Aliell - Tome 5 - Danielle Simonin - E-Book

Aliell - Tome 5 E-Book

Danielle Simonin

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Beschreibung

De retour d’Egypte, Aliell et Ethan poursuivent leur odyssée, qui les emmènera au Cœur de Terre-Mère, dans les profondeurs de l’Intra-Terre, afin d’y déposer «la Promesse du Futur» qui leur a été confiée.

L’accomplissement de cette mission, va permettre au Nouvel Age d’Or de s’ancrer depuis le Cœur de Gaïa jusqu’au cœur de chaque être, qui s’ouvrira à ce nouveau monde.

Ce long voyage initiatique approche son aboutissement. Aliell et Ethan se sont enrichis de leurs multiples expériences, qui les accompagneront encore tout au long de leur chemin.



À PROPOS DE L'AUTRICE

Danielle Simonin pratique la méditation; qui nous relie à tout ce qui nous semble invisible ou impossible.
La parution de ses romans : Aliell ou le parcours d’une Âme et leur suite, lui ont permis de concrétiser son expérience pour en faire profiter le plus grand nombre.

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Danielle Simonin

Aliell

Au cœur de Terre-Mère

Tome 5

Parus aux éditions Isca-Slatkine

Série « Aliell » :

Aliell ou le parcours d’une âme

Aliell entre les mondes

Aliell, le Portail du Passé

Aliell, l’irréalité du Temps

Aliell, au cœur de Terre-Mère

À paraître prochainement :

Aliell, Celle qui parle avec le Vent (tome 6)

© 2023, Danielle Simonin.

Reproduction et traduction, même partielles, interdites.Tous droits réservés pour tous les pays.

ISBN 978-2-940723-98-0

Prologue d’Hélios à Ethan

Le pouvoir d’Aliell est relié aux quatre éléments. Elle est là pour les éveiller, l’un après l’autre.

Les deux premières initiations Feu et Eau se sont très bien passées. Elle entre maintenant dans l’élément Terre, qui est le plus important pour elle, car il est l’ancrage qui permettra aux autres éléments de se relier et de se fixer. Tant que Terre n’est pas fermement installé, nous devons maintenir l’élément Air à distance, parce que, pour Aliell, il est le summum de sa puissance et de son pouvoir.

C’est aussi pour cette raison que nous t’avions choisi pour être son compagnon dans cette mission, car ton Dragon est le seul qui excelle dans les quatre éléments et a assez de puissance pour la protéger.

Partie 1

Sur le fil d’une enquête

Défense du territoire

Aliell chauffe, elle contient avec difficulté son feu par sa respiration. Elle ferme les yeux, se concentre, avant de s’exprimer le plus calmement possible, en fixant son chat.

– Je viens de passer l’après-midi à la clinique, à tenter de rassurer cette pauvre bête, pendant que le vétérinaire recousait patiemment ses multiples lacérations. Alors je te demande ce que tu entends par « attaqué gentiment », dit-elle, ouvrant ses yeux devenus rouges, sur un Ludol penaud.

– …

– Ce n’est pas une raison, Ludol. C’est le chien de nos voisins, tu le connais. Même s’il a passé sous la clôture pour venir enterrer son os dans ton jardin, tu pouvais le chasser, pas le réduire en charpie. Mais qu’est-ce qui t’a pris, bon sang ?

– …

– Tu t’ennuyais ? Tu te fous de moi, là ! Je t’ai déjà dit de te défouler à l’extérieur, va chasser dans la nature, mais respecte notre mobilier et, surtout, les animaux de compagnie de nos voisins ! Tu deviens vraiment asocial en vieillissant. Reprends-toi !

Ludol tourne le dos à ce regard flamboyant et entreprend, apparemment indifférent, une consciencieuse toilette.

Aliell, dans un demi-tour furieux, se heurte à Ethan qu’elle n’avait pas entendu arriver. Celui-ci ouvre instinctivement les bras pour la recevoir.

– Excuse-moi, je suis un peu en colère.

– Je vois. Si nous allions marcher ? suggère-t-il avec un sourire charmant, auquel elle ne peut résister.

– Oui, merci, répond-elle dans un chaste baiser.

Connaissant sa femme, il choisit de l’emmener au bord de l’eau. Son lac lui apporte toujours une délicieuse sérénité.

Ils se promènent silencieusement, accordant leur respiration, le calme d’Ethan coule dans les veines d’Aliell. Le chant de l’eau, le souffle du vent et le délicieux parfum du lac l’apaisent totalement.

– Veux-tu méditer quelques instants, ma douce ? murmure-t-il à son oreille.

– Oh, Ethan, oui, merci !

D’un baiser, il recueille deux petites larmes coulant le long de ses joues.

Il l’invite à s’asseoir sur une pierre au bord de l’eau et ils restent ainsi silencieusement blottis l’un contre l’autre, afin de se protéger du froid mordant de novembre, qui les a surpris à leur retour d’Égypte.

La pleine lune illumine le ciel bleu nuit, éteignant la clarté des étoiles dans sa royale beauté et laissant sa longue traîne d’argent se déposer sur l’eau miroitante de fierté.

Un moment béni de recueillement, dans la grâce de Dame Nature. Gratitude.

Une femme discrète

Stella est une jeune femme discrète, évitant de se faire remarquer, malgré sa grande intelligence.

Il est vrai que ses collègues du poste de police ne l’encouragent pas à se mettre en avant, elle n’essuie que moquerie et rebuffades de leur part. Ils la surnomment « grosse tête » ou bien pire encore. Est-elle responsable de son physique disgracieux ou, du moins, qui ne correspond pas aux critères de la beauté habituelle ? Elle est petite, sa tête est un peu grande par rapport à son corps, ses jambes et ses bras plutôt courts et elle a de petites mains potelées. Si le regard d’un homme se pose sur elle, ce n’est pas de l’admiration qu’elle reçoit.

Alors, elle se consacre à son travail et s’y donne à fond. Les enquêtes policières la passionnent, bien que sa place ne soit pas directement sur le terrain. Elle œuvre à la périphérie, à la rédaction des procès-verbaux, aux retransmissions des dépositions et aux recherches complémentaires. Étant méticuleuse et ordonnée, son travail lui apporte une grande satisfaction. Stella est intelligente et discrètement efficace. Certains pourraient penser que ses compétences sont gâchées par tout ce travail purement administratif. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que souvent elle enquête en coulisses. Elle a parfois des visions qui lui ont déjà permis de retrouver des gens ou des objets disparus et, souvent, des éléments complémentaires, permettant de conclure plus rapidement une affaire. C’est une « extra-sensitive », mais, bien sûr, elle n’en parle pas. Lorsqu’elle sent quelque chose, elle mène sa petite enquête personnelle, sans rien dire. Elle a déjà essuyé suffisamment de sarcasmes de la part de ses collègues, par rapport à son physique, pour avoir appris à se taire.

En ce moment, elle se concentre sur une recherche concernant une affaire en cours, qui occupe tout son temps libre. Il s’agit d’un homme qui est accusé de meurtre, à tort selon elle, mais il est vrai que tous les éléments l’accusent. Pourtant, elle est convaincue de son innocence et, pendant ce temps, le vrai coupable court toujours, en toute impunité.

Elle a décidé d’enquêter de son côté, le plus discrètement possible. Elle risquerait un renvoi, si ses supérieurs l’apprenaient. Or, justement, l’inspecteur O’Donnell, en charge de cette affaire, a eu vent de cette histoire, par la délation d’un collègue. Il la convoque dans son bureau et la somme de s’expliquer.

Elle l’aime bien, cet inspecteur, contrairement à ses confrères. Il est froid, impénétrable et son regard d’acier glace d’effroi ses collègues, quand il s’attarde sur eux avec insistance. Grand et sec, il est surnommé « inspecteur Harry » par la plupart des policiers, qui souvent ignorent même son vrai nom.

Mais elle sent que, derrière son apparente froideur, se cache un homme juste et bon ; il n’affiche une carapace que pour qu’on lui fiche la paix et il se moque éperdument de ce que l’on pense de lui. Il dérange beaucoup et a souvent été « déplacé » pour insubordination. C’est un rebelle qui méprise la hiérarchie et les ordres, qu’il ignore le plus souvent, n’en faisant qu’à sa tête.

Elle est là, en face de lui, et se prépare à lui dévoiler ce qu’elle sait. Il est bien le seul à qui elle ose exprimer ses « impressions », parce qu’elle sait qu’il l’écoutera jusqu’au bout sans l’interrompre, ni la juger. Un « sensitif », lui aussi.

– Au sujet de l’enquête… commence-t-elle, consciente qu’il n’ignore pas de quelle enquête il s’agit… on fait fausse route depuis le début.

Cela aussi il le sait, mais il ne dit rien, n’exprime rien. Elle continue :

– J’ai vu le vrai coupable dans une vision, il est malin, menteur et il nous filera entre les doigts si on le serre de trop près. Mais il y a une preuve contre lui et j’essaie de retrouver cet indice. C’est un journal que tenait la victime, il est sous terre dans une sorte de grotte. La victime faisait de la spéléologie. Je cherche donc cette grotte.

Elle ne dit plus rien, elle attend.

Un long regard silencieux les unit, puis il hoche la tête en signe d’assentiment. Elle se lève et quitte le bureau, rassurée.

Dans un autre bureau à l’étage, le commissaire Jack Forrest soupire, en claquant une pile de dossiers d’un geste rageur.

– Bon sang ! Comme si je n’avais rien d’autre à faire qu’à jouer les psys ! Pourquoi faut-il toujours que tous les cas sociaux de la police soient « placés » dans mon commissariat ? J’en ai marre !

Matt est encore une fois convoqué chez son chef. Il frappe.

– Entrez, Inspecteur, et asseyez-vous, s’il vous plaît.

Celui-ci s’exécute sans un mot, ni un salut. Jack soupire, cela fait seulement trois mois que son nouvel inspecteur est parmi eux et les plaintes tombent régulièrement sur son bureau.

– Inspecteur O’Donnell, j’aimerais beaucoup bénéficier de votre collaboration, pour la bonne marche de ce service.

Il se lève légèrement pour repousser, devant Matt, la pile de réclamations venant de ses collègues. Celui-ci n’y jette même pas un œil. Leurs regards s’affrontent, mais néanmoins avec un respect réciproque.

– Que proposez-vous, Inspecteur ?

– Que désirez-vous précisément, Commissaire ?

– Concrètement : vos rapports d’enquêtes à jour, sur mon bureau.

Nouveaux regards.

Jack s’agace de ces réclamations perpétuelles et il n’a pas envie d’entrer dans ces conflits internes, qu’il considère comme des enfantillages. Mais il ajoute :

– Je n’ai rien à redire concernant votre travail, vous êtes indiscutablement compétent, mais ce n’est pas suffisant. Nous formons une équipe, je vous demande donc un effort de coopération. Puis-je compter sur vous ?

– Oui, Commissaire.

– Bien, dans ce cas, je vais vous assigner un collaborateur, qui se chargera de mettre au clair vos rapports dans les plus brefs délais.

Une crispation perceptible répond à cette déclaration. Jack ajoute avec un sourire :

– Je vous autorise à choisir votre collaborateur.

Sans hésiter une seconde, Matt répond :

– Merci, Commissaire. Ce sera donc Stella Erde.

Jack lève les sourcils, très étonné par ce choix. Cette femme est hypersensible, c’est la dernière personne qu’il aurait confiée à son inspecteur.

– Bien entendu, nous lui laisserons la liberté de refuser, ajoute Matt, voyant l’hésitation de son chef.

– Entendu. Merci, Inspecteur, je compte sur vous, répond-il en se levant pour l’accompagner à la porte.

Peu de temps après, Stella est convoquée dans le bureau du commissaire, elle est très inquiète. Tout au long du trajet, elle se remémore les événements des derniers jours, cherchant quelles erreurs elle aurait pu commettre, justifiant cette visite. Jamais auparavant, elle n’avait été convoquée chez le commissaire. C’est le cœur battant la chamade et le corps tremblant, qu’elle frappe à sa porte.

– Entrez ! Bonjour, Mademoiselle, approchez et asseyez-vous, je vous prie, dit-il d’une voix rassurante. Ne craignez rien, vous n’avez commis aucune faute.

Elle se détend un peu, devant son aimable sourire et attend.

– Depuis combien de temps travaillez-vous dans ce service, Mademoiselle Erde ?

– Quatre ans, Monsieur le Commissaire.

– Bien. Vous connaissez donc le fonctionnement de la maison et la rédaction des rapports en tous genres.

– Oui, je crois, Monsieur le Commissaire.

– Comment vous entendez-vous avec vos collègues ?

Elle hésite, puis répond :

– Bien… y a-t-il eu des plaintes contre moi ?

– Non, pas du tout. Mais vous, avez-vous des plaintes à formuler ?

– Non, Monsieur le Commissaire, je fais de mon mieux pour m’intégrer discrètement à l’équipe.

– Je vois… dit-il, regardant pensivement cette jeune femme et en imaginant sans peine les rebuffades qu’elle doit essuyer, de la part des quelques rustres opérant dans le service. J’aimerais vous faire une proposition, que vous êtes totalement libre de refuser. Il s’agirait d’accompagner un de vos collègues dans les enquêtes et de rédiger ses rapports.

Elle attend la suite, retenant son souffle, un peu tendue. Il l’observe. Visiblement, le projet l’inquiète.

– Oui, dit-elle d’une toute petite voix, de qui s’agit-il ? Un nouveau, peut-être ? ajoute-t-elle dans une lueur d’espoir.

– Non. Il s’agit de l’inspecteur O’Donnell.

Elle reste là, surprise, puis relâche sa tension, lui offrant un sourire lumineux.

– Vous m’offrez de travailler seulement pour l’inspecteur O’Donnell, Monsieur le Commissaire ? demande-t-elle en attendant une confirmation avant de se réjouir.

– Oui, Mademoiselle, mais vous avez la possibilité de refuser, je sais que l’inspecteur n’est pas un homme très communicatif.

– Oh, non non ! J’accepte avec plaisir, je vous l’assure. Merci, Monsieur le Commissaire, d’avoir pensé à moi.

Il lui sourit, un peu décontenancé par cette réaction de pur bonheur.

– En vérité, c’est l’inspecteur lui-même qui vous a choisie, pour le seconder. Je suis ravi que cela vous satisfasse tous les deux.

Elle se sent légère, si légère que, sur le chemin de son bureau, elle se retient de ne pas laisser exploser sa joie, en dansant et en chantant. Ouf ! Elle va quitter cette bande de lourdauds moqueurs et stupides ; le cœur en fête, elle s’en va rassembler ses maigres affaires, avant de rejoindre le bureau de son inspecteur, sans dire un mot.

Il l’accueille, vautré sur sa chaise sur laquelle il se balance dans un équilibre précaire, les pieds sur le bureau, chaussés de ses bottes sales. Mon Dieu, quel capharnaüm ! se dit-elle sans montrer la moindre surprise. Il l’a certainement fait exprès pour la tester. Après lui avoir indiqué d’un signe de tête la chaise encombrée devant lui, il lui tend une note d’ordre, provenant de leur chef.

Elle lit : « Confirmation du poste… blablabla et après le calcul des heures de services effectués, nous constatons que vous n’avez pas pris un seul jour de congé depuis plus d’un an. Par conséquent, vous serez en vacances dès ce lundi… » Elle lève des yeux surpris sur l’inspecteur qui reste de marbre : « … jusqu’à la fin de la semaine. Retour lundi en huit. C’est un ordre non négociable. Votre commissaire… blablabla. »

– Zut, alors ! En pleine enquête, ça pouvait attendre ! Je n’ai nul besoin de vacances, pour quoi faire ?

Il ne dit toujours rien. Elle réfléchit et se met lentement à sourire ; une idée a germé.

– Très bien, qu’il en soit ainsi. Quels sont vos dossiers les plus urgents ? Je les emmène en week-end et vous les déposerai lundi matin, avant de partir en vacances. J’adore la spéléologie, je vais aller visiter des grottes, pendant toute une semaine. Qu’en pensez-vous, chef ?

Il lui sourit, amusé.

– Je pense que vous êtes intelligente et maligne. Nous allons former une bonne équipe. Bonnes vacances, Stella, ajoute-t-il avec un clin d’œil complice.

Un autre monde

Les couloirs descendent profondément sous terre, c’est un vrai labyrinthe. Ils se sont perdus. Les autres membres du groupe de spéléologie refusent de continuer, ils décident tous de faire demi-tour, sauf Stella, qui a envie de persévérer encore un moment. Après d’âpres négociations, elle obtient gain de cause pour quelques minutes supplémentaires avant de les rejoindre. Comme elle est la plus rapide d’entre eux, elle les rattrapera aisément.

Stella s’est toujours sentie à l’aise sous terre et elle est heureuse de continuer seule. Plus elle descend, plus les passages semblent avoir été façonnés et ils sont tout à fait « respirables ». Elle n’éprouve aucune crainte, mais elle ressent une excitation qui la pousse toujours plus loin. Elle essaie de repérer des indices qu’elle a aperçus dans ses visions, mais, jusque-là, rien n’y ressemble.

Subitement, deux bras fermes la saisissent par-derrière en l’immobilisant, pendant qu’une autre personne fixe un bandeau sur ses yeux.

Des brigands ? Si loin sous terre ? Pourquoi n’a-t-elle pas peur ? Elle ne ressent aucune peur. Ils l’emmènent en la tenant fermement par le bras, non pas pour l’empêcher de fuir, mais pour la guider sur le chemin étroit.

Ils marchent longtemps, puis elle se sent vaciller, sa tête bourdonne, tout tourne, puis plus rien.

Stella se réveille plus tard dans une grotte aux murs lisses, étendue sur un sol de terre fine et douce, comme si elle avait été ratissée soigneusement. Elle observe son environnement avec étonnement : 100 m2 peut-être, sur une hauteur de 3 m. Elle sursaute en découvrant un homme qui la fixe d’un regard pénétrant, à quelques pas de là.

– Est-ce vous qui m’avez amenée ici ?

Il ne répond pas, mais il continue de la détailler avec curiosité. Il est grand, 1,80 m environ et très massif, ses épaules larges soutiennent une tête et un cou impressionnants. Les bras croisés sur sa poitrine font saillir des biceps tatoués, il lui fait penser à une ancienne pub de Mister Proper, l’idée la fait sourire. Tout son corps dégage une force incroyable, il pourrait creuser une galerie à mains nues avec ses grandes « paluches », la pensée la fait rire, ce doit être nerveux, mais il ne bouge pas d’un centimètre. Bon, elle décide de se relever, puisqu’elle est toujours étendue. Un mal de tête la fait tituber, comme si elle avait trop bu. Il ne bouge toujours pas, une vraie statue, mais pourtant, il est bien vivant. Il exhale un parfum de terre… et d’autre chose d’attirant, qui la gêne un peu. Elle respire profondément et un frisson parcourt tout son corps.

Instinctivement, elle s’éloigne de lui, pour aller caresser les murs lisses, en cherchant d’où pourrait provenir la douce lumière qui éclaire cette pièce. Mais elle constate avec étonnement qu’il n’y a aucune ouverture dans cette grotte. Heureusement que je ne suis pas claustrophobe, et cet homme statue, que fait-il planté là, à m’observer ? S’attend-il à ce que je hurle de terreur ? Et pourquoi est-ce que je ne ressens aucune peur ? Je devrais pourtant. Suis-je dans un rêve ? Elle se pince très fort pour s’en assurer. Aïe ! Non, ce n’est pas un rêve, c’est bien réel. Je sens qu’il ne bougera pas le premier, j’ai envie de le pincer pour vérifier qu’il soit bien vivant. Hum ! Encore ce délicieux parfum de terre et de… musc, qui fait vibrer mon corps et affole mes sens. Elle lève les yeux vers son visage, cherchant à comprendre ce qui lui arrive et il sourit. Toute son expression corporelle devient douce et sensuelle, pas à dire, il a un charme fou ! Mais que faisons-nous là ?

– Venez ! Suivez-moi, vous avez réussi le test d’entrée.

Il marche d’un pas étonnamment léger pour sa lourde stature. Elle le suit et il s’arrête face à la paroi. Sous les yeux de la jeune femme qui s’arrondissent de surprise, la paroi glisse doucement, sans un bruit. La grotte se prolonge par un long couloir descendant sur une centaine de mètres, puis s’arrête net. Ils attendent que s’ouvre une nouvelle porte.

Stella reste figée, la bouche ouverte, émerveillée par le spectacle qui s’offre à elle.

– Une ville ! C’est bien une ville que je vois devant moi ?

Des maisons, arrondies comme des grottes de différentes tailles et peintes en blanc, sont posées sur un tapis de verdure que de petits ruisseaux serpentent librement. Le tout est entouré de montagnes incurvées vers l’intérieur. Non, pas des montagnes ! ce qu’elle aperçoit, ce sont les parois d’une grotte gigantesque et très haute. Elle ne voit pas le plafond, juste un éclairage blanc qui ressemble à un ciel aux tons doux et mouvants.

La jeune femme émerveillée applaudit spontanément !

Il éclate d’un rire grave et communicatif, et tous deux rient ensemble, heureux comme des enfants.

– Bienvenue dans mon monde, dit-il en l’invitant à le suivre.

C’est un pays de Nains. Dans cette ville, ils ne croisent que des Nains.

Stella n’est pas Naine, bien que petite, mais lui paraît immense parmi eux. Chaque personne le salue avec déférence.

– Vous êtes le chef ?

– Je suis Har, fils de Thorin.

Elle prend cela pour un oui, il y a une telle majesté dans sa présentation, que cela ressemble à un titre de noblesse.

– Enchantée, M. Har, je me nomme Stella Erde.

Il lui tend la main en souriant, mais elle a un instant d’hésitation avant d’y déposer la sienne, si petite. Son sourire est vraiment charmant, impossible de lui résister. Elle se surprend à rougir et, vite, baisse la tête pour masquer son embarras, ce qui ne lui a pas échappé, évidemment. La jeune femme est très embarrassée, personne ne l’a jamais regardée ainsi. Elle est plutôt habituée aux regards méprisants, qui la font se sentir comme une insulte à la nature. Je suis laide, qu’y puis-je ? pense-t-elle résignée.

De son énorme main douce, il lui relève le menton, plongeant son regard au fond de ses yeux.

– Tu es belle, Stella Erde, n’en doute jamais. Ton nom signifie « Étoile de la Terre ». Je vais éveiller en toi l’amour qui sommeille et tu n’oublieras plus jamais qui tu es.

Il retire sa main si douce et recule d’un pas. Aussitôt, elle chancelle, le sol se dérobe sous ses pieds, tout devient flou et irréel, comme un rêve qui s’achève. Une voix dans le lointain murmure : « Emmenez-la, qu’elle se repose et s’alimente. »

Elle a bien dormi, dans un grand lit confortable. Est-ce tôt ? Est-ce tard ?

Sa montre a disparu, ses habits aussi, elle se retrouve totalement nue dans ce lit. Qui m’a déshabillée ? Elle soupire et étrangement, elle s’en moque. Elle se sent bien, légère. Il baigne dans ce lieu une telle sérénité, une joie sous-jacente, un souffle d’amour qui respire à chaque instant. Elle ne désire rien d’autre.

Deux petites femmes entrent dans la chambre, portant des plateaux de nourriture appétissante qu’elles déposent sur une ravissante table en bois, travaillée par des mains expertes. Elles s’approchent du lit et, sans hésiter, se glissent sous le duvet en se blottissant contre la jeune femme.

Celle-ci se raidit, d’instinct sur la défensive. Que me veulent-elles ? Sans se préoccuper de son embarras, elles l’embrassent, lui caressent les cheveux la berçant tendrement. C’est une telle énergie d’amour, qui se manifeste sans gêne ni retenue, que Stella s’en trouve désemparée, affolée. Que m’arrive-t-il ? Que dois-je faire ou dire ? Elles n’ont pas l’air de comprendre mon désarroi, ou n’en tiennent pas compte tout simplement. C’est cela, elles n’en tiennent pas compte et continuent leurs caresses aimantes, jusqu’à ce que je lâche-prise, mais la lutte est sévère en moi. Une part de mon être aspire à l’accueil et l’autre s’en défend en les repoussant.

Elle ressent une panique la submerger. Elle va hurler, mais se retient encore et soudain, le barrage cède ; elle éclate en sanglots et ne peut plus s’arrêter. Les femmes aimantes la bercent en chantant, comme on calme un petit enfant. Leur amour est consolant, maternel et inconditionnel.

Je revois mes parents désolés par cette fillette si décevante : « Mon Dieu, comme elle est moche ! », disait mon père. « Pauvre petite, qu’allons-nous faire d’elle ? », ajoutait ma mère. Bien sûr, je n’ai jamais reçu un seul geste d’amour, ni caresse ni baiser comme ceux que l’on réserve aux jolies petites filles.

Les sanglots reprennent, tentant d’extirper cette souffrance hors de son corps. Un corps qui ne lutte plus, un corps qui vomit tant de blessures refoulées, qu’il finit par s’épuiser. Et, durant ce temps infini, deux femmes lumineuses déversent des flots d’amour sur ce pauvre corps meurtri.

Puis elles se retirent doucement, lorsqu’enfin un sommeil réparateur la libère.

Elle se sent dans un état cotonneux, tiraillée par la soif, la faim, elle a trop chaud toute serrée dans un lit trop petit. Soudain, elle réalise qu’elle ne s’y trouve pas seule et cela la réveille brusquement.

C’est lui, Har.

– Que faites-vous dans mon lit ? dit-elle, affolée, en se redressant vivement.

– Mon lit. J’attendais ton réveil, Stella Erde.

– Mais, mais… vous pouviez pas attendre à côté, cela ne se fait pas !

– Ah bon ! répond-il étonné. Pourquoi ?

– Parce que. Et puis vous êtes tout nu ! s’exclame-t-elle scandalisée.

– Dans un lit et sous un chaud duvet, les habits sont inutiles.

Stella soupire, découragée. Que dire ? Elle ne peut même pas sortir de ce lit, son corps imposant offre un barrage infranchissable, à moins que… non ! hors de question qu’elle l’enjambe. Gênée et troublée, elle se tourne contre le mur. Elle ressent son sourire dans son dos, mais il n’y a aucune trace de moquerie, juste de la tendresse. Une larme coule sur sa joue.

– J’ai soif, dit-elle d’une toute petite voix.

Le matelas bouge sous son poids, il tend la main vers la table et la ramène avec un verre d’eau. La jeune femme prend appui sur son coude, en continuant de regarder le mur. Il passe le bras par-dessus son corps et dépose délicatement le verre devant elle, sans rien dire.

– Merci.

Elle le vide d’un trait avec délice. Il ne dit rien, il attend simplement. La patience est certainement l’une de ses vertus, pense-t-elle.

– Que voulez-vous de moi ?

– Rien.

– Alors, que faites-vous dans mon lit ?

– C’est le mien. Je viens t’enseigner l’amour.

– Quoi ? Vous plaisantez ?

– Souvent, mais pas en ce moment.

– Et si je refuse ?

– Tu es libre. Mais tu ne refuseras pas.

– En êtes-vous sûr ?

– Oui.

– Pourquoi accepterais-je ?

– Parce que tout ton être aspire à retrouver son Essence d’amour.

Que répondre à cela ? Rien, alors elle ne dit rien. Au fond de son être, des torrents d’émotions se bousculent et la bousculent. Tout ce qui lui a pris une vie entière à contrôler, maîtriser afin de pouvoir vivre presque normalement est en train de s’effondrer. Elle ne peut pas se permettre cela, ce n’est pas juste ! Une colère monte en elle.

– Vas-y ! Je peux l’accueillir, ne crains rien.

– Laisse-moi tranquille !

– Non, parce que tu n’es pas tranquille, tu souffres.

– Je veux être seule.

– Plus maintenant. Il y a tant d’amour dans ce lieu, qu’il t’envahira, même si tu n’en veux pas. C’est ainsi.

– Où suis-je ? Pourquoi est-ce que je me sens si bizarre, si flottante, comme si j’étais droguée ?

– Tu es dans mon lit, sourit-il, taquin.

Puis, redevenant sérieux, il explique :

– Ce monde se trouve juste en dessous du tien, à 180 km sous terre, mais sa vibration est plus élevée, plus fine qu’en surface, plus éthérique aussi. C’est ce qui te donne cette sensation de flotter. Ici, nous accordons la priorité aux énergies d’amour, car elles sont essentielles à la vie, au bonheur, à la santé.

Il dit cela tranquillement, de sa voix chaude et douce et, sans savoir pourquoi, elle se remet à pleurer silencieusement.

Il ne bouge pas, pourtant elle sent des ondes d’amour la pénétrer, envahir sa peine et la repousser à l’extérieur.

– Pourquoi fais-tu cela pour moi ?

– Parce que j’en suis capable.

– Qui es-tu ? Tu n’es pas un Nain.

– Mais si. Mon père est Nain, ma mère Géante.

Stella prend un moment pour s’imaginer ce couple improbable. Ils ont dû connaître le rejet et les moqueries.

– Non, pas ici, où l’amour dirige nos vies. Les énergies lourdes ne peuvent survivre dans notre monde, elles se dissolvent sous la force d’Amour.

– Tu réponds à mes pensées ?

– Oui, quand tu penses très fort.

Son sourire est tendre, un peu espiègle.

– Apprends-moi, s’il te plaît, demande-t-elle d’une toute petite voix.

Il l’attire contre lui, plaquant le dos de la jeune femme contre son torse puissant et le souffle chaud de l’homme dans ses cheveux libère les distorsions de son petit mental. Les larges mains effleurent son corps et de longs frissons répondent à ce contact. De multiples sensations affolent la boussole de ses repères : « encore, stop, encore, stop… » Elle ne sait plus, des éclairs de peur la traversent. Elle voudrait se retourner, se plaquer contre lui, mais elle n’ose pas rencontrer son regard.

– Où m’emmènes-tu ?

– À l’intérieur de toi, à l’intérieur de Terre-Mère. Je t’emmène en voyage et au retour, tu ne seras plus jamais la même ; tu seras toi, totalement toi. Plus rien ni personne ne pourra te faire revenir en arrière. Tu rencontreras la réalité de ton âme, de ton être profond. Fais-toi confiance et laisse-toi aller. Lâche tes résistances, là où tu vas, tout n’est que fluidité, liberté, amour total. Si je vais trop vite, tu peux toujours dire « stop ! ».

– Qui es-tu ?

– Un artisan de Terre-Mère et dans, cet instant, l’enseignant de qui tu es, un révélateur pour toi. Accueille ce qui vient, tu n’es pas en danger.

Ah, ses mains, si grandes, si magiques, me rendent légère ! Ses caresses pénètrent ma peau comme si elle devenait poreuse. Ses mains caressent mes organes internes. Mon ventre brûle de désir, encore et encore. Hum… et son souffle… un vent chaud et parfumé qui s’infiltre dans tous les interstices de mon être.

Hum… ah, je n’ai jamais ressenti pareilles sensations !

– Ton enveloppe est plus fluide dans ce lieu, tu es déjà près du corps de Terre-Mère et ton propre corps éthérique fait le lien entre ton intérieur et ton extérieur. C’est pour cela que tu as la sensation que je caresse l’intérieur de ton corps. Exprime ce que tu ressens, ainsi, tu intégreras ces sensations dans ta conscience.

– Hum, Je veux quelque chose de plus…

– Oui, je sais. Tu recevras plus, tu recevras tout ce que tu veux.

– J’ai envie de rire et de pleurer, fais-moi l’amour, s’il te plaît. J’ai déjà fait l’amour, tu sais.

– Non, tu ne l’as jamais fait, parce que tu ne connais pas l’amour.

– J’aimerais faire l’amour avec toi.

– Mais nous faisons déjà l’amour. Avant cela tu n’as fait que disposer d’un outil à ta portée, sans vraiment savoir l’utiliser. Lorsque tu donnes à un petit enfant un outil et un morceau de bois brut, il saura taper sur le bois avec son outil, mais il ne saura pas lui donner une forme, le sculpter, le transformer en une œuvre de pure beauté. Il ne connaît pas le bois entre ses mains et ne peut communiquer avec lui. Je vais t’apprendre à écouter, à parler, à communiquer avec cette matière, à la façonner de tes mains, la transformer en œuvre d’art avec la puissance de ton amour. Tu vas créer quelque chose d’unique : l’expression de l’Amour. Nous allons le faire ensemble, tu deviendras un artisan de l’Amour et tu partageras ta connaissance. Mes mains vont pour l’instant te permettre de ressentir ton intérieur. Elles façonnent ta matière brute, caressent ta densité. As-tu déjà pétri la terre, sculpté la matière ?

– Oui, quelques fois. Je fais de la spéléologie, c’est ainsi que je suis arrivée ici et parfois dans les grottes, on trouve de la glaise. J’aime jouer avec la terre.

– La matière brute, tu la prends entre tes doigts, tu la caresses, la malaxes, la réchauffes, tu éveilles la vie dans la matière, comme ceci…

– Ah ! Hum… ouiii !

– Ensuite, lorsqu’elle devient souple et douce, lorsque tu as éliminé les impuretés qu’elle contient, tu peux commencer à la façonner, l’éveiller à la vie. Elle répond à cet appel, se réchauffe, s’anime… comme ceci…

– Oh ! Hum…

– Oui, ressens bien ce qui se passe en toi, chaque particule de ton être s’éveille, épouse le mouvement de mes mains. La terre en toi s’ouvre, se livre, s’offre aux mains du sculpteur. Ce moment intime vibre en moi dans la même intensité, nous sommes totalement reliés l’un à l’autre maintenant.

– Ah ! C’est trop fort, entre en moi tout entier, je t’en prie !

– Je ressens ton Feu chauffer et l’Eau coule en toi, elle se prépare à humidifier la terre de ton corps physique, afin qu’il se façonne plus librement. Mais il est trop tôt pour utiliser les outils, ta matière n’est pas assez souple.

– Oh ! Hum… mon sexe, mes seins brûlent, ils cherchent à t’attirer en moi.

– Comme tu es impatiente ! Tu veux déjà profiter de l’œuvre finale, mais comprends-tu que chaque étape de création est importante ? C’est à travers ces étapes que nous obtenons la fusion de la matière, la transformation de l’être. Faire l’amour est un processus alchimique.

Je n’en peux plus, s’en rend-il seulement compte ? J’ai l’impression de me disloquer, je vais m’exploser en mille morceaux.

– Ne crains rien, respire en union avec moi, le souffle de vie est une musique qui accompagne l’œuvre. Accueille la jouissance, sans tenter de la contrôler, car, à l’intérieur de toi, tout est sur le point de se transformer.

Ses mains malaxent doucement mes seins et des éclairs de feu pénètrent à l’intérieur, telle une décharge électrique qui embrase ma peau. Je ressens pulser cette force dans tout mon corps, comme un brasier. Je ne suis que Feu jusqu’au bout de mes pieds. Et ses mains… oh, ses mains ! Elles poursuivent inlassablement leur chemin, dans chaque cellule de mon corps. De mon sexe coule l’eau vivante d’un ruisseau. Je ne sens plus de séparation, il est dedans, il est dehors et partout autour. Je suis, je suis cette terre vibrante entre les mains du sculpteur. Maintenant, oui, je me sens terre, sans séparation.

– Je te sens. Je sens chacune de tes cellules, chacun de tes atomes. Je sens ta vie entre mes mains et l’amour qui circule totalement libre entre nous. Es-tu prête ?

– Oh, depuis longtemps !

– Alors il est temps de relier ton Ciel-Terre dans l’axe vertical.

Il pose sa main sur ma tête. Je ressens une brûlure et quelque chose s’ouvre sur le sommet de mon crâne. Une douleur pointue et très brillante semble vouloir pénétrer.

– Tu es la Terre, ici est ton pôle Nord, l’entrée de l’axe vertical qui traverse la Terre du Nord au Sud. Ce sont les vortex principaux pour accéder au Cœur de Terre-Mère.

Il laisse sa main sur ma tête, je sens une pression très forte à l’intérieur, comme si l’on essayait d’ouvrir une porte scellée. Un rayon très lumineux descend, la brûlure est intense, mais il ne retire pas sa main. Son autre main passe entre mes cuisses et son doigt se glisse aisément à l’intérieur, sur l’eau abondante qui l’accueille. Ici, il n’y a aucun obstacle, l’ouverture est totale.

– Oh !

Je gémis de plaisir, de…

– Le pôle Sud.

Son doigt s’enfonce plus profondément en moi.

– Ah !

– Oui, porte ton attention sur le pôle Nord et laisse l’axe relier le Nord au Sud et remonter du Sud au Nord.

Une force immense descend à toute vitesse et remonte à pleine puissance. J’aurais explosé si je n’avais pas été ancrée par la stabilité de ses mains aimantes. J’éprouve la sensation d’une foreuse creusant en spirale un passage vertical, jusqu’au point de rencontre au cœur de la Terre, au cœur de mon cœur.

– Oui, c’est cela ! Tu es la Terre, ton corps est la Terre, tes pôles magnétiques sont ouverts. Un immense vortex circule en toi et autour de toi, dans cet axe vertical. Maintenant, tu es prête, je peux pénétrer en toi et reconnecter toutes les liaisons. Désires-tu m’accueillir ?

– Oh oui !

Il me retourne délicatement sur le dos, aligne son corps au mien et plonge son regard au fond de mes yeux. Je vois en lui l’âme de Gaïa. Je me reconnais et je le reconnais. Lentement, le sculpteur utilise ses outils, afin de parfaire son œuvre pour créer l’amour dans l’Amour. Il glisse en moi, l’axe vertical se met à pulser d’une force incroyable, tel un volcan se préparant à l’éruption.

Au Cœur de Gaïa, nous faisons l’amour et fusionnons avec Terre-Mère, nous nous oublions en elle. Nos corps se dissolvent l’un dans l’autre, sans séparation. Nous voyageons au cœur de la Création, dans une puissante énergie issue de la Source Mère, là où seul l’Amour existe, l’Amour premier créateur de toute Vie.

Stella se réveille seule dans la chambre, se demandant si elle a rêvé, mais l’onde parfumée de la présence de Har flotte encore dans la pièce et le lit retient intensément les effluves de leur amour partagé.

Elle sourit de bonheur, de gratitude. Une envie de prolonger ce moment de plénitude et de découverte d’elle-même, la pousse à refermer les yeux dans ce lit moelleux.

Qu’a retenu son corps de cette fantastique expérience ? La réponse jaillit spontanément de l’intérieur, d’une multitude de sensations, d’émotions, de sentiments tous plus merveilleux les uns que les autres : joie, amour, liberté, vitalité, créativité, communion, vérité, innocence, partage, grandeur, profondeur et encore, encore plus, sans limite. Aucune négativité n’apparaît, comme c’est étrange !

Elle se sent heureuse et belle, pour la première fois de sa vie. Merci, Har, oùque tu sois, merci ! Une onde d’amour la traverse, un sourire murmure : « Avec plaisir. » Elle comprend alors qu’une part de lui réside en elle et que cela est réciproque depuis leur fusion.

Son corps la ramène à une conscience plus matérielle, lui rappelant qu’un plateau de fruits, richement garni, l’attend sur la table près du lit. Elle dévore le tout avec un bonheur presque cellulaire, qui s’accompagne d’une joie enfantine et l’entraîne à danser nue en chantant à tue-tête.

Un applaudissement répond à ce bonheur, ce sont les deux femmes d’hier qui ont été attirées par l’expression de son plaisir. Elle les embrasse de tout son cœur et, avec ravissement, elles partagent leurs effusions d’amour. Puis les femmes lui indiquent la salle de bains moderne, derrière une porte jusque-là invisible, et déposent sur un petit banc ses habits fraîchement lavés et repassés. Elle les embrasse encore pleine de reconnaissance.

– Où est Har ?

Elles ne parlent pas, mais elles pointent un doigt vers le plafond. Stella en déduit qu’il doit être à l’étage au-dessus.

Dans le profond bien-être qui l’habite, elle s’invite à visiter cette charmante ville. Libérée de toutes les lourdeurs de son passé, elle se sent légère et perçoit intensément l’harmonie d’amour vibrant dans ce lieu.

Les gens sont heureux, ils parlent un langage qu’elle ne comprend pas en mots, mais leur gestuelle est si expressive, qu’une compréhension s’instaure naturellement. La jeune femme s’amuse à mimer ses questions, ce qui déclenche des rires collectifs. Comme ils sont joyeux !

Tout un groupe d’ouvriers construisent une maison dans la paroi rocheuse, d’un style troglodyte, en chantant ensemble à pleins poumons. Ils semblent vivre au pays des Nains des contes de fées. Stella les observe, enchantée.

– Bienvenue chez nous ! dit un Nain arrivant derrière elle.

– Merci. Vous parlez ma langue ?

– Apparemment. Har m’a demandé de vous servir de guide. Il pensait que vous auriez certainement un bagage volumineux de questions, dit-il dans un éclat de rire.

– Il n’a pas tort, mais je sais aussi me montrer polie et discrète, quand il faut.

– Il ne faut pas. Soyez juste vous-même.

– Merci. Quel est votre nom ?

– Ori, mais je ne suis pas grincheux.

Devant son air étonné, il précise :

– Ori signifiait « le grincheux » dans les temps anciens, Har signifiait « le grand » Thorin « le hardi », etc. Si, un jour, j’ai un enfant, je ne lui donnerais pas un nom ancien. C’est comme lui coller une étiquette sur le front.

– Je comprends. Dites-moi Ori, j’ai vu très peu d’enfants ici, où sont-ils ?

– Il y en a peu, car notre peuple vit beaucoup plus longtemps que dans le monde de la surface, nous ne pouvons pas nous permettre une surpopulation.

– Vous contrôlez vos naissances par une bonne contraception ?

– Seigneur, non ! Contraception veut dire « contrer », aller contre la vie, c’est la renier. C’est ce que vous faites dans votre monde, c’est pour cela que votre évolution est bloquée par vos contraintes. Procréer ou faire l’amour sont deux aspects de la sexualité, mais ils sont séparés par l’intention que nous mettons dans nos actes. Nous faisons beaucoup l’amour en conscience, mais plus rarement nous donnons à nos gonades l’intention de procréer.

– Je vois, c’est très sage.

Il sourit malicieusement.

– Sagement nécessaire.

– Comment connaissez-vous si bien nos coutumes et notre langue ?

– Parce que je travaille à la surface, comme beaucoup d’autres ici. Il est nécessaire de parler votre langue.

– En surface ? Vous voulez dire que vous appartenez à la fois au monde d’où je viens et aussi à ce plan de l’Intra-Terre ? Mais ce doit être très difficile pour vous !

Il rit.

– On s’habitue. C’est la spécificité des Nains. Ils sont des relais entre les mondes de Terre-Mère, depuis toujours. Les autres peuples ne le font pas et cela n’est possible que parce que nous sommes assez proches de la surface. À plus de 200 km sous terre, ce serait impossible. Mais Har vous expliquera cela mieux que moi, c’est lui le spécialiste.

– Où est-il en ce moment ?

– À la surface. Il règle une situation générée par votre présence ici.

Voyant son regard surpris, il continue en souriant, très amusé.

– Une équipe de secours des spéléologues a été envoyée dans les souterrains à votre recherche. Il n’était pas nécessaire qu’ils se perdent dans nos labyrinthes.

– Mince alors ! Je n’avais pas pensé à cette éventualité.

– Ne vous inquiétez pas, tout est sous contrôle. Har ne va pas tarder à revenir et, moi, je dois bientôt reprendre mon poste en surface. Je travaille dans des vergers biologiques et suis payé partiellement en nourriture. Ici, nous ne produisons que très peu d’aliments. C’est d’ailleurs en rentrant du travail, que nous vous avons découverte vous baladant toute seule dans nos souterrains, vous n’aviez même pas peur de vous perdre, n’est-ce pas ? C’est ce qui nous a incités à prévenir Har et vous amener ici. Nous ne le regrettons pas, vous êtes une belle rencontre.

– Merci, et encore merci à vous d’avoir choisi de m’introduire dans votre monde.

– De rien. Har dit que vous apparteniez déjà à ce monde sans le savoir. C’est bon de connaître ses racines. Beaucoup de Nains de la surface ont été conçus par des humains, ils ignorent que leur vrai peuple est en dessous et certains en souffrent beaucoup. Mais c’est un choix d’incarnation, alors nous ne devons pas intervenir. Bon, je dois vous laisser maintenant, il est temps pour moi de remonter. À bientôt.

– Merci de m’avoir consacré de votre temps. Dites-moi, depuis quand suis-je ici ?

– Depuis trois jours du temps de la surface, un peu moins ici. Au revoir !

Après le départ d’Ori, Stella s’installe près d’un ruisseau, le temps d’une réflexion sur les derniers événements de sa vie. Elle ressent le besoin d’écrire son aventure, de la partager. En ai-je le droit ? Il faudra que j’en parle à Har. Trois jours me dit Ori, il me resterait donc quatre jours sur mes vacances. J’aimerais les passer ici, si je le peux. Saurais-je reprendre ma vie d’avant ? Après ce que j’ai vécu ces derniers jours, ce n’est pas sûr. Pourtant, j’aime mon travail dans la police, surtout depuis que je suis l’assistante de l’inspecteur O’Donnell et notre commissaire est un homme de grande valeur, j’ai beaucoup de chance.

Un type louche

Perdue dans ses pensées, elle sursaute lorsqu’un homme lui adresse la parole en français.

– Désolé, je vous ai fait peur, dit-il en souriant.

– Ce n’est rien, répond-elle en se relevant, afin de lui faire face.