Ascension au pic de Néthou - Adolphe Mony - E-Book

Ascension au pic de Néthou E-Book

Adolphe Mony

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Extrait : "La Maladetta est le mont Blanc des Pyrénées. Comme le roi des Alpes, comme toutes les grandeurs qui se respectent, la reine des montagnes espagnoles s'éloigne de la foule des hauteurs secondaires et se dresse à l'écart dans une solitaire majesté. Le groupe des monts Maudits, dont la Maladette est le sommet principal, forme une demi-lune, dont la convexité regarde l'Espagne et s'avance vers le midi, manière à dominer à la fois la Catalogne et l'Aragon."

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• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Seitenzahl: 71

Veröffentlichungsjahr: 2016

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À MON AMI

LE Dr PIERRE-PAUL DEHÉRAIN.

I

La Maladetta est le mont Blanc des Pyrénées. Comme le roi des Alpes, comme toutes les grandeurs qui se respectent, la reine des montagnes espagnoles s’éloigne de la foule des hauteurs secondaires et se dresse à l’écart dans une solitaire majesté.

Le groupe des monts Maudits, dont la Maladette est le sommet principal, forme une demi-lune, dont la convexité regarde l’Espagne et s’avance vers le midi, de manière à dominer à la fois la Catalogne et l’Aragon. Il se compose, de l’est à l’ouest, des pics de Poméro, de Pouys (Forcanade), de las Moulieras, de Salenques, du Néthou, du double sommet de la Maladette, du pic d’Albe et de la Pique Blanche. Reliés, à l’est, aux montagnes du sud par le port de Viella, les monts Maudits s’élèvent insensiblement du goueil de Jouéou au pic de Salenques, atteignent leur point culminant au sommet du Néthou, remontent avec les glaciers de la Maladette, s’abaissent brusquement avec le pic d’Albe et se précipitent tout à coup, par les pentes rapides de la Pique Blanche, au fond du val de l’Esséra.

Cette gorge, profonde et désolée, court du nord à l’ouest et de l’ouest au sud, embrasse les deux tiers du pied des monts Maudits et les sépare de la chaîne espagnole qui, s’arrêtant brusquement, jette en face de la Maladetta les pics de Sacrous et de la Glère, les pointes de Sauvegarde et de la Mine ; puis, se contournant au pas de l’Escalette, lance vers le nord cette chaîne secondaire qui se termine à Baccanera.

La vallée de la Glère au nord, la vallée de l’Esséra au midi, voilà les deux estuaires qui, s’ouvrant sur les plaines de la Gascogne et de l’Aragon, forment le port immense où la France et l’Espagne se donneront la main, quand un rail, jeté sur les rochers de Vénasque, aura franchi la seule barrière qui sépare encore les deux nations.

Le baromètre et les mesures trigonométriques assignent à l’extrême sommet de la Maladetta une hauteur de 3 404 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les flancs de la montagne se partagent en deux grands versants : le méridional ou espagnol, coupé à pic, hérissé de pointes, sauvage, désolé, terrible, est sillonné par deux arêtes principales, qui descendent, l’une de la Maladette et l’autre du Néthou ; il verse à la Catalogne et à l’Aragon les eaux rares de quelques torrents. Le versant septentrional, qui regarde la France par-dessus les rochers de la Glère, se compose, en dernière analyse, de deux immenses glaciers, celui de la Maladette et celui du Néthou, séparés par la crête du Petit Portillon, arête vive qui, partant de la cime de la Maladette, descend rapidement, se relève à la pointe Malahita, retombe et se perd en se bifurquant à l’extrémité du val de l’Esséra, c’est-à-dire au trou de Toro. Ce trou est un gouffre où les eaux du Néthou disparaissent brusquement, pour parcourir 4 kilomètres sous les mystérieuses profondeurs de la montagne et reparaître dans la vallée de la Garonne, au goueil de Jouéou. De même, les eaux de la Maladette, précipitées à la Rencluse dans le gouffre de Tourinon, vont ressortir au pied de l’hospice de Vénasque et se mêler aux eaux de l’Esséra.

L’histoire des tentatives faites pour gravir le double sommet de la Maladette et le pic de Néthou n’est ni très longue, ni très ancienne.

Plusieurs savants, et entre autres MM. Charpentier et Cordier, ne purent achever l’ascension de la Maladetta.

Le 11 août 1824, deux ingénieurs de l’École des mines, conduits par le guide Barrau, quittèrent à cinq heures du matin le plan des étangs où ils avaient couché ; arrivés à la moraine du glacier à huit heures, aux deux tiers de la hauteur, ils sont arrêtés par une crevasse ; Barrau sonde, croit reconnaître la direction de la crevasse, et, sans prendre la précaution de s’attacher par une corde à ses compagnons, il s’élance… – La neige cède sous ses pieds, il enfonce et disparaît sans qu’il soit possible de le sauver. Désespérés, seuls sur ces pentes inconnues, les deux jeunes gens coururent mille dangers avant de regagner la Rencluse.

Cette tentative malheureuse arrêta les plus hardis jusqu’en 1842. À cette époque, le 18 juillet, un Français, M. de Franqueville, et un officier russe, M. de Tchihatcheff, partirent sous la conduite de quatre guides : Pierre Sanio, de Luz ; Jean Argaro, Pierre Redonnet et Bernard Ursule, de Bagnères-de-Luchon. Comme Barrau, ils attaquèrent la montagne par le côté septentrional ; mais, au-dessus de la Rencluse, ils inclinèrent à l’ouest, passèrent au pied du pic d’Albe, au-dessus du lac, puis le long du lac de Grégorio jusqu’au port de Malibierne ; c’est là que, sortis de la région des neiges, ils passèrent leur deuxième nuit. Après avoir franchi le plateau du lac Coroné, ils atteignirent le glacier, qu’ils franchirent en deux heures à l’aide de crampons ; mais une échancrure de la crête de la Maladette les arrête, comme elle avait arrêté MM. Charpentier et Cordier ; un nuage épais les environne, des rafales terribles les obligent à se cramponner aux pointes du roc… – Enfin ils atteignent le côté méridional de l’arête et la base même du pic de Néthou ; là, embarrassés, ils délibèrent. Les guides essayent de gravir le rocher et redescendent, désespérant de parvenir par cette voie ; ils se décident alors à s’engager sur le glacier, après s’être attachés les uns aux autres par des cordes ; au bout du glacier, une dernière aiguille se dresse devant eux ; ils la gravissent rapidement, mais ils s’arrêtent stupéfaits devant le chemin qui leur reste à parcourir : c’est le Pont de Mahomet ; ils avouent qu’ils hésitèrent, mais ils étaient trop près du but pour reculer ; ils attaquent l’arête et ils sont bientôt sur l’extrême sommet du pic.

Ils avaient réussi. Mais on voit, et si l’on lisait le récit original, on verrait encore mieux au prix de quelles fatigues et de quels dangers ils avaient, suivant l’énergique expression des montagnards, violé la cime vierge du Néthou.

Bientôt ils se demandèrent s’ils n’avaient pas fait fausse route en décrivant une longue spirale autour de la montagne. Le chemin direct, par le versant septentrional, avait causé la mort du premier qui l’avait tenté, mais ce fait ne tranchait pas la question ; Barrau avait été victime d’une imprudence, et si sa mort indiquait un danger dans un point du chemin, elle ne prouvait pas que ce chemin fût d’ailleurs impraticable ; on le choisit donc pour la seconde ascension. MM. de Franqueville et de Tchihatcheff, réunis à M. Auguste Laurent, professeur de chimie à Bordeaux, tentèrent d’escalader le glacier par cette voie ; ils réussirent au-delà de leurs prévisions, et ce succès, rapidement connu, fixa désormais la route que devaient choisir leurs imitateurs.

II

Quand on veut faire l’ascension du pic de Néthou, le premier soin et le plus important est de choisir de bons guides. Sur les cinquante-deux guides officiels que Luchon possède, cinq ou six tout au plus connaissent les hauts sommets. La prudence exigerait deux guides par personne ; cependant aujourd’hui chaque touriste n’en prend qu’un. On n’a pas eu jusqu’ici d’accident sérieux à déplorer ; mais je ne conseillerais cette conduite à personne.

Décidé à monter au pic, je communiquai mon projet à Abadie, un grand diable aux trois quarts Espagnol, qui m’avait déjà conduit au pas de l’Escalette, et qui parut très disposé à m’accompagner sur le Néthou. Mais nous attendions en vain la formation d’une de ces bandes de touristes qui se réunissent de temps en temps pour faire l’ascension. C’est alors que, par un de ces heureux hasards si fréquents aux eaux, je retrouvai à Luchon MM. Lange et Victor Vincent, qui, résolus à l’entreprise, cherchaient comme moi des compagnons de fortune ; en attendant, ils avaient choisi leurs guides ; c’étaient Argaro, le fils de celui qui accompagna M. de Franqueville ; et Barrau, un neveu de celui qui succomba en 1824 ; tous deux intelligents, vigoureux et éprouvés.

Notre rencontre décida le voyage ; on fixa le départ au surlendemain.