Aimer un roi - Diana Rubino - E-Book

Aimer un roi E-Book

Diana Rubino

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Beschreibung

Amethyst et Topaz Plantagenet sont deux sœurs très différentes. Elles sont les petites-nièces de Richard III, qui perdit sa vie et son royaume aux mains d’Henry Tudor, le futur père d’Henry VIII.

Amethyst est l’amour de la vie d’Henry VIII, mais chaque fois qu’il propose le mariage, quelque chose –ou quelqu’un- s’interpose. Parallèlement, Topaz veut ce qui lui appartient de droit: le trône d’Angleterre.

El ça aurait été à elle, si son père aurait été couronné comme héritier de Richard III. Mais la vie a de nombreux rebondissements étranges du destin.

Découvrez le règne d’Henry VIII, amours torrides et mariages condamnés à travers les yeux et les émotions de femmes extraordinaires-les filles des ennemis mortels d’Henry-dans «Aimer un roi» de Diana Rubino.

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AIMER UN ROI

La saga Yorkiste Livre 2

DIANA RUBINO

Traduction parADRIANA BOCCALONI

© Diana Rubino, 2019

Conception de la mise en page © Next Chapter, 2022

Publié en 2022 par Next Chapter

Édité par Pape-Momar Camara

Couverture illustrée par CoverMint

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et situations décrits dans ce livre sont purement imaginaires : toute ressemblance avec des personnages ou des événements existant ou ayant existé n’est que pure coïncidence.

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris la photocopie, l’enregistrement, ou par tout système de stockage et de récupération d’informations, sans la permission de l’auteur.

Table des matières

Préface

Partie I

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Partie II

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Épilogue

Cher lecteur

À propos de l’auteur

Note de l’auteur

Bibliographie

Remerciements

Préface

LA TOUR DE LONDRES, JANVIER 1499.

« Papa ! », hurla la petite Topaz. Elle se libéra de l’emprise de sa mère et partit en courant après le prisonnier meurtri et sanglant.

Sabine attrapa sa fille. « Non, reste loin », avertit-elle tandis que deux gardes traînaient son mari, ses chaînes grattant le sol de pierre. Il tomba à genoux et leurs yeux se rencontrèrent. Elle se figea de terreur. « Ed… » Son nom resta coincé dans sa gorge. Il leva une main crasseuse pour l’avertir de ne pas s’approcher. Les gardes le levèrent d’un coup et le poussèrent en avant, ignorant la femme horrifiée. Le voir souffrir comme ça lui déchira son cœur.

« Où emmènent-ils Papa ? » Les cris de Topaz résonnaient sur les murs de pierre. Les torches pulsaient à l’unisson avec sa demande.

« Je ne sais pas, ma petite, je ne sais pas. » Mais Sabine savait. Son bien-aimé Edward, emprisonné dans cette prison dégoûtante et puante par le cruel roi Henry VII, avait été condamné à mort.

Sa tête la fit tourner au cours des années : la séduction passionnelle, le mariage béni, le don divin de trois belles filles.

Alors que les mâchoires sombres de l’escalier l’avalaient, Sabine glissa au sol avec des sanglots déchirants.

En voyant sa mère comme ça, Topaz commença à pleurer. Cette scène la hanta pour le reste de ses jours.

PartieI

ChapitreUn

MANOIR MARCHINGTON, BUCKINGHAMSHIRE, 1509

« Le couronnement du prince Hal et de la Princesse Catherine a lieu dans deux semaines, au Solstice d’Été », annonça Lady Margaret Pole à ses nièces, Topaz, Amethyst, et Emerald, alors qu’elles étaient assises dans la salle privée accordant les luths pour une soirée musicale. « Vous, les filles, devriez y assister. C’est un événement unique dans une vie. » Topaz leva les yeux, sachant que la dernière phrase de sa tante était à son avantage. Elle regarda la matrone dodue droit dans les yeux. « Tante Margaret, comment peux-tu t’attendre qu’aucune de nous assiste à cette parodie ? Après tout ce que nous avons traversé. » Les larmes lui piquèrent les yeux. « Oh, quelle enfance gâchée dans cet endroit désolé et hanté, la faim, le froid, regardant Papa traîné dans des chaînes… » Un coup de douleur perça le cœur de Topaz. Les cris de douleur de sa mère continuaient de résonner dans son esprit.

« Pourquoi ? », demanda Topaz. Pourquoi le roi Henry a-t-il dû tuer Papa ? Il n’aurait pas essayé d’emporter le trône. Tout ce qu’il voulait, c’était jouer de son luth et chanter. »

« Simplement parce qu’il était le fils de son père. » Elle gratta un accord mineur. « Aucune autre raison. »

Topaz savait que Margaret essayait d’apaiser les jeunes filles avec cette explication simpliste, les protéger des mauvaises pensées qui menaçaient leurs esprits innocents. Topaz avait passé des heures à se pencher sur des livres croûteux, étudiant l’histoire de la Couronne, essayant de tout justifier, mais surtout les injustices qui marquaient leur héritage.

« Ton père était une âme gentille et inoffensive. Le roi avait juste peur… » Margaret hésita, ses mots s’éteignant pendant qu’elle touchait sa broche.

« C’est un mauvais choix de mots, Tante Margaret. Le roi-avait-il peur ? » Topaz donna un rire moqueur. À l’âge de quatorze ans, elle était la plus franche de la famille, ignorant leurs avertissements.

« Pas de cette façon… ton père était une menace pour le trône, pour la dignité royale d’Henry. Il n’a jamais rien fait de mal. Mais Henry était le roi, et un roi peut faire ce qu’il veut, comme tu le sais. » Avec un soupir résigné, sa tante revint à l’accordage de son luth.

« Une torsion cruelle du destin, n’est-ce pas, Tante Margaret ? » demanda Amethyst, agée de douze ans.

« Henry tua le Roi Richard. Si Richard avait gagné cette bataille finale, alors Topaz serait reine maintenant. Mais Dieu ne l’a pas décrété ainsi. Alors nous sommes tous ici. »

« Comment peux-tu t’asseoir et accepter tout cela ? S’indigna Topaz. Notre père dut être roi. Le trône était son droit de naissance. Ce prétendant Gallois n’avait pas le droit de le prendre. Il était un usurpateur, comme son fils, et Hal ne sera jamais mon roi. » Les yeux noisette de Topaz étaient remplis de feu et ses seins naissants se resserrèrent sous son corsage serré.

« Non, non, Topaz. » Margaret gronda sa nièce aînée. « Peu importe ce que tu penses, c’est arrivé de cette façon, et le prince Hal sera le roi Henry VIII la semaine prochaine. Et nous allons tous participer aux festivités. »

« Eh bien, je n’irai pas. » Tournant en rond, Topaz entra dans le foyer vide se cambrant juste au-dessus de sa tête. « Comment peux-tu y aller, Tante Margaret ? », cria-t-elle dans l’espace ouvert. Sa voix rebondit à travers la salle privée. « Comment peux-tu célébrer le couronnement d’un roi dont le père a tué ton propre frère ? Je ne veux pas faire partie de la mascarade de ce prétendant immérité. » Elle frappa le mur avec ses poings fermés. « Je devrais être la reine. Le Gallois Harry aurait dû été pilonné et mon père couronné roi, même après la mort de Richard. C’est pas juste ! » Elle fuit de la chambre avec un sifflement satiné, ses cheveux auburn volant derrière elle. Amethyst commença à la poursuivre, mais Margaret la saisit par la manche.

« Laisse-la partir, il n’y a rien que tu puisses faire quand elle a un de ses accès de rage. » Elle arrêta Amethyst.

Amethyst frémit à une pensée affreuse. Topaz lui avait raconté une fois une histoire horrible d’un prisonnier étant torturé sur le chevalet pour obtenir une confession. Elle raconta le bruit des os brisés et la chair déchirée, la victime pleurant dans une agonie atroce pendant que les gardes resserraient les cordes ; des jets de sang jaillissant des yeux, du nez et de la bouche de la victime et ruisselant sur le sol. Topaz n’était pas censée être là. Elle s’était éloignée de sa mère en marchant sur les remparts et se fraya un chemin vers la Tour Noire. Elle monta un escalier en colimaçon et descendit un couloir étroit pour retrouver le chemin du retour. Elle suivit les gémissements et se retrouva à l’entrée d’un creux, illuminé par l’éblouissement des torches penchées sur leur lustre. Deux tortionnaires à capuchon étaient à chaque extrémité d’un prisonnier couché sur le ventre, nu, ses bras et ses jambes tendus devant lui. Elle se retourna et courut, mais les cris mourants de la victime remplirent ses cauchemars.

« Tante Margaret, Topaz ne pense qu’à ça, dit Amethyst. L’annonce de l’ascension au trône n’a fait qu’empirer les choses. Elle nous raconte, à Emerald et à moi, les horreurs de la Tour… les gémissements des prisonniers affamés, le son des chaînes, la puanteur de la saleté corporelle et des excréments. Je suis contente d’avoir été si petite quand nous avons été libérées, et je ne me souviens de rien. Mais elle se souvient… » Amethyst soupira. « Elle le revit, encore et encore, nous transmettant tout si clairement, comme si nous, aussi, nous souvenions de tout. »

Amethyst jeta un œil à la partition sur l’appui de laiton devant elle, orné de la clé de sol rotative.

Ah, la musique, un tel mélange de guérison, de concordance et d’harmonie. Comment elle aimait gratter son luth et remplir la chambre avec des accords délicats. « Tante Margaret, rien ne la fera oublier ? »

« Seul le temps la guérira, Amethyst. » Le regard de Margaret erra dans la chambre alors qu’elle grattait des accords aléatoires sur son luth. « Le temps, cette force immortelle sans commencement ni fin, peut réconforter et guérir comme aucun médecin, aucune prière de dévotion ou potion magique ne le feront jamais. Le matin, elle aura retrouvé l’appétit et elle sera la première à la table du petit déjeuner, comme d’habitude. »

« Une autre crise de colère, j’espère qu’elles diminuent à mesure qu’elle grandit, elle est si âgée déjà, dit Emerald, agée de dix ans, à personne en particulier. Ses crises de colère me faisaient peur. Maintenant elles m’ennuient simplement. » Secouant la tête, elle serra de nouveau les cordes du luth. « Ça veut dire que je peux chanter la soprano ce soir, Tante Margaret ? »

Le Solstice d’Été apporta un soleil éblouissant dans un ciel bleu sans nuages, enveloppant Londres dans la chaleur et la promesse d’un nouveau règne. Les portes de la ville, claquées ouvertes, accueillaient chaque citoyen pour partager la joie de leur nouveau monarque. Les foules remplissaient les rues étroites et sinueuses. Les riches et les pauvres jouissaient, côte à côte, ivres d’extase par le vin qui coulait via les canaux publics. Les gouttières étaient balayées de la saleté habituelle. Ce jour-là aucune poubelle ne serait jetée sur aucune tête. Les gens tombaient presque des fenêtres du deuxième et troisième étage de leur maison bondée, s’appuyant l’un sur l’autre.

Lady Margaret, Sabine, et les filles avaient été invitées au couronnement, mais Topaz ne voulut pas y aller. « Je vais rester ici et je regarderai l’herbe pousser et le soleil se coucher et la lune se lever », insista-t-elle la dernière fois qu’on lui demanda de joindre le groupe qui se dirigeait vers Londres. « Ce sont des actes naturels et honnêtes. Ce dont vous allez être témoin est une imposture. Et Dieu ne va sourire à aucun de vous ! » Elle secoua son poing tandis que les membres de sa famille et les serviteurs entraient dans leur calèche. J’espère qu’Henry Tudor rencontrera une fin tortueuse pour son règne mal acquis, comme son père condamné, l’assassin. »

Topaz vit les calèches disparaître dans le virage de la route cahoteuse. « Qu’il n’accouche jamais un héritier », murmura-t-elle aux oiseaux gazouillants.

Les calèches rebondissaient sur la route cahoteuse. « J’aurais dû lui parler, j’aurais pu la convaincre de nous rejoindre. » Amethyst exprima ses pensées sur le tonnerre des sabots, regardant la figure de Topaz se rétrécir au loin. Personne n’avait prêté attention à la tirade fastidieuse de Topaz, tout comme personne n’écoutait Amethyst. Tout le monde rigolait, en courtes rafales de phrases à moitié terminées, des splendides festivités auxquelles ils aillent assister.

« Je me demande ce que la Reine Catherine va porter… Je n’ai pas vu Londres depuis si longtemps… J’ai entendu dire que la Chapelle d’Henry VII est tout simplement magnifique… » tout le long de la route poussiéreuse de Londres.

La procession entra dans l’Abbaye de Westminster tandis que les sons stridents des trompettes sur les mezzanines sonnaient dans l’air. Lady Margaret, Amethyst, Emerald et Sabine marchaient à la tête du cortège, les principaux écuyers et gentilshommes avec livrée de cérémonie, Gentilshommes de Bath vêtus de robes violettes, suivis par la noblesse : ducs, comptes, marquis, barons, abbés et évêques de velours cramoisi. Les officiers de grade suivirent : Lord du Sceau Privé, Lord Chancelier et archevêques assortis, ambassadeurs, et maires.

Amethyst n’avait rien vu d’aussi grand que l’Abbaye de Westminster. L’église de leur ville chaleureuse de Buckinghamshire était appropriée pour contenir les villageois pour la Messe, mais était simple et modeste, et avait besoin de réparations, une simple rappel de leur propre environnement austère. L’Abbaye de Westminster était la porte d’entrée du paradis lui-même. Elle jura traverser la Chapelle d’Henry VII et rendre hommage à son roi décédé, s’agenouiller devant l’un de ces splendides autels et prier pour son fils, son nouveau roi.

Un jour, je reviendrai ici, elle jura. Je dois…

Le petit groupe prit place le long de l’Allée Nord, devant la grande nef, où le roi et la reine feraient leur entrée. Amethyst prit une chaise de l’allée pour avoir une vue dégagée de cet événement unique dans la vie - et d’Henry. Son image de lui était claire dans son esprit, à cause des nombreuses fois que Tante Margaret parlait de lui… Les cheveux flamboyants qui encadraient son regard intelligent, la démarche gracieuse de son pas, comme un poulain dans un paysage, voilà le prince Hal. Aussi un musicien talentueux, béni d’une voix mélodieuse, il était un vertueux joueur de luth ainsi qu’un maître de l’orgue et de la flûte à bec. Ah, participer dans un interlude musical avec le roi ! Amethyst était ravie de l’idée. Gratter leur luth et entrelacer leur voix en harmonie concordante… Elle dérivait dans un tourbillon de festivités courtisanes, drapée dans une robe en satin flottante, descendant d’une calèche aux portes du palais, participant à la danse élégante et au somptueux banquet, s’inclinant devant son roi… Peut-être qu’à un autre moment, ça deviendra la réalité, peut-être…

Pendant un instant, elle pensa à Topaz et à toutes les choses odieuses qu’elle avait dites sur les Tudors pendant toute sa vie. Amethyst n’avait jamais rencontré son père, l’homme que Topaz défendait si ouvertement, leur racontant cette journée tant de fois, répétant chaque détail. Amethyst faisait attention chaque fois que Topaz récitait la ligne de succession et étudiait les schémas de sa sœur tracés sur un parchemin.

« C’est notre arbre généalogique, et c’est là que le trône s’égara, pas directement à moi, mais dérivant à travers les Tudors. Le Gallois Harry est un assassin. » Topaz pilait sans cesse la tête d’Amethyst, alors elle connaissait la routine par cœur. « Il a assassiné notre père. Il n’est pas le vrai roi et aucun des Tudors ne le sera. »

Amethyst craignait pour sa sœur - elle connaissait la punition pour trahison. Elle pensait souvent à son père, cette silhouette floue trébuchant dans la tour, traîné sur les dalles, souffrant d’une mort horrible juste pour être l’héritier du trône. Elle voyait la douleur dans les yeux de sa mère, les larmes qui ne coulaient jamais, la douleur tacite enfouie au plus profond d’elle, cachée par ses chuchotements, « le plaisir du roi, c’était le plaisir du roi… »

Mais parler contre le roi, c’était une condamnation à mort en soi. Elle contenait sa propre rage contre l’injustice.

Elle savait que les réactions de Topaz étaient extrêmes. Essayer de destituer le roi était comme commettre un meurtre. Qui voulait de toute façon gouverner un royaume ? Amethyst s’imaginait comme une courtisane, se délectant dans le cercle intime de la royauté. C’était assez bien pour elle !

La procession termina finalement et l’Archevêque de Canterbury apparut aux portes de l’Abbaye. Il marchait dans l’allée, presque perdu dans les plis épais de sa robe de velours. Son apparence ne signifiait qu’une chose - le roi et la reine allaient entrer !

Les spectateurs se tournèrent vers l’entrée et se levèrent. Amethyst, penchée dans l’allée, vit deux silhouettes bloquant la lumière à l’entrée. Alors que la musique de l’orgue croissait et remplissait l’ancienne abbaye, ils commencèrent leur marche vers l’autel. Henry marchait sur la gauche, plus près d’elle. Elle aperçut Catherine de l’autre côté, des vagues de cheveux châtain doré se répandant sur ses épaules, sa robe un nuage de blanc vierge.

Amethyst combattit un coup d’envie envers la jeune fille qui était à côté d’Henry, sur le point de devenir sa reine. Puis ses yeux tombèrent sur lui et elle se figea.

Henry était enveloppé dans une cape violette doublée de fourrure, sa queue tombant en plis doux sur une tunique brodée d’or et rubis scintillants, émeraudes, et diamants. Les larges revers de sa chemise tombaient sur un pourpoint de satin cramoisi, bordé de diamants et de perles. Le pantalon s’adaptait à ses jambes musclées comme une seconde peau, fileté de rayures de soie dorées. Des bottes en cuir noir montaient à ses genoux. Elle étudia ses traits, essayant de tout absorber pendant qu’il passait : l’impact des cheveux roux brillants et dorés, des yeux trahissant un soupçon de sagesse derrière une joie juvénile. Sa démarche était confiante, ses mouvements gracieux. Ils approchaient, ils approchaient : l’extrémité de sa cape toucha l’orteil de sa chaussure et pendant un instant leurs yeux se rencontrèrent. Elle n’était pas sûre de l’avoir imaginé, mais il semblait qu’à ce moment précis il ralentissait pour laisser son regard s’attarder sur le sien. Elle retint son souffle et se leva dans une vague d’adoration pour ce bel homme qui dans quelques instants serait son roi. Puis lui et Catherine passèrent près d’eux et s’approchèrent de l’autel principal. Henry alla au trône de couronnement centenaire, sa finition rayée et abîmée. Il s’assit dessus royalement alors que le Grand Prêtre se retournait pour faire face à la foule et leur demander s’ils acceptaient Henry comme roi.

« Oui, oui, oui ! » Des voix rugissantes firent écho dans l’espace, se fanant dans les hautes arches qui atteignaient le ciel. Le Grand Prêtre oignit Henry d’huile, puis plaça l’orbe lumineux dans sa main.

« Vive le roi Henry ! » Ces cris remplirent l’espace sacré, s’élevèrent jusqu’au plafond voûté et moururent dans les recoins les plus profonds de l’ancien sanctuaire.

Amethyst, comme tous ses sujets dans les premiers moments de son règne, adora son nouveau roi.

ChapitreDeux

MANOIR MARCHINGTON, BUCKINGHAMSHIRE.

Amethyst était assise sous son chêne préféré grattant son luth. Le bruit des sabots de cheval s’approcha et l’instrument glissa de ses mains quand le messager apparut devant elle. Était-ce une livrée royale ce qu’il portait ? Le dragon rouge de Cadwallader brûlait dans un champ de blanc, et la même parure couvrait son cheval. Il démonta, remettant les rênes à un garçon d’écurie tout aussi surpris. Il s’approcha d’elle, la regarda et lui fit un sourire qui fit presque fondre les cordes de son luth. « Madame Sabine est-elle à la maison ? », demanda-t-il.

Soulevant sa mâchoire du sol, Amethyst se leva et brossa l’herbe de sa jupe.

« Notre Mère est au lit, Monsieur, elle a une horrible grippe d’été. Puis-je délivrer un message ? »

« Je crois que oui. C’est de la part du roi. » Il lui tendit un rouleau de parchemin gravé du sceau royal.

« En effet. » Le cœur d’Amethyst sauta en pensant qu’elle tenait de ses humbles mains ce que le grand roi avait touché. « Je vais le lui donner. Il apporte de bonnes nouvelles, si Dieu le veut. » Elle regarda dans les yeux du messager, souhaitant qu’il reste un moment. Elles avaient rarement des invités de ce type !

« Je ne suis qu’un messager, madame. Je ne sais pas quelles nouvelles apporte le parchemin. » Il enleva son chapeau et retourna à sa monture.

« Un… Monsieur ? » Elle courut en avant et lui fit face. « Souhaitez-vous rester pour le dîner ? Nous avons beaucoup de nourriture. »

« Non, madame. Je dois continuer mon chemin. » Il tira les rênes et le cheval tourna et commença à trotter sur la route.

« Bon, je vous souhaite bonne chance alors… » Mais il était déjà parti au galop.

Elle tint le rouleau dans ses mains, le caressant avec ses doigts. « C’est du roi, cela vient vraiment du roi… »

Elle n’osait pas l’ouvrir et retourna à la maison. Maintenant sa mère récupérerait beaucoup plus vite.

Amethyst rencontra Topaz qui rapportait de l’infirmerie des animaux qu’elle avait installés dans l’aile sud des écuries, des touffes de poils de chats et de chiens étaient accrochées à sa jupe. « Qu’as-tu en main ? »

Topaz le regarda de plus près, ses yeux se plissant sur le sceau royal. « De la cour ? D’Henry ? » Elle ne l’avait jamais désigné comme roi.

« Oui, un messager vient de l’apporter. C’est pour notre Mère. » « Je le lirai alors. » Topaz tendit sa main pour arracher le parchemin de la main d’Amethyst. « Elle est malade et s’il apporte de mauvaises nouvelles, ça ne fera qu’empirer les choses. » « Non ! » Elle leva le bras hors de portée de Topaz. « Ce n’est pas à toi ! C’est pour notre mère, et je le lui donnerai. Je suis sûr que c’est de bonnes nouvelles. Quel mal ferait le roi Henry à notre mère ? » « Toi , naïve, c’est probablement notre condamnation à mort. Il envisage de nous emmener à la Tour comme Richard le Bossu le fit avec nos pauvres cousins. » Elle fit une autre tentative pour attraper le parchemin. « Ne lui donne pas, Amethyst. Brûle-le, débarrasse-toi de ça. Nous dirons que nous ne l’avons jamais reçu. » « Oh, non, pas encore. Topaz, tu deviens vraiment folle. » Amethyst aplatit sa paume contre son oreille et se tourna pour monter les escaliers. « Je vais lui apporter et c’est à elle de décider si elle l’ouvre ou non. » « Crois-moi, Amethyst, quand notre mère lira ce message, tu verras une femme bien perturbée », cria Topaz derrière elle.

« Non, ça ne se passera pas comme ça, parce que tu resteras là-bas. »

Sabine s’assit sur le lit, appuyée contre les oreillers, buvant dans un bécher en étain.

Amethyst entra, alla vers le lit et arrangea les oreillers de sa mère derrière elle. « Tu te sens mieux, Mère ? »

« Oui, mais je préférerais être là-bas pour profiter du monde. » Elle s’essuya le nez avec un chiffon en lin.

« Bon, j’ai de bonnes nouvelles pour toi ! » Amethyst ne pouvait pas imaginer qu’un message du roi Henry puisse être autre chose. Elle lui tendit le parchemin, avec le sceau devant les yeux de sa mère.

« Du roi lui-même. Ouvre-le, Mère, je vous prie de l’ouvrir, je meurs d’envie de savoir ce que le bon roi Henry a à dire. Peut-être qu’il nous invitera à la cour pour Noël ! »

« Nous sommes seulement en août, ma chérie. » Sabine brisa le sceau et se mit calmement à dérouler le parchemin. Amethyst l’aurait brisé. Elle s’assit sur ses mains, excitée.

« En outre, pourquoi le roi voudrait-il que nous… » Sabine commença à lire, et pendant qu’Amethyst attendait, un sourire heureux illumina son visage.

« Oh, Béni Jésus ! »

« Notre grand roi Henry, notre généreux roi, regarde ce qu’il nous a donné ! » Elle redonna le message à Amethyst et elle le lut ; de la propre main du roi, l’octroi d’une pension annuelle de 100 livres chacune pour Sabine et pour Tante Margaret Pole afin de réparer la grande injustice de son père Henry Tudor, celle d’avoir exécuté Edward Compte de Warwick. « En outre, il… oh Jésus ! Il révoque la proscription et la confiscation contre notre père et… » Elle s’arrêta pour reprendre son souffle, « on est en train de restituer les droits de notre famille ! Cela signifie… oh, Mère ! »

« Oui, ma chérie. » Sabine mit ses mains ensemble et leva la tête vers le ciel. « Grâce à notre bon Seigneur, le Château de Warwick est à nous ! »

« Tu sais ce que ça veut dire, Mère ? Des terres ! Notre propre Château de Warwick ! Des titres ! Tu es Lady Sabine, Comtesse Douairière de Warwick, je suis Lady Amethyst, dots pour moi et Topaz et Emerald ! » Elle n’était plus la simple fille du village condamnée à la vie d’une simple fille. Elle était maintenant une dame, avec titre et terres, éclatant de gratitude pour son généreux roi. Une fois de plus, la vision floue de la vie à la cour évolua du fantasme lointain de ses rêves vers une possibilité solide. « Oh, Mère, le roi Henry est si bon, si aimable ! Comment pourrions-nous le repayer, comment pourrions-nous… »

« Comment, en effet ? » Sabine étendit ses doigts. « Qu’est-ce que nous avons, sauf quelques nuits pour qu’il se repose au Château de Warwick, que le roi Henry pourrait vouloir ? »

« Oh, je ne sais pas, Mère ! Je penserai à quelque chose ! » Elle tendit ses bras et tourna sur ses orteils. Je lui enverrai une de mes chansons ! »

« Oui, ça devrait lui plaire. » Sabine hocha la tête.

« Je lui donnerais quelque chose de moi… une partie de moi. » Amethyst dansait à travers la pièce, alimentée par une explosion de joie.

« Hah ! » Topaz était à la porte et Amethyst, entendant le grognement de dégoût se sa sœur, secoua la tête avec perplexité. Comment Topaz pourrait-elle être si ingrate envers l’homme qui avait sauvé sa famille d’une vie dans la pauvreté ?

Topaz tourna le dos et fronça les sourcils. « Cet hypocrite, cracha-t-elle. Je n’ai pas confiance en cet enfoiré, le fils de son père, avec ses petits yeux. » Une pointe de peur remplaça sa colère. Oh, Dieu au plus haut des cieux, que tramait Henry ?

WARWICKSHIRE, SEPTEMBRE, 1510

En ce brillant matin d’automne, des nuages vaporeux se dispersèrent et le soleil lutta pour partager sa chaleur réconfortante.

Deux chariots avançaient lentement à travers la boue collante. La pluie des derniers jours avait laissé la route à Warwick éclaboussée de flaques de boue.

La calèche suivait les chariots, emmenant Sabine, Emerald et Amethyst. Topaz refusa de participer à la récupération soudaine de leur maison ancestrale. Elle choisit de rester et de prendre soin de ses animaux. Amethyst voulait tellement sa sœur à ses côtés ce jour-là, pour partager cette joyeuse occasion, parce qu’on leur accordait enfin une maison qui leur appartenait de droit.

Elles approchèrent de Warwick par Westgate, une des portes de la ville antique. Comme elles entraient dans le tunnel sombre, les sabots des chevaux, le hurlement du chariot et les roues de la calèche faisaient écho sur les murs intérieurs. Elles émergèrent dans la Rue Principale, au milieu de la ville animée. À gauche se trouvait une maison avec des pans de bois inclinée vers la rue, un panneau en bois où on pouvait lire : « Hôpital de Leicester » balançant d’une chaîne, s’écrasant sur sa perche à chaque rafale. Plus de maisons avec des pans de bois se blottissaient contre l’hôpital, leur toit pointu pointant vers le ciel clair. Elles passèrent par la place du marché, où les marchands affichaient leur marchandise sur les étagères des auvents enroulés. Les villageois se précipitaient, saisissant et pressant des fruits et légumes, chargeant leurs marchandises dans des wagons. L’arôme pâteux des tartes à la viande les enveloppait, et Amethyst respira l’air lavé par la pluie mélangé avec des arômes de fruits et d’épices. Un cochon se faufila sur la route, suivi d’un défilé de poulets caquetant. Elles quittèrent l’agitation du marché et au bout de la route courbée virent le sommet d’une tour ronde qui dominait les arbres.

En suivant la courbe de la Rue du Château, Amethyst arrêta le groupe et sauta de la calèche, voulant terminer le voyage à pied, seule. Elle s’avança et courut. À ce moment-là le soleil éclata à travers le dernier voile de nuages.

Et voilà.

Le château bordait la rive du fleuve, s’élevant de son ancien monticule, la maçonnerie faisant écho au soleil dans un jaune terreux mélangé avec une lueur rosé. Des murs rideaux reliaient une multitude de tours circulaires incrustées de fenêtres cintrées, majestueusement surmontées de créneaux. L’imposante forteresse s’étendait plus loin que ce qu’elle pouvait voir, et comme elle se rapprochait, elle semblait encore plus grande.

Elle pouvait discerner encore plus de tours, des murs et barricades - sans cesse, à perte de vue.

Elle grimpa la colline, trébuchant sur ses jupes, riant et criant dans une frénésie d’excitation, jeta sa tête en arrière et leva les yeux vers la structure massive. Le château montait au ciel, si imposant, si impénétrable.

Elle entra par une porte d’entrée construite sur le flanc de la colline sous le pont-levis surélevé. Debout sur le sol en terre battue dans le noir, elle inhala l’humidité dans le vent sifflant qui chantait des siècles passés. Ses larmes tombèrent et coulèrent sur le sol. Elle sortit de nouveau, donnant un autre regard panoramique. Écartant ses bras, elle étreignit la surface courbe de la tour, laissant les pierres froides absorber la chaleur douillette de son corps.

« Ma maison, ma maison », chuchota-t-elle, ne faisait plus qu’un avec son histoire. Enfin elle savait d’où elle venait. « Ma maison, ma place. »

ChapitreTrois

MANOIR MARCHINGTON, DÉCEMBRE, 1511

Topaz et Lady Margaret reçurent des invitations à passer Noël chez le château voisin de Kenilworth, appartenant au seigneur Matthew Guilford. Ressentant le besoin de se changer les idées, Topaz décida d’y aller, tandis que Margaret refusa, depuis qu’elle avait été invitée à la cour.

Topaz n’avait jamais rencontré Sir Guilford, mais elle l’imaginait comme un noble trapu vêtu de lourdes robes et d’une couronne grisonnante.

Cependant, elle réfléchit, les nobles engendraient des enfants éloquents, capables de l’impliquer dans un débat animé bien hors de portée de tout propriétaire foncier commun dans le Warwickshire. Son nouveau titre réussirait à obtenir une contrepartie digne. Elle savait qu’elle avait caché son titre pour le moment où elle pourrait l’utiliser à son avantage.

Elle plia ses tissus de dentelle et les plaça dans un coffre de voyage. Peut-être qu’un jeune Guilford en cueillerait un entre ses dents dans le triomphe d’un tournoi gagné.

Après deux jours de voyage, Topaz et son petit entourage de serveurs galopaient sur la dernière route cahoteuse qui menait à Kenilworth. Le charmant château se vantait d’une lueur de grès et de jardins tentaculaires, un ornement frappant à califourchon sur les herbes veloutées et le lac scintillant qui léchait ses murs.

Un serveur l’aida à descendre dans la cour et une femme de chambre l’accompagna dans un ensemble d’appartements confortables. Elle s’habilla de façon conservatrice pour le dîner ce soir-là dans la grande salle, sa robe bleue vaporeuse sans rubans ni dentelle, et avec une encolure plus haute que ce que la mode indiquait. En réalité, c’était l’une des plus anciennes robes de sa mère. Elle ne voulait pas éclipser Lady Guilford - pas la première nuit.

En descendant les escaliers, ses yeux parcouraient le hall d’entrée à la recherche de visages familiers. Elle essaya de deviner qui pourrait être le vieux Lord Radcliffe, mais les invités qui s’agglutinaient et entraient par les portes massives en chêne avaient le même âge qu’elle.

Elle s’arrêta au milieu des marches, repérant la tête la plus haute de la foule. Une masse de cheveux blond foncé attirait la lumière comme un amas de braises incandescentes. Il était debout couvert de bleu, depuis son chapeau turquoise aux tons modérés de son pourpoint et ses collants nichés dans des chaussures indigo. Une robe de satin jaillit, ornée d’or. Des bagues en saphir brillaient sur ses doigts. Des volutes d’aigue-marine parsemaient son pourpoint.

Son rire, résonnant et sûr, prévalait sur les rigolos et les rires étouffés. Un cercle grandissant l’enfermait. Les invités réclamaient son attention, surtout les dames.

Elles jetaient la tête en arrière avec joie, les coiffes en collision, alors qu’elles se poussaient pour se rapprocher de lui. Une main ornée de bijoux lui caressa la manche. Une des dames les plus agressives attrapa son bras et le retourna pour lui faire face.

Ses yeux balayèrent le hall d’entrée et se dirigèrent vers l’escalier. Il regarda dans sa direction. Elle était debout, absorbée. Ses yeux rencontrèrent les siens. Il se retourna, mais elle garda son regard sur lui. Un moment plus tard, il la regarda à nouveau.

Cette fois leurs yeux se rencontrèrent. Un sourire en rencontra un autre. Il s’excusa et sa silhouette gracieuse glissa à travers la pression croissante des corps. Il la rencontra dans les escaliers, au-dessus de la foule.

Ils étaient séparés du reste de l’humanité, comme s’ils avaient étés balayés dans un nuage.

« C’est un plaisir de vous rencontrer, ma belle dame. Permettez-moi de me présenter. Je suis votre hôte, Matthew Guilford. »

Il lui prit la main et la porta à ses lèvres avant qu’elle ne dise un mot. L’image du vieil homme haletant flétrit et mourut. « Et je suis Lady Topaz Plantagenet, du Château de Warwick. »

Elle ne put pas se souvenir d’un autre mot prononcé par l’un ou l’autre… sauf sa dernière question avant de s’excuser.

« Seriez-vous si gentille de m’honorer de votre présence lors d’une promenade dans les jardins après le dîner, madame ? »

Elle écouta sa voix disant oui.

Alors que la musique et les mimes résonnaient, Topaz ne pouvait même penser à manger.

La vue de toutes les volailles rôties, viandes et plats à la vapeur lui fit tourner l’estomac. Elle dit à peine un mot à ceux qui étaient assis autour d’elle à la longue table. Elle se fichait des récoltes, du climat et même des explorations au Nouveau Monde - pas maintenant. Elle ne pouvait que regarder cette tête blond foncé, ce sourire chaleureux, et ce corps exquis si magnifiquement habillé.

Elle s’assit sur un siège dans le salon d’hiver avant son arrivée. Il s’excusa pour son retard.

« Votre faux pas est pardonné, bien sûr. » Elle porta sa main à ses lèvres et il l’embrassa. Un frisson la traversa. Se noyant dans ces yeux verts, elle écouta sa voix calme et élégante parler de… elle écoutait à peine. Sa voix était douce comme le velours de son pourpoint, il aurait pu tout aussi bien dire ses mots à l’envers, ça lui était égal.

Elle avait déjà décidé qu’elle serait la prochaine Lady Guilford.

Elle découvrit tout sur lui dans les prochains jours, dans les tournois, les jeux de cartes et de dés, demandant avec désinvolture ce qu’elle souhaitait savoir aux autres invités. Élevé de bonne race, il possédait des terres et une bonne éducation. Son père, Sir John, était mort en combattant à Bosworth : la bataille qui permit à Henry VII d’accéder au trône. Tout au long des douze jours de célébration, toutes les femmes serviles de la région le flattèrent et adulèrent.

Il le prit de bonne humeur, enleva sa cape et les invita à continuer. Même si elle aspirait à sa compagnie exclusive, Topaz agit de façon distante et désintéressée, contrairement à toutes les autres filles qui gazouillaient autour de lui. Ça marcha. Elle éveilla son intérêt et demanda à la revoir… et demanda à nouveau.

Il l’invita à revenir à Kenilworth, et elle revint une deuxième et une troisième fois. Oh, oui. Je deviendrai Lady Guilford avant Hocktide (Hocktide : un vieux festival tenu le deuxième lundi et mardi après Pâques).

« Raconte-moi encore quelque chose sur Topaz de Warwick. Qui est-elle et d’où vient-elle ? », lui demanda-t-il une nuit alors qu’ils étaient assis devant le feu dans sa salle privée. Elle venait de lui demander les chapitres de sa vie, découvrant qu’il aimait chasser, l’ancienne Rome, et qu’il avait une variété d’allergies.

Est-ce que je lui dis la vérité ou est-ce que je le laisse se demander ? Non, je lui dis la vérité. Invente une histoire et cela se retournera contre toi, d’une manière ou d’une autre, avec ces commères léchant le jus des commérages. À part ça, elle avait besoin de quelqu’un à qui parler, avec qui partager sa douleur. Qui mieux que son futur mari ?

« Je sais que les Comtes de Warwick remontent à plusieurs siècles. » Il étira ses jambes et s’appuya sur ses coudes.

« À 1088, pour être exact. » Son ton était plein de fierté. « Le Roi William II créa le comté. Mon père, Edward, était le fils du Duc de Clarence. Le frère de mon grand-père, le Roi Edward IV, fit exécuter mon grand-père à cause de fausses accusations et le noya dans un bol de malvoisie quand il avait vingt-neuf ans et mon père avait seulement trois ans. »

« Pourquoi ? Qu’est-ce que ton grand-père a fait pour être exécuté par son propre frère ? »

Ses yeux s’écarquillèrent de curiosité.

« Il a essayé de prendre le trône plusieurs fois. » Elle lui donna la réponse simple.

Il acquiesça. « Ah. C’est une bonne raison. »

« Mon père n’a jamais connu son père. » Elle révéla sa triste histoire. « Il avait presque le même âge que moi quand le Gallois Harry tua mon père. » Sa voix dégoulinait de rancœur, et Matthew remplit de nouveau son verre de vin pour soulager la douleur que ces souvenirs évoquaient.

« Mon père, le dernier de la ligne Plantagenet, naquit dans le Château de Warwick. Le Roi Richard le fit gentilhomme avec son propre fils. Quand le fils du Roi Richard mourut, il nomma mon père héritier. Quand Tudor tua le Roi Richard à Bosworth et saisit la couronne, mon père fut nommé Roi de jure d’Angleterre, car il était le plus proche de la succession. Alors, il devint une menace pour Tudor, étant l’héritier légitime, par lignage et tout le reste. »

« C’est pourquoi Tudor emprisonna ton père pour le reste de sa vie ? » « Oui », acquiesça-t-elle. Quand mon père avait huit ans, le Gallois Harry l’enferma dans le Château Sheriff Hutton, puis il le fit emmener à la Tour. Il rencontra ma mère dans la Tour quand elle y alla pour rendre visite à son père, le Comte d’Ashford, qui attendait l’exécution. » « Pour quelle raison ? »

« Il se battit du côté du Roi Richard à Bosworth », répondit-elle.

« Alors, qu’est-il arrivé à ta mère ? »

Quand Ashford perdit ses terres, ma mère fut envoyée vivre avec une tante. Elle n’avait rien. Ils confisquèrent le Château de Warwick de mon père pour le rendre à la couronne. Lui et ma mère tombèrent amoureux et obtinrent la permission de se marier. Elle s’installa avec lui là-bas dans la Tour de la Cloche et devint musicienne et chanteuse de la cour.

« Alors tu es née et tu as grandi dans la Tour ? » « Oui. Presque une prisonnière. Mon seul souvenir heureux d’enfance, c’était le splendide Zoo Royal qui était là dans la Tour du Lion. Ils avaient des singes, des éléphants, des zèbres, et des girafes, et d’énormes tortues, des oiseaux colorés, et toutes sortes d’animaux exotiques d’Afrique. » Ses mains flottaient comme des ailes. « Les gardes me laissaient y aller presque tous les jours et je regarderais les animaux, fascinée par leur comportement, leurs façons de communiquer entre eux, leurs rituels. Je nommais certains d’entre eux et les gardes me laissaient les nourrir. Quand Matilda, l’éléphant, eut un bébé, je l’appela Perkin, et il devint mon compagnon de jeu. J’attrapais sa trompe et il l’enveloppait dans ma main comme le ferait un véritable ami. Puis un jour, revenant du zoo, ma mère et moi montions les escaliers jusqu’à la Tour de la Cloche et je vis… et je les vis prendre mon père… » Elle s’arrêta, sans vouloir revivre cette scène. « Le Gallois Harry fit exécuter mon père pendant que ma mère attendait Emerald. Seulement parce qu’il était une menace pour la couronne. Ça montre à quel point c’était absurde. Mon père, emprisonné depuis l’âge de huit ans, qu’ils disaient si simple qu’il ne pouvait pas distinguer une poule d’une oie, essayait de déposer le roi ! Il fut exécuté sur la Colline de la Tour. Il n’a même pas eu l’honneur de la prairie, où on coupe la tête des nobles. Ils nous ont tous envoyés vivre avec la sœur de mon père, Margaret, et son mari Richard Pole, et leurs gamins. Je commençai à collectionner des animaux, en bonne santé et malades. Je leur donnais des noms, je m’inquiétais pour eux, et j’appris à guérir les malades de la même manière que le faisait notre médecin de famille. Je fis des médicaments pour eux et je pris soin de leurs progénitures. C’était ma seule évasion, le zoo qu’on me permit d’avoir. Les animaux étaient mes seuls amis. C’était mon monde. » Matthew sentit sa douleur ancrée en permanence dans son âme.

Mais il comprenait. Il la serra dans ses bras et la laissa pleurer, et quand elle se calma, il la demanda en mariage.

CHÂTEAU DE WARWICK, OCTOBRE, 1512

Topaz traversa le pont piétonnier traversant la Rivière Avon et se dirigea vers les Jardins des Paons où elle allait rencontrer son fiancé. Le Château Kenilworth n’était pas aussi grand que Warwick, mais c’était assez proche de la maison qu’elle avait légalement héritée pour qu’elle puisse rendre visite à sa famille quand elle le souhaite et établir un autre hôpital pour animaux là-bas.

Elle vivait maintenant à Warwick, depuis que Lady Margaret avait déménagée à la cour, invitée par le roi Henry, et elle avait emmené tous ses serviteurs avec elle.

Topaz leva la main gauche, et pour la énième fois ce jour-là, elle admira sa bague de fiançailles, tenant la grappe de rubis sertis d’or au soleil. Elle brilla, clignota et lui fit un clin d’œil comme pour la féliciter pour son choix de mari. En aucun cas elle ne pourrait succomber à un mariage arrangé, comme ses sœurs le feraient inévitablement. Les mariages étaient là pour associer les terres et les titres, et les parties concernées étaient simplement des véhicules pour garantir les réclamations. Non, Topaz, Duchesse de Warwick, donnerait sa généreuse dot à l’homme de son choix, pas à celui choisi par sa mère, pas à celui choisi par ce fraudeur Henry, seulement à celui qu’elle aura choisi.

Elle regarda les paons se pavanant fièrement, les mâles montrant leurs queues brillantes. Comment ils ressemblaient à Henry VIII, si pompeux et hautains et fiers ! Et qu’étaient-ils vraiment, sans cet étalage majestueux de plumes ? Seulement des oiseaux laids et maigres, comme Henry l’était certainement sous ses insignes royaux de bijoux et de tuniques mal acquises. Un imposteur, rien de plus. Mâles. Imposteurs, la même chose.

Matthew ne faisait pas exception. Beau et magnifique comme il l’était, il était là pour servir un but : pour engendrer son héritier, le futur Roi d’Angleterre, Edward VI. Elle se détourna des paons et se dirigea vers les écuries pour voir ses animaux avant l’arrivée de Matthew. Alors qu’elle traversait le fossé vers l’entrée, elle remarqua une calèche ornée tirée par quatre palefrois blancs qui se dirigeait vers la porte d’entrée. Ce n’était sûrement pas Matthew. Même lui n’était pas si extravagant. Elle courut à travers la cour intérieure pour les saluer, excitée à la perspective d’un visiteur, et c’était un noble. La calèche s’arrêta et le cavalier descendit pour aider ses voyageurs à descendre. Elle ne reconnut pas sa livrée ; peut-être que c’était quelqu’un qui visitait Amethyst ou Emerald.

Divers gentilshommes nobles courtisaient les filles, celui qui était le plus persistant était le Duc de Norfolk, qui avait l’œil sur Emerald depuis quelque temps.

Elle haleta de joie quand elle vit que la passagère qui descendait doucement au sol n’était autre que sa chère Tante Margaret Pole !

« Tante ! Pied de Dieu, tu as l’air splendide ! » Et en effet elle avait l’air splendide. Sa cape dorée était ornée de fourrure, et le diadème sur sa tête rougeoyait de grappes de saphirs.

« J’apporte d’excellentes nouvelles ! » Elle salua sa nièce avec un baiser sur chaque joue et une petite boîte. « Ne l’ouvre pas encore. J’ai des cadeaux pour vous toutes. »

« Des cadeaux ! » Topaz sauta de joie. Tante Margaret avait toujours un cœur d’or et elle distribuait une grande partie de sa rente aux pauvres. « Quel est le motif ? Une autre fête de fiançailles ? Mais j’en ai juste eu une la semaine dernière ! »

« Non, ma chère, rassemblons-nous toutes et je donnerai la bonne nouvelle. S’il te plaît dis-moi si ta mère et tes sœurs sont à la maison. »

« Oui, elles sont à la maison. Je pense qu’elles sont dans la Chambre Verte travaillant sur leur broderie. » Elle lui montra le chemin.

Elles entrèrent dans les appartements privés et trouvèrent Sabine, Amethyst, et Emerald dans la Chambre Verte, bavardant et cousant. Un domestique allumait les bûches dans la cheminée. Après avoir échangé des salutations affectueuses, Margaret sortit quatre petites boîtes du sac de velours qu’elle tenait et les distribua. « Une pour chacune de vous. Une pour Sabine et une pour chacune de mes bijoux. »

Sabine ouvrit son cadeau, une croix en rubis rouge foncé suspendue à une chaîne en or brillant. Le cadeau d’Amethyst était une broche en or incrusté d’améthyste de taille ronde, celui d’Emerald était une émeraude dans un bracelet en or, et celui de Topaz était un topaze en forme de larme suspendu à une chaîne en or. Sabine reçut un tour de cou de perles.

« Ils sont tout simplement magnifiques, Margaret. » Sabine passa la chaîne sur sa tête et approcha la croix de la fenêtre. Les rubis ressemblaient à des braises. « Mais dis-nous s’il te plaît, quelles sont les nouvelles ? »

« Sa Majesté le Roi vient de me nommer Comtesse de Salisbury, ratifié par le parlement. Il m’a accordé les terres de la famille du comté de Salisbury, ainsi que des propriétés à Hampshire, Wiltshire, et Essex ! » Tandis que ses mots jaillissaient, elle souriait comme un enfant avec un nouveau jouet. Sabine poussa un cri de joie, parce que maintenant elle et sa belle-sœur étaient des femmes riches et titrées. Amethyst et Emerald brillaient comme les bijoux qu’elles avaient reçus.

Topaz fronça les sourcils.

« Sa Majesté le Roi, rit-elle rit. Peu importe le nombre de bienveillances qu’il invoque, il ne peut pas annuler ce que son père a fait. Cette annulation de la proscription et de la confiscation contre notre père, dix ans après sa mort, va le ramener ? Les terres et les titres ne signifient rien pour lui, ils ne sont pas un sacrifice. Qu’il renonce à quelque chose qui lui ferait du mal. »

« Comme quoi ? » Sabine se demanda pourquoi elle prenait la peine de continuer à se disputer avec sa fille à propos de cette question.

« Comme la couronne, peut-être », répondit-elle. Après quoi elle partit pour rencontrer son fiancé.

À la veille du mariage de Topaz, les trois sœurs étaient assises dans sa chambre, justement nommée le Boudoir Bleu, décorée avec une variété d’objets bleus : des tapisseries françaises en soie bleue, un lapis-lazuli en satin recouvrait les meubles, et des rideaux de velours du ton des oiseaux bleus. Les deux jeunes sœurs s’assirent sur le lit regardant Topaz en répandant un mélange huileux sur son visage.

« Qu’est-ce que c’est ? » Emerald plissa son nez.

« Lanoline, huile d’agneau. » Topaz versa un peu plus de la substance grasse sur sa paume et se frotta les mains.

« Tu vas faire ça tous les soirs aussi après ton mariage ? », demanda Emerald.

« Bien sûr. Juste parce que j’ai trouvé un mari ne veut pas dire que je ne veux pas rester jeune. »

Amethyst haleta. « La vérité de Dieu, Topaz, tu n’as que dix-huit ans ! » « Nous serons de vieilles sorcières avant que nous le sachions, les filles. » Elle enduisit l’huile sur sa gorge avec des mouvements ascendants fermes.

« Mais je suis sûre que Lord Guilford te trouve tout aussi belle. Tu n’as pas besoin de rendre ton visage glissant et visqueux pour lui. »

Topaz regarda sa sœur dans le miroir et rit. « Je ne le fais pas pour lui, ni pour aucun autre homme, chère sœur. Je le fais pour moi. Lorsque je serai vieille, que Matthew sera parti et que les regards que les hommes me portent se seront estompés à cause des ravages du temps, je n’aurai que mon esprit pour m’aider. Les hommes ne vieillissent pas aussi vite que les femmes, mais regardez votre roi Henry dans les prochaines années, après une guerre ou deux et quelques tragédies personnelles, et je peux vous assurer qu’il commencera à montrer son âge. Il ne sera pas le beau garçon qu’il est aujourd’hui. »

« Topaz ! Quelle manière de parler de notre roi ! », la gronda Emerald.

« Votre roi, fille naïve, votre roi. Je l’appelle de cette manière parce que je me sens généreuse ce soir, et je ne veux pas l’insulter. »

« Je t’ai entendu dire des choses pires de ton futur mari, dit Amethyst. Et c’est celui avec qui tu coucheras chaque nuit. »

« Chaque nuit ? Banal. J’ai l’intention de garder mes propres chambres, dans lesquelles il ne mettra pas les pieds sans y être invité. »

« Tu ne t’enfermeras sûrement pas dans des appartements séparés lors de ta nuit de noces, Topaz ! » Amethyst était à cet âge où la curiosité pour de telles questions explosait complètement en dehors d’elle. « J’attends avec impatience ma propre nuit de noces. »

« Comme il se doit, mais pour ma part, j’ai mes propres raisons pour ce mariage, la moindre d’entre elles est le bonheur du lit conjugal. »

« Mais tu aimes Lord Guilford, n’est-ce pas ? » « L’aimer, sœur ? Non, je ne l’aime pas. Mais il s’en fiche, parce qu’il a assez d’amour en lui pour nous deux. C’est un homme chanceux, puisque peu de gens trouvent l’amour dans le mariage. Je l’épouse pour mes propres raisons. » « Et quelles seraient ces raisons ? », demanda Amethyst, tandis qu’Emerald s’était désintéressée de la conversation et fouillait maintenant dans la garde-robe de Topaz. « Sûrement ce n’est pas pour le Château Kenilworth. » Topaz se retourna pour faire face à sa petite sœur et la regarda profondément dans les yeux. « Un fils, Amethyst, c’est ce que je veux plus que tout, plus que ces titres vides, des châteaux et des terres où les construire. Je veux un fils, un héritier, pour transmettre mon héritage à travers l’histoire. Et je le ferai à partir de demain soir, si Dieu le veut. C’est ma mission. Et je la réaliserai. » Amethyst comprit, tandis que la jeune Emerald n’en était pas capable. Topaz n’abandonna jamais ce désir de devenir la reine légitime. Et pauvre Matthew Guilford, amoureux comme il était, était juste le fournisseur du carburant.

Le jour du mariage de Topaz fleurit avec un coussin de soleil éclairant les nuages. Les arbres laissaient tomber leurs feuilles de papier, tapissant les terres du château avec un tapis rouge et or.

La grande salle brillait avec la magnifique variété de plats du Château de Warwick. Le majordome prépara la table haute et plaça la salière juste en dessous du centre de la planche.

Le carrelage cuivré brillait comme un miroir, reflétant chaque éclat de chandelle. L’immense cheminée en pierre abritait les bûches crépitantes. Les étincelles étaient tirées et mouraient dans la lueur du feu. C’était son mariage d’automne, décoré avec un thème d’automne. D’énormes coupures de feuilles faites en tissu d’or pendaient de la galerie et flottaient alors que les serviteurs se dépêchaient. Une corne d’abondance ornait chaque table, une corne d’abondance de raisins gras, des pommes, des noisettes d’Espagne et des citrouilles noueuses colorées.

Matthew et 16 garçons du village portant un ruban de mariage bleu et des brindilles de genêt attachés autour de leurs bras conduisaient la procession de mariage dans la cour. Un groupe de danseurs de la danse Morris (danse traditionnelle anglaise d’hommes dans laquelle ils portent des cloches sur leurs vêtements), des musiciens, et le bouffon du village venaient ensuite. Ils étaient suivis par des femmes de chambre, transportant des gâteux de mariage épicés, et un garçon du village portait la coupe de mariage pleine de bonbons, décorée de genêt et de banderoles. Topaz chevauchait sur un étalon blanc avec une livrée d’or, brillant au soleil tandis que les muscles gracieux de son cheval bougeaient au rythme de son noble pas.

Quand le soleil du midi avait atteint son zénith, la vraie cérémonie commença.

À l’intérieur de la petite chapelle, les familles étaient assises sur les bancs en bois sculpté. Les bougies brillaient dans le lustre sur eux, envoyant leur chaleur aux vitraux au-dessus de l’autel. Avec Matthew à ses côtés la regardant, elle se tenait devant l’autel face au prêtre, enveloppée dans des robes blanches. Elle sourit avec amour à son futur marié. Matthew prononça ses vœux de mariage comme s’il récitait une prière. Elle leur fit écho, pensant au jour où elle aurait son premier enfant dans ses bras.

Ils marchèrent dans l’allée de la chapelle, les nouveaux-mariés du royaume, sa robe de satin brillant de splendeur, sa coiffe de papillon flottant alors qu’ils glissaient dans les couloirs vers la grande salle.

Les invités entrèrent dans la salle, le maréchal les assit à leur place, et le banquet commença.

Les ménestrels interprétèrent des rondeaux et des humoresques pendant le banquet : des plats d’automne de morue et hareng rouge, fraîchement pêchés de l’océan. De la rivière, ils avaient obtenu des anguilles salées et du saumon. Topaz sourit avec satisfaction regardant son nouveau mari rassasiant son appétit sain. Elle appréciait les produits du jardin, la délicieuse variété de pois, citrouille, et carottes assaisonnées aux clous de girofle, gingembre, safran, et moutarde. À la fin de chaque plat, les serveurs apportèrent un magnifique gâteau sur la table, moulé pour représenter la Sainte Trinité prenant soin d’eux.

Il n’y eut pas de cérémonie de literie (La cérémonie de literie se réfère à la tradition nuptiale de réunir les jeunes mariés dans le lit double devant des nombreux témoins, complétant ainsi le mariage. Dans la plupart des traditions, la famille, les amis, et les voisins mettaient les jeunes mariés au lit. Le but du rituel était d’établir la consommation du mariage, soit en étant réellement témoins du premier rapport sexuel du couple ou symboliquement, en partant avant la consommation. Elle symbolise l’implication de la communauté dans le mariage. La nature vraiment contraignante de la cérémonie varia beaucoup d’un endroit à l’autre et à travers le temps.

Les rituels de literie ont été pratiqués dans diverses cultures, et la cérémonie varie d’un endroit à l’autre. Les gens qui mettent les jeunes mariés au lit incluent généralement leur famille, amis et la communauté en général. Le rituel souvent est associé avec de la musique, chansons obscènes et blagues. Ça symbolise l’implication de la communauté dans le mariage et particulièrement dans l’intimité sexuelle du couple, mais aussi leur fidélité conjugale. La consommation elle-même, c’est-à-dire, le premier rapport sexuel du couple, ne fut pas observé dans la plupart des pays d’Europe Occidentale. En Angleterre, la cérémonie commençait généralement avec un prêtre bénissant le lit, après quoi les jeunes mariés se préparaient pour aller se coucher et ils buvaient du vin doux et épicé. Les garçons d’honneur et les dames d’honneur s’asseyaient sur les côtés du lit et jetaient les bas du couple ; on pensait que s’ils étaient attrapés ça indiquait que le lanceur se marierait bientôt. Les rideaux étaient enfin tirés autour du lit et le couple restait seul. Quelques jeunes mariés refusèrent de participer à la cérémonie de literie. Le roi Charles I d’Angleterre (r. 1625-1649) bloqua visiblement la porte de sa chambre ; cependant, malgré son rejet, la coutume continua à prévaloir pour un autre siècle parmi toutes les classes sociales, y compris la famille royale. Au siècle XVI, dans ce qu’est aujourd’hui l’Allemagne, la cérémonie de literie fut effectuée avec le son des flûtes, tambours et « bruits obscènes », après quoi le couple restait seul et les invités continuaient à célébrer assez fort pour que les jeunes mariés ne soient pas entendus. Dans des nombreux endroits, la famille ou la communauté habillaient les jeunes mariés pour qu’ils aillent se coucher séparément, puis ils les emmenaient dans la chambre. À d’autres endroits, le couple devait rejoindre la fête après la consommation du mariage. À l’ère de la Réforme, la cérémonie de literie fut associée à des rituels qui allouaient droits et devoirs socio-économiques à la mariée comme maîtresse de maison. En Scandinavie, c’était l’invité de mariage le plus distingué qui emmena la mariée au lit dans une procession festive. Après les avoir couchés, les invités offraient des plats aux jeunes mariés et mangeaient rapidement avec eux avant de les laisser seuls. En raison de l’importance du rituel, des lits de mariage spécialement décorés étaient parfois empruntés à des amis, des parents ou des voisins. La literie devint finalement purement symbolique, avec les parents de la mariée couvrant les jeunes mariés, puis les découvrant.

Conséquences juridiques : Le but initial de la cérémonie de literie était d’établir la consommation du mariage, sans laquelle l’union pouvait être annulée. La nature juridiquement contraignante du rituel n’était pas claire pour beaucoup, en particulier pour les classes inférieures. Un mariage en Grande-Bretagne fut annulé sous prétexte que la mariée s’était enfuie 15 minutes après le rituel ; et dans un autre cas, un mariage clandestin fut rendu public quand la femme enceinte partagea le lit de mort de son mari. Il était très populaire de croire que la literie publique de la Grande-Bretagne du siècle XVIII accordait une légitimité supplémentaire au mariage. En Écosse, bien que le mariage ait été formé par simple consentement et n’ait pas exigé de formalités ni de cérémonies de consommation, les rituels de literie étaient répandus, mais pas structurés ; un couple voulait juste que quelqu’un les vît au lit ensemble. Une couple pourrait également être poussée à se marier de cette manière : une personne trouvant un couple célibataire au lit pourrait les déclarer mari et femme sur place.

Dans la Scandinavie médiévale, la cérémonie de literie avait une grande importance juridique. Les lois de nombreuses provinces Suédoises considéraient que la literie publique était essentielle pour compléter un mariage, mais l’importance juridique diminua plus tard en raison de nouvelles lois royales. En Islande, un mariage n’est valable que si le rituel de literie, assisté d’aux moins six hommes, est inclus. Dans le cas des mariages royaux, la cérémonie avait un sens supplémentaire.) ; aucun des assistants de Matthew l’accompagna à la chambre nuptiale en chantant des mélodies obscènes, le préparant pour sa nuit de noces. Topaz avait toujours considéré la tradition dégradante pour le sacrement du mariage, et surtout pour la mariée, et elle ne voulait rien savoir à ce sujet. Les mariés montèrent simplement leurs palefrois et ils retournèrent dans leur nouvelle maison à Kenilworth.

Matthew apporta deux gobelets en argent au feu où Topaz s’allongeait profitant de nombreux oreillers en plumes, ses cheveux étalés comme un soleil flamboyant.

Elle s’assit pour prendre un gobelet et le frappa contre celui de son mari. « J’espère tomber enceinte à partir de ce soir, milord. » Sa voix chantait à l’avance.

« Ce soir ? » Ses yeux brillèrent. « Ce serait un noble exploit en fait. » « C’est vrai, mais je ne doute pas du tout de ton talent, milord. » Topaz posa son regard sur son mari, son seul choix. Elle était assise, sa région inférieure au niveau des yeux de son mari. Il se mit à genoux pour s’occuper du feu, et elle scruta tous ses traits avec une curiosité féminine perspicace. Ses cheveux blond foncé frôlaient le haut de son cou. Une coupe irrégulière interrompait la douceur de sa mâchoire. Et il est tout à moi ! Topaz montra un sourire épicé, comme elle prévoyait, Matthew, dur et exigeant, contre elle, la voulant, le suppliant.

Il s’allongea à côté de sa mariée avec un étirement détendu. Elle passa sa main à travers sa chemise de nuit faite avec un tissu Hollandais fin, serrée contre ses muscles.

« Nous allons créer beaucoup de beaux enfants. Nous avons beaucoup de temps, toute notre vie devant nous. Oh, ma chère. » Il lui caressa les cheveux. « Je veux te donner tout l’amour de mon cœur. »

« Tu es vraiment unique, Matthew. » Et elle savait qu’il l’était. Sur une terre d’alliances politiques garanties par les vœux du mariage, l’amour était aussi rare qu’un filigrane d’or. Il la serra fort dans ses bras, et elle n’avait jamais connu un tel confort et sentiment de sécurité que dans les bras de cet homme. Elle le serra dans ses bras et laissa sa chaleur s’infiltrer en elle.