piste, Éthan et Rayan éclataient de rire. Puis, très impressionné par le niveau d’Anastasia, Éthan interrogea Rayan :

— Tu savais qu’elle skiait comme ça ?

— Et encore, tu ne l’as pas vue surfer sur l’océan. Elle danse aussi avec les vagues ! raconta-t-il, tout aussi ébloui de ses performances sportives.

Après leur première descente, Arthur et Anastasia se retrouvèrent assis côte à côte sur un des télésièges pour remonter en haut des pistes. En fin séducteur, il posa son bras sur la barre du dossier derrière elle.

— Ton père ne s’appellerait pas Luc, par hasard ? demanda-t-il sur un ton très sérieux.

— Pas du tout. Pourquoi ?

— J’étais à deux doigts de parier sur Luc, dit-il en claquant la langue sous le palet, vraiment agacé de s’être trompé.

— Désolée, son prénom n’est pas Luc, mais Marc, dit-elle, embarrassée de le voir si contrarié.

— Je suis certain qu’il s’appelle Luc, c’est obligé ! affirma-t-il. Tu crois qu’il ne t’a pas menti toutes ces années ? demanda-t-il toujours aussi sérieusement.

Vraiment embêtée et déstabilisée par son comportement, Anastasia ne savait pas trop comment réagir. Elle tourna la tête de l’autre côté pour admirer le paysage.

— Et ton nom de famille c’est Alphand, c’est sûr ! Non ? insista-t-il.

Rayan lui avait assuré que c’était un « séducteur né », mais elle le trouvait plutôt lourd qu’autre chose, mais par politesse, elle répondit quand même :

— Non plus. C’est Mor…

Sa phrase resta en suspens dans les airs. Anastasia venait de percuter sa blague et éclata de rire en voyant Arthur lui faire un clin d’œil tout en restant de marbre.

— Sans dec’ ! s’écria Arthur avec un petit rictus, fier de sa vanne. Si tu n’es pas la fille de Luc Alphand, tu assures grave quand même ! Je skie depuis l’âge de cinq ans, mais skier en solo tous les hivers, c’est pas cool ! On va s’éclater ensemble !

Anastasia le remercia, flattée du compliment.

— Freestyle ? demanda-t-il.

Anastasia acquiesça :

— Saut écart, Daffy, Switch, Croks, Backflip, Lincoln… J’ai une préférence pour les Slides, mais il faudrait que je perfectionne mes grabs.

— You you you ! cria-t-il. Le kiiif ! n’en revenait-il pas. Je sais maintenant pourquoi Rayan t’adore ! J’avais compris que tu étais blonde, avoua-t-il en dévisageant Anastasia qui le regardait avec des yeux étonnés. « Interdiction formelle de toucher mon petit bonbon au miel ! » répéta-t-il en imitant la voix grave de Rayan. Et c’était de vraies menaces en plus ! Mais t’inquiète, pour les grabs ! Je te filerai des tuyaux et en échange, tu m’entraînes pour les slides ?

— Vendu ! dit-elle en lui tapant le check qu’il lui tendait.

— Trop cooool ! You you you ! lâcha le jeune homme dans un hurlement qui résonna à travers la montagne.

Anastasia éclata de rire en entendant l’écho.

Alors comme ça, Rayan a dit à Arthur que je suis son « p’tit bonbon au miel » et qu’il m’adore ! jubilait-elle. Bon, allez ! Ne rêve pas, ma belle ! C’était sûrement pour son rôle de petit ami qu’il a dû dire ça !

Soudain, elle se souvint de la scène étrange entre les trois garçons à laquelle elle avait assisté.

— C’est quoi cette histoire d’heure après ta chute ? se renseigna-t-elle.

Arthur lui expliqua le gage « 2N » abréviation de « Nu dans la Neige ». Pour celui qui tombe le premier, il consistait à se rouler nu dans la neige en rentrant au chalet et le compteur était remis à zéro tous les matins.

— Et vu l’heure à laquelle je me suis « galté », je crois que j’inaugure le gage cette année ! Pfff !

Et vu comme le « séducteur né » était gaulé, Anastasia cacha sa joie de reluquer Arthur en tenue d’Adam en fin de journée.

— C’est valable aussi pour les filles ? s’inquiéta-t-elle.

— Ben, tiens ! Vous voulez la parité, vous l’avez ! dit-il en la taquinant. L’année dernière, Agathe et Nina ont perdu. Agathe a assumé jusqu’au bout, mais on a autorisé Nina à rester en sous-vêtements.

Arthur embraya la conversation sur Rayan en lui disant qu’il était heureux de le voir en couple avec une autre fille.

— On n’était pas sûrs qu’il s’en remette. Il est tellement accroc à cette fille. « Était » je veux dire ! rectifia-t-il aussitôt en comprenant sa gaffe.

Toujours ! pensait tristement Anastasia en admirant le paysage.

Comme entendu, tout le groupe se retrouva devant le refuge pour la pause-café. Dès qu’Anastasia arriva à sa hauteur, Rayan la prit dans une étreinte pour feindre les retrouvailles des amoureux.

Pourvu qu’il ne m’embrasse pas ! s’inquiétait-elle.

Partagée entre le fait de rendre service à Rayan et se protéger, elle se força à imaginer Gollum à la place de sa bouille de tombeur.

Pas évident !

Par chance, pour cette fois, il l’embrassa affectueusement sur la tempe.

— Tu te débrouilles en ski ? Tu parles ! Piste noire à bosse d’entrée de jeu en guise d’échauffement ! lança-t-il en râlant.

— J’ai une étoile de bronze, avoua-t-elle timidement.

— Chamois agile et rapide ?

Anastasia éclata de rire en secouant la tête, ravie de garder une part de mystère avec le secret de son totem scout.

— Cherche encore, Gollum !

Rayan pesta à nouveau en l’entendant l’appeler par ce surnom et la prit par la main en direction de leur table. Stratégiquement, Anastasia s’assit loin d’Arthur, mais près des filles pour sympathiser avec elles.

Le repas fini, les petits groupes se reformèrent comme le matin. Les filles d’un côté, Rayan et Éthan de l’autre, puis Anastasia et Arthur, qui prirent la direction des pistes réservées au freestyle en parlant technique de saut tels deux vieux acolytes. Ayant déjà oublié qu’elle était en faux couple avec Rayan, Anastasia se retourna rapidement et lui envoya un bisou de la main. Agacé par cette complicité naissante, Rayan esquissa un sourire forcé et la regarda s’éloigner avec Arthur d’un mauvais œil.

Ça pue, cette histoire !

*

— Ça sent rudement bon !

Marc embrassa Hissa sur la tête pendant qu’elle l’aidait à reboutonner son pantalon.

— J’ai pensé que ce serait peut-être plus facile pour toi de manger des amuse-bouches. Tu sais, comme un apéritif dînatoire ?

— Un apéritif dînatoire, répéta-t-il, emballé par l’idée.

Cette femme était vraiment attentionnée. Hissa avait de nombreuses qualités et il adorait les découvrir au fur et à mesure en vivant avec elle. Le fait qu’elle se dévoile petit à petit était bon signe.

— J’ai cuisiné pendant que tu récupérais entre deux rounds, le taquina-t-elle avec des yeux pétillants.

Derrière ses yeux encore bandés, Marc ne pouvait pas les voir, mais il entendait au son de sa voix qu’elle appréciait autant que lui leurs moments intimes. Hissa l’aida à s’asseoir sur une chaise et déposa tous ses mets sur la table.

— J’ai hyper faim, avoua-t-il.

— Tu m’étonnes, Doc ! Avec toutes les calories que tu dépenses pour mon plus grand plaisir !

Marc pouffa et chercha sa main, qu’elle lui donna en voyant son geste. Il la fit asseoir sur ses genoux et lui encercla la taille de ses bras.

— Qu’est-ce que tu nous as préparé ? se renseigna-t-il, les papilles en émoi.

— Alors… tu as des acras de morue, des samossas créoles, des brochettes de légumes au curry, des boudins antillais de chez le traiteur, avoua-t-elle. Et des Cassaves maison.

— Des quoi ?

— Ce sont des galettes à base de farine de manioc garnies avec de l’avocat et de la confiture de coco. Tu as vraiment envie que je te donne la recette ?

— Non, non, lui assura-t-il. Je veux que tu me fasses la dégustation. J’ai mes mains très occupées !

D’humeur espiègle, Hissa se prit au jeu et lui donna la becquée. Chaque bouchée était accompagnée de baisers torrides. On aurait pu croire qu’ils étaient deux jeunes adolescents amoureux.

*

Pour laisser croire qu’ils étaient deux jeunes adolescents amoureux, Anastasia et Rayan étaient montés à l’arrière d’une voiture sans se lâcher les mains depuis leurs retrouvailles en bas des pistes.

En fin d’après-midi, les deux voitures arrivèrent au chalet avec la nuit. Le petit groupe s’était arrêté pour faire les courses dans une grande surface avec leur budget commun. Et après avoir déchargé les sacs de provisions et fait sécher les skis dans la réserve, ils se retrouvèrent tous sur la terrasse.

— C’est bon ? demanda Nina à Cynthia qui finissait le dernier aller-retour.

— Oui. Tout est rentré ! confirma Éloïse en refermant le coffre.

Tout à coup, Éthan lança avec un air enjoué :

— 15 h 23 pour Arthur !

Ils échangèrent tous un regard en secouant la tête et en riant.

— Pas mieux ! répondit Agathe. La première qui est tombée, c’est Nina à 16 h 52.

Étonnée de la précision de l’heure, Anastasia remarqua qu’ils semblaient prendre leur petit jeu très au sérieux.

— Et merde ! J’le sentais ! avoua Arthur en commençant à se dénuder avant de se jeter en tenue d’Adam dans la neige.

Le beau black effectua quelques roulades en hurlant de joie, évidemment ! Puis, les mains cachant son entrejambe, il revint sur la terrasse. Il fit le tour en pavanant devant les filles avant de se rhabiller. Entre les tablettes de chocolat et les biceps tatoués, Cynthia n’en perdait pas une miette et le matait ouvertement, le sourire aux lèvres. Anastasia le reluquait aussi, mais plus discrètement grâce au dos d’Éthan qui se trouvait par chance devant elle. Agacé en voyant le sourire de sa fausse petite amie qui profitait allègrement du spectacle, Rayan fronça les sourcils. Amusée cinq minutes, Nina, complètement désintéressée par les fesses d’Arthur, rentra finir de ranger les provisions de la semaine dans les placards. En passant devant Agathe, Arthur se pencha vers l’avant pour se frotter contre elle pour la taquiner.

— Aaaaah ! Ma chère Agathe ! s’écria-t-il. Admire le mâle ! Avoue que tu n’en as jamais vu d’aussi belles ! dit-il en parlant de ses fesses musclées.

La jolie brune aux cheveux courts prit un air faussement offusqué qui voulait dire « n’importe quoi ! ».

— Avec mon physique de rêve, je vais te faire virer de bord, moi !

— Non non, j’crois pas ! lui assura-t-elle, amusée mais sûre d’elle.

Cynthia se pencha vers Anastasia pour lui parler à voix basse :

— Agathe dit « non », mais moi j’aurais dit « oui » ! Tu as vu la bête !

Rayan regarda Anastasia qui, en guise de réponse, souleva les sourcils avec un air charmé.

— Tu ne sais pas ce que tu perds ! s’écria Arthur en s’éloignant d’Agathe pour retrouver Éloïse qui lui gardait ses vêtements.

— T’as fini de faire le guignol ? maugréa cette dernière en levant les yeux au ciel, exaspérée. Allez, rhabille-toi ! Tu vas attraper un rhume et tu vas encore râler si tu es malade pendant les vacances.

Arthur embrassa sa petite amie.

— Ce n’est pas grave, j’ai une infirmière à domicile ! C’est moi le plus beau, hein ?

Connaissant le plaisantin avec qui elle sortait, Éloïse se mit à rire avant de lui assurer que oui. Ravi de l’entendre, il l’embrassa à nouveau et la prit par la main pour rentrer.

— En même temps, je ne regarde pas les autres pour comparer ! rajouta Éloïse pour le taquiner.

Devant l’air boudeur de son copain, elle s’esclaffa.

— Mais oui ! Tu es le plus beau, mon chéri.

— Ah bon ! Je préfère ! s’exclama-t-il sans cacher sa fierté.

— Allez ! Rentre, Play-boy ! le poussa-t-elle vers l’intérieur.

Cynthia et Anastasia les suivaient et la grande blonde se pencha sur sa droite pour chuchoter à la petite blonde :

— C’est vrai qu’il est plutôt bien foutu ! Il a une de ces paires de fesses ce mec ! s’extasiait-elle.

— J’ai vu, j’ai vu ! murmura Anastasia discrètement pour ne pas qu’Éloïse entende, mais pas assez pour Rayan, juste derrière elle.

Furieux, il l’attrapa par le bras et la garda avec lui à l’extérieur après avoir refermé la baie vitrée après que tous les autres soient rentrés.

— Arrête de mater Arthur ! lui demanda-t-il sur un ton ferme.