Aimer est un verbe d’action - Marie Anne Rainville - E-Book

Aimer est un verbe d’action E-Book

Marie Anne Rainville

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Beschreibung

En marge de la noce, une auteure célibataire et une vieille fille mixent le récit, l’essai et la fiction pour naviguer à l’instinct entre le mariage et l’union, les épouses et les maîtresses, la famille et la tribu, les convenances et la dissidence, l’utopie et le défi d’aimer. Aimer, une conjugaison iconoclaste et profane.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Journaliste, Marie Anne Rainville a rédigé des papiers, des chroniques, des reportages, et a vendu ses mots à des causes en mitonnant des argumentaires, des discours et des mémoires. Les dimanches, elle écrivait des poèmes, des nouvelles, et "Aimer est un verbe d’action", afin de chambouler les lieux communs.


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Marie Anne Rainville

Aimer est un verbe d’action

Essai

© Lys Bleu Éditions – Marie Anne Rainville

ISBN : 979-10-422-0922-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

De la même auteure

Jacques Proulx, nature, Nuit Blanche éditeur, Québec, 1997 ;

Taches de bonheur in Lire au Loup, Bibliothèque Françoise-Bédard, Rivière-du-Loup, Québec, 2016.

Lou, Réal, Marie-France, Michel,

Jean, Germaine, Éva, merci d’avoir choyé mes mots de vos commentaires.

À plusieurs membres de ma tribu,

merci d’avoir souhaité me lire.

Love’s the only engine of survival.

Leonard Cohen

Je te garde dans mon ventre jusqu’à ce que la mort m’enfante.

Michel Garneau

Ne dites jamais avec reproche : ce n’est plus.

Mais dites toujours avec gratitude : ce fut.

Andreï Makine

 

 

 

 

 

Il était une fois, avant les années 60 du siècle dernier, une enfant héritière de premier rang devenue aujourd’hui grande conteuse et passionnée de conversation. Elle aimait parler comme d’autres aiment lire, écouter de la musique ou broder.

Trois jours après sa naissance, son père, le roi des hommes forts du village, narguant les fées, sa femme et sa marraine l’ensorcelait en la surnommant « la vieille fille ». Jugée assez vieillie, cette fois par sa mère, également fille de ce village organisé depuis la Nouvelle-France autour de l’église, la vieille fille irait à l’école à cinq ans.

Voici son histoire, son soliloque, notre conversation ininterrompue. Son âme, sa conscience, sa vulnérabilité telle que la vieille fille les dévoilait.

Occasionnellement elle palabrait, parsemant ses idées de quelques secrets pour garder l’attention, pour faire vrai, pour être intègre, pour inscrire résolument son existence dans un tango incendiaire entre l’utopie et le défi d’aimer.

Je suis balance. C’est une image, pas une croyance. Je regarde en dedans pour voir plus loin. Je tourne autour de mon nombril pour apprivoiser la terre. Je me balance entre moi et les autres, entre le privé et le public, entre l’avenir et le passé, entre l’écriture et la conversation, entre le réel et le conte ; souvent entre la vie et la mort.

Selon l’heure ou la saison, je songe à marcher Compostelle, à repartir à vélo, à retourner en psychanalyse, à entrer en religion, à m’encabaner à la campagne, à immigrer en terre inconnue, à me saouler de travail, à faire un pas définitif dans le vide.

Sans lèvres à embrasser, je perds mon pôle magnétique. Entendre battre le cœur de l’autre dans le silence d’un frisson ouvre simultanément à l’infiniment grand et à l’infiniment petit, à soi et au monde. Pourquoi l’âge a pris mon éclat sans voler aussi ma libido ?

Sombre comme sa question, la vieille fille griffait le temps et mordait au sang le préjugé qui accordait à la jeunesse la lascivité. Inexorablement perdante, la suite attendrait l’amenuisement de sa colère.

Enfermée en moi, seule devant l’abîme, ma vertigineuse falaise intérieure, avec 26 lettres comme autant de tricounis qu’est attachée à mes hanches la corde des raisons de me pendre.

Dans le gros temps, de jour comme de nuit, je m’obstine. Un brin sur l’autre, une maille à l’endroit, deux à l’envers, une sautée, des rangs à faire, des nœuds à défaire, des coutures à reprendre, une encolure à froncer, des années d’écriture. De ma chambre d’écolière à la cuisine d’aujourd’hui seule à tricoter les faits, à enfiler les questions, à tisser une réflexion, à découdre quelques émotions, à rapiécer les souvenirs, à coudre en été un ou deux boutons de rose pour faire joli. Épisser les mots en un cordon ombilical pour que tienne bon le cœur.

Oh ! mon ouvrage n’est pas que chagrin. Deux fois, j’ai gagné des concours littéraires. Plus d’une fois je fus publiée.

Aussi, deux fois, à Paris, Bibliothèque Mazarine, vieux coffret élégant de toutes les littératures, les mots se sont endimanchés. Sous l’effet des vacances, plus légers, ils ont pris congé de ma profonde mélancolie. Néanmoins lucides, ils disent comme Pauline Julien, « je me sens tellement seule, j’ai tant aimé. » Pourtant, jadis, s’arrêter au-dessus de ma couche des étoiles filantes avec leur traînée de lumière m’avait donné à entrevoir un avenir qui commencerait au fond de mon jardin.

Du même souffle, toute à ses souvenirs, elle poursuivait. Boxant les apparences dont elle avait fait de réelles ennemies, elle interdisait qu’on la juge heureuse ou simplement sereine.

Depuis des lunes et autant de week-ends, je mets en corde les fils de l’histoire. L’histoire désolante d’une vie formidable, singulière, choisie, ciselée, réussie, presque brillante que je ne cesse de raconter en toute occasion pour faire écran. Monter en épingle quarante années de projets, d’études, de travail, de voyages, de lectures, de rencontres, de grandes manifs, de mystifiantes confidences, de monde à refaire et de famille à défaire ; d’une tribu aimante, de nuits extravagantes.

Garder pour soi des années de passions amoureuses pour un « cœur illettré »1. Des décennies à me shooter aux échappées romantiques, aux baisers mouillés, aux poèmes enflammés, aux promesses solennelles ; à tout risquer pour le « je t’aime » espéré depuis le temps des premières leçons.

Une vie à vieillir vite, à rattraper, à m’entraîner à mieux être, à mieux faire, à tenter de tout donner ; même ma vie ces dernières années. À jaser avec la mort, à supputer l’instinct de survie, j’ai débusqué, ligoté l’une à l’autre mon utopie et ma boulimie : me faire mourir à aimer insufflerait la volonté d’aimer aux cœurs secs et ramancherait mon histoire et celle du monde.

Sur sa lancée, la vieille fille titubait. Puis, avec son obscure douleur pour second souffle, elle courait vers elle-même.

 

***

 

Nommer l’espace entre l’enfance et l’âge adulte, entre l’air et la chanson, entre les promesses et le réel, entre les grands frissons et l’abandon, entre le calcul et le don, entre l’envie et l’élan, entre l’orgasme et l’extase, entre le survoltage et la sincérité, entre l’aveuglement et l’authenticité, entre l’éden et l’oasis, entre la passion et l’amour, entre le privé et le public, entre le mariage et l’union, entre la famille et la tribu, entre l’anarchie et la liberté, entre la vieille fille et la célibataire.

Réécrire l’histoire, refaire la route, lâcher la nationale du désespoir, prendre une route secondaire pour finalement suivre ce chemin de halage vers une prairie semée de lucidité. Imiter l’approche scientifique, isoler les facteurs déterminants induisant le résultat final certainement vrai même s’il avérait injuste.

 

Elle s’était entêtée à écrire pour choisir seule et en tout état de cause, pour gérer objectivement sa légitime sortie ou sa continuation. Bien que durant des années obstinément elle avait pioché, retourné, désherbé, aéré, travaillé son clos, elle était encore tétanisée par le désamour.

Ce fut long, mais finalement, je me suis apaisée. Je n’avais pas mal aimé. J’avais été aimée passionnément et tout aussi chichement. L’un pouvant d’autant aller avec l’autre que le clan humain préfère la sécurité de la grotte à la liberté des grands espaces.

À l’aube de la retraite, plus férue d’art et de culture qu’experte, la vieille fille gérait un musée. Avant – le temps d’une longue convalescence –, elle était boulangère-exploitante comme on dit en France. Bien avant, elle travaillait en communication. Tour à tour, elle avait défendu les cyclistes, les agriculteurs, les artisans, les ruraux. Et les femmes, tout le temps, de jour comme de nuit, au lit comme au bureau, au pétrin comme à l’Assemblée nationale, à poil comme en robe du soir.

Après avoir échoué à faire une école de théâtre, j’ai étudié au cégep en lettres puis en sciences humaines sans math. Avec la désinvolture patentée qui caractérise l’adolescence, à 16 ans et à six mois d’intervalle, je prenais mon premier amant et mon premier appartement.

L’amant ! trentenaire, marié, père de deux bambines, l’embrassant mieux que l’ado du village et glorifiant sa prétendue maturité – enfin grande fille, aimable et désirable dans un regard adulte – elle ne vit jamais qu’il avait franchi la ligne de l’acceptable. Satisfait, flagorneur, pygmalion, il prit sa virginité sans cœur, sans remords, sans brutalité. L’ère était encore à l’interdiction d’interdire tant pour lui que pour son amie. Celle-là même, l’accommodante logeuse californienne rencontrée au village, qui leur offrit une chambre éclairée d’autant de bougies qu’une cathédrale à l’occasion d’une nuit pascale. Une manière d’accompagnement idéologique qui lima jusqu’à l’idée de l’abus tout en lui tapissant la bouche d’un arrière-goût de fatalité.

Les abuseurs savent détraquer les consciences.

J’écoutais alors autant Jacques Brel que Jacques Michel. Jamais de groupes, jamais de rock. Parfois, King ou Fitzgerald avec Maurice, l’ami originel. Je gagnais déjà mes études, mes cigarettes et mon pot de beurre d’arachides.

Je suis toujours allée au théâtre, au cinéma ou en voyage seule. Au cégep comme à l’université, j’eus des amis, Le jour ou Le devoir à lire, des amants et parfois des amantes, des causes et des idées, des rêves et l’ambition du bonheur, de la curiosité et de la volonté à revendre, des histoires de famille lamentables et le besoin de les raconter pour les comprendre, des principes et plus de religion, des insouciances et des dettes d’étude, des étourderies et, inattendu, un bébé dans le ventre à 22 ans.

Sans avorter, elle avait roulé entre Paris, Amsterdam, Saint-Malo. Son premier amour, une éternelle, la voyait alors comme une île dérivante. Pour amarrer paisiblement son bedon rue Saint-Denis, Montréal, être libre et libérée, la vieille fille consentait sans hargne, ni hésitation à être mère célibataire. Pour la suite du monde, elle voulait une fille.