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Les chrétiens ont oublié leur culture. Les descriptions de l'enfer que nous devons aux saints, aux malheureux damnés eux-mêmes ou à des gens tout à fait ordinaires, catholiques ou non, croyants ou non ont été extrêmement nombreuses dans l'histoire et semblent même se multiplier de nos jours. Mais elles restent trop souvent ignorées. La réalité de l'enfer éternel est une chose qui effraie, mais à laquelle il est insensé de fermer les yeux.
Il a paru utile de rassembler dans la présente anthologie un certain nombre de ces descriptions, que l'on peut trouver un peu partout sur internet, mais dispersées.
Le compilateur de cette anthologie est un ingénieur retraité.
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Veröffentlichungsjahr: 2016
Anthologie sur l'enfer
Compilation par Marcel Toussaint. Version 2.0. Avril 2016.
"L'une des premières causes de tous nos malheurs actuels, disait saint Pie IX, c'est qu'on ne prêche plus sur l'enfer."
Et le Père Faber, un des grands écrivains ascétiques du dix-neuvième siècle disait; "La plus fatale préparation du démon pour la venue de l’Antéchrist, c'est l'affaiblissement de la croyance des hommes au châtiment éternel."
Or
1. Il est de foi que l'enfer existe, ainsi que le prouvent maints passages de l'Évangile.
2. Il est de foi que les damnés subiront la double peine du dam et du sens. Au jugement dernier, Jésus-Christ dira aux réprouvés: "Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel.". Il est certain que le feu de l'enfer est un feu, non pas métaphorique, mais réel, car, dit saint Thomas, un châtiment corporel peut seul s'adapter à la nature des corps des réprouvés. Un confesseur ne peut absoudre le pénitent qui s'obstinerait à penser que le feu de l'enfer est métaphorique, et non réel.
3. Il est de foi que les peines de l'enfer ne seront pas égales pour tous les damnés, mais seront proportionnées à la gravité et au nombre de leurs péchés. Cette vérité a été définie par le Concile de Florence.
4. Il est de foi que l'enfer est éternel et que tous les adultes sans aucune exception seront sauvés ou damnés, car tous les hommes ressusciteront à la fin du monde et seront jugés par Jésus-Christ; après quoi: "Les réprouvés iront au supplice éternel, mais les justes à la vie éternelle". Il n'y a de lieu intermédiaire entre le ciel et l'enfer.
5. « Je tiens en quelque sorte pour certain, dit saint Jérôme, et une longue expérience me l'a appris, qu'on ne fait jamais une bonne mort, quand on a toujours mené une mauvaise vie »
6. La sainte Vierge n'a pas hésité à montrer l'enfer aux trois petits enfants de Fatima.
On trouvera dans cette anthologie des considérations et des récits publiés sur l'internet ou dans divers ouvrages anciens et modernes, catholiques en général, mais aussi orthodoxes et protestants. Les références sont généralement données. On a rassemblé une petite bibliographie sommaire à la fin de l'ouvrage.
Tous les textes de cette anthologies peuvent être trouvés autre part et sont, sauf erreur, du domaine public. On a simplement pensé qu'il pouvait être utile de les rassembler pour en faciliter la consultation. Quelques témoignages anglais ont été traduits de façon un peu résumée. Si quelque propriétaire droit de publication se sent lésé, qu'il veuille bien adresser ses remarques à l'adresse e-mail donnée en dernière page. On veillera à lui donner satisfaction. Bien entendu et sous réserve des droits d'autrui, tout ce qu'on trouvera ici peut être librement recopié.
L'ouvrage est en deux parties; la première rassemble des témoignages relativement brefs copiés de diverses sources ; la deuxième donne le texte de quelques livres que l'on peut trouver partout mais que le lecteur sera peut-être heureux de trouver sans devoir se livrer à des recherches. Trois sont des visions contemporaines de l'enfer; le livre de Mary Cathryn Baxter, celui de John Mc Cormack et la célèbre Lettre d'une damnée, éditée par Mgr Cristiani. Les autres textes sont; une copie de l'article « ENFER » de l'encyclopédie catholique; le traité de l'enfer de sainte Françoise Romaine, ainsi que deux textes sur le petit nombre des élus. Ces derniers textes peuvent être trouvés (ainsi qu'un certain nombre d'autres) sur le site; www.JesusMarie.com.
Mais pour commencer, afin d'éviter au lecteur de sombrer dans un pessimisme excessif, on a donné en introduction trois textes sur la miséricorde divine.
Certains des textes dus à des non catholiques rendent parfois un ton bizarre pour un catholique. On se souviendra alors que, alors que beaucoup des hiérarques de l’Église catholique et des communautés chrétiennes séparées ont perdu la foi dans le châtiment des fautes en enfer, il n'est pas étonnant que le Seigneur ait pris la résolution, de plus en plus souvent, d'intervenir par lui-même pour rappeler cette terrible vérité et sauver le plus de gens possible (il n'est pas nécessaire de croire en l'enfer pour y aller ; par contre, pour éviter d'y aller et connaître le Ciel, la foi est nécessaire), en s'exprimant d'une façon qui touche ceux à qui ils s'adresse, quel que soit le milieu dans lequel ils ont été élevés, et qui laisse évidemment des traces dans leur façon de relater ce qu'ils ont vécu.
Si l’autorité de l'Église condamnait ce qui est présenté ici, le responsable de cette compilation se soumettrait sans problème.
RÉCIT DE MGR DE SÉGUR
Est-on certain de la damnation de quelqu'un que l'on voit mal mourir? Non ; c'est le secret de Dieu seul.
Il y a des gens qui envoient tout le monde en enfer, comme il y en a d'autres qui envoient tout le monde au ciel. Les premiers s'imaginent être justes, et les seconds se croient charitables. Les uns et les autres se trompent ; et leur première erreur est de vouloir juger des choses qu'il n'est pas donné à l'homme de connaître ici-bas.
En voyant mal mourir quelqu'un, on doit trembler sans doute, et non point se dissimuler l'effrayante probabilité d'une réprobation éternelle. C'est ainsi qu'à Paris, il y a quelques années, une malheureuse mère, apprenant la mort de son fils dans d'affreuses circonstances, resta, deux jours durant, à genoux, se traînant de meuble en meuble, poussant des cris de désespoir, et répétant sans cesse; « Mon enfant! mon pauvre enfant!... dans le feu!... brûler, brûler éternellement! » C'était horrible à voir et à entendre.
Et néanmoins, quelque probable, quelque certaine que puisse paraître la perte éternelle de quelqu'un, il reste toujours, dans l'impénétrable mystère de ce qui se passe entre l'âme et Dieu au moment suprême, de quoi ne pas désespérer. Qui dira ce qui se passe au fond des âmes, même, chez les plus coupables, dans cet instant unique où le Dieu de bonté, qui a créé tous les hommes par amour, qui les a rachetés de son sang et qui veut le salut de tous, fait nécessairement, pour sauver chacun d'eux, son dernier effort de grâce et de miséricorde? Il faut si peu de temps à la volonté pour se retourner vers son Dieu!
Aussi l’Église ne tolère-t-elle point que l'on prononce comme certaine, la damnation de qui que ce soit. C'est, en effet, usurper la place de Dieu. Sauf Judas, et quelques autres encore, dont la réprobation est plus ou moins explicitement révélée par Dieu lui-même dans l’Écriture Sainte, la damnation de personne n'est absolument sûre.
Le Saint-Siège en a donné une preuve curieuse, il n'y a pas longtemps, à l'occasion du procès de béatification d'un grand serviteur de Dieu, le P. Palotta, qui a vécu et est mort à Rome dans les sentiments d'une admirable sainteté, sous le Pontificat de Grégoire XVI. Un jour, le saint prêtre accompagnait au dernier supplice un assassin de la pire espèce, qui refusait obstinément de se repentir, qui se moquait de Dieu, blasphémait et ricanait jusque sur l'échafaud. Le P. Palotta avait épuisé tous les moyens de conversion. Il était sur l'échafaud, à côté de ce misérable ; le visage baigné de larmes, il s'était jeté à ses genoux, le suppliant d'accepter le pardon de ses crimes, lui montrant l'abîme béant de l'enfer dans lequel il allait tomber; à tout cela, le monstre avait répondu par une insulte et par un dernier blasphème et sa tête venait de tomber sous le fatal couperet. Dans l'exaltation de sa foi, de sa douleur, de son indignation, et aussi pour que cet affreux scandale se changeât pour la foule des assistants en une leçon salutaire, le saint prêtre se releva, saisit par les cheveux la tête ensanglantée du supplicié, et la présentant à la multitude; « Tenez! s'écria-t-il d'une voix tonnante ; regardez-bien; voici la face d'un réprouvé! »
Ce mouvement de foi était certes bien concevable, et en un sens, il était très admirable. Il faillit cependant, dit-on, arrêter le procès de béatification du Vénérable P. Palotta ; tant l’Église est Mère de miséricorde, et tant elle espère, même contre l'espérance, dès qu'il s'agit du salut éternel d'une âme!
C'est là ce qui peut laisser quelque espérance et apporter quelque consolation aux véritables chrétiens, en présence de certaines morts effrayantes, subites et imprévues, ou même positivement mauvaises. A ne juger que l'apparence, ces pauvres âmes sont évidemment perdues; il y a tant d'années que ce vieillard vivait loin des sacrements, se moquait de la Religion, affichait l'incrédulité! Ce pauvre jeune homme, mort sans pouvoir se reconnaître, se conduisait si mal, et ses mœurs étaient si déplorables! Cet homme, cette femme, ont été surpris par la mort dans un si mauvais moment, et il parait si certain qu'ils n'ont pas eu le temps de rentrer en eux-mêmes! N'importe; nous ne devons pas, nous ne pouvons pas dire d'une manière absolue qu'ils sont damnés. Sans rien relâcher des droits de la sainteté et de la justice de Dieu, ne perdons jamais de vue ceux de sa miséricorde.
Je me rappelle à ce sujet un fait bien extraordinaire, et tout à la fois bien consolant. La source d'où je le tiens, est pour moi un sûr garant de sa parfaite authenticité.
Dans un des meilleurs couvents de Paris, vit encore aujourd'hui une religieuse, d'origine juive, aussi remarquable par ses hautes vertus que par son intelligence. Ses parents étaient israélites, et je ne sais comment, à l'âge d'environ vingt ans, elle se convertit et reçut le Baptême. Sa mère était une vraie juive ; elle prenait sa religion au sérieux, et pratiquait d'ailleurs toutes les vertus d'une bonne mère de famille. Elle aimait sa fille avec passion.
Lorsqu'elle apprit la conversion de sa fille, elle entra dans une fureur indescriptible ; à partir de ce jour, ce fut un déchaînement non interrompu de menaces et de ruses de tout genre pour ramener « l'apostate », comme elle l'appelait, à la religion de ses pères. De son côté, la jeune chrétienne, pleine de foi et de ferveur, priait sans cesse et faisait tout pour obtenir la la conversion de sa mère.
Voyant la stérilité absolue de ses efforts, et pensant qu'un grand sacrifice obtiendrait, plus que toutes les prières, la grâce qu'elle sollicitait, elle résolut de se donner tout entière à Jésus-Christ et de se faire religieuse ; ce qu'elle exécuta courageusement. Elle avait alors environ vingt-cinq ans. La malheureuse mère fut plus exaspérée que jamais et contre sa fille et contre la religion chrétienne ; ce qui ne faisait qu'augmenter l'ardeur de la nouvelle Religieuse, pour conquérir à Dieu une âme aussi chère.
Elle continua ainsi pendant vingt ans. Elle voyait sa mère de temps en temps ; l'affection maternelle était un peu revenue ; mais du moins en apparence, aucun progrès du côté de l'âme.
Un jour, la pauvre religieuse reçoit une lettre qui lui apprend que sa mère vient d'être enlevée par une mort subite. On l'avait trouvée morte dans son lit.
Décrire le désespoir de la religieuse serait chose impossible. A moitié folle de douleur, ne sachant plus ce qu'elle faisait ni ce qu'elle disait, elle court la lettre à la main, se jeter au pied du Saint-Sacrement ; et lorsque ses sanglots lui permettent de penser et de parler, elle dit, ou plutôt elle crie à Notre-Seigneur; « Mon Dieu! est-ce donc ainsi que vous avez eu égard à mes supplications, à mes larmes, à tout ce que je fais depuis vingt ans? » Et lui énumérant, pour ainsi dire, ses sacrifices de tout genre, elle ajoute, avec un déchirement inexprimable; « Et penser que malgré tout cela, ma mère, ma pauvre mère est damnée! »
Elle n'avait pas achevé, qu'une voix, sortie du Tabernacle, lui dit avec un accent sévère; « Qu'en sais-tu? » Épouvantée, la pauvre sœur reste interdite. « Sache, reprit la voix du Sauveur, sache, pour te confondre et tout à la fois pour te consoler, qu'à cause de toi, j'ai donné à ta mère, au moment suprême, une grâce si puissante de lumière et de repentir, que sa dernière parole a été; « Je me repens et je meurs dans la religion de ma fille ». Ta mère est sauvée. Elle est en Purgatoire. Ne te lasse point de prier pour elle ».
J'ai entendu raconter plus d'un fait analogue. Quelle que soit l'authenticité de chacun en particulier, ils témoignent tous d'une grande et douce vérité, à savoir qu'en ce monde la miséricorde de Dieu surabonde ; qu'au dernier moment, elle fait un effort suprême pour arracher les pécheurs à l'enfer ; et qu'enfin ceux-là seuls tombent entre les mains de l'éternelle justice, qui refusent jusqu'à la fin les avances de la miséricorde.
LE SAINT CURE D'ARS (1786-1859)
Une dame avait perdu son mari, homme irréligieux, qui avait fini sa vie par le suicide. Inconsolable sur son sort, qu'elle croyait être la damnation éternelle, elle fut amenée par hasard à Ars et chercha à rencontrer le saint Curé pour l'interroger sur le malheureux défunt. Elle réussit à l'approcher et, avant même qu'elle eût pu lui dire un mot, le saint lui murmura à l'oreille: Il est sauvé... Oui, il est sauvé, insista-t-il. La pauvre femme fit un geste de la tête qui voulait dire: Oh! ce n'est pas possible. Alors, d'un ton affirmatif encore: « Je vous dis qu'il est sauvé, qu'il est en purgatoire et qu'il faut prier pour lui... Entre le parapet du pont et l'eau il a eu le temps de faire un acte de repentir. C'est la très Sainte Vierge qui a obtenu sa grâce. Rappelez-vous le mois de Marie élevé dans votre chambre. Votre époux irréligieux ne s'y est point opposé; il s'est même parfois uni à votre prière... Cela lui a mérité un suprême pardon. »In Abbé Trochu, Le saint curé d'Ars, Paris, Lethielleux.
Saint Jean Marie Vianney, avait l'habitude de prêcher que le plus grand acte de charité envers le prochain était de sauver son âme de l'enfer. Et le second acte de charité est de soulager et de libérer les âmes des souffrances du Purgatoire. Un jour dans sa petite église (où jusqu'à ce jour on conserve son corps intact), un homme possédé du démon s'est approché de saint Jean Marie Vianney et lui dit: "Je te déteste, je te hais parce que tu as arraché de mes mains 85,000 âmes."
On dit aussi que saint François de Sales, d'après les statistiques, a converti, et probablement sauvé, plus de 75,000 hérétiques. (Source; abbé Marcel Nault, Canadien, 1927-1997, sermon à Fatima.)
SAINTE THÉRÈSE DE L'ENFANT JÉSUS ET PRANZINI
Dans son adolescence, sainte Thérèse de l'enfant Jésus ressentit le besoin de prier pour la conversion des pécheurs. Les journaux parlaient alors abondamment d'un condamné à mort, Henri Pranzini, qu'ils présentent comme un monstre, car il n'avait jamais exprimé le moindre regret de ses meurtres. L'exécution devait avoir lieu au cours de l'été 1887. Thérèse décida d'obtenir sa conversion. Elle fit pour cela des sacrifices et pria intensément. Confiante dans la miséricorde de Dieu, elle lui demanda un simple signe de conversion afin d'être encouragée dans ses prières. Lors de son exécution, Pranzini refusa de voir le prêtre mais, au dernier moment, il se retourna et embrassa la Croix avant de mourir. Le récit de la mort de Pranzini, qu'elle lut dans le journal de son père marqua Thérèse et conforta sa vocation. Elle poursuivit ses prières pour Pranzini et demanda que des messes soient célébrées pour celui qu'elle appelait « son premier enfant ». Elle était certaine que Dieu lui avait pardonné.
PREMIÈRE PARTIE. RÉVÉLATIONS ET APPARITIONS DE DAMNÉS
EXTRAITS DE MESSAGES À DES SAINTS CANONISÉS
(Traité de la Discrétion, Ch 36-41)
XXXVI.-Explication de cette parole de Jésus-Christ: « J’enverrai le Consolateur, qui convaincra le monde d’injustice et de faux jugements » (S. Jean, VI, 8).
1.- Il y a trois condamnations qui confondent le monde. La première fut portée quand le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres, et qu’ils le reçurent dans sa plénitude, fortifiés par ma puissance et illuminés par la sagesse de mon Fils bien-aimé. Alors le Saint-Esprit, qui est une même chose avec moi et avec mon Fils, accusa le monde par la bouche des disciples avec la doctrine de ma Vérité. Les disciples et ceux qui leur ont succédé, en suivant la vérité qu’ils en avaient reçue, accusèrent aussi le monde; et cette accusation est permanente. J’accuse le monde par le moyen de la sainte Écriture et de mes serviteurs, sur la langue desquels je mets l’Esprit Saint lorsqu’ils annoncent ma vérité, comme le démon se met sur la langue de ses serviteurs qui suivent les flots du monde. Mais cette accusation n’est qu’un doux reproche, inspiré par l’ardent amour que j’ai pour le salut des âmes.
2.- Personne ne peut dire: Je n’ai pas été enseigné et repris, car la vérité a fait discerner le vice et la vertu. J’ai révélé la récompense de la vertu et le châtiment du vice, pour inspirer de bons désirs et une crainte salutaire, pour faire aimer la vertu et détester le vice. La vérité n’a pas été enseignée par un ange, pour qu’on ne dise pas: Un ange est un esprit bienheureux qui ne peut pécher, et qui ne sent pas comme nous les attaques de la chair, et le fardeau du corps.
3.- Cette excuse n’est pas possible, car ma Vérité s’est revêtue d’une chair comme la vôtre. Et voyez ceux qui ont suivi mon Verbe, n’étaient-ils pas des hommes mortels et passibles comme vous? n’éprouvaient-ils pas des révoltes de la chair contre l’esprit? Mon héraut, le glorieux saint Paul, et tant d’autres saints, n’ont-ils pas eu à combattre ainsi d’une manière ou d’une autre?
4.- J’ai permis, et je permets ces passions, pour accroître la grâce et augmenter la vertu dans les âmes. Les saints sont nés sous la loi du péché comme vous; ils se sont nourris de la même nourriture, et je suis le même Dieu que j’étais alors. Ma puissance n’a pas faibli et ne peut faiblir; je puis et je veux assister ceux qui réclament mon assistance. L’homme veut que je l’assiste, quand il quitte le fleuve du monde et va sur le pont de ma Vérité en suivant ma doctrine.
5.- Il n’y a donc pas d’excuse, puisque l’homme est prévenu et que la vérité lui est continuellement montrée. S’il ne se corrige pas quand il est temps encore, il sera condamné au second jugement. Au moment de la mort, lorsque ma justice criera: « Levez-vous, morts; venez au jugement. Surgite, mortui, venite ad judicium », c’est-à-dire: Vous qui êtes morts à la grâce et qui allez mourir à la vie, levez-vous, et venez devant le Juge suprême avec vos injustices et vos faux jugements, avec cette lumière éteinte de la foi, qu’avait allumée.en vous le baptême, et qu’ont étouffée l’orgueil et les vanités, du cœur. Vous avez tendu votre voile à tous les vents contraires à votre salut; le souffle de la flatterie a enflé le voile de l’amour-propre et vous avez descendu le fleuve des délices et des honneurs du monde, en suivant volontairement les faiblesses de la chair et les tentations du démon. Le démon, aidé par votre volonté, vous a menés par sa route d’en bas dans les eaux courantes, qui vous ont entraînés avec lui dans la damnation éternelle.
XXXVII.- De la seconde condamnation, où l’homme est convaincu d’injustice et de faux jugements.
1.- Cette seconde condamnation a lieu, ma très chère fille, dans le moment suprême, où il n’y a plus de ressource. Quand paraît la mort, et que l’homme voit qu’il ne peut m’échapper, le ver de la conscience, engourdi par l’amour-propre, commence à se réveiller et à ronger l’âme, en la jugeant et en lui montrant l’abîme où elle va tomber par sa faute. Si l’âme alors avait assez de lumières pour connaître et pleurer sa faute, non pas à cause de la peine de l’enfer qui la menace, mais à cause de moi qu’elle a offensé, moi qui suis l’éternelle et souveraine bonté, l’âme trouverait encore miséricorde. Mais si elle passe cette limite de la mort sans ouvrir les yeux, sans espérer dans le sang de mon Fils, avec le seul remords de la conscience et le regret de son malheur, et non pas celui de mon offense, elle tombe dans la damnation éternelle.
2.- Alors elle est jugée rigoureusement par ma justice, et convaincue d’injustice et d’erreur: non seulement d’injustice et d’erreur générales parce qu’elle a suivi les-sentiers coupables du monde, mais d’injustice et d’erreur particulières, parce qu’à son dernier moment, elle aura jugé sa misère plus grande que ma miséricorde. C’est là le péché qui ne se pardonne ni en ce monde ni en l’autre. Elle a repoussé, méprisé ma miséricorde; et ce péché est plus grand que tous ceux qu’elle a commis. Le désespoir de Judas m’a plus offensé et a été plus pénible à mon Fils que sa trahison même. L’homme est surtout condamné pour avoir faussement jugé son péché plus grand que ma miséricorde; c’est pour cela qu’il est puni et torturé avec les démons éternellement.
3.- L’homme est convaincu d’injustice parce qu’il regrette plus son malheur que mon offense, car il est injuste en ne faisant pas ce qu’il me doit et ce qu’il se doit à lui-même. Il me doit l’amour et les larmes amères de son cœur pour l’injure qu’il m’a faite, et loin de me les offrir, il pleure, seulement par amour pour lui-même, la peine qu’il a méritée. Tu vois donc qu’il est coupable d’injustice et d’erreur, et qu’il est puni de l’une et de l’autre. Il a méprisé ma miséricorde, et ma justice le livre aux supplices avec ses sens et avec le démon, le cruel tyran dont il s’est rendu l’esclave par ces sens, qui devaient le servir, Ils seront tourmentés ensemble comme ils ont péché ensemble l’homme sera tourmenté par mes ministres, les démons, que ma justice a chargés de torturer ceux qui font le mal.
XXXVIII.- Des quatre principaux supplices des damnés, auxquels se rapportent tous les autres.
1.- Ma fille, ma langue ne pourra jamais dire ce que souffrent ces pauvres âmes. Il y a trois vices principaux l’amour-propre, l’estime de soi-même et l’orgueil, qui en découle, avec toutes ses injustices, ses cruautés, ses débauches et ses excès; il y a aussi dans l’enfer quatre supplices qui surpassent tous les autres: le damné est d’abord privé de ma vision, et cette peine est si grande, que, s’il était possible, il aimerait mieux souffrir le feu et les autres tourments, et me voir, qu’être exempt de toute souffrance et ne pas me voir.
2.- Cette peine en produit une seconde, qui est le ver de la conscience qui la ronge sans cesse. Le damné voit que, par sa faute, il s’est privé de ma vue et de la société des anges, et qu’il s’est rendu digne de la société et de la vue du démon.
3.- Cette vue du démon est la troisième peine, et cette peine double son malheur. Les saints trouvent leur bonheur éternel dans ma vision; ils y goûtent dans la joie la récompense des épreuves qu’ils ont supportées avec tant d’amour pour moi et tant de mépris pour eux-mêmes. Ces infortunés, au contraire, trouvent sans cesse leur supplice dans la vision du démon, parce qu’en le voyant ils se connaissent et comprennent ce qu’ils ont mérité par leurs fautes. Alors le ver de la conscience les ronge plus cruellement et les dévore comme un feu insatiable. Ce qui rend cette peine terrible, c’est qu’ils voient le démon dans sa réalité; et sa figure est si affreuse, que l’imagination de l’homme ne pourrait jamais le concevoir.
4.- Tu dois te rappeler que je te le montrai un seul instant au milieu des flammes, et que cet instant fut si pénible, que tu aurais préféré, en revenant à toi, marcher dans le feu jusqu’au jugement dernier plutôt que de le revoir; et cependant ce que tu en as vu ne peut te faire comprendre combien il est horrible, car la justice divine le montre bien plus horrible encore à l’âme qui est séparée de moi, et cette peine est proportionnée à la grandeur de sa faute.
5.- Le quatrième supplice de l’enfer est le feu. Ce feu brûle et ne consume pas, parce que l’âme, qui est incorporelle, ne peut être consumée par le feu comme la matière; ma justice veut que ce feu la brûle et la torture sans la détruire, et ce supplice est en rapport avec la diversité et la gravité de ses fautes.
6.- Ces quatre principaux tourments sont accompagnés de beaucoup d’autres, tels que le froid, le chaud et les grincements de dents. Voilà comment seront punis ceux qui, après avoir été convaincus d’injustice et d’erreur pendant, leur vie, ne se seront pas convertis et n’auront pas voulu, à l’heure de leur mort, espérer en moi et pleurer l’offense qu’ils m’avaient faite plus que la peine qu’ils avaient méritée.
XXXIX. - De la troisième condamnation, qui aura lieu au jour du jugement.
1.- Il me reste à te parler de la troisième condamnation, qui aura lieu au dernier jour du jugement. Je t’ai parlé des deux autres, mais tu verras mieux, en connaissant la troisième, à quel point l’homme se trompe. Le jugement général renouvellera et augmentera le supplice de cette pauvre âme par la réunion de son corps, qui lui causera une confusion, une honte insupportable. Lorsqu’au dernier jour, le Verbe, mon Fils, viendra dans ma majesté juger le monde avec sa justice divine, il n’apparaîtra pas dans sa faiblesse, comme quand il naquit dans le sein d’une vierge, dans une étable, parmi des animaux, et mourut entre deux voleurs.
2.- Alors je cachais ma puissance en lui; je le laissai souffrir et mourir comme homme, sans que la nature divine fût séparée de la nature humaine, afin qu’il pût satisfaire pour vous. Il ne viendra pas ainsi au dernier jour; il viendra juger dans toute sa puissance et sa personnalité; toute créature sera dans l’épouvante, et il rendra à chacun ce qui lui est dû.
3.- Les malheureux damnés éprouveront à son aspect un tel supplice, une si grande terreur, que des paroles ne pourraient jamais l’exprimer; les justes éprouveront une crainte respectueuse mêlée d’une grande joie, Le visage du juge ne changera pas, parce qu’il est immuable; selon la nature divine, il est une même chose avec moi; et selon la nature humaine, il est immuable encore, car il a revêtu la gloire de la résurrection. Mais le réprouvé ne le verra que d’un œil ténébreux et vicié. L’œil malade qui regarde la lumière du soleil n’y voit que ténèbres, tandis que l’œil sain en admire la splendeur. Ce n’est pas la faute du soleil, qui ne change pas plus pour l’aveugle que pour celui qui voit, mais c’est la faute de l’œil qui est malade. De même les damnés verront mon Fils dans les ténèbres, la confusion et la haine. Ce sera leur faute et non celle de la majesté divine avec laquelle il viendra juger le monde.
XL. - Les damnés ne peuvent vouloir ni désirer aucun bien.
1.- La haine des damnés est telle, qu’ils ne peuvent vouloir ni désirer aucun bien, mais ils blasphèment sans cesse contre moi. Pourquoi ne peuvent-ils désirer aucun bien? parce qu’avec la vie de l’homme finit l’usage de son libre arbitre; il a perdu le temps qu’il avait pour pouvoir mériter. Quand, par le péché mortel, on meurt dans la haine, la justice divine enchaîne pour toujours à la haine l’âme, qui reste éternellement obstinée dans le mal qu’elle a commis, se dévorant elle-même et augmentant sa peine des peines de ceux dont elle a causé la damnation.
2.- Le mauvais riche demandait en grâce que Lazare allât trouver ses frères qui étaient restés dans Je monde pour leur annoncer son supplice (S Luc, XVI, 27-28). Ce n’était pas par charité qu’il le faisait, ni par compassion pour ses frères, puisqu’il était privé de charité et qu’il ne pouvait. désirer rien d’utile à mon honneur et au salut des autres. Je t’ai dit que les damnés ne peuvent vouloir aucun bien à leur prochain, et qu’ils me blasphèment, parce que leur vie a fini dans la haine de Dieu et de la vertu.
3.- Pourquoi la demande du mauvais riche? Il la faisait parce qu’il avait été le plus grand parmi ses frères et qu’il leur avait fait partager les iniquités de sa vie. Il était ainsi cause de leur damnation, et il craignait de voir augmenter sa peine, leurs tourments devant s’ajouter aux siens; car ceux qui meurent dans la haine se dévorent éternellement entre eux dans la haine.
María de Ágreda, ou Marie d'Agréda est une religieuse et une mystique espagnole.Née à Agréda en Vieille-Castille, dans une famille de quatre enfants, elle entra dans l'ordre de l'Immaculée-conception le 13 janvier 1619 avec sa mère et sa sœur, alors que son père et ses frères entrèrent dans les frères du Saint-Sacrement.
À partir de 1620, elle a vécu une série de visions extatiques du Saint-Esprit, de la passion du Christ, de la Pentecôte, de l'Enfant-Jésus et de la Reine des anges. Elle tombait en ravissement devant le Saint-Sacrement et semblait avoir un don de lévitation. Elle dut toutefois subir des assauts occultes.
Choisie comme abbesse en 1627, elle a reçu des apparitions de la Sainte Vierge la même année, qui l'a chargée de la mission d'écrire l'histoire de sa vie. Son œuvre principale est "La Cité mystique". Décédée en 1665, sa cause en béatification fut introduite en 1671 et elle fut déclarée vénérable huit années plus tard.
Marie d’Agréda dans une de ses visions a reçu du ciel des révélations sur les démons. Ces révélations ont la caractéristique de raconter les réunions tenues dans l'enfer par les démons.
Paroles d'un démon
"Quoique nous connaissions ces vérités, et que nous les confessions ici avec terreur entre nous, il ne faut pas pourtant le faire devant les hommes; et c'est ce que je vous prescris, afin qu'ils ne puissent pas connaître notre ignorance, non plus que notre faiblesse. (…)"
Judas
1249. Les démons s'emparèrent de l'âme de Judas et la menèrent dans l'enfer; quant à son corps, il resta pendu, et ses entrailles crevèrent et se répandirent: éclatante punition de la trahison de cet infâme disciple, dont furent vivement frappés tous ceux qui en furent témoins.
Le corps demeura trois jours attaché à l'arbre. Pendant ce temps-là les Juifs entreprirent de l'ôter de cette potence et de l'enterrer secrètement, parce que ce spectacle causait une grande confusion aux prêtres et aux pharisiens, qui ne pouvaient point récuser ce témoignage de leur méchanceté; mais en dépit de leurs efforts, ils ne purent parvenir à détacher le cadavre, jusqu'à ce que, les trois jours écoulés, les démons eux-mêmes l'ôtèrent de l'arbre par la permission de la justice divine, et l'emportèrent pour le réunir à son âme, afin que le malheureux Judas reçût dès lors et à jamais au fond des abîmes éternels, en corps et en rime, le châtiment dû à son péché.
Et comme ce qui m'a été révélé des justes supplices infligés au perfide disciple est un digne sujet de terreur et d'étonnement, je le dirai avec les détails dans lesquels il m'a été prescrit d'entrer.
Entre les gouffres obscurs qui se trouvent dans les abîmes de l'enfer, il y en avait un fort grand, où les tourments étaient beaucoup plus rigoureux que dans les autres, et oit il n'y avait aucun damné, parce que les démons n'avaient encore. pu y précipiter aucune âme, malgré tous les efforts qu'ils avaient faits depuis Caïn jusqu'à ce jour-là. Tout l'enfer s'étonnait de cette impossibilité dont il ignorait le secret, jusqu'à ce qu'y fût arrivée l'âme de Judas; car les démons purent facilement la précipiter dans cet effroyable gouffre, auparavant inhabité.
La raison en était que dès la création du monde ce lien, ou toutes les peines étaient redoublées, fut destiné pour les mauvais chrétiens qui, après avoir reçu le baptême, se damneraient pour n'avoir pas profité des sacrements, de la doctrine, de la passion et de la mort du Rédempteur, et de l'intercession de sa très-sainte Mère.
Et comme Judas fut le premier qui participa avec tant d'abondance à ces bienfaits pour son salut, s'il eût voulu s'en servir, et qui les méprisa avec tant d'obstination, il fut aussi le premier qui entra dans ce lieu épouvantable et qui éprouva les tourments réservés pour lui et pour tous ceux qui l'imiteront.
1250. II m'a été expressément enjoint d'écrire ce mystère pour l'instruction de tous les chrétiens, et surtout des prêtres, des prélats et des religieux, qui fréquentent et reçoivent plus souvent le sacré corps et le précieux sang de notre Seigneur Jésus-Christ, et qui, par les obligations de leur état, sont plus étroitement attachés à son service.
Que ne puis-je, afin de n'essuyer moi-même aucun reproche, trouver des paroles et des raisons assez fortes pour en donner une juste idée et réveiller une trop commune insensibilité Je voudrais que cet exemple nous profitât à tous, et qu'il nous apprît à craindre la punition qui attend tous les mauvais chrétiens, chacun selon son état.
Les démons tourmentèrent Judas avec une cruauté inconcevable, pour se venger de ce qu'il avait persisté dans la résolution de vendre son divin Maître, par la passion et par la mort duquel ils devaient être vaincus et privés de l'empire du monde. Ils en connurent une nouvelle rage contre notre Sauveur et contre la très-sainte Mère, et ils l'exercent, autant qu'il leur est permis, sur tous ceux qui imitent le traître disciple, et qui méprisent comme lui la doctrine évangélique, les sacrements de la loi de grâce et le fruit de la rédemption.
Il est bien juste que ces esprits des ténèbres fassent ressentir toute leur fureur aux membres du corps mystique de l'Église qui, loin de s'être unis à leur chef Jésus-Christ, s'en sont volontairement séparés, et ont mieux aimé se livrer à eux, qui l'abhorrent et le maudissent avec un orgueil et une haine implacable, et qui, comme instruments de la justice divine, punissent impitoyablement les ingratitudes que ceux qui ont été rachetés commettent contre leur Rédempteur. Que les enfants de la sainte Église fassent de sérieuses réflexions sur cette vérité; car s'ils la méditent souvent, il n'est pas possible qu'ils n'en soient vivement touchés, et qu'ils ne se résolvent d'éviter un malheur si déplorable.
1451. Lucifer et ses ministres d'iniquité étaient fort attentifs à tout ce qui arrivait dans le cours de la passion, tour achever de s'assurer si notre Seigneur Jésus-Christ était le Messie et le Rédempteur du monde. Car parfois les miracles le leur persuadaient, et parfois les actions et les défaillances de la nature humaine que notre Sauveur avait acceptées pour nous, leur faisaient croire le contraire; mais où les doutes du dragon augmentèrent davantage, ce fut dans le jardin, où il sentit la force de ces mots que prononça le Seigneur: C'est moi au même instant, les démons tombèrent à la renverse, comme les soldats en la présence de Jésus-Christ. Il y avait fort peu de temps qu'ils étaient sortis de l'enfer, après avoir été chassés du cénacle. C'était la bienheureuse Marie qui, comme je l'ai rapporté, les avait chasses de ce lieu sacré et précipités dans l'abîme, et de tout ce qui se passait Lucifer conclut avec ses satellites qu'il devait y avoir quelque chose de tout à fait extraordinaire dans cette. force du Fils et de la Mère, à laquelle ils n'avaient jamais rien rencontré de semblable. Lorsqu'il lai fut permis de se relever dans le jardin, il s'adressa à ses compagnons, et leur dit: « Il n'est pas possible que ce pouvoir vienne d'un simple mortel; sans doute celai-ci est Dieu et homme tout ensemble. S'il meurt, selon notre projet, il opérera par sa mort la rédemption et satisfera à la justice de Dieu; et du coup notre empire est détruit, et toutes nos prétentions sont frustrées. Nous avons mal calculé en machinant sa perte.
Que si maintenant nous ne pouvons plus empêcher sa mort, voyons jusqu'où ira sa patience, et faisons en sorte que ses ennemis le traitent avec la cruauté la plus atroce. Irritons-les contre lui, excitons-les par nos suggestions impies à le couvrir de mille opprobres et des outrages les plus sanglants; qu'ils s'ingénient à inventer les nouveaux tourments auxquels ils pourront livrer sa personne, pour provoquer sa colère, et observons les effets que produiront en lui toutes ces choses.
Les démons firent tous les essais qu'ils avaient concertés, mais avec un succès bien différent, comme le prouve l'histoire de la passion, à cause des mystérieux desseins du Très-Haut, dont j'ai déjà parlé et dont je parlerai encore. Ils poussèrent les bourreaux à outrager notre Seigneur Jésus-Christ par des vilenies plus odieuses que celles dont, en fait, ils se rendirent coupables sur sa personne divine; mais il ne permit point qui ils lui fissent d'autres outrages que ceux qu'il voulait bien subir, et qu'il était convenable qu'il subit, leur laissant déployer en ceux-ci toute leur fureur. »
Un autre secret
303. Je veux, ma fille, vous découvrir un autre secret. Vous savez que mon Fils et mon Seigneur dit dans l'Évangile que les anges se réjouissent dans le ciel lorsqu'un pécheur fait pénitence et entre dans le chemin de la vie éternelle par le moyen de sa justification. Il en est de même, sous un autre rapport, lorsque les justes font des œuvres de véritable vertu, qui leur méritent de nouveaux degrés de gloire.
Or, ce qui se passe dans le ciel à la conversion des pécheurs et à raison de l'accroissement des mérites des justes, se reproduit en sens inverse chez les démons et dans l'enfer, lorsque les justes pèchent ou que les pécheurs commettent de nouvelles fautes. Car les hommes n'en commettent aucune, quelque légère qu'elle soit, que les démons n'en aient une satisfaction particulière.
C'est pourquoi ceux qui les tentent en donnent aussitôt avis à ceux qui sont dans les prisons éternelles, afin qu ils s'en réjouissent et qu'ils connaissent ces nouveaux péchés qu ils enregistrent dans leur mémoire, pour en accuser les coupables devant le juste juge, afin qu'ils sachent par là qu'ils ont une plus grande juridiction sur les malheureux pécheurs qu'ils ont réduits sous leur empire, plus ou moins, selon l'énormité des péchés qu'ils ont commis; telle est la haine qu'ils ont contre les hommes et la trahison qu'ils leur font, lorsqu'ils les trompent par quelque plaisir passager et apparent.
ais le Très-Haut, qui est juste en toutes ses œuvres, a aussi ordonné, comme en punition de cette méchanceté, que la conversion des pécheurs et les bonnes œuvres des justes causassent aussi un tourment particulier à ces ennemis, qui, dans leur extrême malice, se réjouissent de la perte des hommes.
304. Cet ordre de la divine Providence tourmente fort tous les démons; car non-seulement ce châtiment les confond et les accable dans la haine mortelle qu'ils ont contre les hommes, mais, en outre, par les victoires que les saints et les pécheurs convertis remportent sur eux, le Seigneur leur ôte une grande partie des forces que leur ont données et que leur donnent ceux qui se laissent séduire par leurs mensonges, et qui pèchent contre leur Dieu véritable.
Dans ces occasions, les démons font peser sur les damnés le nouveau tourment qu'ils subissent; et comme il y a dans le ciel une nouvelle joie pour toutes les bonne œuvres et pour la pénitence des pécheurs, il y a aussi dans l'enfer, lorsque les démons entrent en fureur, une nouvelle confusion, un nouveau désespoir, qui cause de nouvelles peines accidentelles à tous les habitants de ce séjour d'horreur. C'est de cette manière que le ciel et l'enfer prennent une part égale, mais par des effets si contraires, à la conversion et à la justification du pécheur.
Lorsque les âmes sont justifiées par le moyen des sacrements, spécialement par la confession faite avec une véritable douleur, il arrive maintes fois que, les démons n'osent plus, pendant quelque temps, paraître devant le pénitent, et perdent même, pour des heures entières, la hardiesse de le regarder, si lui-même ne leur rend des forces par ses ingratitudes envers Dieu, et en s'exposant de nouveau aux occasions du péché; car dans ce cas les démons s'affranchissent de la crainte que leur ont causée la véritable pénitence et la justification.
305. La tristesse et la douleur sont bannies du ciel; mais, si elles n'y étaient pas impossibles, rien au monde n'affligerait les bienheureux autant que de voir celui qui a été justifié retomber dans le péché et perdre de nouveau la grâce, et le pécheur s'en éloigner de plus en plus et se mettre comme dans l'impossibilité de la recouvrer. La malice du péché est telle, que naturellement il serait capable de contrister le ciel, comme la vertu et la pénitence tourmentent réellement l'enfer.
Or considérez, ma très-chère fille, dans quelle ignorance dangereuse de ces vérités vivent communément les mortels, privant le ciel de la joie qu'il recevrait de la justification de leur âme; Dieu, de la gloire extérieure qui lui en résulterait; et l'enfer, du châtiment qui est infligé aux démons, parce qu'ils se réjouissent de la chute et de la perte des hommes.
Je veux, ma fille, que vous tâchiez, comme une servante fidèle et prudente, de profiter des lumières dont vous êtes favorisée, pour réparer ces maux. Vous devez aussi vous approcher toujours du sacrement de la pénitence avec ferveur, avec respect et avec une intime douleur de vos péchés; car ce remède cause une grande terreur au dragon, qui fait tous ses efforts pour tromper les âmes et les porter par ses artifices à recevoir ce sacrement avec tiédeur, par coutume, sans douleur et sans les dispositions requises. Et le démon fait ces efforts, non-seulement afin de perdre les âmes, mais encore afin d'éviter le tourment qu'il ressent à la vue d'un vrai pénitent dûment justifié, qui l'accable et le confond dans la malignité de son orgueil.
306. Je vous avertis encore, ma bien-aimée, que, quoique ce soit une vérité infaillible que ces dragons infernaux soient les auteurs et les maîtres du mensonge, qu'ils traitent avec les hommes dans l'intention de les tromper en tout, et qu'ils prétendent toujours, par un redoublement de malice, leur transmettre l'esprit d'erreur par lequel ils les perdent; néanmoins, lorsque ces ennemis, dans leurs conciliabules, délibèrent ensemble et discutent entre eux les résolutions perfides qu'ils prennent pour tromper les mortels, alors ils traitent de quelques vérités qu'ils connaissent et qu'ils ne peuvent nier; car ils les comprennent toutes, et s'ils les communiquent aux hommes, ce n'est pas pour les leur enseigner, mais pour les jeter dans les ténèbres, en les leur proposant mêlées avec des erreurs et des faussetés dont ils se servent pour assurer le succès de leurs desseins impies.
Et comme vous avez révélé dans ce chapitre et dans toute cette histoire les secrets de tant de conciliabules et de complots de la malice de ces esprits malfaisants, ils sont fort irrités contre vous, parce qu'ils s'imaginaient que ces secrets n'arriveraient jamais à la connaissance des hommes, et qu'ils ne seraient point informés non plus de ce qu'ils machinent contre eux dans leurs assemblées.
C'est pour cette raison qu'ils déploieront toute leur fureur pour se venger de vous; mais le Très-Haut vous assistera si vous l'invoquez, et si vous trichez vous-même de briser la tète du dragon. Demandez aussi au Seigneur que, par sa divine clémence, ces avis et ces instructions que je vous donne servent à détromper les mortels, et priez-le de leur communiquer sa divine lumière, afin qu'ils profitent de ce bienfait. Soyez vous-même la première à y correspondre de votre côté avec toute la fidélité possible, comme celle qui est la plus obligée entre tous les enfants de ce siècle; car, comme vous recevez davantage, votre ingratitude serait plus horrible et le triomphe des démons; vos ennemis, serait plus grand, si, connaissant leur méchanceté, vous ne faisiez tous vos efforts pour les vaincre avec la protection du Très-Haut et avec l'assistance de ses anges.
Conciliabule en enfer
1424. La chute que Lucifer et ses démons firent des hauteurs du Calvaire jusqu'au fond de l'abîme fut plus violente que quand ils furent précipités du ciel. Et quoique ce triste lieu soit toujours une terre ténébreuse, couverte des ombres de la mort, pleine d'horreur, de misère et de tourments, comme le dit le saint homme Job, il y régna en ce moment un désordre plus affreux encore: car les damnés furent saisis d'une nouvelle épouvante, et eurent à souffrir une peine supplémentaire, à cause de la violence avec laquelle les démons se jetèrent sur eux en tombant, et des excès de rage auxquels ils se livrèrent.
Il est bien vrai qu'ils n'ont pas le pouvoir dans l'enfer de tourmenter les âmes selon leur volonté, et de les mettre dans des lieux où les peines sont plus ou moins grandes, attendu que cela est réglé par la puissance de la justice divine, suivant le degré de démérite de chacun des réprouvés, qui ne sont tourmentés que dans cette mesure. Mais, outre la peine essentielle, le juste Juge ordonne qu'ils puissent successivement souffrir, en certaines circonstances, d'autres peines accidentelles; parce que leurs péchés ont laissé des racines dans le monde, et plusieurs mauvais exemples qui contribuent à la perte, d'un grand nombre de personnes, et c'est le nouvel effet de leurs péchés qu'ils n'ont point réparés, qui leur cause ces peines.
Les démons firent subir à Judas de nouveaux supplices pour avoir vendu Jésus-Christ, et pour lui avoir procuré la mort. Et ils surent alors que le lieu si horrible où ils l'avaient mis, et que j'ai déjà dépeint, était destiné pour la punition de ceux qui, ayant reçu la foi, se damneraient faute de bonnes œuvres, et de ceux qui mépriseraient délibérément le culte de cette vertu, et le fruit de la rédemption. C'est, contre cette classe de réprouvés que les démons tournent toute leur colère; tâchant d'exercer sur eux la haine qu'ils ont conçue contre Jésus et Marie.
1425. Aussitôt que Lucifer eut reçu la permission de s'occuper de ses nouveaux desseins, et put sortir de l'abattement dans lequel il resta quelque temps plongé, il entreprit de communiquer aux démons la nouvelle rage qu'il avait contré le Seigneur. C'est pourquoi il les assembla tous, et s'étant placé sur un lieu éminent, il leur dit:
« Vous n'ignorez pas, vous autres qui avez depuis tant de siècles embrassé mon juste parti, et qui y demeurerez fidèles pour venger mes injures, vous n'ignorez pas, dis-je, celle que je viens de recevoir de ce nouvel Homme-Dieu; vous savez qu'il m'a tenu dans une étrange perplexité durant trente-trois ans, me cachant son être divin et les opérations de son âme, et qu'il a triomphé de nous par la mort même que nous lui avons procurée pour nous en défaire.
Je l'ai abhorré avant même qu'il prit la chair humaine, et j'ai refusé de le reconnaître comme plus digne que moi de recevoir les adorations de tous en qualité de souverain Seigneur. Et quoique j'aie été précipité du ciel avec vous à cause de cette résistance, et revêtu de cette difformité si indigne de ma grandeur et de ma beauté primitive, ce qui me tourmente plus que ma déchéance, c'est de me voir si opprimé par cet homme et par sa Mère. Je les ai cherchés avec une activité infatigable dès que le premier homme fut créé, pour les détruire ou pour anéantir du moins toutes leurs œuvres et empêcher que personne ne le reconnût pour son Dieu, et ne profitât des exemples du Fils et de la Mère. J'ai fait tous mes efforts pour y réussir, mais ç'a été en vain, puisqu'il m'a vaincu par son humilité et par sa pauvreté, qu'il m'a renversé par sa patience, et qu'il m'a enfin privé par sa Passion et par sa mort ignominieuse de l'empire que j'exerçais sur le monde. Cela me tourmente tellement, que si je pouvais l'arracher de la droite de son Père où il va s'asseoir triomphant, et l'entraîner ensuite, avec tous ceux qu'il a rachetés, dans les abîmes où nous sommes, je n'en serais pas encore satisfait, et ma fureur ne serait pas encore apaisée.
1426.« Est-il possible que la nature humaine, si inférieure à la mienne, doive être autant élevée au-dessus de toutes les créatures! Qu'elle soit si aimée et si favorisée de son Créateur, qu'il l'ait unie à lui-même en la personne du Verbe éternel! Qu'elle m'ait persécuté avant même cette union, et qu'après elle m'ait défait et confondu à ce point!
Je l'ai toujours regardée comme ma plus cruelle ennemie; elle m'a toujours été odieuse. O hommes si favorisés du Dieu que j'abhorre, et si aimés de son ardente charité, comment empêcherai-je votre bonheur? Comment vous rendrai-je aussi malheureux que moi, puisque je ne puis anéantir l'être que vous avez reçu? Que ferons-nous maintenant, ô mes sujets? Comment rétablirons-nous notre empire?
Comment recouvrerons-nous nos forces pour attaquer l'homme? Comment pourrons-nous désormais le vaincre? Car dorénavant, à moins que les mortels ne soient tout à fait insensibles et ingrats, à moins qu'ils ne soient plus endurcis que nous à l'égard de cet Homme-Dieu qui les a rachetés avec tant d'amour, il est certain qu'ils le suivront tous à l'envi; ils lui donneront leur cœur et embrasseront sa douce loi; personne ne voudra prêter l'oreille à nos mensonges; ils fuiront les vains honneurs que nous leur promettons, et rechercheront les mépris; ils s'attacheront à mortifier leur chair, et connaîtront le danger qui se trouve dans les plaisirs; ils abandonneront les richesses pour embrasser la pauvreté, qui a été si honorée de leur Maître, et ils dédaigneront tout ce que nous pourrons offrir à leurs sens, pour imiter leur véritable Rédempteur.
Ainsi notre royaume sera détruit puisque personne ne viendra demeurer avec nous dans ce lieu de confusion et de supplices; ils acquerront tous le bonheur que nous avons perdu; ils s'humilieront et souffriront avec patience; rien ne restera à ma fureur et à mon orgueil.
1427. O malheureux que je suis, quels tourments me cause ma propre erreur! Si j'ai tenté cet homme dans le désert, cela n'a servi qu'à lui faire remporter sur moi une insigne victoire, et laisser un exemple très-efficace aux hommes pour me vaincre. Si je l'ai persécuté, il n'en a que mieux fait éclater son humilité et sa patience.
Si j'ai persuadé à Judas de le vendre, et aux Juifs de le crucifier avec tant de cruauté, ce n'a été que pour avancer ma ruine et le salut des hommes, et que pour établir dans le monde cette doctrine que je voulais détruire.
Comment Celui qui était Dieu a-t-il pu s'humilier de la sorte?
Comment a-t-il tant souffert de la part d'hommes si méchants?
Comment ai-je moi-même tant travaillé à rendre la rédemption des hommes si abondante, si admirable et si divine, qu'elle me tourmente horriblement, et me réduit à une telle impuissance?
Comment cette femme, qui est sa Mère et mon ennemie, est-elle si forte et si invincible? Ce pouvoir est extraordinaire chez une simple créature; sans doute elle le reçoit du Verbe éternel, à qui elle a donné la chair humaine. Le Tout-Puissant m'a toujours fait une guerre à outrance par le moyen de cette femme, que mon ambition m'a fait détester dès le premier moment où son image me fut représentée. Mais si je ne parviens point à assouvir ma haine et à satisfaire mon orgueil, je n'en persisterai pas moins à combattre perpétuellement ce Rédempteur, sa Mère et les hommes.
Eh bien donc, compagnons, voici le moment de nous livrer à notre haine contre Dieu. Approchez-vous pour conférer avec moi sur les moyens dont nous nous servirons, car je souhaite connaître votre opinion sur cette affaire.
1428. Quelques-uns des principaux démons répondirent à cette horrible proposition de Lucifer, et l'encouragèrent en lui communiquant divers desseins qu'ils avaient couvés pour empêcher le fruit de la rédemption dans les hommes. Ils convinrent tous qu'il n'était pas possible de s'attaquer à la personne de Jésus-Christ, ni de diminuer le prix infini de ses mérites, ni de détruire l'efficace de ses sacrements, ni de changer la doctrine qu'il avait prêchée; mais qu'il fallait néanmoins, en tenant compte des nouveaux moyens et des nouvelles faveurs que Dieu avait ménagés pour le salut des hommes, inventer de nouveaux artifices pour les empêcher d'en faire leur profit, et essayer de les séduire par de plus grandes tentations.
A cet effet, plusieurs démons des plus rusés dirent: « Il est vrai que les hommes ont maintenant une nouvelle doctrine et une loi fort puissante; qu'ils ont de nouveaux sacrements, qui sont efficaces, un nouvel exemplaire, qui est le Maître des vertus, et une éloquente Avocate en cette femme extraordinaire; mais les inclinations et les passions de leur chair et de leur nature sont toujours les mêmes, et les choses délectables et sensibles n'ont point été changées.
Ainsi, en redoublant de malice, nous détruirons, autant qu'il dépend de nous, ce que ce Dieu homme a opéré pour eux, et nous leur ferons une vigoureuse guerre, car nous tâcherons de les attirer à nous par nos suggestions et d'exciter leurs passions, afin qu'ils se laissent entraîner à leur impétuosité sans considérer leurs suites funestes; nous savons tous que la capacité humaine est si bornée, qu'étant occupée à un objet, elle ne peut être attentive à ce qui lui est opposé. »
1429. Après cette délibération, les démons se partagèrent en plusieurs bandes, suivant les différents vices, et se départirent les offices qu'ils devaient exercer pour tenter les hommes avec toute l'astuce possible. Ils décidèrent qu'ils devaient s'efforcer dé maintenir l'idolâtrie dans le monde, afin que les hommes n'arrivassent point à la connaissance du vrai Dieu et de la rédemption du genre humain. Et que si l'idolâtrie disparaissait ils feraient naître de nouvelles sectes et des hérésies, en choisissant à cet effet les hommes les plus pervers et les plus corrompus, qui seraient les premiers à les embrasser et à les enseigner.
C'est dans ce conciliabule infernal que furent inventées la secte de Mahomet, les hérésies d'Arius, de Pélage, de Nestorius, et toutes celles qui se sont produites dans le monde depuis la primitive Église jusqu'à nos jours, entre plusieurs autres qu'ils y forgèrent et qu'il n'est ni nécessaire ni convenable de rapporter ici. Lucifer approuva ce système diabolique parce qu'il était contraire à la vérité divine, et sapait le fondement du salut des hommes, qui consiste en la foi. Et il félicita, caressa et plaça près de lui les démons qui l'avaient imaginé, et s'étaient chargés de chercher les impies propres à introduire ces erreurs.
1430. D'autres démons promirent pour leur compte de pervertir les inclinations des petits enfants en les observant dès leur berceau; d'autres encore, de rendre les parents négligents dans l'éducation de leurs enfants, soit par aversion, soit par une tendresse excessive, et d'inspirer aux enfants de l'antipathie pour leurs parents.
Il y en eut qui s'offrirent à semer la division entre les personnes mariées, et à leur faciliter l'adultère et le mépris de leurs obligations réciproques et de la fidélité qu'elles se doivent.
Tous contractèrent l'engagement de propager parmi les hommes les querelles, la haine, la discorde et la vengeance; de les y exciter parles jugements téméraires, par l'orgueil, par la sensualité, par l'avarice et par l'ambition; de combattre par des arguments captieux toutes les vertus que Jésus-Christ avait enseignées, et surtout de détourner les mortels du souvenir de sa Passion et de sa mort, et du bienfait de la rédemption, de la pensée des supplices de l'enfer et de leur éternité. Par tolus ces moyens les démons se flattèrent que les hommes s'attacheraient exclusivement aux choses sensibles, et ne se mettraient pas fort en peine des choses spirituelles et de leur propre salut.
1431. Lucifer ayant ouï ces projets et plusieurs autres que les démons avaient formés, leur dit:
« Je suis fort content de vos avis, je les admets et les approuve tous, et je ne doute pas que nous n'obtenions un succès facile sur ceux qui n'embrasseront point la loi que ce Rédempteur adonnée aux hommes. Mais ce sera une affaire grave que d'attaquer ceux qui la recevront. Néanmoins je prétends employer toute ma rage contre cette loi, et persécuter cruellement ceux qui la suivront; à ceux-là nous devons faire une guerre acharnée jusqu'à la fin du monde. Je vais tâcher de semer mon ivraie dans cette nouvelle Église, c'est-à-dire l'ambition, l'avarice, la sensualité, les haines mortelles et tous les vices dont je suis la source.
Car si les péchés se multiplient une fois parmi les fidèles, ils irriteront Dieu par leur malice et par leur grossière ingratitude, et l'obligeront à leur refuser avec justice les secours de la grâce si abondants que leur Rédempteur leur a mérités; et s'ils s'en privent par leurs iniquités, nous sommes sûrs de remporter sur eux de grandes victoires.
Il faut aussi que nous travaillions à leur ôter la piété et le goût de tout ce qui est spirituel et divin, de sorte qu'ils ne comprennent point la vertu des sacrements, ou qu'ils les reçoivent sans s'être purifiés de leurs péchés, ou du moins sans dévotion; car, comme ces bienfaits sont spirituels, il est indispensable de les recevoir avec ferveur pour en augmenter le fruit. Et si les mortels méprisent leur remède, ils recouvreront bien tard leur sauté et résisteront moins à nos tentations; ils ne découvriront point nos mensonges, ils oublieront les faveurs célestes, méconnaîtront la mémoire de leur Rédempteur et dédaigneront l'intercession de sa Mère; cette noire ingratitude les rendra indignes de la grâce, et leur Dieu et leur Sauveur sera trop irrité pour la leur accorder. Je veux que tous vous secondiez mon entreprise et que vous y apportiez tous vos soins, sans perdre ni temps ni occasion d'exécuter ce que je vous commande. »
1432. Il n'est pas possible d'exposer les résolutions que Lucifer et ses ministres prirent dans cette occasion contre la sainte Église et ses enfants, pour tâcher, d'absorber ces eaux du Jourdain. Il nous suffira de dire que cette conférence dura presque une année entière après la mort de Jésus-Christ, et de considérer dans quel état se trouvait anciennement le monde, et celui dans lequel il se trouve depuis cette précieuse mort, et depuis que le Seigneur a manifesté la vérité de la foi par tant de miracles, par tant de bienfaits, et par les exemples de tant de saints personnages.
Et si tout cela ne suffit pas pour ramener les mortels dans le chemin du salut, on peut comprendre l'étendue du pouvoir que Lucifer s'est acquis sur eux et l'acharnement de la haine qu'il leur a vouée, haine telle, que nous pouvons dire avec saint Jean: « Malheur à la terre, car Satan descend vers vous, plein de fureur et de rage. »
Mais, hélas! faut-il que des vérités aussi infaillibles et aussi importantes que celles-là, et si propres à nous faire connaître notre danger et à nous le faire éviter par tous les moyens possibles, soient aujourd'hui si éloignées du souvenir des mortels qui né remarquent pas, les. pertes irréparables que cet oubli cause dans le monde!
Nôtre ennemi est rusé, cruel et vigilant, et nous restons cependant les bras croisés! Doit-on s'étonner que Lucifer soit devenu si puissant dans le monde, quand tant de gens l'écoutent, l'accueillent et croient à ses mensonges, et que très-peu lui résistent, parce qu'ils ne songent pas à la mort éternelle que cet implacable ennemi leur procure avec tant de malice? Je prie ceux qui liront ceci de ne point mépriser un danger si effroyable.
Et si la situation du monde et ses malheurs, si les expériences funestes que chacun fait en soi-même ne sont pas capables de nous éclairer sur l'imminence du péril, apprenons au moins à le connaître par la grandeur des secours que notre adorable Sauveur nous a laissés dans son Église; car il ne nous aurait pas donné tant de remèdes si l'extrême gravité de notre maladie ne nous eût exposés aux pins terribles chances d'une mort éternelle.